Mauretania - Une traversée
Un récit entre roman noir et science-fiction, une rêverie poétique et surréaliste dans un monde mouvant et mystérieux
Auteurs britanniques Les petits éditeurs indépendants Séries avec un unique avis
Depuis le milieu des années 1980, le dessinateur britannique Chris Reynolds bâtit un monde bien à lui. À première vue, le monde de Mauretania ressemble au nôtre. On peut y contempler la nature ; y enchaîner les petits boulots ; retourner sur les lieux de son enfance… Mais plus on le regarde de près, plus il paraît étrange. On tombe au coin de la rue sur une arche romaine qui semble avoir été construite la veille… puis sur les vestiges d’une civilisation extraterrestre… puis l’on comprend que ladite civilisation a pris le contrôle de la Terre. Dans l’un des récits constituant cette anthologie, Monitor II, personnage énigmatique portant toujours un casque, est investi d’une lourde mission : veiller à l’équilibre du monde. Dans ce but, il sera amené à accomplir diverses tâches, comme fermer des entreprises jugées néfastes ou offrir des cerfs-volants à des enfants. Dans un autre récit, un détective enquête sur des immeubles qui disparaissent du jour au lendemain. Car chez Chris Reynolds, les lieux sont animés de leur propre vie. On voit poindre des ingrédients issus du récit de genre (on trouve par exemple des éléments de science-fiction, des enquêtes policières…) et un discret humour tout britannique, mais de la même façon que le monde dépeint par Chris Reynolds semble remodelé, l’auteur semble prendre un malin plaisir à déjouer les attentes des lecteurs pour produire quelque chose d’indicible et mystérieux. Première présentation d’ampleur du travail de Chris Reynolds en France, cette anthologie rassemble pas loin de 300 planches publiées initialement dans les années 1980-1990 au Royaume-Uni. SÉLECTION PATRIMOINE FESTIVAL D'ANGOULÊME 2021
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Date de parution | 19 Juin 2020 |
Statut histoire | Histoires courtes (anthologie) 1 tome paru |
Les avis
Si ce recueil d’histoires pour le moins étranges risque de dérouter les néophytes, il ne peut laisser indifférent. Pour beaucoup, la première réaction ira du « What the fuck » rigolard au scepticisme agacé. Et on peut le comprendre, car ce n’est pas ce qui se fait de plus accessible dans la bande dessinée. La meilleure façon d’aborder l’objet, pour les plus curieux, sera sans doute de lâcher prise et d’accepter le fait de ne pas tout comprendre. « Mauretania, une traversée » est une œuvre particulière, certes, mais qu’il serait trop facile de jeter aux orties sans autre forme de procès. Si les aficionados considèrent Reynolds comme un génie, ça ne doit pas être sans raison. Le moins que l’on puisse dire, c’est que dès les premières pages, cet ouvrage produit d’emblée une certaine fascination. De plus, ces histoires courtes, qui se lisent rapidement, tiennent plus de la rêverie poétique que du pensum fastidieux. L’action — si l’on peut dire — se déroule dans une Angleterre provinciale qui ressemble à n’importe quel autre endroit sur Terre. L’univers intemporel de Reynolds s’inscrit dans un surréalisme imprégné de science-fiction des années 60, avec un héros récurrent et sans pouvoirs particuliers, Monitor, qui dissimule son visage sous un casque, tel un Daft Punk avant l’heure. On pourrait penser à « La Quatrième Dimension » si la narration était moins décousue, sans doute parce que selon son auteur, celle-ci passe au second plan. Les protagonistes semblent en effet aux prises avec des événements qui les dépassent, sans corrélation les uns avec les autres, et la linéarité apparente du récit s’entrechoque très souvent avec des déviations temporelles qui semblent dénuées de sens. Peut-être un miroir de notre monde que l’on voudrait cohérent mais qui parfois nous échappe dans sa marche aléatoire. Dans « Mauretania », les personnages sont des silhouettes lunaires qui se cherchent comme dans une partie de cache-cache métaphysique, dont on ne comprend pas les tenants et les aboutissants. Reynolds possède une mythologie bien à lui avec ses propres codes, dont il ne nous livre rien, renforçant l’aura de mystère entourant ce drôle de « récit » dont les textes sont à l’avenant. Mais l’auteur se moque bien de notre frustration, sa seule préoccupation étant peut-être de nous intriguer, et par extension de nous interroger. Il ne cherche pas non plus à nous éblouir par son dessin en noir et blanc, au trait gras, parfois peu lisible, lequel compense ses imperfections par un rendu graphique réussi, auquel participe l’omniprésence du gaufrier de neuf ou quatre cases aux contours épais, faisant contraste avec l’élasticité narrative. Ainsi, il est assez difficile de dire si l’on a aimé « Mauritania » mais là, pas question d’émettre un jugement à l’emporte-pièce. Il y aura suffisamment de commentaires négatifs de la part de ceux qui ont pour habitude de rejeter ce qu’ils ne comprennent pas. Cette œuvre divisera, c’est certain, et donnera lieu à des avis tranchés. Faut-il être aussi perché que son auteur pour l’apprécier ? Faut-il être intello ou snob ? Le mieux est de découvrir soi-même cet ouvrage atypique, qui est plus une affaire de sensation que de compréhension. Et là, tout sera possible. Pour le dire simplement : on aimera ou on n’aimera pas !
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