Le Voyage du Commodore Anson
Cette histoire reprend une expédition maritime épique de la Royal Navy, menée par le Commodore George Anson et son escadre de 8 vaisseaux durant la guerre de l'oreille de Jenkins, qui opposait l'empire britannique et le royaume d'Espagne. La BD est adaptée du livre paru en 1748 et écrit par Richard Walter, chapelain de l'expédition.
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1739. La Grande-Bretagne déclare la guerre à l'Espagne. Le but non avoué des Anglais: ruiner les colonies espagnoles d'Amérique et imposer la Royal Navy sur toutes les mers. Après un premier succès à Porto Bello, l'Amirauté décide d'envoyer une escadre dans le Pacifique, piller les cités du Pérou et capturer le légendaire "Galion de l'Or" de Manille. L'expédition, forte de 8 vaisseaux et 2000 hommes, est confiée à George Anson, honnête homme et bon marin. Mais les préparatifs s'éternisent et c'est au pire moment de l'année pour doubler le cap Horn que le commodore lève l'ancre. Il ignore alors qu'il part pour un périple de 4 ans autour du monde...
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Date de parution | 10 Février 2021 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
C’est un petit pavé, mais qui se lit bien, agréablement. La narration est fluide, et l’adaptation de sources anciennes et directement liées à cette expédition incroyable (que je ne connaissais pas) est bien fichue. On passe des cartes marines et d’extraits de journal de bord à la partie proprement BD sans problème, les deux se complètent très bien. J’ai juste eu un peu de mal à entrer dans cette lecture, à cause du dessin, qui m’a surpris. Pas forcément mon truc, et surtout je ne m’attendais pas à ce style pour ce genre de récit. Mais au final ça passe très bien. Certaines planches sont même très belles. Mais le dessin est aussi inégal. Quant au récit lui-même, on est rapidement pris par cette aventure. S’il n’y a pas le total saut dans l’inconnu qu’a connu l’expédition de Magellan 220 ans plus tôt, il y a quand même pas mal de points communs entre ces deux voyages : le côté épique, l’incroyable résistance des quelques survivants du périple, qui réussissent un tour du monde improbable (le passage du cap Horn est dantesque, le scorbut fait des ravages, etc.). Contrairement à Magellan, Hanson dirige une expédition militaire : il faut donc aux matelots et soldats se battre contre les Espagnols en plus des éléments (souvent déchainés). Ceci dynamise le récit. Un récit d’aventure bien mené, qui nous fait découvrir un pan d’histoire peu connu, un exploit quasi inutile, mais incroyable. Note réelle 3,5/5.
Quelle aventure ! Je commence par ce qui m’a déplu (et qui a déjà été noté dans d’autres avis). J’ai eu beaucoup de mal avec le dessin des personnages, que j’ai trouvé brouillon et pas vraiment adapté à ce genre de récit historique. La police d’écriture est également difficile à déchiffrer, ce qui complique inutilement la compréhension du récit, surtout que les textes sont nombreux (il s’agit de l’adaptation d’un roman, et cela se ressent). Mais voilà, l’histoire est absolument passionnante, et brillamment racontée. Elle se déroule à une époque où les trajets intercontinentaux étaient de véritables périples mortels, entre les éléments déchainés, les techniques de navigation primitives, le scorbut, et les batailles aux canons bien entendu. Le ton est très humain, et le dessin des bateaux, des océans et des îles visitées est absolument superbe, avec notamment des couleurs aquarelles du plus bel effet. Une aventure humaine passionnante, et un album qui m’a scotché malgré la pagination élevée. Un immanquable pour les amateurs de récits historiques.
Il m’a fallu qu’une bande dessinée comme « Le voyage du Commodore Anson » pour me faire découvrir qu’un marin autre que Magellan et Darwin a réalisé le tour du monde avant l'ère moderne. Des récits comme celui-là, ça ne court pas les rues surtout quand il s’agit de relater des aventures (réelles) de ce genre de navigateurs d’avant le XIXième siècle ! Bon, à la différence des deux personnages cités plus haut, le Commodore anglais Anson et son escadre de 8 navires ont été envoyés en Amérique pour des raisons géopolitiques et non scientifiques puisqu’il s’agissait de contrer et de ruiner l’ennemi espagnol. Ce sont les noms de Matthieu Blanchin (au dessin) et de Christian Perrissin (au scénario) qui m’ont fait décider de l’achat de cet album. En effet, dans un registre assez similaire, ils avaient mis en images la vie de Calamity Janes dans « Martha Jane Cannary », un récit qui m’avait très enthousiasmé. Ce sont aussi les avis très positifs des autres lecteurs qui m’ont poussé à acquérir cette bande dessinée. Et je ne fus pas déçu ! Car j’ai appris beaucoup de choses sur la navigation à cette époque comme la nécessité pour n’importe quel navire de « pousser » plus vers le sud du Cap Horn afin de « mieux » remonter la côte ouest de l’Amérique du Sud… Ceci n’est juste qu’un exemple parmi d’autres tant les auteurs ont réussi à intégrer de façon simple et judicieux ces notions de cartographie sans que ça ne devienne rabatif pour les lecteurs. J’ai également apprécié ce contexte historique et comment les concepteurs ont intégré dans leur récit la façon dont vivaient les colons, sans oublier les passages où ces valeureux marins ont mis pied à terre sur des lieux vierges… Sans oublier aussi le chassé-croisé avec l’ennemi hispanique… Sans oublier encore une fois les soucis de santé de l’équipage et les malheureuses tragédies liées également à cette météo apocalyptique des régions australes. Toutes ces données sont ainsi parfaitement incorporées dans ce recueil avec -cerise sur le gâteau- des personnages particulièrement attachants. On peut citer le Commodore Anson bien sûr qui fut un excellent meneur d’homme, excellent stratège et empreint apparemment d’humanité malgré des conditions terribles auxquelles l’équipage a dû affronter ; il ne faut oublier également ces compagnons d’infortune comme le fougueux et ambitieux Charles Saunders. Une pensée à tous ces nombreux marins inconnus qui ont participé à cette expédition et qui n’ont jamais revu leurs proches et leur pays… On a donc entre nos mains un excellent récit d’aventures, historique et autobiographique aussi tant on apprend des choses sur les principaux protagonistes, tant la narration est remarquablement maitrisée par Christian Perrissin. Quant au coup de crayon de Matthieu Blanchin, je vous laisse juge étant donné qu’il est assez atypique. Ce dessinateur est capable de nous proposer des superbes planches sur la mer déchainée comme il peut nous décevoir un peu en nous présentant des pages à peine esquivées. Personnellement, ce parti-pris graphique me convient bien car ça permet de « ressentir » les péripéties, je trouve que ça permet de rendre ce récit très vivant, dynamique… bref, j’aime son style. Seule ombre au tableau : la typographie utilisée de façon manuscrite est parfois difficile à lire. Merci à ces auteurs de nous avoir conçu cet ouvrage riche en renseignements sur la navigation et le contexte géopolitique de cette époque, et en émotions. Un bel hommage au récit original de Richard Walter (qui a fait partie de l’équipage) que je vous invite à découvrir.
Petite déception sur ce coup-là. Il faut dire que j'ai fait un premier essai en lisant le chapitre 1 et malgré mon intérêt pour cette histoire d'exploration marine que je ne connaissais point, le style de dessin manquant de clarté surtout dans les traits des personnages et cette police d'écriture des dialogues si peu lisible m'ont bien rebuté. J'ai recommencé l'album quelques semaines plus tard et cette fois suis allé au bout du périple. Côté graphique l'auteur est tout de même capable de belles choses notamment sur ces superbes planches, vers le milieu de l'album, du passage des cinquantièmes hurlants au sud du cap Horn où l'expédition britannique se retrouve piégée plusieurs semaines. On a également plusieurs pages avec de très belles gravures et même une grande carte du monde tel qu'il était connu à l'époque. C'est un poil longuet tout de même avec près de 250 pages, les auteurs ont sans doute voulu retranscrire le maximum de leur source devenue un succès de librairie du XVIIIème siècle à savoir le journal de ce jeune prêtre embarqué aux côtés du sieur Anson. Mais que dire de la fin où la bataille avec le gallion espagnol est expédiée en deux malheureuses planches... Dommage. Pour autant cela reste un ensemble globalement très bon et on ressent l'incroyable difficulté de ce périple de plusieurs années qui a coûté des centaines de morts causés par une bien moindre connaissance de la médecine que de nos jours. Le scorbut dont on ne connaissait pas la cause, la malaria et autres maladies ont décimé les matelots et soldats. C'était vraiment des conditions de vie impensables avec la promiscuité, un air vicié, des voies d'eau de partout qu'il fallait sans cesse écoper. Une autre époque.
Voilà un bel et bon documentaire historique ! C'est le récit d'une expédition maritime militaire dans la première moitié du 18e siècle. La première partie de son trajet rappellera celle du Beagle de Charles Darwin, ou encore celle du navire du film Master & Commander, à savoir partir de l'Atlantique Nord et contourner le Cap Horn pour rejoindre la côté Pacifique de l'Amérique et ses îles. Mais un siècle sépare ces deux là du voyage du Commodore Anson et cela change beaucoup de choses. Car au début du 18e siècle, on ne savait pas encore calculer parfaitement la longitude d'un bateau, on ne savait pas comme lutter contre le scorbut, et quand à cela s'ajoute un contexte militaire dangereux, une flotte ennemie à votre poursuite et d'innombrables soucis logistiques, cela donne à cette expédition au bout du monde des allures de projet irréalisable. D'autant plus quand la consigne est, une fois arrivés sur place, d'attaquer militairement des navires et ports ennemis. J'ai beaucoup aimé la manière dont tout cela est raconté. C'est fait d'une part de manière très pragmatique, comme un véritable organisation de projet, et d'autre part de manière très humaine et assez moderne, en affichant clairement les pensées et états d'âme des personnages et notamment du Commodore. Cela permet de se sentir proche de lui dès les premières pages et évite de faire de lui un objet documentaire froid et distant. Moi qui suis un peu marin, j'ai été captivé par la difficile organisation précédant le départ, puis les contraintes de navigation qui sont clairement mises en scène et qui diffèrent tant de la voile moderne. L'histoire est très longue, et l'album est dense et épais. Je l'ai lu d'une traite et ça a bien dû me prendre un peu plus de deux heures. Il y a certes eu quelques passages où le rythme retombait un peu et où je suis légèrement sorti du récit, mais globalement, j'ai été très pris par l'aventure et fortement intéressé par son contenu. Le graphisme est également très plaisant. Il ne me convainc pas toujours totalement, car je trouve son encrage parfois un peu brouillon et pas parfaitement lisible, mais j'aime l'âme et les couleurs qui s'en dégagent, et je note aussi quelques très belles planches, comme notamment la double page du sloop pris en pleine tempête. Mon seul véritable regret vient du lettrage. Cela ressemble à un courrier manuscrit, peu soigné, et souvent difficile à déchiffrer. Cela m'a plusieurs fois gêné et cela a impacté la fluidité de ma lecture. Face à la qualité d'un tel ouvrage, j'aurais nettement préféré un lettrage plus lisible quitte à ce qu'il soit moins original.
C'est une belle chose que d'avoir des affinités, notamment de lecture, avec son propre frère. C'est donc sur ses conseils enthousiastes que j'ai lu l'ouvrage, et d'une traite je dois dire, tant celui-ci vous emporte... « Le Voyage du Commodore Anson » rentre dans la catégorie des bons gros pavés comme on les aime, une lecture parfaite pour l’été où l’appel du large est toujours plus fort… Le dépaysement est garanti, et la passion perceptible des auteurs pour leur sujet y est incontestablement pour quelque chose. A coup sûr, on se laissera très vite embarquer — le terme est on ne peut plus approprié — par cette fantastique épopée tirée d’une histoire vraie et portée par ce vieux rêve millénaire propre à l’humanité : la conquête de territoires « vierges ». Le contexte historique du récit étant la conquête de l’Amérique, il est clairement établi aujourd’hui que ces territoires étaient loin d’être vierges, mais à l’époque, « l’homme blanc », aveuglé par sa soif de découvertes (et d’enrichissement aussi…), s’était enfermé dans un déni visant à déshumaniser les populations autochtones et minimiser leur importance, un déni qui persista pendant plusieurs siècles. Les royaumes européens étaient en concurrence pour asseoir leur domination sur terre et mer, au mépris des peuples indigènes. Pour cela, la fin justifiait les moyens, si odieux soient-ils, et leur mission prétendument civilisatrice s’accompagnait souvent d’actes les plus barbares, toujours sous le sceau du sabre et du goupillon. Il n’est donc plus question de faire des héros ces conquérants ayant participé à cette vaste entreprise, et d’ailleurs, leurs statues sont toutes vouées un jour ou l’autre à être déboulonnées. Les auteurs, qui l’ont bien compris, se sont attachés à retranscrire en images, de façon factuelle, en s’inspirant du livre-témoignage de Richard Walter, le récit de cette spectaculaire et édifiante épopée maritime de la Couronne britannique. D’ailleurs, on ne verra que très peu les populations dépossédées de leurs terres par les envahisseurs européens, l’action se situant principalement sur l’eau, plus rarement sur la terre. En revanche, on se rendra compte que l’organisation de cette expédition n’avait rien de vraiment glorieux, et que les hommes recrutés de force comme de la vulgaire chair à canon, certains étant parfois âgés ou estropiés, ont en outre terriblement souffert des conditions de vie déplorables sur ces imposants galions et des tâches surhumaines qu’on leur demandait d’accomplir pour éviter le naufrage sur l’océan déchaîné. Des maladies épouvantables telles que le scorbut ou le typhus firent des ravages dans les équipages, entassés dans les soutes. Partis à 2.000 hommes, ils étaient moins de 200 à la fin d’un périple qui dura quatre ans ! Anson fut décrit comme un homme honnête et soucieux du bien-être de ses « compagnons de voyage ». Délaissant sa stature héroïque, les auteurs le présentent comme un type simple avec ses doutes, qui suscitait le respect de ceux qu’il commandait. Celui-ci était apprécié, et ce voyage (qui permit de récolter 400.000 livres avec la prise du Galion de Manille) contribua à son prestige dans tout le royaume de Grande-Bretagne. Il est impossible de ne pas être admiratif devant le travail accompli par les deux auteurs, tant sur le plan documentaire que graphique. Pour cela, il ne faudra pas se fier à un simple feuilletage de l’objet. Le dessin de Matthieu Blanchin est assez particulier de prime abord, plutôt réussi dans sa représentation contextuelle (décors, bateaux, paysages…) mais exécuté à la main gauche en ce qui concerne les personnages. De même, la vilaine police de caractère dédiée à la trame narrative centrale, de forme manuscrite, semble avoir été conçue par un élève de CM2. Pourtant, curieusement, ces aspects finissent par passer au second plan devant la force de l’épopée et la narration impeccable de Christian Perrissin. Le trait finit même par exercer une sorte de fascination, tant l’on est surpris de ne pas se perdre au milieu de ces nombreux personnages parfois peu identifiables, confirmant le professionnalisme de Blanchin. L’histoire est entrecoupée d’intermèdes documentaires avec des cartes et gravures extraites du livre de Walter ou des citations de Voltaire et Rousseau à propos de l’expédition, ce qui révèle le retentissement qu’a pu avoir un tel récit en son temps. Tout cela contribue à une mise en page variée, rehaussée par un joli travail sur les aquarelles. Bref, le livre ne tombe jamais des mains, bien au contraire : on le dévore littéralement. Pour nous conter l’épopée de ces vieux gréements, les auteurs se sont appuyés sur une documentation solide, évoquée en début d’ouvrage. On a plaisir à contempler ces vieilles cartes et gravures d’époque qui ne font que renforcer l’immersion du lecteur, rappelant un peu le Florida de Jean Dytar. Que vous appréciez ou pas les récits maritimes durant la « conquête de l’Amérique », cette lecture, dont le souffle incroyablement captivant compense largement les petits « défauts » mentionnés plus haut, vous est chaudement recommandée.
Le voyage du Commodore Anson est un périple qui dure 4 années, une aventure dantesque pour les marins et les soldats qui composent l'équipage avec des faits de guerre ou de piraterie et surtout un combat permanent contre les tempêtes, contre la maladie et la famine. Cet ouvrage est un témoignage sans concession sur une traversée des océans en 1740, L'auteur commence par présenter les événements historiques et la situation politique pour comprendre les objectifs de la mission d'Anson. Il nous décrit une époque où l’appât du gain et les luttes d'influence entre les pays européens n'ont pas de limite, les trésors des colonies réels ou fantasmés deviennent vitales pour devenir le pays le plus puissant d'Europe. Dès le départ, les mensonges et les trahisons subis par Anson sur les moyens maritimes et humains promis font craindre le pire. La détermination d'Anson pour appareiller quelque soit la saison ou les hommes qui composent son équipage nous emmènent à la découverte d'une aventure réelle hors du commun. L'auteur ne cache rien du drame humain que représente cette aventure, les conditions de vie des marins sont représentées avec réalisme. Les faits relatés sont extraits d'un journal de bord et d'un livre sorti juste après cette aventure. Les déplacements, l'hécatombe humaine et les dates sont donc réels. A chaque chapitre, l'auteur situe sur une carte d'époque la position de l'expédition et le trajet parcouru pendant le chapitre, un procédé simple et efficace pour suivre le parcours de la flotte. La lecture est captivante avec en plus un dessin superbe, des couleurs qui incitent au voyage et un lettrage original comme si l'auteur nous faisait lire son journal de bord rédigé dans des conditions parfois difficiles. Merci aux aviseurs précédents pour la découverte de cette bd, une belle surprise et un superbe moment de lecture
Je suis entré à petits pas dans ce livre qui m'a été offert, un peu rebuté par un dessin auquel je n'accrochais pas plus que ça. Je dois reconnaître que je me suis laissé emporter avec plaisir dans cette histoire vraie : celle de l'expédition audacieuse voire téméraire d'une escadre anglaise autour du monde, pour attaquer les colonies espagnoles d'Amérique. On s'attache avec intérêt à des personnages forts, aussi bien campés que dans le film Master & Commander, auquel l'album fait inéluctablement penser. On frémit aussi devant le coût humain effarant (selon nos critères actuels) d'une telle expédition. Au XVIIIe siècle, 50% de pertes restait un chiffre acceptable... Pas un 5/5, que je réserve à une petite élite de chefs d'oeuvre, mais un 4/5 bien mérité.
Je n'aurais qu'un mot : un album qui vous emporte ! ... Loin de l'Angleterre, dans les mers du sud. Cet album est réussi à tous points de vue. Le récit s'appuie sur le journal de bord de Richard Walter, chapelain du HMS Centurion qui participait à l'expédition et sur celui du lieutenant Saumarez retrouvé ultérieurement. Il est utilement agrémenté de cartes anciennes qui nous permettent de suivre le périple du Commodore Anson au jour le jour (avec une grande carte en fin d'album que l'on peut déplier). Et c'est précisément le ryhthme quasi journlier donné à ce récit qui lui apporte cette ambiance particulière, cette intimité de la vie à bord, des journées interminables quand le vent faiblit ou des jours et des nuits de tempêtes qui n'enfinissent pas. On est au milieu du XVIIIe siècle quand les grandes puissances maritimes se confrontent sur les océans. Le scénario est découpé en cours chapitres, chacun introduit par quels lignes et une carte. C'est très bien construit et très fluide. On y apprend plein de choses intéressantes : comment se préparait une expédition au long cours, qui sont les équipages, comment étaient-ils recrutés, comment se déroulait la vie à bord selon la place que chacun occupait sur le navire, mais aussi les manoeuvres avec tout le vocabulaire qui va avec. Et les auteurs ne se privent pas d'user et d'abuser du langage des marins pour décrire le bateau et les manoeuvres des équipages : un pur bonheur. Tout un monde à découvrir... Le dessin est à peine esquissé comme s'il était fait dans l'urgence, comme pour fixer sur le papier des scènes de vie et des épisodes marquants de l'expédition. La typographie utilisée est volontairement un peu tremblante, comme si on suivait un récit écrit au jour le jour depuis une des cabines du HMS Centurion alors que le bateau roule, tangue et craque de toutes parts. Les planches pleine page sont superbes avec les lueurs du ciel à l'aube ou au coucher du soleil, et la mer aux couleurs changeantes, passant du bleu profond au vert, puis au noir. Un très grand plaisir de lecture et un très bon moment de totale évasion et d'aventure dans le temps et l'espace.
Christian Perrissin et Matthieu Blanchin ont donc remis un ouvrage sur leur métier. Après la déjà remarquable Martha Jane Cannary, ils se focalisent une nouvelle fois sur une petite histoire dans l'Histoire, de celles qui lui donnent toute sa saveur et sa chair. De celles qui permettent de sentir son souffle épique agiter votre imaginaire. Le duo nous plonge la tête sous l'eau dès les premières pages qui décrivent la préparation de l'expédition. Là, on sent bien que notre Commodore Anson n’y croit pas des masses. Tout comme le lecteur qui, même non instruit des choses militaires, comprend rapidement que cette mission est moisie. Huit navires dont deux pinques pour assurer le transport des prises qui s'annoncent immanquablement prodigieuses, c'est déjà beau, non ? De quoi qu'y se plaint ?... Anson se montre néanmoins respectueux des ordres donnés. Il a en outre à cœur de prouver une nouvelle fois sa valeur. En homme avisé, il prépare au mieux le calvaire qui l'attend, à savoir un mille-feuille de galères avec des vrais morceaux de bravoure dedans ! On s'en doute bien, la mer n'est pas un long fleuve tranquille, et elle réserve bien des surprises. Le lecteur affronte ainsi des tempêtes proprement monstrueuses, contracte des maladies qui feraient blêmir la covid, s'infligeant des conditions de survie un tantinet incertaines... Mais il se sent aussi porté par quelque chose de plus grand que lui, quand le sort cesse soudain de s'acharner... Tout ça pour tenter, bien humblement, de se mesurer à ces hommes d'une autre trempe qui, le destin chevillé au corps, traçaient leur sillon jusque dans les bras de la mort ! Tout cela est mis en récit par Christian Perrissin. Le chapitrage permet de suivre le « voyage » par étapes, comme autant de paliers dans cette descente vers l'enfer. Des cartes et des gravures apportent encore du coffre à cette histoire incroyable. Établie à partir du récit rédigé par le chapelain de l'expédition et qui fut dès sa sortie un succès éditorial (là aussi un petit poème), la trame narrative permet de se tenir au plus près des personnages, de saisir mieux leur humanité. Ainsi, on admire leur sang-froid et leur obstination, tout autant leur savoir-faire. On loue leur génie intuitif, leur capacité à improviser... Car en plus d'être des combattants, dans tous les sens du terme, au moral forgé, les mecs sont des artisans rompus. On appréciera également la sagesse de George Anson qui le pousse à se munir de quelques récits de navigation et d'exploration de première main. Les livres, quand même... On jugera enfin de la valeur de ces navigateurs hors-pair, notamment au moment de doubler un Cap Horn à la hauteur de sa légende, un moment particulièrement réussi du livre. Au fil du récit, à travers des situations extrêmes, on parvient à s'immiscer dans le geste et l'esprit de ce temps où l'homme, même réduit à un sort peu enviable, pouvait toujours compter sur un savoir éprouvé pour s'arracher à la mort. Une époque où l'essentiel avait un sens palpable. Une époque où commandement n'était pas synonyme de management. Allez ! Voilà le fantasme qui pointe son nez ! Parce que faut reconnaître aussi qu'à l'époque, tu pouvais toujours te payer avec le droit à l'erreur... Quoiqu'il en soit, c'était, comme on dit, une autre époque, l'occasion étant donnée ici de saisir une nouvelle fois toute la portée de cette vérité de comptoir ! Matthieu Blanchin semble s'être emparé des illustrations comme un mort de faim. Et l'alchimie fonctionne une fois de plus. Pour donner corps à cette épopée échevelée s'étirant sur quatre années d'une densité homérique, il fallait bien son dessin nerveux, creusé dans la matière. Ces personnages aux visages burinés, liés dans les épreuves et la mort, le sont également dans la texture sauvage, urgente. Le trait laisse parler les personnages, au point qu'ils semblent vous murmurer un avertissement solennel. T'as plus le choix. Va falloir t'accrocher à tes tripes. T'auras plus que ça quand tes dernières forces t'auront abandonné. Des forces en l’occurrence insoupçonnées... Au-dessus de ces corps tragiques, comme mus par des réflexes désespérés, les regards acquièrent d'autant plus de force. Ils vous percutent et vous happent, traduisant parfaitement le doute, la détresse, la détermination, l'idée qui surgit, le plan qui se fait jour, l'espoir renaissant de ses cendres... Les paysages, par un effet de contraste saisissant et riche de sens, sont parfois l'objet d'un traitement particulier, à l’aquarelle notamment. Des moments idylliques et rares, suspendus sur le fil tendu de cette course échevelée. Le regard, sans doute, de l'artiste de l'expédition que l'on surprend en de rares occasions à poser son chevalet... De cet événement héroïque dont les conséquences furent loin d'être négligeables, Christian Perrissin et Matthieu Blanchin dressent une peinture exceptionnelle, nous invitant à pénétrer dans la matière mouvante de l'Histoire, tout au bord du gouffre, quand soudain... Puisse ainsi le fabuleux voyage du Commodore Anson éclairer un peu notre présent !
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