Dragman
Angoulême 2021 : Prix spécial du jury "Il n'y a pas de super-héros plus super que Dragman, le héros travesti de Steven Appleby. Appelé aussi Dolly Marie, il mène contre les voleurs d'âmes de Black Mist un combat apocalyptique, névrotique, tendre, drôle - et brillamment dessiné". Posy Simmonds Depuis qu'il a trouvé, adolescent, un bas de sa mère dans le sofa, August Crimp a découvert deux choses. La première est qu'il adore porter des vêtements de femme. La seconde est que lorsqu'il le fait, il devient capable de voler. Oui, comme un super-héros !
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Hélas, cette passion un peu obsessionnelle est contrariée par la peur du ridicule et de la réprobation générale. Si sa mère, puis sa femme venaient à l'apprendre, c'en serait fait de lui. Du coup, il range sagement dans des cartons les tenues et souvenirs de Dragman, le nom de guerre qu'il s'était donné. De toute façon, la ville regorge de justiciers masqués. Mais voici que Cherry Mingle, la petite fille qu'il a sauvée d'une terrible chute du toit du Musée d'Art moderne un jour qu'il s'y était rendu en Dragman, réapparait dans sa vie. Elle a encore besoin de lui, cette fois pour aider ses parents qui ont vendu leurs âmes à la mystérieuse compagnie Black Mist pour lui payer ses études. Dragman reprend donc du service et l'aventure (même si elle finit bien) ne sera pas de tout repos... Comment partager sa vie entre le rôle de bon père de famille et celui de super-héros quand tous vos pouvoirs tiennent au fait de vous travestir en femme ? Telle est la question. Le coming-out et la confession de cette passion très singulière produisent le roman graphique le plus étonnant, détonnant et délirant de l'année...
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Date de parution | 16 Septembre 2020 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
S’il est difficile de résumer cette œuvre atypique, la couverture pourrait très bien le faire à elle seule. Sur la pointe du désormais emblématique gratte-ciel londonien, le Shard, une silhouette féminine se tient debout, face au vent. Cette silhouette à la fois frêle et élancée, on l’apprendra très vite, est celle d’un travesti, double de l’auteur, dotée de superpouvoirs Ainsi, la couverture est en quelque sorte le miroir inversé un peu ironique, de par son dessin « imparfait », des superhéros musclés d’outre-Atlantique pavoisant sur l’Empire State Building. Bien qu’il s’en défende en postface, c’est bien Steven Appleby qui se raconte dans cette histoire, dont les premiers mots sont ceux d’un conte de fées : « Once upon a time » (« Il était une fois »). Certes, il n’a pas le pouvoir de voler mais comme August Crimp, il adore porter des vêtements de femme, même si à l’inverse du héros, il lui fallut beaucoup de temps pour « se sentir à l’aise avec l’idée d’être un travesti ». D’ailleurs, dans le récit, le jeune papa mettra un certain temps avant de révéler sa double vie à son épouse, ce qui ne se fera pas sans psychodrame… Il faudrait donc plutôt voir Dragman (le personnage) comme une sorte de super-fée trans des temps modernes, le double idéalisé qu’il aurait peut-être rêvé d’être, celui qui chasse les trafiquants d’âmes pour les rendre à leur propriétaire, dans un monde qui en manque cruellement. Steven Appleby exprime à travers cette amusante parabole son désarroi de voir comment la perte d’âme, un bien comme un autre qui s’achète et se vend, transforme les personnages du récit en robots décervelés uniquement préoccupés par l’appât du gain, indifférents au sort d’autrui. Un pur cauchemar capitaliste qui n’est pas forcément si éloigné de notre réalité contemporaine. « Dragman » raconte aussi la solitude que l’on peut éprouver quand on naît fille dans un corps de garçon. Le livre parle de ces êtres ignorés ou subissant la risée de la meute, avec deux alternatives possibles : se cacher pour vivre leurs aspirations ou se comporter en bête de foire dans des clubs privés pour exister. Et le jour où un tueur les laissera dans le caniveau, cela n’inquiétera pas grand monde, ces « pervers » l’avaient bien mérité après tout… Tout cela Steven Appelby le raconte sans haine et sans acrimonie, préférant la poésie et l’humour, sans doute pour apaiser ses blessures intérieures. Quant au récit en lui-même, il peut déconcerter à naviguer entre gravité et légèreté. La partie dessinée, qui décrit un univers fantaisiste, alterne avec des textes courts marquant chaque début de chapitre, dans une tonalité évoquant une sorte de thriller glauque empreint de poésie. On peut même avoir un peu de mal à rentrer dans l’histoire avant d’en comprendre les rouages. L’esprit de « Dragman », c’est cela. Un récit en forme d’exutoire, sympathique mais bavard, au scénario touffu et un peu foutraque, qui révèle chez son auteur un besoin profond d’exprimer des choses, ce que l’on comprendra aisément. Mais encore une fois, Appleby évite de plomber l’ambiance et choisit la distanciation fictionnelle pour mieux se raconter, avec un humour à la fois naïf et tendre, discrètement « british » (aucune allusion sexuelle mal placée ici)… Sur le plan du dessin, l’auteur anglais n’est pas vraiment un nouveau venu puisqu’il produit depuis les années 80 des comics trips pour de très nombreux journaux et magazines, dont le Times, le Guardian ou encore le New Musical Express. Au-delà de ses pattes de mouche et son trait faussement maladroit, Steven Appleby possède un vrai style très reconnaissable, et on apprécie particulièrement les pleines pages représentant des décors ou des paysages tellement… « so british »… Globalement, malgré les quelques réserves émises plus haut, « Dragman » est une lecture sympathique révélant un univers très original. Avec le message distillé par le livre — « soyez vous-même et ne renoncez pas à votre âme » —, Appleby nous sert peut-être une lapalissade, mais qui prend une dimension plus prégnante quand comme lui on est à ce point éloigné des normes sociales. Aujourd’hui, à plus de 65 ans, Sir Appleby semble parfaitement en paix avec lui-même, ne cherchant même pas à revendiquer une étiquette quelconque. Père de deux enfants, il continue à se vêtir en femme et, de plus, a conservé son prénom masculin (comme quoi…). Cette année, Appleby a reçu pour « Dragman » une distinction à Angoulême. Parce que sans doute, il le vaut bien ;-)
Dragman n'est pas un album sur un fan de dragster ou un pro de la séduction... mais sur un superhéros travesti. August Crimp a le pouvoir de voler dans les airs une fois qu'il est paré de ses habits féminins. Original, beaucoup d'humour. Et cela fait écho à la propre vie de l'auteur britannique qui se travestit depuis des années, au départ secrètement et maintenant ouvertement. On se trouve dans une Angleterre un peu différente de ce qu'on connait où les superhéros de tout type, et même certains qu'on ne soupçonne pas, sont monnaie courante. Les habitants ont une police d'assurance pour que les héros leur viennent en aide en cas de besoin. Dans cette société, un homme a trouvé le moyen de séparer le corps physique de son âme, celle-ci devient l'objet d'un marché où les gens viennent vendre ou acheter. Et c'est justement pour aider une jeune fille à récupérer l'âme de ses parents que Dragman va reprendre du service. Il avait en effet rangé toute sa panoplie au grenier et s'est mis en couple avec une femme qui ne sait rien de son passé. On sent tout le poids de la réprobation sociale, la culpabilité et du qu'en-dira-t-on sur sa pratique. Plein d'idées et de personnages dans ce gros et long roman graphique, le premier de l'auteur qui est plutôt spécialisé dans le dessin d'humour dans la presse et le strip. Il a mis des années à en accoucher. Le dessin n'est pas fou de prime abord mais il est efficace. Bon rythme de l'histoire menée comme une enquête qui va de rebondissement en rebondissement ; j'ai trouvé ça réussi et l'ai lu d'une traite.
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