Seules à Berlin

Note: 3.9/5
(3.9/5 pour 10 avis)

Nicolas Juncker fait ici le portrait d’une très belle amitié, mais aussi celui d’une ville où tout est à reconstruire, à l’aube de la Guerre froide et des nouveaux bouleversements que va connaître l’Allemagne…


1939 - 1945 : La Seconde Guerre Mondiale Allemagne Casterman Les prix lecteurs BDTheque 2020 Nazisme et Seconde Guerre Mondiale, vus par les Allemands One-shots, le best-of

Berlin, avril 1945. Ingrid est allemande et sort de plusieurs années d’enfer sous le régime nazi. Evgeniya est russe et vient d’arriver à Berlin avec l’armée soviétique pour authentifier les restes d’Hitler. La première est épuisée, apeurée par les « barbares » qu’elle voit débarquer chez elle, tandis que la seconde, débordante de vie et de sollicitude, est intriguée par cette femme avec qui elle doit cohabiter. Mais chacune tient un journal intime, ce qui permet au lecteur de suivre peu à peu la naissance d’une amitié en apparence impossible…

Scénario
Dessin
Couleurs
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 11 Mars 2020
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Seules à Berlin © Casterman 2020
Les notes
Note: 3.9/5
(3.9/5 pour 10 avis)
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04/06/2020 | Mac Arthur
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L'avatar du posteur bamiléké

C'est une belle surprise que j'ai eu en dévorant cette série de Nicolas Juncker. Sa fiction basée sur deux sources qui ont vécu les événements traite avec tact et doigté une thématique longtemps taboue. En effet les viols indénombrables dont sont victimes les femmes en temps de guerre a rencontré un déni partagé par toutes les armées modernes. Comme le montre le récit, les autorités se sont souvent cachées derrière un règlement impossible à faire respecter. L'auteur nous plonge dans l'enfer de la prise de Berlin par l'Armée Rouge. Enfer partagé par les deux camps d'ailleurs car si les civils allemands avaient une survie de rats comme le montre la BD, les soldats russes eurent à se battre contre les derniers ados fanatisés du régime et a essuyé de nombreuses pertes de tirs "amis". Cette tension et les souvenirs des monstruosités allemandes de 41 et 42 expliquent le sort peu enviable des femmes prises dans cet enfer. La force de la narration est d'éviter tout manichéisme. Ingrid porte une part de culpabilité avec ses sympathies pour les SS et Evguenia appartient à un Corps, le NKVD, qui ne compte plus ses injustices meurtrières. C'est au milieu de ce contexte que Juncker fait grandir un germe d'humanité qui donne espoir en un futur paisible. Futur encore utopique qui passe par les femmes bien proches des souffrances des combats et toujours éloignées des honneurs de la représentation du héros guerrier. Le graphisme est un peu surprenant au début de la lecture mais au fil des planches, le dessin nous immerge de plus en plus dans ce gris poussiéreux des combats et du quotidien des uns et des autres. Seule notre sympathique traductrice russe présente quelques rondeurs naïves et enfantines sur lesquelles on peut reprendre son souffle. Une très belle lecture pleine de dignité.

10/07/2024 (modifier)
Par Ro
Note: 3/5
L'avatar du posteur Ro

J'aime la façon qu'a Nicolas Juncker d'aller fouiller des moments historiques bien précis, mal connus du grand public et pourtant particulièrement édifiants. Il m'avait déjà épaté avec Malet dans ce domaine. Ici il nous emmène à Berlin dans les jours qui ont précédé puis suivi l'arrivée des Russes à la toute fin de la guerre. Et tandis que nous assistons aux combines politiques minables du NKVD au service d'un Staline distant mais absurdement omniprésent, nous sommes aussi témoins des horreurs et de l'absurdité là encore de ce que subissent en parallèle les civils allemands et en particulier les femmes dont bien rares sont celles qui échapperont aux viols par les soldats russes. Pour ce faire, l'auteur choisit deux excellentes héroïnes : d'une part une femme-soldat au service du NKVD mais à l'esprit bien plus humain et ouvert que ses supérieurs, et de l'autre une bourgeoise allemande, femme de SS mais sans intérêt pour la politique, que les cruels évènements ont rendu amère et haineuse. Deux femmes que tout oppose mais qui se rapprochent par la force des choses et par le vertige des horreurs de la guerre. Le dessin de Juncker est simple, pas forcément épatant, mais il fonctionne bien. Sa narration est juste, avec un léger manque de rythme toutefois, ou alors cela tient à l'histoire qui m'a certes intéressé mais pas complètement captivé. Les personnages sont intéressants eux aussi mais là encore je ne m'y suis que moyennement attaché. Et il y a la crudité et la cruauté des faits qui se déroulent qui est aussi désespérante même si parfaitement logique compte tenu de la haine accumulée depuis les exactions nazies de 1941 envers les Russes. Je ressors plus instruit de ma lecture car elle m'a fait découvrir de l'intérieur des sujets que je connaissais déjà mais superficiellement. Pour autant je n'ai pris qu'un plaisir relatif à cette lecture et n'aurais pas particulièrement envie de la relire je pense.

06/12/2022 (modifier)
L'avatar du posteur Noirdésir

Juncker a déjà produit plusieurs albums dans lesquels il était parvenu à mêler habilement petite et grande histoire (je pense par exemple à Malet et j’avais déjà vu son talent pour montrer en quelques touches l’horreur de la guerre dans Le Front). « Seules à Berlin » est un peu la synthèse de ces deux aspects. L’intrigue se déroule dans le chaos et l’horreur de la fin de la seconde guerre mondiale à Berlin, dans les derniers jours d’avril et les premiers jours de mai 1945. Deux femmes vont se croiser. Ingrid, une Allemande promise aux viols des soldats de l’Armée rouge, qui survit dans les caves ou dans les bras de soudards. Et Evgueniya, une jeune traductrice du NKVD, plutôt anticonformiste. Avec une économie de moyens (peu de texte, décors et personnages peu détaillés), Juncker arrive à montrer l’horreur de la situation, mais aussi les fragilités, les fêlures des êtres. Et la possibilité, malgré tout, de rester humain (la dernière image, qui apporte couleur et liberté à Ingrid, se révèle là aussi simple et efficace, forte). Une pagination importante, mais l’histoire se lit vite, d’une traite, il n’y a pas de temps mort. Juncker a réussi là un bel album, parvenant même à glisser dans ce décor apocalyptique quelques touches d’humour, lorsque le supérieur d’Evgueniya, sur ordre de Beria et Staline, cherche à mettre la main sur le cadavre d’Hitler.

11/05/2022 (modifier)
L'avatar du posteur carottebio

Au premier regard cette oeuvre peut paraître austère, dure à lire. En effet, le dessin N&B peut rebuter, les textes extraits des carnets des deux héroïnes peuvent sembler longs... Mais tout cela est complètement maîtrisé par Juncker. Il nous déroule un double récit cru, sans concession, et atrocement subtile sur cette période sombre de l'histoire allemande, et que l'on pourrait extrapoler au sort des femmes sur chaque terrain de guerre. Je l'ai lu d'une traite... Le tout est parfaitement écrit et dessiné, il n'y a pas une case ou un mot de trop!

09/11/2021 (modifier)
Par fuuhuu
Note: 4/5
L'avatar du posteur fuuhuu

30 avril 1945, Hitler se donne la mort dans son bunker. Les Russes ont envahi Berlin. La guerre est finie pour tout le monde en Europe. Tout le monde? Sauf peut être pour les femmes à Berlin. C'est dans ce contexte que se déroule cette BD, où nous suivons l'histoire d'une femme allemande et d'une femme russe. D'abord chacune de leur côté, pour ensuite se rencontrer. Au delà du côté historique extrêmement bien documenté et sérieux, cette BD a suscité mon intérêt en créant la rencontre improbable d'une femme russe et d'une autre allemande, dans ce contexte tout particulier. Je n'avais encore jamais lu ou même imaginé une telle rencontre. Entre la peur, la haine, le dégout, la compassion, le respect, l'amitié, voire même l'amour, nous allons assister à l'évolution de cette relation. La puissance de cet ouvrage tient également au fait qu'il parle de sujets très graves sans spécialement avoir le besoin de les montrer explicitement. Beaucoup d'éléments sont sous entendus, pour laisser libre court à notre imagination, rendant certains passages glaçants et inimaginables. Dans notre travail de mémoire concernant la seconde guerre mondiale, nous avons tendance à oublier les femmes berlinoises. L'auteur vient donc rectifier tout cela. 4 étoiles MAUPERTUIS, OSE ET RIT !

04/04/2021 (modifier)
Par cac
Note: 4/5
L'avatar du posteur cac

Un gros one-shot de Nicolas Juncker, un auteur dont j'avais bien aimé les précédents albums historiques. Ici je ne sais pas si la part historique est forte, même si ça semble inspiré de la vie réelle de deux femmes. On voit le côté allemand avec Ingrid. Ca y est on est en début mai 1945, les nazis sont vaincus et Hitler vient de se donner la mort. Le corps de Goebbels est exposé comme un trophée morbide. Le mari d'Ingrid est un SS absent de la maison familiale et elle va subir les pires atrocités par les vainqueurs du conflit qui envahissent la ville de Berlin en démolissant tout et en laissant la population crever de faim. a partie avec les lettres manuscrites où elle raconte son calvaire et ce que signifie les X qu'elle a noté est terrible. De l'autre, on a Eugenia, une Russe du NKVD. Le personnage m'a paru moins crédible. A cette époque il devait y avoir peu de femmes dans l'armée, et c'est à elle qu'on confie le soin d'authentifier les restes carbonisés des nazis dont Hitler... (surtout qu'en vrai tout le monde sait qu'il a fui en Amérique du sud... ;)). De plus son chef nous confirme bien qu'on est dans un milieu hyper machiste, lui faisant plus que des sous-entendus. Au global l'histoire d'une amitié toute relative entre ces deux femmes m'a tout de même bien plu, même si je ne suis pas non plus hyper fan du dessin et ces personnages qui n'ont pas de bouche.

01/03/2021 (modifier)
Par Gaston
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
L'avatar du posteur Gaston

Un excellent one-shot qui parle d'un sujet grave: ce qui arrive aux femmes vaincues durant une guerre. Je pense que je n'ai pas besoin de préciser ce qui leur arrive… L'auteur réussit l'exploit selon moi de parler de ce sujet sans tomber dans le mélodramatique. Je pense que c'est dû au fait qu'il a eu une idée de génie: montrer le destin et la rencontre de deux femmes: une allemande et une russe, dans les derniers jours de la seconde guerre mondiale. S'il n'y avait eu qu'une ou plusieurs allemandes comme personnages principaux, je pense que le sujet aurait été montré de manière plus cru et que cela aurait été trop glauque pour moi. J'ai adoré la personnalité des deux femmes, la relation entre-elles et l'évolution de leurs caractères (enfin, ce dernier point me semble plus évident pour la russe, l'allemande semble plus résignée à son sort). Le dessin est très bon. J'ai surtout aimé le visage des deux femmes lorsqu'elles étaient en gros plan. Elles sont expressives et j'aime bien comment sont dessinées leurs têtes. Un album à lire si on n'a pas peur des livres montrant les pires travers de l'homme…

02/02/2021 (modifier)
Par Blue boy
Note: 4/5
L'avatar du posteur Blue boy

« Seules à Berlin » a reçu un très bon accueil critique lors de sa sortie l’an dernier, ayant même concouru pour le Grand prix de la critique, entre autres. S’il n’a pas obtenu le prix convoité, il n’en demeure pas moins que ce roman graphique historique est tout à fait digne d’intérêt. D’abord parce que l’angle narratif est inhabituel, nous faisant voir la Seconde guerre mondiale par les yeux d’une Berlinoise et d’une employée russe du NKVD — le grand frère du KGB, équivalent soviétique de la Gestapo à l’époque —, ce qui diffère du coutumier point de vue de l’occidental anti-nazi… Par ailleurs, ce récit donne une vision relativement neutre des événements, en mettant en avant deux personnages féminins que rien ne prédestinait à se rencontrer, l’une et l’autre appartenant au camp opposé, permettant ainsi au lecteur d’adopter une approche empathique dans un contexte de guerre où chacun devait choisir son camp. Parallèlement, on assiste au combat personnel de ces deux femmes, peu importe qu’elles soient du côté des vainqueurs ou des vaincus, pour exister dans un monde très masculin aux limites de la barbarie, ce qui contribuera à les rapprocher. Au-delà du récit intime, « Seules à Berlin » est une réflexion sur la guerre, son inhumanité et la terreur qu’elle engendre chez les civils, notamment à travers les bombardements et les conditions de vie insoutenables. Une guerre comporte beaucoup plus de laideurs que d’actes héroïques et aucun camp ne peut réellement se targuer d’être meilleur que celui d’en face. Si le livre sous-entend que le pouvoir nazi était abject, il nous rappelle aussi que la plupart des prisonniers russes ne seront pas libérés par les autorités soviétiques, Staline ayant décidé de les considérer comme des traitres ! Le style reste globalement assez dépouillé, Juncker privilégiant les plans serrés sur des visages anguleux, inquiets ou hystériques, certes l’heure n’est pas à la fête… La couleur est extrêmement rare et se limite pour ainsi dire au rouge, l’auteur recourant le plus souvent à un lavis gris, un peu sale, accentuant l’ambiance de désolation. On peut ne pas apprécier ce dessin assez singulier, malgré tout plus qu’adapté au contexte délétère des événements. Pour produire ce récit touchant, Nicolas Juncker s’est inspiré des témoignages de ces deux femmes, qui ont réellement existé. Une œuvre pleine d’intelligence par son ambition réconciliatrice malgré l’atrocité des événements, et l’on n’est guère surpris qu’elle trouve son origine dans des écrits féminins. Car la guerre, finalement, c’est toujours plus ou moins une affaire de mecs…

09/01/2021 (modifier)
Par doumé
Note: 4/5
L'avatar du posteur doumé

Malheur aux vaincus et surtout aux vaincues, Juncker nous décrit sans censure, la réalité brutale d'une ville assiégée. Deux femmes de chaque camp se rencontrent et tentent de cohabiter en opposant leurs endoctrinements respectifs. L'une est allemande et a connu 12 ans de propagande nazie et l'autre est soviétique, pleine d'illusions sur le futur de son pays. Mais au fil du temps elles vont apprendre à se connaitre et faire preuve d'un respect mutuel lié à leur condition de femmes pendant une guerre. Juncker décrit ce processus sans rien nous épargner des violence,s de la famine ou de la prostitution. Il nous amène à avoir de la sympathie pour les deux héroïnes qui tentent de survivre à un monde masculin sans loi. Le traitement de ce moment de l'histoire par Juncker est juste. Le point fort de cette BD, c'est la prise de recul de l'auteur qui se place comme un observateur sans parti pris pour l'un des deux camps. Le dessin sans couleur, sauf quelques cases, est à l'image du moment et du lieu, tout est dévasté, terne et gris. Des amas de pierres sont le seul décor de cette histoire, les survivants assiégés et les occupants sont caricaturés comme s'ils avaient perdu toute humanité. Un moment d'histoire qui nous montre qu'à la fin d'une guerre, il n' y a que peu de vainqueurs et beaucoup de victimes. Après la lecture d'un tel ouvrage, la nature humaine n'en sort pas grandie.

25/07/2020 (modifier)
L'avatar du posteur Mac Arthur

C’est une œuvre forte, dérangeante et psychologiquement violente que nous offre Nicolas Juncker. Elle nous permet de suivre une femme allemande dans le Berlin en ruine de la fin de la seconde guerre mondiale. Sans gants, l’auteur nous montre toute la violence tant émotionnelle que physique que représente le fait d’être une femme dans le camp des vaincus, d’être Allemand, d’avoir cru en Hitler et de voir son monde s’effondrer en même temps que les immeuble de sa ville, de devoir subir l’occupation dans sa ville, dans son lit, dans son corps. En contrepoint, l’auteur nous propose également de suivre une jeune soldate russe, confrontée à son propre endoctrinement. De cette rencontre va sinon naître une amitié, du moins une compréhension mutuelle. Et si la première ne se fait plus trop d’illusions, la seconde va voir les siennes mises à rude épreuve. Comme je le disais, le sujet est fort et dur. La mise en scène est cinglante et met bien en évidence toute la cruauté de la guerre, et plus particulièrement envers les femmes et les vaincus (et si vous combinez ces deux éléments, vous êtes clairement parmi les victimes les plus exposées). Mais Nicolas Juncker a l’intelligence de ne pas nous proposer un mouton bêlant comme héroïne. Ingrid n’est pas un ange, son discours se teinte régulièrement de relents antisémites. Pour elle, les camps de la mort sont une invention des services de propagande ennemis, par exemple. J’ai beaucoup apprécié le réalisme de ce portrait, plus conforme à l'idée que je me fais d'une jeune femme allemande marquée par des années de gouvernance nazie. Au niveau du dessin, la singularité principale du récit vient de sa colorisation. Grise. Car tout ici est gris… mais pas que ! Et quand la couleur refait soudainement son apparition, elle n’en a que plus d’impact, de force. Ca claque dans la tronche, ça remue ou ça soulage mais la couleur ne laisse pas indifférent. Une thématique forte et bien développée. Une écriture soignée. Un dessin lisible dans un style caricatural qui convient bien au sujet. Et une utilisation très pertinente des couleurs ou de leur absence. Franchement bien… mais pas le genre de bouquin qui vous remonte le moral.

04/06/2020 (modifier)