Contrecoups

Note: 4/5
(4/5 pour 3 avis)

30 ans après, le récit d'un drame qui secoua la société française.


Ecritures La BD au féminin Paris

Cela faisait plusieurs semaines que les étudiants manifestaient dans Paris et que les face-à-face avec la police se durcissaient. Mais pour Olivier, Estelle, Martin, Oscar, Jean-Luc, Alain, Lise, Hassin et Francky, la vie continuait et la soirée du 5 décembre 1986 aurait pu être comme toutes les autres... Sauf qu'ils se sont retrouvés en plein cœur de « l'affaire Malik Oussekine ». (texte de l'éditeur)

Scénario
Dessin
Editeur / Collection
Genre / Public / Type
Date de parution 16 Mars 2016
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Contrecoups © Casterman 2016
Les notes
Note: 4/5
(4/5 pour 3 avis)
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18/12/2020 | AlainM
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L'avatar du posteur bamiléké

Malgré ma bonne notation, je reste perplexe après ma lecture. Le récit est construit sur les genres journalistique et historique au sein d'une fiction qui donne du lien au différentes situations. Cela donne une narration très dynamique presque à suspens tant le rythme est élevé et l'enchaînement bien huilé. Toutefois la qualité de la narration peut être perçu comme un défaut tant la personne de Malik est assez peu présente alors qu'il est la pierre angulaire et la victime de cette absurde affaire qui n'aurait jamais du exister. En 86 je revenais de ma coopé, diplômes en poche et je commençais ma vie pro dans une paisible ville des Ardennes. Comme j'avais suivi des filières sélectives je n'étais pas franchement dans le bain des évènements estudiantins de Paris. Toutefois on ne pouvait pas passer à côté des images très violentes du parvis des Invalides où les forces de l'ordre faisaient du "tir direct" sur les manifestants (parfois très jeunes avec leurs parents) au risque de blessures très graves. Bollée et Puchol n'abordent pas cette partie de grande tension depuis deux semaines qui explique ( sans la justifier) l'utilisation disproportionnée et criminelle de la violence au sein des VPN. Il vaut mieux connaître le contexte dans lequel s'inscrit cette triste nuit du 5 décembre pour comprendre l'attitude et la dureté des ordres du capitaine et du brigadier-chef. Car le paradoxe est que cette soirée du 5 fut assez calme, les étudiants obéissants sans trop de difficultés aux ordres d'évacuation et de dispersion. Non nous n'étions pas en état de guerre civile malgré certaines prises de positions ahurissantes de responsables médiatiques. Car je trouve qu'il n'y a pas une grande différence entre nommer ses compatriotes "des zombies" atteints "de sida mental" que "les cafards" de la radio des mille collines huit ans plus tard. C'est la cohésion nationale qui est en jeu. Le pauvre Malik se trouvait au mauvais endroit au mauvais moment. Avec sa Bible et sa carte de la très sage et sélective Paris-Dauphine dans la poche, il n'avait rien d'un casseur armé jusqu'aux dents, lui le solitaire qui sortait d'une boîte pour écouter du jazz. Oui cette situation est emblématique des dérives d'un Etat qui outrepasse illégalement ses prérogatives. Aucun couvre feu n'était décrété, aucun juge n'avait interdit de se promener la nuit dans Paris, et même un simple contrôle ne peut s'accompagner d'une telle violence. Ce sont toutes ces questions fondamentales qui ressurgissent de temps à autres que soulève la série de Puchol et Bollée. J'aurais bien noté avec un beau 5 mais je trouve que l'ajout de situations diverses ( l'amourette des étudiants, la stigmatisation des séropositifs dans ces années, la prise de conscience du petit voyou) diluent un peu le propos même si cela lui donne de la densité en l'ancrant dans le réel de l'époque. Un mot sur le très beau N&B de Jeanne Puchol qui participe au dynamisme et à la dramatisation de ces quelques heures qui sont entrées dans l'Histoire de la cohabitation. Une lecture qui m'a passionné et un très beau devoir de mémoire pour la famille de Malik bien injustement meurtrie .

09/04/2025 (modifier)
L'avatar du posteur Noirdésir

En 1986 j’avais 18 ans, et je me rappelle très bien cette époque d’éveil politique. Surtout, je me rappelle avoir participé à mes premières manifestations de masse contre cette réforme Devaquet. C’est dire que cette affaire m’a touché immédiatement. Je me rappelais de l’éditorial à gerber de Pauwels dans le Figaro (cité ici), mais aussi d’une phrase du Pandraud (ministre adjoint de Pasqua à L’intérieur), qui a déclaré dans les heures suivant la mort de Malik Oussekine que « s’il avait un fils sous dialyse, il ne l’aurait pas laissé sortir comme ça la nuit ». C’était le temps où le pouvoir croyait encore pouvoir étouffer l’affaire. A vomir. Sur un dessin classique de Puchol (un Noir et Blanc tranché très clair et agréable), Bollée a reconstitué le drame, en y incluant des personnages « probables », crédibles, pour rendre « vivantes » les scènes. C’est en tout cas très lisible, facile à suivre, même si certains personnages sont peut-être inutiles et « artificiels » (comme ce jeune homme qui vivote de petits larcins et qui développe sa conscience politique et se rallie aux étudiants très brutalement). L’album se lit donc très bien, et permet peut-être aux plus jeunes de découvrir ce « fait divers » qui a marqué cette époque et qui a sali la réputation de la police et, accessoirement, suite à d’immenses manifestations – j’y étais – a poussé le gouvernement à retirer la loi Devaquet. Ce qui est ironique, puisque Malik Oussekine n’était pas étudiant et ne participait pas à ces manifestations. Cette suite immédiate de la mort de Malik Oussekine aurait pu être rappelée par un épilogue en fin d’album je pense. Le drame rappelé dans cet album résonne d’autant plus qu’aujourd’hui on a sérieusement l’impression qu’il pourrait tout à fait se reproduire – qu’il s’est peut-être déjà reproduit. En effet, les méthodes de répression, l’utilisation de la violence pour réprimer les manifestations des Gilets jaunes, et plus récemment contre la réforme des retraites (mais aussi contre les ZAD, les méga-bassines, etc.) montrent que nos dirigeants n’hésitent pas à user de méthodes d’habitude. Méthodes généralement attribuées aux dictatures pour faire taire les opposants, lorsque le pouvoir est en position de faiblesse. Et aujourd’hui encore la propension du pouvoir (voir les déclarations de Darmanin) à systématiquement couvrir et nier les violences policières est la même, hélas. J’aurais sans doute spontanément mis trois étoiles, mais j’arrondis aux quatre pour le sujet et la résonance actuelle (et les souvenirs que cela ravive en moi). Note réelle 3,5/5.

14/05/2023 (modifier)
Par AlainM
Note: 4/5
L'avatar du posteur AlainM

Ce roman graphique est presque un documentaire tant il tente de décrire les circonstances qui ont amené à la mort du jeune Malik qui jamais n’aurait dû être impliqué dans cette histoire. La plupart des protagonistes de cet album n’ont pas existé mais ils auraient pu. Le scénario fait bien ressortir l’ambiance qui régnait à Paris lors de cette première cohabitation (entre Mitterrand et Chirac). C’est bien sûr présenté d’une manière un peu partiale mais les événements récents ont montré que les forces de police ne sont pas exemptes de critiques. Si quelques mesures ont été prises au sein de la police après ce malheureux événement de 1986, on voit resurgir des tensions et des pratiques policières assez comparables plus de trente ans après. Quand arrivera-t-on en France à avoir un dialogue constructif entre le peuple et le pouvoir plutôt que des oppositions stériles et des dialogues de sourds ? Enfin, ne polémiquons pas et revenons plutôt à notre BD. Elle a une valeur de témoignage d’un passé pas révolu du tout et permet de se plonger dans la peau de quelques personnes qui auraient pu vivre ce drame : un étudiant matraqué dont la plainte n’est pas reçue par la police, un commissaire de police qui sacrifie sa vie de famille pour défendre une cause à laquelle il n'adhère pas trop, une médecin légiste dont le rapport est édulcoré pour respecter les injonctions du pouvoir, … Bref, chacun semble pris dans un engrenage qui le dépasse et a beaucoup de difficultés à suivre ses aspirations profondes ou à faire valoir ses droits. Cette BD m’a fait découvrir un fait divers qui illustre bien que l’Histoire est un perpétuellement recommencement et que les mécontentements populaires et les violences policières semblent transcender le temps. Le dessin en noir et blanc de Jeanne Pujol est très réaliste et très lisible. Bonne BD qui porte sur un sujet dont on entend malheureusement beaucoup parler encore aujourd'hui et pour lequel peu de mesures sont prises.

18/12/2020 (modifier)