L'Accident de chasse (The Hunting Accident)
Angoulême 2021 : Prix du meilleur album Roman graphique tiré de faits réels qui traite de la rédemption et du pouvoir sans limite de la littérature.
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En 1959, Charles Rizzo part vivre avec son père à Chicago après le décès de sa mère. Il grandit dans les quartiers déshérités et fait partie d'une bande. Après avoir participé à un cambriolage, la police vient frapper à sa porte. Son père Matt Rizzo choisit alors de lui dévoiler la vérité sur l'origine de sa cécité. Un secret de famille révélé pour sauver son fils de la prison mais qui va être vécu comme une trahison par son fils. Charles Rizzo lui dévoile son passé, sa rencontre avec Nathan Leopold auteur d'un crime horrible avec son complice assassiné en prison. Ils partagent la même cellule, Nathan Leopold impliqué dans l'instruction des détenus de la prison va lui permettre d'étudier le braille pour découvrir la lecture. Cette passion deviendra pour Charles un échappatoire à son quotidien pour devenir sa raison de vivre et sa solution pour réintégrer la société à sa sortie de prison.
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Date de parution | 27 Août 2020 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Je suis tentée de mettre 5 étoiles parce que c'est un album qui vous ouvre des portes sur de nombreux horizons qui ont toutes les chances de nous aider à vivre. Cela vous semble déjà exagéré et donc je vais essayer de vous convaincre sans vous gâcher le plaisir de la lecture, c'est la quadrature du cercle. C'est une histoire impossible à résumer, l'histoire d'un mensonge qui finit par détruire la vie de celui qui pensait se protéger grâce à lui. (première leçon), c'est aussi l'histoire d'un enfant qui doit devenir adolescent tout en vivant seul avec son père aveugle dans un quartier chaud de Chicago dans les années 50..(deuxième leçon) C'est l'histoire d'un type un peu naïf et inculte qui devient un exégète hyper pointu de Dante au contact d'un meurtrier d'enfant. (la vie est décidément pleine de surprise !) C'est bien sûr l'histoire récurrente de l'accident de chasse (c'est du lard ou du cochon ?) C'est aussi l'histoire de deux détenus qui organisent une lecture gesticulée de l'Enfer de Dante qui obtient un succès impressionnant dans la prison. Enfin c'est le mode d'emploi pour convaincre un dépressif qui a de bonnes raisons de l'être de reprendre goût à la vie. Toutes ses questions sont parfaitement imbriquées dans une histoire à la fois noire et inexorablement optimiste. Les personnages sont très bien caractérisés, et leur parcours nous importe. La poésie est le ciment de toutes cette architecture. Le dessin en hachures noires superposées sur fond blanc créent une ambiance sombre et plutôt oppressante qui nous met sur nos gardes, on s'attend au pire à chaque page alors qu'il n'est jamais sûr. Le panoptique de la prison, en particulier, est magnifiquement rendu, dans sa démultiplication concentrique. Le seul bémol c'est la prose du père aveugle, qui est lu par petits interludes : la langue est très contournées avec un vocabulaire désagréablement recherché , si bien qu'on a du mal à lire le tout et on a tendance à sauter les pages. Quel dommage ! Je n'ai pas trouvé ce que ça apportait... Bref tout le reste doit être lu : cela fait comprendre une partie du monde, et c'est tellement rare ...
Pour cet impressionnant pavé, David L. Carlson s’est basé sur une histoire vraie qui l’a captivé d’emblée, celle de son ami Charlie, ou plutôt celle de son père, Matt Rizzo. Le lecteur le comprendra aisément dès les premières pages qui le plongent dans un univers sombre et inquiétant, à travers le récit de l’accident de chasse du père, dans un « no-man’s » land de Chicago où planait alors l’ombre de Leopold et Loeb. Les deux jeunes hommes avaient voulu commettre le crime parfait en séquestrant et en tuant un adolescent de 14 ans. Sans trop spoiler le récit, on découvrira que le père, ancien petit malfrat, a fait plusieurs années de prison et que, par une troublante « coïncidence », il y a fait connaissance avec Nathan Leopold, l’un des deux assassins dont il partageait la même cellule. Avant cet épisode qui représente la majeure partie du livre, Charlie raconte ses premières années à Chicago, sa (re-)découverte de son père et les longs moments passés avec lui, dans un appartement sans lumière où il passait l’essentiel de son temps sur sa machine à écrire en braille. C’est paradoxalement en prison que l’apprenti gangster s’est racheté une conduite en prenant goût aux choses de l’esprit, grâce à Leopold qui se révèlera, contre toute attente, une personnalité attachante et soucieuse de transmettre sa passion de la littérature et de la « langue des poètes » aux détenus. Au sein de la prison, celui-ci organise régulièrement des lectures des grands auteurs littéraires, dans un mode théâtral qui permet de mieux capter l’attention des détenus, avec parfois quelques réactions épidermiques et souvent passionnantes. Car l’initiative de Leopold intrigue, et peu importe ce qu’ils en comprennent, les prisonniers viennent assister avec intérêt à ces sessions en apparence à mille lieues de leurs préoccupations triviales, mais qui leur permettent a minima d’échapper à leur quotidien misérable. David L. Carlson nous propose ici un roman graphique d’une extrême richesse, touffu certes mais néanmoins très fluide. L’érudition est présente à toutes les pages, avec en surplomb les figures tutélaires de la littérature et de la poésie à travers les siècles : Platon, Nietzche, Edgar Allan Poe, Shakespeare, Homère, Milton, Emerson et d’autres. Mais celle qui servira de fil rouge au récit, c’est assurément Dante Alighieri et sa « Divine Comédie », qui, pour Matt Rizzo, fera office de métaphore pour sa vie passée et présente, se muant progressivement en quête initiatique salutaire, lui qui avait pour obsession de mettre fin à ses jours au début de son incarcération. Cet objet rare et très personnel s’avère un magnifique conte noir qui revisite avec brio la fameuse « Divine Comédie », prouvant s’il le fallait qu’elle fait bien partie des grandes œuvres humaines intemporelles. Landis Blair de son côté nous subjugue et nous envoûte par son trait hyper-expressif, tout en noirceur, reflétant parfaitement l’univers carcéral du récit (lié en partie à la cécité du personnage principal), où croisillons et hachures recouvrent les pages jusqu’à l’obsession. Ce parti pris autorise les visions les plus cauchemardesques, seuls quelques rares espaces sont concédés à un blanc à peine rassurant. Blair fait preuve d’une expressivité folle et d’une originalité inouïe dans la mise en page. A n’en pas douter, « L’Accident de chasse », c’est du lourd, et pas seulement au sens figuré. Très justement récompensé au Festival d’Angoulême 2021, ce roman graphique, dans la lignée d’un « Maus », où là encore les rapports père-fils faisaient l’objet d’une exploration sans concession, est une ode superbe à la littérature et à la poésie, en particulier aux grands auteurs cités dans le livre. L’ouvrage, qui vient nous rappeler que l’imagination a le pouvoir de briser les barreaux d’une prison, honorera sans conteste votre bibliothèque. Un chef d’œuvre à lire et à relire.
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