Connexions

Note: 3.57/5
(3.57/5 pour 7 avis)

Un récit labyrinthique qui se déroule dans une grande ville contemporaine.


Les petits éditeurs indépendants OuBaPo

Dans chacun des six chapitres de ce premier opus, nous suivons un personnage différent. Son histoire commence dans une pièce, dans un recoin de la page. En se déplaçant, il fait apparaître peu à peu son environnement, en vue isométrique, à la manière de certains jeux vidéos. Pierre Jeanneau parsème son récit de zooms sur des éléments du décor – une photographie, une lettre – autant d'indices permettant au lecteur de reconstituer le passé des personnages. Comme dans un roman de Georges Perec, les lieux et les objets sont partie prenante de la narration. Récit générationnel, Connexions met en scène de jeunes adultes entrant tous dans une nouvelle période de leur vie : changement professionnel, perte de figure parentale, naissance d’un enfant, retour de voyage, etc. Mais on découvrira d’autres connexions entre ces individus dont les vies s’entremêlent subtilement…

Scénario
Dessin
Couleurs
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 22 Octobre 2020
Statut histoire Série terminée 2 tomes parus

Couverture de la série Connexions © Tanibis 2020
Les notes
Note: 3.57/5
(3.57/5 pour 7 avis)
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19/12/2020 | Blue boy
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Par Emka
Note: 3/5
L'avatar du posteur Emka

Je passe mon avis de 4 à 3 après la lecture du 2e tome. Le principe de l'axonométrie, cette mise en page très originale et qui fonctionne très bien ne suffit pas pour moi à relever un certain manque de profondeur. J'aime beaucoup le principe de cette mosaïque d’histoires et de personnages, où chaque fragment semble murmurer un bout de vérité. Pas de grande intrigue ou de résolution éclatante ici, mais une exploration subtile des liens invisibles qui nous relient – ou nous isolent, d'où le nom de cette BD. Le dessin de Jeanneau est à la fois précis et épuré, avec ce qu’il faut de retenue pour laisser l’imagination combler les blancs. Les cases oscillent entre le plein et le vide. Les personnages évoluent dans des trajectoires fragmentées, comme des satellites qui gravitent les uns autour des autres sans toujours se croiser. On sent chez eux une quête, un besoin de sens ou d’appartenance, mais aussi cette cruelle difficulté à se comprendre ou à se raccrocher au monde. Jeanneau capte avec justesse ces moments suspendus, où tout semble possible mais où rien ne se passe vraiment. Et c'est la que le bât blesse pour moi, on sent que l'auteur n'est pas là pour donner des réponses mais poser des questions, pour ouvrir des espaces de réflexion sur ce qui nous unit. Seulement cela se fait je trouve au détriment d'une compréhension plus profonde des personnages, de ce qui les anime. C'est cette mise en page en forme d'alvéoles qui avait retenu mon attention à la base. Loin d'être déstabilisante, je trouve que cela permet de mettre le focus sur l'endroit où l'auteur en a envie et permet d'ajouter du contexte pour que cela serve l'histoire. Et c'est justement je pense, aussi le bon médium pour donner de l'épaisseur à des personnages qui en manquent un peu. Peut être trop de personnages à développer dans un format aussi court ? Parce qu'avec de grandes illustrations en pleine page qui viennent poser des respirations, il reste peu de temps pour cela. C'est donc à la fois une très belle surprise sur le fond (cette thématique des connexions qui nous lient) et la forme (avec cette mise en page particulière) mais aussi la frustration d'un scénario et un développement des personnages qui manquent pour le moment d'épaisseur.

03/06/2024 (MAJ le 18/11/2024) (modifier)
Par Présence
Note: 4/5
L'avatar du posteur Présence

Qui sait quelle personne tu seras en revenant ? - Ce tome est le premier d'un diptyque indépendant de tout autre. La première édition date de 2020. C'est l’œuvre d'un auteur complet : Pierre Jeanneau pour le scénario, les dessins et les couleurs, avec la participation de Philippe Ory pour ces dernières. Il s'agit d'une bande dessinée de 200 pages. Javier se réveille dans le lit double de la chambre de son appartement. Il se lève en pyjama de type short et teeshirt, et va prendre sa douche. Une fois lavé et habillé, il va se servir une tasse de café qu'il savoure dans le fauteuil de son séjour. À l'esprit, il a la photographie de lui et Faustine sur une petite table, et plusieurs cartons portant l'inscription À Faustine.il s'allonge à moitié dans son canapé et prend le carnet de notes dans lequel se trouve le descriptif de Sand Castles, une chanson de son groupe. Un livreur sonne à la porte de son appartement. Javier va ouvrir et prend en charge le carton, alors qu'un message apparaît sur sa boîte mail de Marc, son pote, lui indiquant qu'il arrive bientôt. Dans le carton, Javier trouve des affaires de Faustine, sans savoir pourquoi elles arrivent chez lui. Elle était devenue sa copine, alors qu'il jouait de la basse dans le même groupe que Marc. Quelques temps plus tard, ils emménageaient ensemble, même si elle remarquait qu'il n'y avait quasiment que des affaires à elle dans l'appartement. Alors que Marc monte dans l'escalier, Javier continue de se remémorer quelques moments de sa relation avec Faustine, en particulier les décalages entre leurs attentes respectives pour le futur. Javier fait entrer Marc et lui sert un café. Il lui demande s'il ne lui aurait pas prêté le livre, celui qui lui inspiré l'écriture de la chanson Sand Castles. Marc lui répond par la négative, en pensant que c'est peut-être Faustine qui l'a. Il continue en lui demandant s'il peut lui emprunter sa basse. Javier répond par l'affirmative et il repense également au jour où sa copine a passé son entretien d'embauche. Quelques jours plus tard, elle évoquait la possibilité de déménager car elle avait trouvé plus proche de son boulot. Il avait répondu qu'il aimait bien le quartier où ils se trouvaient. Il ajoute qu'il faut se presser parce qu'il doit se rendre au travail. Ils passent dans la pièce qui sert de débarras et Javier récupère la basse, Marc jetant un coup d’œil autour de lui. Il remarque une échographie : il consulte les informations qui y sont portées. Faustine est en train de terminer sa journée de travail dans un open-space, pour une banque. Elle répond à un appel de sa mère qui souhaite savoir comment elle va, et elle explique un peu agacée qu'elle n'a pas de nouvelles de Javier. Elle raccroche et se lève, mettant son manteau. Deborah, sa voisine dans le cubicule adjacent, lui dit qu'elle part également. Elle se moque gentiment du fait que Faustine ait sa mère sur le dos, et lui dit qu'elle verra le jour où elle sera enceinte. Sa collègue fait une drôle de tête. Elles prennent l'ascenseur et se retrouve avec le DRH qui fait une observation sur la tenue trop décontractée de Faustine. Voilà un ouvrage qui attire l'attention dès la couverture, avec sa belle perspective isométrique. En y accordant un peu plus de temps et d'attention, le lecteur remarque un niveau de détails impressionnant en termes descriptifs. Il détecte également trois hexagones faisant office d'éclaté, permettant de voir ce qui se passe à l'intérieur du bâtiment sur lequel ils sont apposés. En découvrant la première planche (en page 7), il découvre une seule case hexagonale au centre d'un fond noir. Il fait le lien avec les deux zones noires, de part et d'autre de la rue sur la couverture. L'auteur a pris le parti original d'utiliser systématiquement une perspective isométrique pour toutes les cases sans exceptions, dispositif imprimant une régularité et un cadre peu usuel à la narration visuelle. le récit est structuré en six chapitres, chacun consacré au point de vue d'un personnage, successivement Javier (24 pages), Faustine (26 pages), Marc (30 pages), Assia (24 pages), Matthew (24 pages), et Judith (52 pages). Chaque chapitre s'ouvre donc sur une case hexagonale occupant le centre d'une case noire en pleine page. Sur la deuxième page du chapitre qui lui est consacré, le personnage se déplace, et l'environnement autour de lui apparaît, rattaché à la case initiale : soit une pièce contigüe pour Javier, soit un dessin en double page pour Faustine ou Judith, toujours en perspective isométrique. Il se produit un effet visuel évoquant certains jeux vidéo dans lesquels l'environnement apparaît au joueur au fur et à mesure que son personnage se déplace. Comme sur la couverture, le lecteur repère régulièrement, mais pas systématiquement, un éclaté dans une bordure elle aussi hexagonale qui fait comme un effet de loupe sur un élément du décor, apportant une information visuelle supplémentaire qui se rattache à la pensée qui préoccupe le personnage. Une fois passée la période d'adaptation à ce mode narratif visuel particulier, le lecteur retrouve les marques habituelles d'une bande dessinée. L'artiste représente les personnages avec une forme de simplification dans la description, tout en leur conférant une bonne identité visuelle, et une petite exagération dans certaines expressions de visage. le lecteur peut ainsi bien percevoir leur état d'esprit, sans pour autant que les protagonistes ne donnent l'impression de surjouer. Il remarque que le dessinateur utilise majoritairement des plans assez larges, donnant à voir l'environnement tout autour des personnages, ceux-ci se trouvant entre un à trois mètres du point de vue du regard. Il remarque également que la prise de vue est plus proche des personnages dans le dernier chapitre, la tension émotionnelle ayant grimpé de plusieurs crans. Jeanneau réalise des dessins descriptifs, avec un niveau de détails élevé. Ses traits conservent une forme de souplesse, sans la rigidité des traits très fins et droits. Il porte une attention toute particulière aux endroits où se déroule chaque scène dans des vues globales où le lecteur découvre l'agencement des pièces de l'appartement de l'un ou l'autre, l'ameublement, la décoration, ou encore des dessins en double page en extérieur vue du ciel en perspective isométrique, montrant un quartier ou plusieurs. le lecteur peut ainsi voir une rue ou plusieurs avec les différents bâtiments et leur façade, les usagers de la voie publique, piétons et véhicules. Dans les doubles pages 44 & 45, et 118 & 119, le lecteur découvre une composition très élégante, montrant toujours en vu ciel et en perspective isométrique, le trajet de plusieurs personnages, sous forme de ligne de métro, avec les stations. L'effet est saisissant, à la fois donnant à voir leur trajet, à la fois leur simultanéité, à la fois leur similarité. Il en va de même quand dans une même page, l'auteur mêle le temps présent dans l'image principale, et le temps passé sous forme de souvenirs dans des cases en éclaté. le lecteur prend alors conscience de l'action du moment présent du personnage, et la manière dont un élément ou une phrase lui rappelle de manière inconsciente un ressenti associé à un moment du passé. Au départ, le lecteur ne peut percevoir la structure globale du récit, et il prend le premier chapitre comme il vient. Il fait connaissance avec celui qu'il suppose être le personnage principal, avec son meilleur ami, et dans ces cases du passé, avec son ancienne compagne. Avec le deuxième chapitre, il prend conscience qu'il s'agit d'un récit choral, et il en a la confirmation avec les quatre suivants. Il absorbe les éléments visuels inconsciemment : une grande ville avec un métro, mais sans la densité de population associée à Paris (peut-être Lyon ?), des téléphones portables et des ordinateurs portables (vraisemblablement le temps présent de la parution du récit), des cubicules, une nouvelle rue piétonne en centre-ville. Il lit le premier chapitre sans pouvoir déterminer ce qui relève de l'information essentielle, et ce qui relève de l'anecdotique. Il prête donc attention à chaque information de la même manière. Il se plonge dans une tranche de vie, avec des réminiscences du passé : un individu devant avoir entre 25 et 30 ans, ayant vécu en couple, ayant fait parti d'un groupe de rock (peut-être plutôt de punk), employé dans une librairie, disposant d'un revenu lui permettant de louer un appartement de cinquante ou soixante mètres carrés dans un quartier agréable, sans être rupin. En entament le deuxième chapitre, il établit aisément le lien avec le premier puisque Faustine en est le point focal, et c'était la compagne de Javier. Il comprend progressivement quels liens ont uni quels personnages, et observe que leur vie croise inopinément celle d'autres. Petit à petit ces vies se retrouvent intriquées au présent, avec une vision sur ce qui les a liées précédemment. le lecteur admire l'élégance avec laquelle l'auteur a su composer sa tapisserie narrative. Le lecteur plonge donc dans une sorte de chronique sociale d'un groupe d'une demi-douzaine de personnes se fréquentant irrégulièrement depuis plusieurs années, un milieu social banal, des personnes entre 25 et 30 ans, étant plus ou moins avancées dans la vie active et dans la vie professionnelle. Il ressent quelques regrets épars : la séparation du couple Faustine & Javier, les difficultés de Marc à concilier un boulot dans la restauration et son groupe de punk, la nécessité pour Faustine de se positionner plus clairement dans son milieu professionnel, la réalité d'avoir pu ouvrir le commerce de ses rêves pour Assia, les limites de al vie professionnelle et de la vie de couple pour Matthew, la difficulté de rétablir e contact avec ses anciens après plusieurs mois passés à l'étranger pour Judith. Petit à petit, le lecteur saisit le thème commun à chacune de ces existences, la nécessité de changer, de basculer dans une vie d'adulte en renonçant à sa vie d'étudiants, en concevant autrement ces anciennes occupations avec un regard pleinement adulte, la nécessité inéluctable de faire des choix, d'abandonner certaines activités. Chacun d'entre eux prend conscience de la transition qui a eu lieu progressivement, et qu'il accepte plus ou moins bien, se retrouvant dans une phase ou une autre du deuil de l'état précédent, entre déni, colère, marchandage, dépression acceptation. Après un temps d'adaptation pour lire hexagone par hexagone, le lecteur s'immerge dans une comédie dramatique chorale, douce et déconcertante, plausible, sans être tout à fait naturaliste. Il apprécie la narration visuelle à la mise en page particulière, et aux dessins fournis, et se prête volontiers au jeu d'assembler les pièces du puzzle pour se faire une idée plus claire de la vue générale de l'ensemble. Il perçoit un malaise diffus, celui d'individus prenant conscience qu'ils ont insensiblement changé, chacun à sa manière, acceptant plus ou moins facilement ce qu'ils sont devenus, faisant l'expérience que leurs moments en commun ont perdu en intensité et qu'ils s'éloignent les uns des autres. Une tapisserie remarquable dans son agencement élégant, et dans sa façon d'évoquer cette phase de la vie.

13/06/2024 (modifier)
Par Alix
Note: 4/5
L'avatar du posteur Alix

J’ai acheté cet album pour son graphisme « isométrique ». Comme Ro, ce style me rappelle un peu les jeux vidéo de mon enfance mais aussi plus récents (voir le superbe Disco Elysium). J’ai moi aussi aimé inspecter les décors et dénicher les nombreux détails. De plus je trouve que l’exercice de style ne nuit pas du tout à la narration, ma lecture fut aisée et fluide. L’histoire est certes plus classique, et propose une brochette de personnages à la « Friends », qui s’interrogent sur leurs vies, leurs boulots, leurs relations amoureuses… J’ai toutefois trouvé le ton très juste, et j’adore la façon dont les différents destins se croisent et s’entrecroisent (d’où le titre de la BD). En tout cas je lirai très certainement la suite (surtout que la fin de ce premier tome laisse vraiment les choses en suspens !) Une découverte vraiment sympa.

09/02/2023 (modifier)
L'avatar du posteur Mac Arthur

Incontestablement, c’est la mise en page qui fait toute l’originalité de ce récit. L’auteur parvient en effet à faire évoluer de front l’ensemble de ses personnages, nous baladant d’un à l’autre tout en nous baladant au cœur même de ses planches. A titre personnel, j’ai parfois eu du mal à bien cerner qui était qui et quels étaient les liens entre les différents personnages mais, dans l’ensemble, je trouve que le procédé marche plutôt bien. Au niveau du récit, nous sommes dans un pur roman graphique qui met en scène de jeunes adultes partagés entre leurs rêves et la réalité du quotidien. Les liens qui les unissent, leurs vécus communs, leurs difficultés à communiquer constituent l’essentiel du propos. Dans l’ensemble, je dirais que c’est pas mal, mais s’il n’y avait cette inventivité au niveau de la mise en page, je pense que j’aurais trouvé ce premier tome très commun.

17/10/2022 (modifier)
L'avatar du posteur Noirdésir

Décidément, Tanibis, tout en gardant une belle qualité d’édition, parvient encore à nous surprendre avec cette série originale. Pas tant dans l’histoire elle-même qui, au final, semble n’être qu’un roman graphique quelque peu ordinaire, avec des personnages qui se croisent – dans le temps (nombreux flash-backs) et dans l’espace (va-et-vient successif entre ces personnages). C’est surtout dans la narration que l’histoire se distingue. Comme le laisse deviner le dessin de couverture, nous découvrons le plus souvent les décors en coupe. Les logements, les lieux de travail, voire même les véhicules parfois. Ce qui est intriguant, avec un aspect « ruche vue de l’intérieur » (des sortes de cases ont des airs d’alvéoles), un côté voyeur pour le lecteur. Revers de la médaille, cela renforce aussi le côté froid des décors urbains qui dominent, et impose parfois quelques retours en arrière pour être sûr de qui est qui (j’ai plusieurs fois confondu plusieurs personnages). Le titre de la série peut être polysémique, puisqu’il évoque les liens tissés – ou distendus – entre des personnages. Mais aussi les carrefours (professionnels, amoureux) qui jalonnent une vie, chacun des choix que font les personnages faisant dévier leur trajectoire, les rapprochant les uns des autres ou les faisant s’écarter. Je suis curieux de voir comment cela va se conclure, mais je suis d’ores et déjà convaincu par les choix narratifs et esthétiques, malgré les défauts et une intrigue en elle-même pas si originale. Note réelle 3,5/5.

01/07/2022 (modifier)
Par Ro
Note: 3/5
L'avatar du posteur Ro

Cette BD raconte une histoire assez banale d'une manière originale. C'est la narration graphique qui fait sa force. J'ai cru au départ que ce serait un album complet sous la forme d'un Oubapo ou d'une création de Chris Ware du type Jimmy Corrigan , mais l'auteur n'insiste pas trop sur le côté novateur de sa narration et varie les plaisirs. Ses idées sont multiples en réalité. Il y a d'abord ce choix d'une représentation de la quasi totalité de ses décors sous la forme d'une perspective isométrique, avec des vues en coupe rappelant un jeu vidéo tel que les Sims. J'adore ce type d'angle de vue, ça me donne toujours envie d'en fouiller les détails et de m'imaginer visiter les lieux. Et cela permet aussi de raconter plusieurs choses en parallèle selon l'endroit où l'on regarde dans ce décor multiple. Pour l'action elle-même, mais aussi pour les récits parallèles et les nombreux flash-back, l'auteur insère des petits hexagones par-dessus ses décors qui sont autant de cases qui s'imbriquent pour raconter leurs histoires et leurs dialogues. Là encore, les hexagones me rappellent des jeux, de stratégie cette fois. Ils titillent ma fibre ludique et me donnent envie de me lancer dans la lecture. En contrepartie, je dois admettre que cette originalité narrative ne favorise pas toujours la clarté du récit. A plusieurs moments, l'auteur montre des actions et dialogues simultanés pour insister sur le fait que tout est connecté et que d'autres personnes vivent dans la même ville, et ces passages là sont parfois un peu embrouillés. De même, il m'a fallu un moment pour repérer le code de couleur pour distinguer les récits en flash-back de ceux au présent donc j'étais légèrement perdu entre ce qui tenait du souvenir et ce qui tenait de l'action actuelle. Concrètement, j'ai dû relire une deuxième fois l'album pour mieux capter ce qui était resté confus pour moi en première lecture. En effet, il m'a fallu arriver à la fin du premier tome pour bien voir qui était qui et les liens entre chacun, et du coup pouvoir mieux comprendre ce que j'avais lu auparavant quand je suis revenu dessus. En deuxième lecture, heureusement, tout est bien plus clair. Cela pour dire que j'apprécie beaucoup cette originalité narrative et graphique mais qu'elle ne favorise pas forcément la simplicité de la compréhension. Quant à l'histoire en elle-même, elle se laisse lire mais ne m'a que moyennement passionné. Elle met en scène une poignée de jeunes adultes dont les parcours se croisent et se décroisent. Chacun des six chapitres du premier tome s'attache à l'un d'entre eux en particulier et on va vite constater qu'on croise la route de tous les autres au fur et à mesure et que, comme le titre l'indique, tout est connecté. Ils ont en majorité un passé en commun, leurs routes se sont écartées et ils se retrouvent à nouveau une paire d'années plus tard. La musique, le rock en particulier, est au centre de la vie de la plupart d'entre eux puisque deux d'entre eux ont formé un petit groupe à un moment donné, qu'une autre est amatrice de concerts et qu'une autre encore est disquaire et organise des concerts. Mais plus globalement, ce sont surtout les choix de vie et les éventuels regrets qui sont au cœur du récit. Je ne me suis pas tellement attaché à ces personnages et à leur parcours. Leurs problématiques ne me touchent pas et elles ne m'ont pas tellement intéressé. Mais j'ai tout de même été poussé à la lecture grâce à sa chouette narration, et par la curiosité aussi de lever le voile sur le passé de cette poignée de protagonistes en captant les indices que le récit sème au fil de ses pages. C'est aussi cela qui m'a poussé à une seconde lecture : pour mieux comprendre ce que j'avais capté initialement et être satisfait de voir tout s'éclaircir... ou presque puisqu'il reste encore un mystère à éclaircir, ces colis envoyés à l'un des personnages, et je suppose que l'on en saura plus par la suite. En définitive, j'ai plutôt bien apprécié ma lecture, surtout grâce à l'originalité de sa construction, mais moins grâce à ses personnages et à son intrigue en elle-même.

22/01/2021 (modifier)
Par Blue boy
Note: 4/5
L'avatar du posteur Blue boy

Dès les premières pages, il est difficile de ne pas penser à Marc-Antoine Mathieu et à ses univers métaphysiques, où la réalité la plus prosaïque se confronte au néant menaçant, dans un cadre déstabilisant les codes du neuvième art. La première page montre (en pleine page) une chambre où l’on distingue un personnage dormant seul dans un lit double. Atmosphère de solitude renforcée par le choix graphique : la chambre est en vue aérienne de trois-quarts, délimitée dans une case de forme hexagonale (ne faisant en fait que suivre le contour des murs), cernée par un aplat-noir presque angoissant. Page 2 : le personnage, prénommé Javier, vient de quitter sa chambre à moitié réveillé et pénètre dans le couloir, qui vient de s’éclaircir, alors que la chambre est estompée. Page 3 : cette fois, Javier est en train de prendre sa douche, alors que la salle de bains vient d’apparaître aux yeux du lecteur. On le voit à la page suivante en train de se servir un café dans son salon plutôt spacieux, nécessitant cette fois une double page, avec deux vignettes en exergue pour grossir des détails : une photo de Javier avec sa petite amie, et comme en guise de réponse, un carton où est inscrit le nom de sa propriétaire, Faustine, la petite amie de la photo vraisemblablement… Pour la suite du récit, gros plans et dialogues feront aussi l’objet de petites cases, hexagonales bien sûr — histoire d’être en phase avec le gimmick géométrique —, insérées dans le décor, qui constitue d’une certaine manière un personnage à part entière. Rien d’extraordinaire dans cette scène du quotidien, et pourtant, on est immédiatement subjugué par l’originalité formelle, qui pourrait rappeler ce clip un peu magique où Michael Jackson allumait les carreaux du sol dès qu’il posait le pied dessus. Le récit va ainsi évoluer vers quelque chose de très particulier où la perspective choisie, toujours la même, qui peut parfois donner l’impression de consulter un prospectus immobilier montrant des appartements en coupe, va servir de cadre à des chassés croisés de personnages, visiblement trentenaires, des anonymes qui nous ressemblent par leurs états d’âmes et leurs questionnements, mais des questionnements de jeunes adultes, à un âge où l’on est supposé avoir commencé à faire quelque chose de sa vie, à avoir construit une relation de couple durable… Hélas, les choses ne coulent pas de source, et ces « Sims » que sont Javier, Faustine, Judith, Marc, Matthew, Assia et d’autres, sont confrontés aux tracas de l’amour et du quotidien, prenant conscience que la vie n’est pas un jeu… Les appartements et lieux divers (bureau, bar, magasin de disques, hôpital…) dans lesquels ils évoluent ressemblent plus à des labyrinthes à souris (du moins du point de vue du lecteur, placé en position d’observateur-voyeur) qu’aux logements-témoins clinquants et sans-âme du célèbre jeu vidéo. Sur le plan du dessin, Pierre Jeanneau recourt à un style réaliste pour les décors, un peu plus stylisé pour les personnages. En bon observateur des sentiments humains et du monde qui l’entoure, l’auteur nous fait voir mille détails, chaque objet du décor recélant une signification jamais tout à fait anodine, tel ce cadre, ce poster ou cette vieille peluche, faisant jaillir un souvenir heureux ou une blessure… Et les fameuses « connexions » dans tout cela, me direz-vous ? La réponse semble être en partie dans le titre de ce premier tome, « Faux accords ». Dans cet univers très urbanisé, les protagonistes cherchent leur place, ne parviennent jamais vraiment à se comprendre les uns les autres, aux prises avec diverses contrariétés que la technologie moderne et les moyens de communication instantanés, paradoxalement, ne suffisent à estomper… L’univers statique et géométrique de cet environnement urbain contraste avec les sentiments humains, et c’est bien là que réside l’originalité de ce roman graphique très subtil. Démarrant à la façon d’un simple exercice de style, le livre parvient à faire rapidement le lien (la connexion ?) avec l’intime, en mettant en scène des personnages empreints d’humanité, pour lesquels la distanciation résultant du choix graphique permet au lecteur de ressentir une certaine empathie… On attend la suite avec beaucoup de curiosité…

19/12/2020 (modifier)