Au bonheur des dames
Le classique d’Émile Zola revu par une autrice d’aujourd’hui.
1872 - 1899 : de la IIIe république à la fin du XIXe siècle Adaptations de romans en BD Emile Zola La BD au féminin Les panthéonisé-e-s Paris
Venue de sa lointaine Normandie, Denise arrive à Paris avec ses deux frères sans un sou en poche... D’abord aidée par l’oncle Baudu, un commerçant méfiant, elle va franchir la porte du Bonheur des Dames, un immense magasin de nouveautés qui fait se déplacer tout ce que Paris compte d’élégantes… Engagée comme vendeuse, Denise découvre autour d’elle les rivalités avec les autres vendeuses, devenant vite la victime d’un système aliénant où il faut sans cesse se battre pour vendre et où les amitiés sont rares. Mais la jeune femme va faire la connaissance d’Octave Mouret, le directeur du Bonheur des Dames, un homme de conquête qui ne songe qu’à l’expansion de son magasin, à défaut de trouver l’amour. À moins que la rencontre avec Denise ne vienne bouleverser ses croyances ?
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Date de parution | 03 Juin 2020 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Je ne connais Zola que de nom et je n'ai jamais lu ses livres alors je n'ai aucune idée à quel point cette adaptation est fidèle au livre. De ce que j'ai compris en lisant les autres avis, il semblerait que le coté un peu féministe de l'album a été ajouté par l'autrice. Il faut dire que c'est un peu dur de savoir ce qui a été ajouté ou non parce que le récit de base est tout de même bien moderne: Zola décrit l'apparition des grands commerces qui tuent à petits feux les petits commerçants et tout n'est pas rose dans ces grands magasins, avec notamment une hiérarchie à respecter et les hauts-gradés profitent souvent des avantages liés à leur position sur le petit personnel. C'est triste de voir que depuis rien n'a changé et que parfois c'est pire. Le point fort est donc la description par Zola du début de la société de consommation et aussi il y a de bons dialogues. Malheureusement, l'histoire d'amour entre l'héroïne et son patron ne m'a pas du tout passionné et me semble être trop facile et cousue de fil blanc. En fait, les personnages eux-mêmes ne m'ont pas beaucoup intéressé, ce qui fait que j'ai lu le récit sans grande passion. Le dessin est correct.
J'ai beaucoup apprécié l'adaptation faite par Agnès Maupré du célèbre roman d'Emile Zola. Même si ma lecture du roman remonte à plusieurs décennies, il est difficile d'oublier "Au Bonheur des Dames". En effet dans la saga des Rougon-Macquart' c'est l'un des rares romans qui se termine par un rayon de soleil. L'auteure suit fidèlement le schéma directeur du livre. Elle choisit de faire ressortir la modernité de la vision de l'écrivain en mettant en avant des transformations sociales et sociétales qui sont toujours valables aujourd'hui. Le roman est riche d'une multitude de thématiques qui restent d'actualité (le travail des femmes et sa rétribution, la protection des travailleurs, le consumérisme et ses conséquences addictives, sociétales ou sur les modes de production), le progrès et l'innovation issu d'un dynamisme qui laisse certains sur le bas-côté. Toutefois si l'auteure propose un langage moderne qui correspond à notre époque, elle ne trahit pas la pensée de Zola. En effet, le duo Octave-Denise propose un équilibre qui rend cette transformation acceptable et humaine. Octave peut être vu comme un modèle de patron entreprenant, innovateur et visionnaire mais qui reste ouvert aux arguments sociaux (presque socialistes) de Denise. Si l'histoire d'amour entre Octave et Denise peut sembler moins importante, je la trouve tout de même centrale car c'est cette part d'irrationnel qui bouleverse les conventions et légitime l'impensable par la raison. Agnès Maupré rend hommage à Zola en proposant un texte d'une excellente tenue. La lecture est riche invitant à penser la complexité de la situation hors d'un manichéisme convenu patron vs ouvrier ou passé nostalgique vs progrès destructeur. Dans ce sens j'aime beaucoup la proposition du personnage du baron Hartmann/Haussmann qui représente une finance innovante qui prend des risques. Le graphisme de l'auteure se fond dans l'idée première de la série : il est moderne. Si l'auteure se plie à l'historique robe de soie noire des "Demoiselles" de la vente le reste est un magnifique plaisir visuel. Le trait fin et ondulé renvoie à une sorte de chorégraphie d'opérette de l'époque où se mêlent trahisons, drames et sentiments avec un final digne de Luis Mariano. C'est expressif, c'est rythmé et cela reste en mouvement tout du long de la série. Que dire de la mise en couleur ! Ces étalages de soieries permettent toutes les audaces créatives dans un pur régal visuel. Une excellente lecture pour découvrir un Zola un peu particulier.
Je suis d’accord avec Mac Arthur, Agnès Maupré a fait ici une belle adaptation du roman de Zola, en l’épurant quelque peu, mais surtout en en montrant les aspects encore d’actualité. Elle a ainsi « modernisé » l’intrigue. D’abord par le dessin (pas forcément ma tasse de thé au départ), résolument moderne et dynamique. Mais aussi et surtout avec une colorisation « pétante », qui insuffle de la vie, du mouvement, une bonne bouffée d’oxygène, dans un milieu (presque un huis-clos dans un grand magasin) et une histoire un peu noire. La longue diatribe d’Octave ventant les mérites du progrès, la recherche de l’agrandissement (des surfaces de ventes, du chiffre d’affaires et des bénéfices), défendant ce qui ressemble à une société de consommation effrénée ne fait pas ses 120 ans. De même, l’agonie des petits commerces face au grand magasin de la rue ressemble à celle de centre-ville face aux grandes surfaces de périphérie (et augure de celle à venir de tous ceux-là face à Amazon et autres ogres du commerce en ligne. Les luttes de classes, les rivalités entre vendeuses (et un peu la hiérarchie complexe au sein du grand magasin) sont un peu escamotées (un historien replace cela en fin de volume). Les relations entre l’héroïne, Denise, provinciale naïve arqueboutée sur ses valeurs et Octave le patron, ne sont pas la partie la plus intéressante, mais l’auteure a su n’en faire qu’un à-côté, même si l’issue n’est pas trop surprenante. Les amateurs de Zola trouveront leur compte dans cette adaptation, qui se laisse lire agréablement.
J’ai été agréablement surpris par la modernité du récit. Emile Zola a beau avoir écrit « Au bonheur des dames » en 1882, la version qu’en donne Agnès Maupré met en évidence tout l’aspect visionnaire de l’écrivain dans sa description des techniques de vente et de leur évolution, mais elle apporte aussi une dimension féministe au récit via une vision assez moderne du personnage de Denise Baudu. C’est bien vu, respectueux du roman d’origine tout en apportant la modernité nécessaire pour qu’un public actuel se passionne pour cette histoire d’amour. Pourtant, il me faut bien l’avouer, l’histoire d’amour qui va naître entre Denise et Octave Mouret n’est, justement, pas de nature à me passionner. Mais le contexte général, lui, m’a énormément plu. A commencer par ce grand magasin dans lequel on retrouve toutes les bases des techniques de vente encore utilisées à ce jour, ce début du consumérisme stupide et aveugle de plus en plus remis en cause dans nos sociétés et qui n’a pourtant jamais été aussi insidieusement présent nous est montré avec légèreté et pertinence. Ensuite, et même si leur histoire d’amour m’a laissé assez indifférent, les deux personnages principaux m’ont plu par leur antagonisme. C’est clairement un beau duo qui porte le récit… mais qui ne serait rien sans une foultitude de seconds rôles qui, chacun, vient l’enrichir de son caractère, de ses convictions, de sa méchanceté gratuite ou de sa bêtise. Et puis, que dire de la colorisation d’Agnès Maupré ? Rien, sinon que je l’ai juste trouvé parfaite pour ce sujet. C’est vif, c’est franc, c’est audacieux et ça fonctionne parfaitement ! Tout l’aspect graphique m’a plu tant il contribue à la modernisation du récit sans en trahir des origines vieilles de près d’un siècle et demi ! En fait, voilà : je trouve que tout fonctionne parfaitement. Alors oui, il faut aimer le genre littéraire (ça reste du Zola) mais dans ce genre c’est vraiment une adaptation réussie, fidèle et moderne à la fois.
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