Moments extraordinaires sous faux applaudissements (Momenti straordinari con applausi finti)
La quête rédemptrice d'un humoriste confronté à la perte de sa mère
Auteurs italiens
Landi est un humoriste, adepte du «stand-up». Sa mère est en train de mourir. Il essaie de concilier ses visites, la journée, à la clinique où est hospitalisée sa mère et ses prestations sur scène le soir. À sa mère mourante il ne sait trop quoi dire, à son public il raconte sa mère en train de mourir… C’est l’histoire d’un fils, habitué à faire rire son public avec ses monologues sarcastiques, qui se retrouve au chevet de sa mère, le cœur sec et ne sachant trop quoi lui dire. C’est l’histoire d’un groupe de cosmonautes, voyageant depuis des millénaires d’une planète à l’autre, qui se sont immanquablement perdus dans une immensité sombre et sans issue. C’est l’histoire d’un homme des cavernes, dont le cri, primal et inconsolable, résonne dans les oreilles et demande à être déchiffré. Les lignes narratives s’entrecroisent et les plans temporels se superposent, dans un crescendo d’émotions de plus en plus prégnantes au fil des pages.
Scénario | |
Dessin | |
Traduction | |
Editeur
|
|
Genre
/
Public
/
Type
|
|
Date de parution | 07 Octobre 2020 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Décidément, Gipi fait partie de ces auteurs auquel j'accroche ou j'accroche pas selon l'album. Ici, je n'ai pas réussi à rentrer dans le récit. C'est le genre d'album où ça commence avec des séquences qui ne semblent avoir rien à voir et au fil des pages ont finit par comprendre et assembler les pièces du puzzle, quoique personnellement je ne suis pas certain d'avoir bien compris certaines parties, mais personnellement je m'en fiche un peu. En effet, à aucun moment j'ai trouvé l'histoire passionnante à lire et je n'ai pas du tout été touché par ce qui arrivait au personnage principal. De plus, je trouve que jouer avec la narration c'est bien lorsqu'il y a une raison (le meilleur exemple selon moi est le film Memento), et ici on dirait plus un gimmick qu'autre chose. Il reste le dessin de Gipi que j'aime bien autant en noir et blanc qu'en couleur. C'était un album pour les gros fans de l'auteur j'imagine.
Apprécier ou non les œuvres de Gipi me semble une question de sensibilité tant que je vois des gens les ressentir intensément alors que moi j'ai toujours eu du mal à y accrocher. Il en est de même pour son graphisme que je n'aime guère dans ses œuvres en noir et blanc. Mais dans cet album là, les passages en noir et blanc ne sont pas très nombreux et j'ai pu constater que ceux en couleurs me plaisent bien davantage. Gipi y fait usage d'une colorisation à l'aquarelle qui écrase souvent les détails et donne une atmosphère assez brumeuse à beaucoup de scènes mais qui dégage une belle lumière et une âme et une beauté qui me parlent bien davantage. Et puis cette utilisation intensive de l'aquarelle fait le lien avec le thème de l'eau qui ponctue le récit. Pour autant, je n'ai pas réussi à accrocher au récit, du moins pas autant qu'il le faudrait. Je ne parle pas du côté complexe des premiers chapitres avec leurs différentes trames narratives parallèles qui s'entremêlent. Je ne suis pas réfractaire à ce genre de narration et j'aime y démêler le sens caché et comprendre comment ces récits interagissent. Ce fut un peu compliqué car, autant il m'est très vite apparu qu'ils avaient tous un lien avec le personnage principal, cet humoriste face à sa mère mourante, autant l'auteur lève très doucement le voile et maintient une structure narrative qui semble se vouloir volontairement embrouillée. Ce n'est que vers le milieu de l'album que j'ai compris qui était quoi et l'origine de ces histoires qui semblaient initialement sans lien. Il me reste des parts de doute, notamment le rapport avec l'eau primitive et le feu, même si je suppose que c'est en lien avec le sujet de l'apparition de la vie et son absence justement en cas de stérilité. Au final, cet album a mis un long moment à élaborer son discours à mes oreilles mais finit donc par révéler sa plongée dans les doutes psychologiques d'un homme perdu. Au moment de la fin de vie de sa mère avec qui il a peu de liens, il est tourmenté par sa propre angoisse de sa stérilité qu'il a initialement prise comme quelque chose de négligeable car ça ne le dérangeait pas de ne pas avoir d'enfants de son sang et éventuellement d'adopter, mais qui en réalité le ronge inconsciemment. Les récits parallèles sont le reflet de cette angoisse, celle d'un homme primitif qui enrage de ne pas pouvoir avoir de descendance, celle d'un soldat qui instinctivement ressent la joie d'être encore en vie malgré les circonstances, celles des gênes eux-mêmes qui voient en lui le bout d'un voyage qui avaient duré depuis des millions d'années, bref l'angoisse d'une fin de vie au sens où il ne perpétuera plus la race. Et s'y ajoute aussi l'enfant qu'était le personnage principal qui vient juger l'adulte qu'il est devenu et qui se moque en partie de son comportement et met le doigt sur le déni dont il a fait preuve jusqu'à présent. Ce n'est que sur la toute fin de l'album que j'ai commencé à y ressentir une certaine émotion. Mais celle-ci était liée à la fin de vie de la mère qui m'a touché car j'ai enterré il y a très peu de temps la mère de ma femme. Inversement, j'ai assez peu ressenti d'empathie envers le héros et ses tourments de l'esprit. Je comprends l'angoisse qu'une stérilité implique et toutes les questions psychologiques et inconscientes que cela implique, mais leur mise en scène ici m'a peu parlé, la faute en grande partie à cette structure narrative volontairement décousue : je la trouve un peu pénible, j'y vois presque un tic narratif agaçant plutôt qu'une réalisation à même de me toucher. Et surtout, je me suis senti frustré à la fin de l'album car je n'y ai pas vu de réelle conclusion. Je n'ai pas su comprendre où en était arrivé l'auteur et le message final qu'il a voulu passer. C'est comme si le récit restait en suspens, à part un rapprochement du fils avec sa mère, et ne résolvait presque rien sur le sujet de la stérilité et de la perte de repères du héros. Mais peut-être suis-je passé à côté de cette fin, comme d'une partie du récit qui l'a précédé. Sauf que comme j'ai pris peu de plaisir à cette lecture, je n'ai pas forcément envie de m'y replonger pour mieux comprendre.
Je n'ai pas encore lu Aldobrando également de Gipi paru un peu plus tôt en 2020. La couverture de celui-ci n'est pas très avenante je trouve. L'intérieur est de bien meilleure facture. Au début de cet album assez dense, je ne comprenais pas grand chose. Il y a plusieurs intrigues qui s'imbriquent avec une action contemporaine colorée à l'aquarelle qui s'entremêle avec une autre au style de dessin complètement différent en noir et blanc mettant en scène des hommes en combinaison spatiale sur une autre planète. Assez déroutant d'un point de vue narration. Globalement cela parle de la vie d'un homme de 56 ans, peu ou prou l'âge de l'auteur à la réalisation de l'histoire si je sais compter, qui est un artiste faisant des one-man-show. C'est du style stand-up où il parle de lui face au public avec juste un micro. A côté de cela il est perturbé par sa vie personnelle, sa mère est en train de mourir. Il va régulièrement la voir à l'hôpital, tente de rétablir un lien qui s'était distendu, lui sert à manger, tout cela sans qu'on voit le visage de cette dernière. On sent beaucoup de pudeur dans l'histoire, je ne sais pas s'il y a des moments autobiographiques ou non. Puis vient le moment où il se sert de l'épreuve qu'il vit dans son spectacle, tout le passage sur le squirting m'a un peu estomaqué, en total contraste avec le reste. L'intérêt de l'histoire progresse au fil des pages. L'homme finit par avoir des sortes de vision et discourt avec l'enfant qu'il a été. Une œuvre difficile d'accès, à plusieurs niveaux, et je n'ai sûrement pas tout saisi.
Il n’est jamais facile d’avoir à analyser un ouvrage à ce point hors des sentiers battus, ne serait-ce que par son titre qui finalement résume assez bien l’objet… Mais si vous connaissez Gipi, vous ne serez pas surpris car ce mode narratif en apparence décousu semble être un peu sa marque de fabrique, même si ses deux précédentes productions, Aldobrando et La Terre des fils faisaient l’objet d’une certaine rigueur en la matière. Ce récit dense et fragmenté comporte trois voire quatre axes narratifs entremêlés, sans rapport en apparence, et dont on ne distinguera guère le lien avant la seconde moitié. En d’autres termes, si vous aimez les histoires fluides et intelligibles, il vaudra mieux passer votre chemin, car celle-ci demande la participation active du lecteur, qui devra deviner ce qui est suggéré, rassembler les différents morceaux, un peu à la façon d’un puzzle. Première pièce de ce puzzle : dans une nuit brumeuse, une voiture s'éloigne, conduite par un fils qui doit rejoindre sa mère mourante. Seconde pièce : quatre cosmonautes errent sur une planète inhospitalière, aux prises avec un mystérieux nuage noir faisant disparaître les souvenirs. Troisième pièce : sur une plage de Normandie, un vétéran du Vietnam prodigue ses conseils aux acteurs dans le cadre du tournage d’un film de guerre. Quatrième pièce : deux enfants à bord d’un canot pneumatique, dont l’un semble dialoguer avec un des cosmonautes… Avec en filigrane, le thème de l’eau, représentant la vie primitive ou le bain amniotique, et sur lequel se refermera l’histoire… On comprend aisément que Gipi se raconte lui-même à travers le protagoniste principal, Landi, un humoriste qui doit trouver le temps entre deux dates de tournée pour se rendre au chevet de sa mère mourante qui vient d’être hospitalisée (l’album étant d’ailleurs dédié à celle de l’auteur). Ce « moment extraordinaire » de sa vie va le conduire à une remise en question en faisant remonter un passé enfoui, lui l’homme pressé qui a choisi la fuite avec sa carrière d’artiste et s’avère incapable de communiquer avec cette mère ramenée à une entité abstraite dont on ne verra jamais le visage (par pudeur sans doute), de prendre soin d’elle et d’être à son écoute. Notre comique, qui fait dans le cynisme, décidera d’intégrer les derniers jours de sa mère dans son spectacle, fier d’avoir fait rire son public mais en même temps fatigué et paumé tel un clown blanc en proie au doute… Et si le sujet prête à la gravité, l'auteur italien choisit de se mettre à nu tout en évitant l’auto-apitoiement, dans une quête rédemptrice avouée à demi-mot. S’ensuit pour Landi l’heure des tourments et de la culpabilité avec l’intrusion de cet « enfant lumineux » son double ressurgi du passé, qui n’aura de cesser de tancer l’adulte qu’il est devenu, le poussant dans ses retranchements, avec un mélange d’ironie et de bienveillance. C’est bien l’arroseur qui est arrosé… En nous faisant partager ses questionnements existentiels via les dialogues entre ses deux personnages, Gipi nous invite parallèlement à faire un retour sur nous-mêmes, ce qui constituera d’ailleurs les meilleurs moments du récit. Cet enfant pose un regard pur sur l’orgueil et les lâchetés de l’adulte, des renoncements qui sont aussi les nôtres et font le monde tel qu’il est, devenu presque invivable à force d’être compliqué… L’Homme ne serait-il pas finalement le créateur de son propre enfer, cet « OCAS » (Office de complication des affaires simples) évoqué par ce « sale gosse » espiègle et dont nous sommes un peu tous les employés résignés et masochistes ? Graphiquement, on retrouve le style toujours au bord de l’esquisse de Gipi, avec ce trait frêle et néanmoins expressif dans les visages et les postures. L’auteur alterne les styles pour marquer la rupture entre chaque axe narratif, passant du noir et blanc à la couleur, effaçant parfois le trait derrière ses délicates aquarelles. En refermant ces « Moments extraordinaires sous faux applaudissements », on pourra s’agacer de n’avoir pas tout compris, et paradoxalement c’est bien là que l’ouvrage va révéler toute sa puissance, semant après coup les germes de la réflexion. En nous obligeant à analyser les passages les plus obscurs, Gipi va forcer le lecteur à l’introspection, quitte à faire une seconde lecture, tant il y a de la matière… Car malgré son apparente complexité, ce livre, qui au fond est seulement exigeant, est loin d’être pessimiste. Il ne fait que traiter, avec lucidité et subtilité, de nos solitudes et de l’absurdité de l’existence, de sa fragilité, parle de transmission et de mémoire, et fournit à qui voudra bien les prendre les clés pour entrevoir des portes de sortie aux prisons que l’on se fabrique… De fait, il nous invite à revenir à la simplicité, celle du grand bain primal qui a vu naître l’humanité, notre véritable mémoire collective.
Site réalisé avec CodeIgniter, jQuery, Bootstrap, fancyBox, Open Iconic, typeahead.js, Google Charts, Google Maps, echo
Copyright © 2001 - 2024 BDTheque | Contact | Les cookies sur le site | Les stats du site