Mary Jane
Londres 1880 . Une tragédie qui met en scène la courte et triste vie de Mary Jane Kelly
1872 - 1899 : de la IIIe république à la fin du XIXe siècle Ere Victorienne Jack l'Eventreur Les grandes affaires criminelles Les prix lecteurs BDTheque 2020 Londres Nouveau Futuropolis One-shots, le best-of
Quatrième de couverture: C'est l'histoire d'une femme. C'est l'histoire d'une tragédie annoncée. Elle s'appelle Mary Jane Kelly, mais qu'importe ? Comme toutes les autres femmes, sa vie vaut moins que celle d'un chien. Veuve à dix-neuf ans, elle fuit le Pays de Galles pour rejoindre Londres l'opulente, qui promet à tous travail et félicité. Elle n'y trouvera que l'enfer en dégringolant, une mauvaise marche après l'autre, l'effroyable escalier où l'entrainent les diables de rencontre tapis dans l'ombre des ruelles. C'est l'histoire d'une femme qui se bat, dans un monde où, pour les femmes le combat était perdu d'avance...
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Date de parution | 19 Février 2020 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Elle comprend que tous les hommes, d'une manière ou d'une autre, sont toujours prêts à payer. - Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre, dont la première édition date de 2020. le scénario a été écrit par Frank le Gall, les dessins et les couleurs réalisés par Damien Cuvillier. Elle comporte soixante-dix-huit pages de bande dessinée. Il se termine avec un texte de trois pages, rédigé par le Gall, et illustré par ses travaux graphiques préparatoires. Un homme effectue une déposition ou un témoignage : Joseph Barnett, porteur au marché aux poissons de Billingsgate. À ce qu'elle lui a dit, elle était née à Limerick en 63. Et puis sa famille a émigré au pays de Galles, elle lui a dit. Elle disait que, là-bas, elle avait été mariée à un certain Davies. Il travaillait à la mine, et puis ça n'a pas duré. Il n'y a rien qui durait, avec elle. Il évoque sa compagne Mary Jane. En 1882, celle-ci sort de sa petite ferme en courant, en tenant un mouchoir rouge à la main. Elle traverse son petit jardin puis un champ, en passant par la barrière. Au loin, s'élève une colonne de fumée noire. Elle passe le portillon, le mouchoir s'accroche au montant, elle le laisse et continue de courir. Elle arrive près du puits de la mine : c'est de là que provient la fumée. Les autres femmes accourent également, alors que les hommes s'affairent à remonter les blessés et les morts, du puits. Ils sont en train de sortir un cheval aux yeux bandés, par le monte-charge à poulie. Un homme en tenue de mineur, le visage noir, arrête Mary Jane : c'est inutile, Davies est mort. Elle entraperçoit les corps étendus sur le sol un peu plus loin. Les autres femmes plus âgées, se demandent ce que va devenir Mary Jane en étant veuve à dix-neuf ans. Elle sait qu'elle doit fuir. le lendemain, Miss Gruff du bureau de bienfaisance toque à sa porte, accompagnée d'un solide gaillard et d'un policier. Elle vient pour l'emmener à L'union Workhouse. Ils ouvrent la porte de la chaumière : Mary Jane est déjà partie. Elle a emporté ses maigres affaires dans une simple valise. Elle voyage à pied sur des chemins de terre, se protégeant comme elle peut de la pluie, du froid, dormant sous les ponts, emmitouflée dans un châle. La nuit, le même cauchemar revient : une terrible explosion d'une clarté aveuglante, et son mari qui hurle son prénom. Elle se réveille en sursaut, puis se rendort tant bien que mal. le lendemain, elle poursuit son chemin, s'arrête au bord d'un petit cours d'eau pour faire une toilette sommaire. Sa valise tombe dans la rivière qui l'emporte, sans qu'elle ne puisse la récupérer. Elle continue à marcher à travers bois, jusqu'à arriver dans une grande prairie vallonnée. Elle entend des cris : Pillards ! Assassins ! Bande de voleurs ! Gibiers de potence ! On vous retrouvera et on vous pendra tous ! Des paysans hurlent en contrebas, alors qu'une troupe de romanis passent rapidement devant elle. Black John la saisit par l'épaule et lui intime de venir avec eux. Elle reprend la route avec eux. Plus tard, les enfants étant fatigués, ils font une halte. Elle demande à Black John si ce sont des romanis. La date, l'image de couverture, le texte de quatrième de couverture donnent des indications quant au fait que cette Mary Jane est passé à la postérité de bien sinistre manière. C'est l'histoire d'une tragédie annoncée. Quoi qu'il en soit, cette tragédie atroce n'occupe que les dix dernières pages de la bande dessinée, le reste étant consacré à la vie de cette femme, de sa dix-neuvième année, à sa mort à vingt-quatre ans. le scénariste n'est pas le premier à s'intéresser à sa vie, Patricia Cornwell, autrice d'un livre sur le sujet, l'a également évoquée avec un point de vue très marqué. le scénariste a choisi cette femme emblématique pour développer sa vie avant son meurtre immonde, la vie d'une jeune veuve de la campagne, montant à Londres dans l'espoir de trouver un travail, une source de revenus, de quoi vivre. Parmi les personnes témoignant, assis, cadrés en plan taille, face au lecteur, un jeune homme pose deux questions : Si tout le monde, si toute la société vous considérait comme un coupable, est-ce que vous ne seriez pas prêt à tuer ? Et si cette même société vous considérait comme une victime, ne seriez-vous pas déjà morte ? Cet ouvrage évoque donc la condition féminine dans la décennie 1880 au Royaume Uni. La vie de Mary Jane est racontée de telle manière, que le lecteur n'y voit pas un destin tout tracé vers une boucherie fatale, mais bien le parcours de vie d'une jeune femme comme il y a dû y en avoir de nombreuses autres. La première page peut décontenancer avec le témoignage de Joseph Barnett sur fond noir, fixant l'année de naissance de Mary Jane, ainsi que sa région d'origine, et portant un jugement de valeur que le lecteur perçoit comme étant négatif : il n'y avait rien qui durait avec elle. le dispositif visuel d'un cadrage en plan taille sur fond noir évoque une déposition, mais sans qu'il ne soit précisé, ni pour Barnett, ni pour les suivants, si elle se déroule au commissariat ou au tribunal. Puis une case de la largeur de la page en occupe le bas, avec juste des bottes et un bas de jupe d'une femme courant sur l'herbe. Suivent quatre pages sans texte, si ce n'est la mention Un mouchoir rouge, montrant Mary Jane courant puis le monte-charge au-dessus de la mine. L'artiste utilise un trait encré pour détourer les formes, un noir légèrement atténué par les couleurs ce qui fait qu'il ne ressort pas comme étant le premier plan. le reste des cases est réalisé à l'aquarelle, en couleur directe. le tout forme de petits tableaux très agréables à l’œil. La fuite de Mary Jane dans la campagne fournit l'occasion de superbes paysages : les chemins de terre gorgés d'eau, la rivière paisible au bord d'un bosquet d'arbres, la grande prairie vallonnée, le tronc noir des arbres dans la nuit, le magnifique feuillage d'un arbre au milieu d'une grande prairie. Puis en page vingt-neuf, le lecteur découvre une illustration en pleine page : un dégradé de noir plein en partie supérieure, pour se transformer en un entrelacs de noir et blanc en bas de page, comme si le noir faisait ressortir la granulosité du papier. le récit passe alors à Londres dans une lumière chiche, faisant ressortir la lumière blafarde et grisâtre, ternie dans les quartiers pauvres. le lecteur peut tourner la tête pour observer la fumée noire des cheminées, le teint maladif des enfants et des mères dans la rue, les pavés poisseux, les petits boulots, la foule anonyme dépourvue d'empathie. Page quarante-sept, un autre dessin en pleine page, la façade d'un immeuble avec une belle lumière, et une rue large et dégagée. Cette impression d'endroit à l'abri disparaît dès la page suivante, avec une chambre aux fenêtres occultées, à la pénombre inquiétante. Page cinquante-neuf, un troisième dessin en pleine page : le ciel très sombre, presque noir au-dessus de Montmartre avec une neige clairsemée, comme autant de taches venant maculer la silhouette des bâtiments. le retour à la lumière du soleil dans St. James apporte une respiration mais elle s'avère de courte durée. Le lecteur voit que l'artiste a pris le soin de se documenter pour réaliser une reconstitution historique consistante : les échoppes, les petits métiers, les tenues vestimentaires, l'aménagement des pubs des quartiers populaires, les lumières des grandes artères commerçantes, la mine, les gourbis des quartiers miséreux de Londres. Il croque des personnages de manière réaliste et parlante quant à leur âge, leur situation sociale, leur métier plus ou moins légal. Il conçoit des plans de prise de vue qui donnent à voir les décors et les occupations des personnages pendant les scènes de dialogue, avec des postures parlantes quant à leur état d'esprit du moment, par exemple la détresse de Mary Jane qui ne sait pas à qui s'adresser à Londres qui ne comprend pas que Peter White est en train de la manipuler. Il parvient à ne pas en faire un objet du désir. Lorsqu'elle se réveille nue dans la maison de passe, le lecteur la voit comme une victime avec qui il a déjà développé un lien affectif, d'autant plus vulnérable qu'il sait ce qui va advenir. Page cinquante-quatre, il montre les passes, dans une grille de quatre cases par quatre cases. Il n'y a rien d'érotique ou pornographique : la chair est triste. le texte est laconique et terre à terre : Et jour après jour, c'est la longue suite, la suite sans fin des hommes, des employés, des gommeux, des clergymen, des commis voyageurs, des vieux qui sentent, des gras qui suent, des timides, des violents. Ils ont tous en commun d'être repoussants. Heureusement, il y a le gin. Le scénariste a donc décidé de montrer une autre facette des crimes sordides d'un tueur en série, peut-être le premier à avoir été identifié comme tel. Il fait de Mary Jane, une jeune femme attachante, essayant de trouver une nouvelle place dans la société, après le décès de son époux dans un accident de travail. La remarque d'un témoin revient à l'esprit du lecteur : si cette même société vous considérait comme une victime, ne seriez-vous pas déjà morte ? le récit met en lumière un mode de fonctionnement systémique : une société qui exploite les faibles sans une once d'humanité. L'enchaînement des événements est inéluctable pour Mary Jane. le lecteur se demande à plusieurs reprises quelle aurait été l'alternative pour elle. L'auteur en évoque une ou deux, vraisemblablement pires, en tout cas pas meilleures, sans aucun espoir d'épanouissement personnel, dans une perspective d'exploitation tout aussi destructrice que la voie choisie par défaut par Mary Jane. Les hommes profitent de cette prostitution intégrée au fonctionnement de cette société, et Mary Jane est exploitée par une femme, une mère maquerelle, et surveillée par une autre femme, une duègne qui est rémunérée pour. La fin de sa vie est une déchéance de plus, le symbole qu'il est toujours possible de tomber plus bas. La conclusion revient à la séquence d'ouverture, montrant la vie de Mary Jane entièrement définie par sa condition d'épouse, tout en montrant que le sort de son époux participe de la même exploitation sans respect de la personne humaine. Les auteurs racontent la vie adulte d'une jeune femme ayant perdu son mari dans un accident. Ils ont choisi une femme dont l'Histoire a retenu le nom du fait de son assassinat atroce. Pour autant, à part la conclusion, il s'agit du récit de la vie d'une jeune femme issue de la classe populaire, confrontée à une société qui réserve un sort de victime aux femmes de sa condition, quel que soit le choix de vie qu'elles puissent faire. Un récit poignant à la narration sans dramatisation excessive, et pourtant implacable.
Décidément, cette maison d'éditions publie de bien beaux ouvrages. Ayant emprunté sans avoir lu les précédents avis, je ne savais pas à quoi m'attendre. J'ai donc eu la chance (si je puis dire) d'être surpris par la fin, et j'espère que certains lecteurs feront la même erreur. Cette histoire est à peine liée à celle de Jack l'Eventreur tellement Mary Jane occupe tout le récit. Malgré tout, il est certain que le destin et la menace se trouvent en couleur de fond sur tout le récit. C'est un récit sombre, où l'on découvre la misère des femmes perdues, dans un Londres de la fin du XIXè siècle. Je ne peux que saluer le dessinateur pour avoir su nous y faire plonger. Quant au scénario, il apparaît simple, les péripéties s'enchaînent, mais les dialogues ont quelque chose de profonds et où, finalement, on a l'impression que ce "bas monde" s'accorde à penser malheureusement la même chose. Il faut se battre pour survivre, chacun à sa manière. C'est un bel hommage pour Mary Jane. L'approche scénaristique m'apparaît comme un croche-patte à la facilité glauque qu'ont les auteurs à fantasmer sur la vie de Jack l'Eventreur plutôt qu'à raconter celle de ses victimes, qui ont elles aussi une histoire, comme tout le monde. La mise en scène des interrogatoires, que l'on retrouvent sur toute l'histoire, est très intéressante et apporte beaucoup de puissance à l'épilogue. Un récit très poignant qui ne laisse pas indifférent
Deux lectures plus ou moins récentes m’avaient remis en tête le contexte. Les Arcanes de la Maison Fleury (version hot de la prostitution dans le Londres du dernier quart du XIXème siècle), mais surtout From Hell, dans lequel Moore disséquait l’affaire de Jack l’éventreur. Mary Jane y faisait donc son apparition, mais elle n’était pas le cœur du sujet. Ici, la perspective est inversée, et les auteurs se sont attachés à cette femme, la cueillant au faîte du bonheur conjugal, pour la lâcher fanée aux mains de l’éventreur (qui n’est pas du tout ici le sujet, et n’est là que pour mettre un point final – obscur et désincarné – à cette vie misérable). Entre les deux, une lente déchéance, un combat perdu d’avance pour une femme pauvre qui débarque dans le Londres de cette époque. En fait, Mary Jane pourrait n’être qu’un nom générique, symbolisant toutes les vies englouties dans les bas-fonds londoniens. Mais en tout cas la narration est bien menée (avec l’image du foulard rouge qui fait le lien entre les différents moments de cette vie). Que l’on sache au départ qui était Mary Jane, ou que l’on ignore son destin final, on devine très rapidement que la fin sera glauque, car aucune échappatoire n’est disponible pour elle, la fraicheur, la naïveté étant moins efficace que l’alcool et le renoncement à la dignité pour résister le plus longtemps possible à la cruelle volonté du destin. Et je dois dire que le dessin de Cuvillier est vraiment excellent. Très bon, très beau, y compris pour représenter la mocheté de la vie, il est pour beaucoup dans la réussite de cet album, dans lequel nous voyons une petite flamme vaciller, pour finir par s’éteindre et laisser l’obscurité envahir les décors.
La terrible "photo" d'une époque. Mary Jane Kelly est la dernière victime de Jack l'éventreur. Mais peut-on définir une victime à son tueur ? Ici c'est un projet qui trottait dans la tête de son auteur Frank Le Gall depuis 20 ans (voire 30 ans), il s'en est fallu de peu pour que cette œuvre meure dans l’œuf. Un changement d'éditeur, un "mariage arrangé" avec un dessinateur talentueux, Damien Cuvillier, dont les aquarelles font mouche, et voilà, cet album sort enfin, triste image d'une période sombre où les femmes comptaient peu si elles étaient d'extraction modeste. Je vous recommande sa lecture.
Je rejoins l'avis de Ro. Rien à dire contre le dessin qui est le style réaliste que j'adore. C'est dynamique, vivant et agréable à regarder. J'adore surtout les couleurs. Bref, le genre de dessin qui ne me fait pas regretter que Frank Le Gall ne soit que scénariste. Malheureusement, ce n'est pas son meilleur scénario. Cela commence plutôt bien, mais très vite je trouvais que l'enchainement des mésaventures de Mary Jane était trop convenu et stéréotypé. Je comprends que son destin était commun pour les femmes de sa catégorie, mais tout s'enchaine trop rapidement pour que je trouve cela crédible ou passionnant. Et comme le tout est rempli de trucs déjà vus, j'ai eu l'impression que Le Gall avait écrit son récit en respectant un cahier de charges. Vous avez déjà lu ou vu la vie d'une femme dont la pauvreté va la forcer à se prostituer ? Et ben vous allez deviner une bonne partie de l'intrigue. Les seules parties intéressantes sont les témoignages de témoins. Je n'ai pas réussi à trouver Mary Jane attachante, tout le long de l'album il y a eu une distance émotionnelle entre ce personnage et moi. Les intentions de Le Gall étaient de montrer pour une fois que les victimes de Jack l'Éventreur avaient une vie avant leurs morts atroces. L'intention est louable, mais le résultat est moyen.
Comme l'évoque le texte explicatif offert par Frank Le Gall en fin d'album, Mary Jane ne se veut pas du tout focalisé sur Jack L'Eventreur et ses meurtres, même si l'héroïne en question est bien la fameuse Mary Jane Kelly, dernière victime supposée de l'assassin. C'est avant tout l'histoire d'une femme dans l'Angleterre Victorienne, d'une miséreuse qui a essayé de s'en sortir puis simplement de vivre. La véritable biographie de Mary Jane Kelly est assez floue et faite de beaucoup de suppositions mais je vois que l'auteur a su respecter les grandes lignes de cette dernière et broder son histoire autour. Nous y suivons donc une jeune femme issue du Pays de Galles, devenue veuve à 19 ans et qui se retrouve sur les routes car sans moyen de subsister. Son chemin va l'amener jusqu'à Londres où elle deviendra prostituée et fera de ce métier sa vie durant les quelques années qui vont la séparer de son meurtre. Mais l'objectif de Frank Le Gall est précisément de ne pas résumer sa vie à la prostitution mais bien de montrer qu'elle était une femme avec ses particularités, ses qualités, ses défauts, un passé, etc... pas juste un nom, un métier et un statut de victime parmi d'autres. Quand j'ai découvert l'album, j'ai un peu tiqué à l'idée que Le Gall n'y soit qu'au scénario et pas au dessin alors qu'il excelle dans ce domaine. Il y a une explication à cela et elle est donnée dans le texte de fin d'album. Mais en réalité, on n'y perd pas du tout au change car, même si son style est très différent, le dessin de Damien Cuvillier est excellent ! Son trait est réaliste, très détaillé et soigné, et soutenu par de belles couleurs directes à l'aquarelle. C'est une belle plongée graphique dans l'Angleterre du 19e siècle qu'il nous offre, d'abord celle des campagnes puis celle de la ville de Londres. Le scénario m'a moins enthousiasmé que je l'espérais. J'ai bien aimé sa première partie, avec la découverte de cette communauté de miséreux marchant vers un avenir qu'ils espèrent meilleur et vivant de rapines en attendant. J'ai été un peu moins enthousiasmé par l'arrivée à Londres et la façon stéréotypée dont Mary Jane se fait embobiner comme on le voit dans tant de récits d'un immigré arrivant dans un lieu nouveau avec forcément l'escroc local qui va lui tomber dessus dès ses premiers pas. Puis ensuite, j'ai trouvé assez abrupte sa transformation de la petite fille timide de province en une prostituée sans état d'âme, et surtout sa très rapide addiction à l'alcool. D'un personnage en retrait et à la limite de l'agacement du fait de son côté mijaurée, elle en devient un autre très différent auquel j'ai bien du mal à m'attacher. Certes, le récit laisse à penser qu'elle n'a eu guère d'autre choix pour s'en sortir mais le peu d'empathie que je ressens pour elle m'empêche d'apprécier pour de bon son histoire. Pourtant j'apprécie le réalisme et la bonne tenue du récit. La mise en scène est bien réalisée, avec cette insertion des points de vue de différents témoins accentuant peu à peu la pression vers l'issue fatale, qui ne sera jamais vraiment montrée d'ailleurs puisque seule compte la vie de Mary Jane, et pas sa mort. Mais je n'ai pas ressenti cette touche d'émotion qui j'aurais dû sentir, en fin d'album, quand justement on revient sur son passé et sur le symbole de son mouchoir rouge.
Mes aïeux ! Quelle BD ! Encore une fois Futuropolis fait très fort avec ce one shot de Messieurs Le Gall et Cuvillier. Pourtant cette histoire n'est pas originale puisqu'elle s'attache à la vie de la dernière victime du tristement célèbre Jack l'éventreur, sujet largement abordé par une foultitude d'auteurs. Ce qui est hautement intéressant dans ce récit c'est qu'il s'attache essentiellement à mettre à l'honneur la vie des victimes du bourreau, ce n'est donc pas une énième théorie sur la personnalité du tueur. Par ce biais le scénario s'attache plus à la condition féminine de l'époque dans le plus grand empire de l'époque (sur lequel le soleil ne se couchait jamais). À l'heure de l'industrialisation à marche forcée de l'Angleterre victorienne les laissés-pour-compte étaient nombreux et ce n'est pas un hasard si cette histoire possède des accents que l'on retrouve chez un auteur comme C. Dickens. Alors quelques grincheux trouveront sans doute que le récit n'est pas d'une grande originalité, que la narration propose quelques ellipses mal venues, pour ma part je n'ai pas boudé mon plaisir, me faisant embarquer pour ce voyage au bout de l'enfer. A moins d'être le plus insensible qui soit comment ne pas être touché par le destin de Mary Jane ? Que dire du dessin si ce n'est qu'il est superbe sur Londres et ses bas-fonds, le tout magnifié par une mise en couleur aquarellée où l'ocre domine, les personnages possèdent de vraies gueules, le tout dans un style réaliste. Du vrai grand art. Alors j'insiste cette histoire a déjà été racontée, c'est triste, poignant, horrible, mais ici un je-ne-sais-quoi lui donne ce petit supplément d'âme qui fait que j'en fais mon coup de cœur du moment évidemment.
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