Le Discours de la panthère
Cette Bande-dessinée est une succession de plusieurs histoires animalières. On suit ainsi un buffle s'efforçant de déplacer une île pour qu'elle échappe à la destruction par une comète filant droit sur elle, une autruche qui se dévalorise, un jeune éléphanteau apprenant l'histoire du monde, un étourneau s'égarant au cours de sa migration... Cet ensemble propose une réflexion philosophique sur la nature du monde et la relativité de nos perceptions culturelles.
Gobelins, l'École de l'Image Les petits éditeurs indépendants
Un buffle pousse de toutes ses forces sur la paroi, enfonçant sa tête dans la roche pour déplacer une île ; c’est qu’une comète, qui file dans le ciel, viendra bientôt heurter la surface et exploser ce bout de terre. Le buffle le sait, il l’a vu dans ses rêves, c’est ce qu’il dit au varan qui le rejoint dans son effort. C’est ainsi que commence ce récit, formé de plusieurs histoires courtes où les animaux occupent seuls le devant de la scène. Au fil de ces récits, on suit un étourneau perdu en pleine migration, une autruche qui doute, un jeune éléphant apprenant l’histoire du monde... Cet ensemble de paraboles d’une grande force d’évocation nous replonge dans les délices des fables de La Fontaine autant que dans les images tourmentées du Livre de la Jungle. Habilement, Jérémie Moreau parvient à décentrer notre regard et à dépasser l’apologue moral humaniste ; les animaux deviennent des vivants, aux existences et aux beautés singulières. Après La Saga de Grimr et Penss, Jérémie Moreau, en pisteur qui sait lire les signes et les traces, continue d’explorer, dans ce Discours de la Panthère, les chemins qui mènent aux origines du monde. Texte : Editeur.
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Date de parution | 22 Octobre 2020 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Jérémie Moreau est décidément un auteur à suivre. S'il n'a (presque) pas toujours réalisé des chefs d’œuvre (Penss et les plis du monde était une déception du point de vue graphique avec ses personnages à moitié mangaïsés), il sait cependant se renouveler. C'est un auteur qui cherche, explore, trouve souvent... On sent le gars généreux, plein d'audace, qui a des choses à dire et à faire voir, et surtout, qui ne s'assoie pas sur le succès. Rien que pour cette raison, avec Le Discours de la panthère, l'ami Moreau confirme tout le bien qu'on pensait de lui et s'impose comme un artiste incontournable. C'est finalement assez rare pour être souligné me semble-t-il. Ce nouvel essai est, une fois encore, marqué d'emblée par un changement de style graphique tout à fait saisissant. Même si l'on retrouve par moments ce goût pour les fonds texturés qui avaient conféré une puissance phénoménale à La Saga de Grimr, les dessins, épurés et chatoyants donnent ici l'impression d'un parti pris très fort et parfaitement assumé. "Penss", son ouvrage précédent, m'avait au contraire laissé un goût d'inachevé. On sentait clairement que l'ami Moreau hésitait alors entre plusieurs voies possibles. Au contraire, la sobriété lumineuse du Discours de la panthère tranche net et nous invite à pénétrer dans un monde merveilleux. L'expressivité des personnages (ici exclusivement des animaux) a toute la place pour s'exprimer. Moreau parvient à capter l'essence de chaque animal et à la fixer dans des gestes et des attitudes tout à fait typiques : mouvements de tête caractéristiques de l'autruche, marche lourde et chaloupée de l'éléphant, pas rapides du pagure (le fameux bernard l'hermite)... Mention spéciale aux vols acrobatiques et si féériques des étourneaux. Le dessin vibre et s'anime comme dans un trip sous LSD. De toute beauté ! Ce livre est d'abord un enchantement pour les yeux, à plus forte raison parce que les éditions 2024 ont su apporter à ce conte animalier l'écrin qui lui sied comme un gant. Mais ce magnifique dépouillement, tout en aplat de couleurs, souvent réduit à une ligne d'horizon, une dune, un arbre, une montagne, un nuage... permet également à l'histoire de s'étirer dans les moindres recoins. Cet ensemble de fables, comme autant de paraboles habilement imbriquées les unes dans les autres, voit son graphisme mis entièrement au service du propos, autant spirituel que philosophique. Au fil du livre, à travers chaque expérience de vie, le lecteur assemble peu à peu ce puzzle dont la dernière pièce (l'histoire du singe, sorte de proto humain en quelque sorte) donne tout son sens à cette réflexion sur la vie et ce qui nous unit à elle de manière intime. C'est beau et profond dans la forme et tout autant, sinon plus, dans le fond. Et tout ça sans jamais verser dans la lourdeur, le pathos ou la morale à papa. Une gageure ! En réalité, Jérémie Moreau choisit bien l'animal en fonction de ce qu'il lui fait vivre. Par exemple, de manière certes un peu convenue mais qu'importe puisque ça fonctionne, l'éléphant illustrera l'Histoire et la mémoire, ainsi que la manière dont on se construit aussi en fonction d'elle. L'autruche, animal a fortiori nettement moins gracieux qu'un chaton, symbolisera quant à elle l'image que l'on a de soi-même... Ainsi, chaque histoire s'attache à un aspect de la vie (et de la mort) pour former un ensemble parfaitement dense et cohérent. Blindée de discrètes références (on songe pêle-mêle au douanier Rousseau, à Kipling, La Fontaine, Esope...), le Discours de la panthère et son style naïf ne manquera pas d'interpeller. Magnifiquement illustrée, soutenue par des textes malins, le lecteur se voit tout entier absorbé par cette histoire d'une originalité certaine. Ajoutons que ce livre s'adresse aussi bien aux adultes qu'aux enfants, et on comprendra que l'on tient ici une bande-dessinée aussi originale qu'universelle. Cette lecture fut un véritable enchantement qui m'a scotché un sourire béat aux commissures toute la journée. Ben moi, j'appelle ça un coup de cœur !
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