Anaïs Nin - Sur la mer des mensonges
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Début des années 30. Anaïs Nin vit en banlieue parisienne et lutte contre l’angoisse de sa vie d’épouse de banquier. Plusieurs fois déracinée, elle a grandi entre 2 continents, 3 langues, et peine à trouver sa place dans une société qui relègue les femmes à des seconds rôles. Elle veut être écrivain, et s’est inventé, depuis l'enfance, une échappatoire : son journal. Il est sa drogue, son compagnon, son double, celui qui lui permet d’explorer la complexité de ses sentiments et de percevoir la sensualité qui couve en elle. C’est alors qu’elle rencontre Henry Miller, une révélation qui s’avère la première étape vers de grands bouleversements.
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Date de parution | 26 Août 2020 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
L'histoire biographique de Nin m'a absorbée. Une personnalité complexe, pleine de créativité et d'amour. Mais c'est vrai que certains passages m'ont laissée mal, en particulier quand elle retrouve sont père. Le dessin et les couleurs sont bien travaillés, il n'y a rien a redire. Son histoire est parfaitement retranscrite.
Chaque homme à qui j'ai fait lire mes textes a tenté de changer mon écriture. Écrire comme un homme ne m'intéresse pas. - Ce tome contient une biographie d'Anaïs Nin (1903-1977) qui ne nécessite pas de connaissance préalable de l'artiste ou de son œuvre. Elle a été réalisée par Léonie Bischoff, pour le scénario, les dessins et les couleurs. Elle comprend 184 pages de bandes dessinées. Sa publication initiale date de 2020. Elle a bénéficié d'une édition grand format en 2022, complétée par un cahier graphique de quatorze pages. Des nuages d'orage au-dessus d'un océan déchainé. Des vagues puissantes et arrondies, pleines d'écume, avec un minuscule navire au sommet de l'une d'elle. Les vagues redoublent d'intensité, et projettent le navire sur un récif. Dans les débris, une forme humaine allongée, recroquevillée sur elle-même. Dans la même position, Anaïs Nin se tient le visage dans les mains, avec des feuilles éparpillées autour d'elle. Elle se redresse sur son séant, sèche ses larmes et rassemble les feuilles. le soir, elle rejoint son époux Hugo Guiler, un banquier, dans une réception mondaine. Il la présente à Mme & M. Bordin, à Mme & M. Moris, Richard Osborne. Ils vont s'installer à l'une des tables. La conversation porte sur les occupations de Mme Nin : M. Guiler leur a dit qu'elle est une artiste. A-t-elle des enfants ? Depuis combien de temps sont-ils à Paris ? Hugo Guiler répond : cela fait trois ans maintenant, mais ils viennent de déménager à Louveciennes. Est-ce que New York lui manque ? Quel est ce drôle d'accent ? Elle explique que sa mère est Danoise et Cubaine, son père Espagnol et Cubain, et elle a grandi entre la France et New York. Elle a dû inventer son propre langage. Au retour, dans la voiture, son mari lui assure qu'elle les a tous charmés. Il s'inquiète pour elle : elle semble de nouveau fragile, nerveuse. Elle lui répond que le banquier en lui est en train d'asphyxier le poète. Une fois rentrés, ils s'installent dans le salon : elle écrit, il s'exerce à la guitare. L'esprit d'Anaïs Nin divague : elle développe un dialogue avec une autre elle-même plus libre, qui lui reproche d'être en train d'étouffer, de jouer les épouses parfaites. La nuit, elle cauchemarde : par la fenêtre elle voit l'épave du trois-mâts sur leur pelouse et elle s'y rend sous une fine pluie, en chemise de nuit. Elle touche le bois de la coque et pénètre dans la cale par une énorme brèche : son double plein d'assurance l'y attend. Elle se réveille, se lève, puis vaque à ses occupations. Elle a l'air tranquille et solide, mais bien peu savent combien de femmes il y a en elle. L'une d'entre elles s'est révélée dans la danse espagnole. Avec d'autres femmes, elle prend des cours avec monsieur Mirales. Ce dernier lui a proposé de monter sur scène et de partir en tournée. Elle refuse une nouvelle fois : la danse est un passe-temps acceptable pour une femme de banquier, mais pas monter sur scène. Plus tard, elle y repense : qu'est-ce au fond qui la retient de monter sur scène ? Ça n'est sûrement pas Hugo, ni la banque. Sa culture catholique, certainement… Une femme qui se montre est une putain. Mais Mirales a raison, la sensualité de la danse espagnole touche au mystique, au sacré. L'autrice ne donne pas de date exacte au cours de sa narration, toutefois des repères permettent de déterminer la période couverte. Au début, Hugo Guiler indique que cela fait trois ans que le couple est installé en France, ce qui amène en 1927. La biographie se termine après la rencontre avec Lawrence Durrell (1912-1990), c'est-à-dire en 1937. Elle présente la vie de l'écrivaine du point de vue de celle-ci : elle est de toutes les scènes et son flux de pensées est exprimé régulièrement, certainement pour partie extrait de ses journaux. S'il connaît déjà le parcours d'Anaïs Nin, le lecteur se doute que la bédéiste a choisi cette période pour sa fonction charnière dans son développement personnel, et donc dans son écriture. Sinon, il fait connaissance avec une épouse bien sous tout rapport, dépendant financièrement de son mari qui dispose d'un revenu confortable grâce à son métier de banquier. Il est vite touché par l'esthétique des dessins : ils semblent avoir été réalisés au crayon de couleur un peu gras, avec trois teintes majoritaires qui s'entremêlent avec une teinte prenant le dessus sur les autres en fonction de la scène, et souvent des arrière-plans vides. Il serait tentant de voir une sensibilité féminine, dans certaines courbes, la façon de représenter les yeux plus grands que nature, ou encore certaines postures, l'intérêt porté aux tenues vestimentaires, les fleurs. Mais au regard des autres caractéristiques visuelles, cela reflète plutôt le point de vue d'Anaïs Nin elle-même, sa propre sensibilité, sa façon de ressentir le monde. Ces choix graphiques servent à transcrire l'état d'esprit de l'écrivaine, en phase avec son journal et ses romans. Au fil des pages, le lecteur se retrouve totalement séduit par l'élégance de la narration visuelle. L'artiste sait inclure les éléments nécessaires à la reconstitution historique : les voitures, les décorations intérieures, les tenues vestimentaires, les accessoires comme la machine à écrire. Elle effectue un dosage parfaitement équilibré de la quantité de détails par scène. Cela peut aller d'une représentation détaillée des façades au droit du Moulin Rouge boulevard de Clichy, à juste des personnages sur fond blanc, de la gare de Louveciennes reproduite avec exactitude à la texture du manteau de fourrure de June Miller, en passant par des scènes oniriques ou métaphoriques où l'imaginaire l'emporte. La tempête en ouverture est magnifique avec les éléments déchainés. À la fin de ce premier chapitre, Anaïs Nin marche pied nu dans un désert avec des cactus, et des cristaux sur le sol, vers une silhouette à contre-jour. La première vision qu'elle a de June Miller se fait avec un décor de fleurs. Plus loin, Henry Miller épingle son épouse au mur, comme un papillon, sa robe ouverte donnant l'impression d'aile, et il lui ouvre le ventre pour dérouler ses intestins dans la page suivante dans une vraie vision d'horreur. Quelque temps plus tard, Anaïs s'imagine glissant dans une eau habitée par des plantes aquatiques douces et sensuelles. Indépendamment de l'esthétique choisie, la narration visuelle met en œuvre des dispositifs variés bien choisis. En page 17, le lecteur découvre que les deux tiers inférieurs de la page sont occupés par une dizaine de silhouettes juste détourées, d'une femme en train de danser le flamenco pour un résultat très parlant. En page 37, les feuilles de papier volètent autour d'Henry Miller et Anaïs Nin assis à une table de jardin, comme emportées par le vent, mais aussi animées par l'esprit de création des deux auteurs. En pages 92 & 93, Léonie Bischoff raconte uniquement avec les images, sans aucun mot, avec une disposition de page originale : deux colonnes de quatre cases de part et d'autre de la page, et une image de la hauteur de la page qui les sépare : un voyage en train avec une arrivée le matin, et un départ le soir pour évoquer le mouvement de va-et-vient dans la relation entre Henry et elle. Dans le chapitre quatre, Anaïs enfant voit apparaître un homme en costume descendant du ciel entre les immeubles, avec un soleil à la place de la tête, une métaphore qui prend tous ses sens par la suite. Avec toutes ces qualités de mise en scène en tête, le lecteur se dit que le choix d'avoir régulièrement des personnages en train de dialoguer avec un fond de case vide relève lui aussi d'une mise en scène conceptuelle : des personnages sur une scène de théâtre, une focalisation sur le langage corporel et sur les phrases, les mots, une évidence pour la biographie d'une écrivaine. Il prête alors une égale attention aux dessins en tête de chaque chapitre et au sens qu'ils revêtent par rapport au développement de la personnalité d'Anaïs Nin : un papillon aux ailes repliées, un éventail ouvert, des nuages masquant le soleil, un papillon aux ailes déployées, un soleil radieux à la fin de la pluie, un labyrinthe, des fleurs écloses. Anaïs Nin étant le point focal de chaque scène, majoritairement accompagné de ses pensées, le lecteur adopte tout naturellement son point de vue. Elle n'en devient pas une héroïne, mais le personnage principal. Il ressent son expérience de la vie par son point de vue, au travers de ses émotions. D'une certaine manière, l'autrice la présente comme l'héroïne de sa propre vie, ce qui induit que le lecteur prenne parti pour elle, même si son système de valeurs diffère, même s'il conserve un regard critique sur le comportement de cette jeune femme. Léonie Bischoff a choisi de montrer la transformation de l'écrivaine, d'épouse modèle, en une femme épanouie. Elle découvre progressivement son attachement aux plaisirs des sens, la volupté de la sensualité, ses besoins en la matière et le fonctionnement de son système psychique. L'autrice en brosse un tableau d'une finesse remarquable, incorporant la pression et les attendus sociaux de l'époque, l'enfance et l'éducation d'Anaïs Nin, ses traumatismes, son effet inconscient sur les hommes, ses appétits sensuels, sa vocation d'écrivaine, ses doutes, sa façon de s'adapter aux attentes des hommes. Cette femme dispose d'une sécurité économique assurée par son époux Hugh Parker Guiler (1898-1985), et recherche une âme sœur en littérature qu'elle trouve en la personne d'Henry Miller (1891-1980) qui a séjourné à Paris de 1930 à 1939. Elle rencontre ainsi son épouse June Miller (1902-1979), une femme beaucoup plus libre qu'elle. Par la suite, le lecteur découvre sa relation avec son cousin Eduardo Sanchez, avec le psychiatre Docteur René Allendy (1889-1942), avec son deuxième psychiatre Otto Rank, et d'autres. L'autrice le laisse libre de porter son propre jugement valeur sur la dynamique de ces relations, sur la personnalité d'Anaïs Nin et ses choix de vie. Il ne s'attend pas aux deux traumatismes survenant en fin de récit. Il découvre sa relation avec son père Joaquín Nin, puis son avortement. Ces deux séquences le laissent sans voix, en train de chercher sa respiration, tellement il en fait l'expérience comme s'il était lui-même ou elle-même Anaïs Nin, deux moments de bande dessinée exceptionnels. Raconter la vie d'une écrivaine ayant fait date dans l'histoire de la littérature présente plusieurs défis : celui des faits biographiques, celui d'une ligne directrice, et celui de respecter son œuvre, voire d'en intégrer l'essence. Léonie Bischoff parvient à combler tous ces enjeux de l'horizon d'attente du lecteur, avec une élégance tout en douceur, y compris dans les pires moments, une sensibilité en phase parfaite avec celle de son sujet, un point de vue qui fait corps avec celui d'Anaïs Nin, et une narration visuelle enchanteresse. Chef d'œuvre.
Très attiré par ce dessin si précis si fin si coloré en premier lieu avec des gros doutes sur l'intérêt de l'histoire. Je craignais que l'héroine tourne en boucle sur ses phantasmes ou autres insécurités. Et finalement non, il y a vraiment une progression du scénario et de ces personnages. Personnellement je ne connaissais rien sur la vie de Anaïs Nin, et grace à cette lecture, j'ai l'impression de l'avoir rencontrée! Et quel personnage!
Sur les conseils de ma libraire, j'ai profité de la réédition chez Casterman de certains lauréats d'Angoulême pour découvrir cette oeuvre. J'en sors mi-figue mi-raisin. Malgré toutes les qualités graphiques et littéraires de la série de Léonie Bischoff, je n'ai vraiment pas adhéré à cette histoire. Je me sens très proche des avis de Gaston et surtout de Ro sur ce coup là. Je me suis vraiment beaucoup ennuyé pendant ma lecture et je me suis rapidement contenté de regarder les belles planches de l'autrice. Son trait fin est très élégant dans ses courbes pleines de sensualité et de poésie. Même la mise en couleur souvent limitée aux contours des personnages participe à la délicatesse du récit. Mais voilà, le personnage central d'Anaïs Nin m'a laissé plus qu'indifférent. Les états d'âmes d'une bobo esclave de sa sensualité n'ont éveillé aucun soupçon d'intérêt chez moi et la série qui m'a fait découvrir cette autrice ne m'a pas donné envie de découvrir son oeuvre. Je comprends que cette oeuvre puisse plaire mais ce n'est pas mon truc malgré la qualité formelle de la série.
Anaïs Nin est une femme intrigante, à la fois tourmentée et libérée. Peut-être devrait-on plutôt dire une femme toujours en lutte pour sa libération. Pour se libérer en tant que femme, sexuellement (socialement, elle y parvient plus facilement). Mais aussi pour se libérer de ses questionnements, de ses démons, de ses envies et de ses angoisses. Léonie Bischoff réussit très bien à montrer ces questionnements intérieurs, la force et la fragilité de cette femme qui se révèle à elle-même en même temps qu’elle se révèle à ses amants. Et qu’elle se révèle à ses lecteurs (je me rappelle avoir lu et apprécié il y a longtemps certains extraits de son journal – ici évoqué -, dont « Venus Erotica », « Les petits oiseaux »). Cet album n’éclaire pas toute la part d’ombre de Nin, mais en montre la grande fraicheur, l’extrême fragilité. En partie grâce à un dessin au trait léger, au rendu proche de crayonnés rehaussés de couleurs discrètes. Ce qui a choqué et choque peut-être encore certains lecteurs de Nin est ce mélange de force et de faiblesse, cette aptitude à s’affranchir des carcans sociaux et moraux. Sa liberté qui n’est pas exempte de douleurs. Sa vérité qu’elle pare de mensonges. Bischoff en a fait un beau portrait en tout cas.
Voilà un album qui fait parler de lui. Suite aux nombreux avis divergents, j'avais vraiment hâte de me faire le mien. C'est chose faite ! Résultat, j'en suis agréablement surpris. Autant, j'ai détesté le personnage d'Anaïs Nin, autant j'ai adoré tenter de la comprendre. En effet, je ne suis pas du tout en accord avec sa philosophie de vie. Je la trouve égoïste, narcissique et sans aucune empathie pour les autres. Tous ses choix de vie sont à l'opposé des miens et je ne peux qu'assister avec tristesse à tout le mal qu'elle répand autour d'elle. Néanmoins, j'ai adoré essayer de comprendre sa vision des choses. Je ne connais personne dans mon entourage ayant une personnalité comme celle d'Anaïs Nin (heureusement), je n'ai donc jamais pu comprendre le pourquoi du comment de ce genre de personnalité. Cette BD nous éclaire énormément. L'auteure nous fait entrer dans la tête de l'héroïne, par le biais de son journal intime et tout cela nous permet de comprendre un tout petit peu son comportement. Au final, après ma lecture, je n'adhère toujours pas mais je comprends. Le plus grand point positif de cet album est, à mon sens, le fait qu'il fait énormément parler de lui. Personne ne tombe d'accord. J'ai envie de faire lire cette BD à tout le monde pour pouvoir en débattre avec eux après. 4 étoiles MAUPERTUIS, OSE ET RIT !
J'ai failli mettre 3 étoiles parce que l'album est tout de même bien fait, mais 'bof' c'est vraiment ce que j'ai ressenti. Le dessin est le point fort de ce récit. Je l'ai trouvé magnifique, dynamique et les couleurs sont très belles. C'est du grand art. En revanche, le scénario m'a rapidement ennuyé. Je ne connaissais pas du tout Anaïs Nin et je la découvre donc avec cette bande dessinée et disons que ça ne me donne pas envie de découvrir son œuvre. Je n'irais pas jusqu'à dire que je l'ai trouvé antipathique, mais je n'ai pas été captivé par sa vie, ses préoccupations artistiques....En fait, je me suis emmerdé parce que Nin fait partie d'un milieu social qui m'ennuie profondément, les personnages qui l'entourent sont de vraies têtes à claques, sauf son mari. Et puis j'ai pas trop compris pourquoi je devais voir en elle une femme libérée, j'ai surtout vu une pauvre femme qui vit dans un milieu toxique et qui s'évade de ses problèmes avec le sexe. J'ai rien contre les femmes sexuellement actives, mais j'ai vraiment eu l'impression en lisant la BD qu'elle avait un caractère autodestructeur. Voilà c'est ma vision, peut-être que c'est parce que je suis un homme qui en plus vit dans un milieu différent que Nin et qui est aussi né des décennies plus tard. En tout cas, cette BD m'a ennuyé.
Pour certaines oeuvres, il convient de séparer l'ouvrage de son auteur. Dans le cas de celle-ci, il m'a fallu séparer l'ouvrage de son personnage. Je ne connaissais Anaïs Nin que de nom, ne sachant pas vraiment jusqu'à il y a peu en quoi elle était connue. Cette BD m'a permis de la découvrir... et de constater pourquoi elle n'était jamais parvenue jusqu'à moi tant elle s'éloigne des aspirations et affections de mes proches et de moi-même. Concrètement, je n'ai aucun intérêt pour le personnage, ne partageant aucun des atermoiements sentimentaux de celle qui m'a été présentée ici comme une femme mariée oisive s'abandonnant aux désirs des hommes qu'elle rencontre pour nourrir son esprit artistique et sa psychologie tourmentée avant d'elle-même prendre les devants avec presque tout le monde jusqu'à aboutir à une liberté venant percuter de plein fouet l'inceste, et cela tout en louant son mari fidèle et compréhensif. Faut-il célébrer une telle ouverture d'esprit ? Disons que ce n'est pas ma vision de la libération de la femme puisque ce n'est aucunement la liberté à laquelle j'aspire moi-même. S'il fallait donc juger une oeuvre sur son personnage, j'estimerais cette BD bof sans plus, car cette femme qui a sans doute dû choquer au début du 20e siècle ne m'inspire aujourd'hui qu'une indifférence légèrement méprisante. Mais la BD en elle-même n'en demeure pas moins de belle qualité. Sur le plan narratif, elle a su maintenir mon intérêt malgré un sujet qui, comme je le dis plus haut, avait tout lieu de m'ennuyer rapidement. Sur le plan graphique ensuite, je la trouve très belle. Je ne suis pas amateur en général de ce type de graphisme qui épure voire omet la majorité des décors pour se focaliser sur les seuls protagonistes et quelques décorations illustratives, mais j'ai trouvé dans cet album une grande esthétique et une jolie personnalité visuelle. J'apprécie l'originalité de cet encrage aux couleurs variées. Je craignais que leurs tons pastels le rendent mièvre à mes yeux, mais en définitive je trouve les planches très réussies et attractives. Et grâce à cela, j'ai pu approcher une facette de l'esprit de cette fameuse Anaïs Nin vers laquelle je n'aurais probablement jamais été autrement. C'est donc un bel ouvrage, mais sur un sujet qui ne m'intéresse pas et n'a pas su me toucher malgré l'excellence de sa mise en scène.
Chaque homme à qui j'ai fait lire mes textes a tenté de changer mon écriture. Écrire comme un homme ne m'intéresse pas. Je veux écrire comme une femme. Cette présentation m'avait mis l'eau à la bouche. En ressortant de ce livre, je n'ai pas l'impression d'avoir eu un quelconque développement sur ce sujet. Anaïs Nin a de sacrés problèmes. Elle a visiblement baigné dans un milieu familial toxique et pervers. Elle est loin, très loin d'être au clair avec elle-même. Elle attire d'abord involontairement les hommes comme le miel les mouches et ne sait pas leur dire non, et ensuite elle les attire volontairement. Elle voudrait bien écrire des trucs super bien qui révolutionneraient les genres et casseraient les codes, et on la voit discuter de quel mot il faudrait mettre à la place de celui-ci... En terme de priorité, peut-être la structure ou le fond seraient-ils plus importants ? Elle fréquente June, la femme d'Henry Miller, et fait des commentaires sur sa vacuité et le fait qu'elle n'existe que dans le regard des autres. Par contre, elle, pour exister, couche avec à peu près tous les hommes qu'elle rencontre. Intéressant... Anaïs Nin, pour aller mieux, devrait sans doute faire une psychanalyse. Ce qu'elle fait. Mais elle couche avec son analyste. Alors elle fait une autre psychanalyse, avec un analyste vachement mieux, un disciple de Freud. Manque de bol, elle couche aussi avec. Quel dommage. Anaïs Nin, pour aller mieux, ne doit pas changer, elle doit s'accepter telle qu'elle est. Alors elle couche avec son père dans lequel elle cherche son image et des réponses, qu'elle croit trouver mais non. Alors elle cherche des réponses en elle-même, mais a quand même couché avec son père. Au final, Anaïs Nin, pour rester celle qu'elle veut être, réussira à perdre son enfant. Alors excusez-moi, mais sans connaître le personnage à part par ce récit et sans avoir lu un seul extrait de sa prose, je trouve Anaïs Nin d'un égoïsme sans borne, d'abord esclave de ses travers, puis esclave volontaire de ses travers. Victime de perversité, et elle-même perverse et dénuée de toute morale. Ne cherchant pas de solution pour s'améliorer mais s'enfonçant au contraire pour réussir à se sentir mieux. Ce récit est malsain, et il ne s'agit pas d'exploration de la féminité, mais d'exploration d'une personnalité. Même si à côté de ça les analyses psychologiques à deux balles fusent parfois, tel un épisode d'Anaïs et les garçons. Dans toute cette histoire, le seul personnage à peu près normal bienveillant est le mari d'Anaïs, cocu jusqu'au cou et auquel elle ment pour le préserver (ou se préserver elle-même ? ©Psychologie de quartier). On pourra dire qu'Anaïs Nin a trop d'amour pour un seul homme, et on gagnera ainsi le badge du club des excuses foireuses pour justifier l'infidélité. J'ai su au bout d'un demi-chapitre que ce livre ne me plairait pas. Je ne m'attendais pas que ça soit à ce point-là. Sinon, oui, le dessin est très beau.
Léonie Bischoff... Mac Arthur nous avait bien dit de ne pas oublier ce nom... Eh bien je peux vous dire qu'après cette magnifique lecture je ne l'oublierai pas de sitôt ! J’ai découvert cet album (et, je dois le confesser, l’existence d’Anaïs Nin par la même occasion) grâce à la critique postée par Mac Arthur. Son enthousiasme débordant, ainsi que le dessin séduisant m’ont donné envie de lire cette BD ; par la suite, les autres critiques élogieuses postées sur le site m’ont définitivement convaincue que je ne devais pas passer à côté. Et grand bien m’en a pris ! Dès les premières pages j’ai été envoutée par le dessin… ah, ce dessin, que dire à part qu’il est tout simplement sublime ? Après ma lecture, je me suis rendue compte que j'avais déjà lu un album dessiné par Léonie Bischoff (Le Prédicateur) mais je n’ai pas été spécialement marquée par son dessin. En revanche, dans cet album l’autrice me parait avoir atteint une parfaite maturité, semblant laisser libre cours à toute sa créativité et son inspiration. Le dessin au crayon multicolore apporte beaucoup de douceur et un charme indéniable. Les nombreux espaces laissés blancs apportent quant à eux dans certaines planches une belle luminosité qui contraste avec d’autres scènes plus sombres. Le trait gracieux retranscrit à merveille la sensualité d’Anaïs Nin, certaines compositions sont tout simplement magnifiques. C'est original, délicat, inspiré ; à mes yeux c'est tout simplement parfait. Et quel bonheur de découvrir au fil des pages que ce dessin magnifique n’est pas le seul atout de cet album ! J’ai été très rapidement happée par le récit, j’ai plongé avec bonheur dans l'esprit d'Anaïs, cette femme superbe qui brûle de vivre pleinement, sans entraves, loin des chemins tout tracés. Il se dégage de son être la passion, l'amour ; et loin de l'image de l'artiste tourmenté éternellement malheureux elle ouvre une autre voie. Léonie Bischoff nous ouvre une porte sur la vie d’Anaïs Nin par le biais des extraits de son journal intime, journal qu’elle a tenu avec assiduité toute sa vie. La force de cet ouvrage est de rendre compréhensible des comportements que par ailleurs on pourrait être tenté de juger ; en pénétrant dans l’esprit et le cœur d’Anaïs Nin, on réalise que malgré ses nombreuses aventures, il n'y a nulle trace d'égoïsme ni de manque de respect envers son mari à qui elle voue un amour sincère. Il semble juste que son cœur et ses désirs sont trop grands pour un seul homme. Et elle témoigne à chaque personne qu’elle croise une telle bienveillance qu’on ne peut voir en elle qu’une belle personne. Je suis heureuse d’avoir lu ce superbe album, et d’avoir découvert Anaïs Nin, cette femme décidément fascinante. Nul doute qu'elle ne s'est pas retournée dans sa tombe à la sortie de l'album. Au contraire, elle doit y reposer plus en paix que jamais, reconnaissante d'avoir été à ce point magnifiée et si bien comprise.
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