Notre part des ténèbres
Des anciens salariés licenciés après la fermeture définitive de leur entreprise en France, ont pris le contrôle d'un bateau où se déroule une fête majestueuse pour célébrer les profits records de l'année qui s'achève.
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Dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier, une magnifique croisière est organisée sur un bateau de luxe, le Nausicaa, pour les actionnaires de Mondial Laser, une entreprise de pointe vendue à l'Inde par un fond spéculatif. Il s'agit de célébrer les profits records de l'année qui s'achève et ceux à venir suite à la délocalisation. Mais tandis que le champagne coule à flots au milieu d'invités prestigieux, le Nausicaa est détourné. Il met cap au large, plein nord. Des anciens salariés licenciés après la fermeture définitive de leur entreprise en France, ont pris le contrôle du bateau. La prise d'otages a été minutieusement organisée par Gary, ex chef de l'atelier mécanique de Mondial Laser. Dans l'orchestre, parmi le personnel, les invités, l'équipage, le personnel de sécurité, se cachent les salairés écoeurés par un plan social injuste et qui ont décidé d'agir pour défendre leur dignité. "Vous ne savez pas qui nous sommes. Vous n'avez jamais voulu le savoir. Rien ne nous distinguait sur vos bilans compatables, vos statistiques. Maintenant, vous nous voyez"
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Date de parution | 25 Septembre 2019 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Bof, bof, bof et re-bof. Une histoire invraisemblable et un dessin qui manque de lisibilité. Un fond d'investissement va ruiner la vie de salariés en vendant leur entreprise et en la délocalisant en Inde. Les salariés qui ont perdu leur travail vont se venger en prenant en otages ces magmas de la finance qui fêtent la nouvelle année sur un navire de croisière. Je ne suis jamais arrivé ni à entrer dans cette vendetta, ni à m'attacher aux personnages. Un scénario trop improbable. Comment cette opération de piratage ne fuite pas avec le nombre de personnes concernées ? Comment croire à ce vol d'explosifs C4 sur un camp militaire ? Comment s'attacher aux personnages avec un récit si machinéen ? Comment s'emparer si facilement du paquebot ? Trop gros pour moi. Un dessin qui ne m'a pas enthousiasmé, pas assez lisible à mon goût malgré quelques belles cases représentant l'océan. Des visages figés et se ressemblant beaucoup. Des couleurs très sombres mêmes pour les scènes se déroulant en intérieur. Voilà, vous êtes prévenus.
A vrai dire je n'ai pas été aussi emballé que ça par cet album. Alors oui je vous l'accorde il y a le dessin d'Éric Liberge, précis et plus que correct. C'est au niveau du scénario que cela m'a posé plus de problèmes. Je suis d'accord sur le fait qu'il est bien de dénoncer les agissements des racheteurs d'entreprises, des fonds de pension qui ne cherchent qu'à faire du fric sur les employés de base. Déjà un détail un peu "too much" à mon goût, ce sticker collé sur la couverture "La BD de la révolte sociale". Mouais encore eut-il fallu que le propos soit à la hauteur. Au final cette BD est bien sage et Mordillat s'enferme dans des passages de dialogues entre les preneurs d'otages et des officines ministérielles qui alourdissent le propos et ralentissent l'action. Preneurs d'otages que je trouve au final assez tendres. Ce n'est pas pour moi la BD ultime de la révolte sociale. Comme Noir Désir je trouve que l'ensemble est acceptable mais manque de mordant.
Une entreprise liquidée brutalement, ses salariés jetés comme des malpropres par le fonds de pension qui, via des intermédiaires, vient de racheter la boîte pour rapidement bonifier son montage financier, le tout dans un silence médiatique et avec la complicité des « pouvoirs publics », le ministre de l’intérieur étant lié à la famille du dirigeant du fonds de pension : le point de départ est hélas tristement d’actualité. Mordillat, qui adapte ici son roman (que je n’ai pas lu), nous montre comment les salariés vont réagir, comment leur lutte va s’organiser. Occupation d’usine d’abord, mais ça ne marche pas. Ils vont donc décider d’agir autrement. Perdus pour perdus, ils vont choisir de se saborder (dans tous les sens du terme), mais en faisant en sorte d’impliquer les actionnaires qui se goinfrent de leurs malheurs à la hauteur des bénéfices qu’ils en tirent : ils vont prendre ces mêmes actionnaires en otage, détournant le paquebot dans lequel ils organisent une sauterie pour fêter leurs bénéfices de l’année ! On le voit, nous sommes dans la lignée de l’excellent « Merci patron » de Ruffin, mais à grande échelle, avec aussi un engagement, quasi suicidaire des ex « employés ». Du coup, c’est assez jubilatoire, jusque dans la fin, puisque les « profiteurs de guerre » (économique) vont dans le naufrage final voir leur importance inversée par rapport aux « salariés ». Mordillat nous livre là son « Titanic » du néolibéralisme (un clin d’œil est d’ailleurs fait au film de Cameron, avec cette femme survivante flottant sur un morceau de meuble). Alors, certes, il faut faire abstraction de certaines facilités et invraisemblances (la préparation du détournement, le vol de munition, la prise en main d’un énorme paquebot par des néophytes, etc.), et se laisser emporter par le dézingage concocté par Mordillat (et très bien mis en images par Liberge). Alors que certains dirigeants cyniques usent de la métaphore maritime pour encourager les salariés à la résignation et au sacrifice lorsque l’entreprise va mal (« nous sommes tous dans le même bateau »), Mordillat reprend cette métaphore et la retourne à l’envoyeur, pour en montrer l’hypocrisie. Le message général vaut autant sinon plus que l’histoire elle-même, qui se laisse lire agréablement, mais qui manque un peu de densité quand même. Note réelle 3,5/5.
J’ai farfouillé à la librairie, au coin BD et … j’ai découvert « Notre part des ténèbres ». Et je peux vous l’annoncer haut et fort, cet album m’a procuré un intense moment jubilatoire. Cela faisait bien longtemps que je n’avais pas trouvé autant de plaisir à lire une bande dessinée. Le dessin est juste magnifique et le scénario captivant. Je suis très enthousiaste pour cet album qui mérite de sortir de l’anonymat. En cas de conflit social, il y a un lieu commun dont le patronat use et abuse… nous sommes tous dans le même bateau, scellant théoriquement l’alliance entre patrons et ouvriers dans la difficulté, dans la tempête. Passée cette déclaration rituelle vient l’annonce de l’arrêt de la production, la fermeture d’unités, la liste des licenciements, cyniquement appelés plan de sauvegarde de l’emploi ! Dans « Notre part des ténèbres », le personnel de Mondial laser, vendu à un fond spéculatif, délocalisé, vidé de ses salariés et de ses machines, décide de donner corps aux métaphores maritimes des dirigeants et des actionnaires réunis sur un navire de luxe pour célébrer le jour de l’an et les bénéfices records de l’année. C’est alors un jeu de cache-cache qui commence. Au cœur d’un cauchemar polaire, par force 10 avec des creux de dix mètres, ce n’est pas la nef des fous, mais la nef du capitalisme qui fait naufrage. S’ils sont tous dans le même bateau, pour une fois, ceux qui seront épargnés ne seront pas ceux qui d’ordinaire attendent leur salut du dieu Profit. Pour résumer, nous sommes sur un thriller social politique entre le loup de Wall Street et Titanic. C’est évidemment séduisant et cela m’a harponné tout le long de ma lecture. Je recommande vivement cet album.
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