Misery loves comedy
Fruit d’une dizaine d’années de création, Misery loves Comedy est un livre monstrueux, furieusement drôle et dérangeant, sans équivalent dans l’histoire de la bande dessinée américaine.
Comix Fantagraphics Books Les petits éditeurs indépendants Séries avec un unique avis Trash
Publié en 2007, Misery loves Comedy rassemble les trois premiers volumes de la série Schizo, augmentés de dessins de jeunesse et de contributions à divers périodiques, et enfin d’une série d’œuvres en couleurs, plus proches du style graphique de Schizo 4, avec en particulier un hommage à Chris Ware. Brunetti se montre d’ailleurs capable de parodier à peu près tous les styles graphiques du dessin d’humour, du début du XXe siècle à nos jours. Dans chacun des numéros de Schizo, Brunetti met en scène ses obsessions philosophico-existentielles?. Si la forme évolue, les thématiques se répètent avec une récurrence volontairement désespérante?: haine du monde et de soi même, absurdité de l’existence, horreur de la bêtise et de l’avidité des hommes, imposture de la civilisation et cruauté aveugle de la nature, dictature oppressante des instincts sexuels… Brunetti développe au fil des pages une variante personnelle du nihilisme, qui s’accompagne logiquement de fantasmes d’autodestruction et d’anéantissement global. Les digressions métaphysiques les plus échevelées côtoient en permanence les dessins les plus triviaux, les images violentes ou scatologiques : l’auteur utilise les vertus subversives de la farce pour mettre au jour l’imposture morale de nos sociétés « civilisées ». Famille, amour, travail, politique, culture : rien n’échappe à ce joyeux jeu de massacre, et surtout pas l’auteur lui-même.
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Date de parution | 15 Octobre 2009 |
Statut histoire | Histoires courtes 1 tome paru |
Les avis
D’Ivan Brunetti, je connaissais déjà HO !, que j’avais plutôt apprécié, et qui me semble, à tous points de vue, d’un abord plus aisé pour qui ne connait pas cet auteur. Parce qu’autant le dire tout de suite, il est assez clivant, et ce recueil (qui regroupe les numéros de la revue qu’il publiait chez Fantagraphics et diverses choses publiées dans pas mal de revues) n’est pas destiné à plaire à l’amateur exclusif de Franco-Belge. Graphiquement, Brunetti use d’à peu près tous les styles, du réaliste (parfois), à divers styles plus ou moins caricaturaux, en allant vers des traits très simples parfois. Voilà pour les personnages, car les décors sont, eux, très souvent évacués. Surtout, c’est la volonté évidente de Brunetti de faire du « rentre-dedans » qui saute aux yeux. En effet, beaucoup de passages sont remplis de scato, de trash, d’une certaine provocation, qui de mon point de vue perd de sa force par sa trop grande accumulation. Il est donc évident que le lecteur doit lire par petits bouts cette somme, pour ne pas se lasser. On est parfois proche de ce que certains auteurs ont pu publier dans des collectifs comme Le Dernier Cri. D’autant plus que le texte est parfois très – trop – abondant (c’est le cas de la première histoire), et que la logorrhée verbale, assortie d’un dessin provocateur et souvent très petit (comme la police de caractère), n’aide pas à entrer dans l’univers de l’auteur. Il faut en tout mieux ne pas lire l’album d’un seul coup. Et je pense que ça a été mon erreur. Comme pour d’autres auteurs de l’undergroud américain (comme Joe Matt par exemple), une grande partie des histoires (courtes ou longues) sont autobiographiques, et, comme Matt, Brunetti joue là aussi sur une autoflagellation, n’épargnant pas plus son alter ego que le lecteur, ou toute valeur de la société américaine. Gros et long cri de haine, de dégoût, au milieu duquel le lecteur qui aura résisté au flot provocateur pourra trouver des clés de lecture d’une personnalité écorchée mais vive, qui ne semble pas aussi négative qu’elle cherche à nous le faire croire. Quelques petites pointes d’humour (noir évidemment) parsèment l’ensemble. A feuilleter avant d’acheter, voire d’emprunter, c’est assez spécial (commencez avec l’ouvrage cité en début d’avis pour faire connaissance avec cet auteur). Note réelle 2,5/5.
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