Magritte - Ceci n'est pas une biographie
Ceci est une biographie, sans l'être (c'est dit dans le titre), de René Magritte, une plongée dans son univers particulier qui permet de mieux connaitre et comprendre cet artiste.
Auteurs italiens Biographies Le Surréalisme Peinture et tableaux en bande dessinée
Charles Singullier est un employé ordinaire qui, pour une fois, se permet une petite originalité : il s'achète un chapeau melon au marché aux puces des Marolles à Bruxelles. Une fois le chapeau posé sur la tête, rien ne sera plus pareil pour Charles : il est victime d'hallucinations issues de l'oeuvre de Magritte. Et plus moyen d'enlever ce chapeau sauf s'il perce le mystère des tableaux de Magritte ! Une oeuvre qui s'interroge sur le sens des mots et des images et qui entraîne Charles dans un jeu de piste qui l'amènera à mieux comprendre Magritte, à le croiser, mais aussi à s'interroger sur lui-même, sur l'amour et sur la place de la fantaisie dans sa vie (texte éditeur).
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Date de parution | 04 Novembre 2016 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Peindre le réel équivaut à le penser par l’image, une trahison féconde. - Cet ouvrage porte sur René Magritte (1898-1967) peintre surréaliste belge, et son œuvre, mais, comme l’indique le titre, ce n’est pas une biographie. Son édition originale date de 2016. Il a été réalisé par Vincent Zabus pour le scénario et par Thomas Campi pour les dessins et les couleurs. Il comprend soixante-deux pages de bande dessinée. Un chapeau melon ! Qui eut cru qu’un jour, lui, Charles Singulier, il s’abandonnerait à la fantaisie d’acheter une futilité de ce genre. Et avec plaisir, qui plus est. Et il ose même le porter. Quelle extravagance ! il faut dire que la perspective d’être officiellement promu ce lundi a de quoi griser le plus imperturbable des hommes. Comme quoi, vingt ans de travail sérieux ont plus de valeur que le fayotage auquel se sont livrés nombre de ses collègues. Midi. Dans 24 heures, il sera un homme nouveau. Il faut qu’il se calme. Et qu’il enlève ce foutu chapeau. Un peu d’air lui fera du bien. Au fil de ses pensées, il a traversé le marché en plein air, puis remonté sa rue jusqu’à la porte d’entrée de son appartement. Il rentre à l’intérieur passe devant et regarde le miroir de l’entrée qui, étrangement, reflète son dos. Il s’approche de la fenêtre à guillotine. Elle est bloquée et à force de tirer pour la soulever le verre se brise. Il regarde son image fracturée sur les morceaux de verre par terre. L’image de Fantômas apparaît sur son écran de téléviseur et il s’adresse à Charles : c’est à cause lui, Magritte, car Charles n’aurait pas dû mettre son chapeau. Maintenant ça ne va plus s’arrêter. Charles Singulier a du mal à comprendre. L’avatar de Fantômas continue : ils sont ici pour informer Charles de l’objet de sa mission. Charles se retourne : une géante nue se tient dernière lui. Elle lui indique qu’il doit percer le mystère de Magritte. Fantômas lui dit qu’il a été choisi, à cause du chapeau qui était le sien. La femme ajoute : en le portant, il est entré dans son monde, maintenant il doit en saisir les secrets, sinon… Fantômas complète : sinon son chapeau restera à jamais vissé sur sa tête. Tant que Charles n’aura pas accompli sa mission, il portera le chapeau. Il essaye en vain de retirer le chapeau melon, sans succès. Il débranche sa télévision pour faire disparaître Fantômas, sans succès. L’image de dos de Charles, identique à celle du miroir, apparaît ensuite sur ledit écran. Il se retourne et découvre un petit carton sur sa table basse : au recto figure le nom de Fantômas, et au verso Le cinéma bleu, 13h. Il se rend à pied, à cette invitation. Une jolie jeune femme évoque le peintre. Magritte a toujours adoré les films de Fantômas qu’il allait voir adolescent au Cinéma Bleu de Charleroi. Avec les nouvelles d’Edgar Poe, Fantômas fait partie des œuvres fondatrices qui le marquent durablement. Le refus de l’ordre établi revendiqué par le roi des voleurs plaisait au peintre. De même, le changement d’identité de Fantômas ne pouvait que séduire Magritte, lui qui n’aura de cesse d’étonner en affichant une personnalité changeante suivant les époques. La conférence est terminée, les spectateurs se rendent dans les salles de l’exposition pour admirer les tableaux du peintre. Ceci n’est pas une biographie : un bel avertissement en guise de sous-titre, ainsi qu’un écho de la phrase figurant sur le tableau La trahison des images (1928/1929). Le lecteur suit un personnage sur lequel il n’apprend quasiment rien. Les dessins montrent que Charles Singulier est un homme blanc, habitant à Bruxelles, mince et d’une grande taille, habillé en costume avec une cravate, portant le chapeau melon de René Magritte, une apparence évoquant un pâle reflet du peintre, une version affadie. Il doit accomplir une mission bien vague : percer le mystère de l’artiste. Le lecteur se dit qu’il peut y voir une incarnation littérale de la démarche des auteurs : à défaut de percer ledit mystère, charge à eux de le présenter, de le mettre en scène, de donner à voir ce mystère sous différents angles pour en présenter différentes facettes… Et peut-être donner quelques clés de compréhension, quelques faits et quelques circonstances présentant pour partie le contexte dans lequel René Magritte a grandi et a produit ses œuvres. Cette bande dessinée n’est pas une biographie dans le sens où elle ne retrace pas la vie et l’œuvre de René Magritte dans l’ordre chronologique, avec une ambition d’exhaustivité quant aux circonstances ayant engendré un artiste aussi singulier, pour reprendre l’adjectif servant de patronyme au personnage principal. Dès la première page, le lecteur se sent confortablement installé dans une narration visuelle très sympathique : des couleurs douces pour le marché avec un savant dosage entre éléments représentés avec précision, et formes donnant plus dans l’impression produite. Le premier contact avec le personnage principal s’effectue à la fois avec les courtes cellules de texte établissant la situation en une douzaine de phrases sur deux pages, et c’est parti pour la mission. Charles Singulier ne paye pas de mine, un monsieur anonyme, assez pour que le lecteur puisse s’y reconnaître sans effort, assez particulier pour ne pas faire mentir son patronyme. En page cinq, le lecteur comprend facilement que les morceaux de verre reflétant une image brisée de Charles et l’apparition de Fantômas à l’identique de l’affiche du premier film (1913) réalisé par Louis Feuillade donnent des indications sur la manière dont le personnage perçoit la peinture de René Magritte, et donc par voie de conséquence de la manière dont les auteurs vont la présenter. Le coup du chapeau inamovible relève du surréalisme, tout en constituant également un phénomène d’empreinte de l’œuvre de Magritte sur Charles Singulier. L’esprit de l’artiste l’a touché, a laissé une marque sur lui et il ne pourra s’en défaire qu’en s’y intéressant, c’est-à-dire littéralement en accomplissant la mission que lui confie cet avatar de Fantômas. La suite de la narration visuelle se situe dans le registre de la première séquence. Le dessinateur continue d’utiliser des couleurs douces, une palette évoquant celle de René Magritte. Un mode de représentation sans trait de contour, en couleur directe, comme les tableaux de Magritte. D’ailleurs, il est amené à réaliser plusieurs reproductions de ses œuvres. Tout d’abord lors d’une visite du musée René Magritte à Bruxelles, de nuit, plusieurs tableaux célèbres : Le modèle rouge, L’invention collective, La clairvoyance, Mal du pays, La magie noire, Condition humaine. Puis quelques-unes éparpillées dans les séquences, en particulier quand les images des cases se décollent pour révéler des œuvres en dessous, comme La lampe du philosophe, Clairvoyance, Perspective du balcon, Le faux miroir, La légende des siècles. Le lecteur observe également que les bédéistes jouent avec les codes de leur support comme Magritte pouvait jouer avec les conventions de la peinture : intégration d’éléments oniriques (la géante nue dans le salon de Singulier, Fantômas apparaissant sur l’écran éteint), de nombreux éléments absurdes, comme les deux chasseurs au bord de la nuit, sans visage), le feuillage des arbres qui est en deux dimensions dans le cimetière, l’irruption d’un train miniature dans le salon de Singulier par la cheminée (évoquant le tableau La durée poignardée), l’utilisation d’un tableau pour en faire un trou dans une porte (La réponse imprévue), le placardage du tableau Georgette Magritte sur les murs de la cité, des mots s’inscrivant sur les images, les grelots qui flottent dans l’air (La voix des airs), le passage d’un plan d’existence à un autre, d’une réalité à une autre, le désordre chronologique, les apparitions et disparitions de la jeune femme et du biographe officiel de l’artiste, etc. La narration visuelle constitue une lecture très accessible et très agréable, tout en se nourrissant des facéties et des rapprochements visuels de René Magritte. Le lecteur se sent vite gagné par ce jeu de citations et d’écho, ainsi que par la dimension ludique de la structure du récit. Effectivement, le scénariste ne se sent pas tenu de respecter le déroulement chronologique de la vie de Magritte, comme le ferait un biographe académique. Pour autant, lors d’une demi-douzaine de passages, il expose des éléments biographiques que ce soit le séjour dans la banlieue parisienne ou les conditions de la mort de Regina Bertinchamps, la mort de l’artiste. Dans le même temps, il ne fait qu’évoquer en passant les réunions du groupe des surréalistes belges, ou les relations de Magritte avec d’André Breton (1896-1966), la valeur marchande de ses tableaux n’apparaissant que lors d’une fugace allusion, l’analyse restant à l’état embryonnaire pour les tableaux et leur modernité par rapport à la production de l’époque. Le rôle de son épouse Georgette n’est que succinctement évoqué et elle-même n’apparaît que d’une bien étrange façon. De temps à autre, un personnage effectue une remarque sur l’artiste ou sur son œuvre. Deux protagonistes différents font observer que Magritte n’aime pas qu’on fouille dans son passé, ce qui vient apporter une explication au fait que les auteurs eux-mêmes ne le fouillent pas beaucoup. Le lecteur relève quelques observations éparses sur l’œuvre. Vingt ans de travail sérieux ont plus de valeur que le fayotage auquel se sont livrés nombre de mes collègues. L’œuvre de Magritte est figurative, mais elle est un attentat permanent contre la représentation. Peindre le réel équivaut à le penser par l’image, une trahison féconde. La vraie vie est toujours un ailleurs qui n’existe pas. La peinture n’agit pas comme un miroir passif de la réalité, elle la métamorphose. On ne fume pas dans une pipe peinte. L’œil du peintre est un faux miroir. Tout objet en cache un autre. Magritte déteste la psychologie. Elle essaie d’expliquer le mystère, tout le contraire de sa démarche. Ceci n’est pas une biographie : en effet, cette promesse est tenue. L’artiste réalise une narration visuelle en osmose avec la peinture de René Magritte, ce qui permet d’intégrer ses œuvres, soit comme telle, soit comme dispositif narratif, sans solution de continuité. Le scénariste joue également entre les éléments biographiques désordonnées, les énigmes des tableaux, le paradoxe de la vie rangée de Magritte et la remise en cause rebelle contenues dans ses œuvres, avec quelques questions et réflexions sur sa démarche artistique. Les auteurs laissent le lecteur avec une dernière question : Pourquoi vouloir répondre aux questions que la peinture nous pose ?
Le mouvement surréaliste, ses idées, ses actions, ses protagonistes (passés et présents) ont depuis longtemps su m’arracher à la morne réalité. Si Magritte n’est pas le peintre surréaliste que je préfère, j’aime bien ce qu’il nous donne à voir. Et je suis aussi étonné que ce soit sans doute le peintre surréaliste le plus apprécié, alors que pourtant son œuvre est des plus intellectuelles, et qu’elle cache, derrière les faux-semblants qui l’ont rendue « accrocheuse » (le style « réaliste » volontairement très académique, des tableaux épurés, etc.) un questionnement souvent pointu, une volonté de bouleverser les sens. Enfin bon, Magritte est un grand peintre. Le sous-titre, « Ceci n’est pas une biographie », fait bien sûr référence à l’un des plus célèbres tableaux de Magritte. Mais il livre aussi la clé de lecture, tant on s’écarte ici d’une « biographie classique ». Il peut y avoir quelque chose de frustrant. Ses compagnons du groupe surréaliste – et son action même au sein de ce mouvement (groupe surréaliste belge bien sûr, mais aussi les actions menées en coordination avec le groupe parisien) ne sont pas passés sous silence, mais ils ne sont évoqués qu’à la marge. Pas grand-chose sur sa relation pas toujours simple avec Breton (au passage, « l’autorité despotique de Breton » évoquée au cours d’un dialogue ne fait que répéter un cliché qui demande encore d’être étayé…). Et seuls Nougé et Scutenaire sont évoqués, rien des autres membres du groupe belge. Si les changements de styles et d’intérêt sont évoqués brièvement, rien sur la période « jockeys », pourtant intrigante (et pas celle qui m’attire le plus a priori). J’ai pris le parti de suivre le récit des auteurs non pas comme une biographie (car alors il y aurait d’important manques et biais !), et donc de ne pas me focaliser sur ce que j’attendais, mais sur ce que propose Zabus, à savoir un récit décousu, qui nous donne à voir « par la bande », quelques aspects de la personnalité et de l’œuvre de Magritte, en laissant beaucoup de choses en retrait. Nombre de tableaux sont retranscrits, ou évoqués (quelques autres sources, dont de Chirico aussi), même si le dessin de Campi (pourtant très lisible et loin d’être laid) n’est pas ici ma tasse de thé. Même si le lecteur qui ne connait pas trop Magritte, sa vie et son œuvre n’aura ici qu’une vision superficielle de tout ça, cet album propose tout de même une approche originale et pas dénuée d’intérêt de ce personnage qui cachait derrière une vie « bourgeoise » et une peinture presque académique une vision décalée et révoltée de la société et de ses fondements.
Voilà une couverture qui attire l’œil et intrigue. J'ai eu l'occasion de voir une exposition de Magritte au centre Pompidou il y a quelques années, à une époque perdue où les musées étaient encore une distraction autorisée bien que non 'essentielle', j'avais donc un petit vernis sur l'univers de l'auteur surréaliste belge. On sent que les auteurs de cette bande dessinée sont fans de son œuvre, ils y instillent plusieurs tableaux célèbres comme le Viol, Le Fils de l'homme dont s'inspire la couverture et qu'on retrouve également vers la fin de l'histoire, ou la Trahison des images (le fameux avec la pipe). Le dessin est bon, avec des couleurs douces, et portée par le personnage de Charles Singullier (avec un L ou deux selon les pages...) dans une histoire un brin surréaliste elle-aussi puisque M. Singullier se retrouve avec le chapeau melon de Magritte vissé sur la tête alors qu'il a bientôt un rendez-vous professionnel important. Un bel hommage.
Voici une bd que j'avais achetée à Bruxelles dans une librairie d'occase comme il y en a nombre là-bas. Magritte étant un artiste que ma copine aime bien, nous l'avions prise. Mais j'ai fini par oublier qu'il y avait cette bd dans ma bibliothèque, et cherchant quelque chose à lire, je suis retombé sur cet ouvrage. J'ai été au départ un peu décontenancé. En effet, j'étais un peu perdu et me suis dit que cette bd se réservait à un public de connaisseurs, et que j'allais avoir du mal à bien comprendre et à m'immerger pleinement dans la bd. J'ai vu une expo de Magritte une fois et j'avais beaucoup aimé, mais je ne me suis pas plus penché sur son oeuvre et son histoire. Mais si j'ai au tout début pu avoir cette crainte car on est immédiatement plongé dans l'univers si particulier de Magritte, j'ai vite été rassuré. La plongée dans cet univers n'a pas été trop agressive et est bien amenée. Nous suivons un homme, Singullier, qui ne connait rien à Magritte et qui va se retrouver plongé dans son univers, au départ il est rebuté puis se prend au jeu, un peu comme le lecteur. Nous suivons donc, avec Singullier, l'histoire de Magritte, le cheminement de la pensée qui l'a conduite à peindre ces tableaux. On est également en contact avec ses oeuvres tout au long de la lecture, et cette bd est finalement très pédagogique. Je ne pense pas qu'il faille la lire si on n'a jamais entendu parler de Magritte, car on serait vite perdu. Mais si on connait un peu l'artiste et qu'on a envie d'en savoir plus, comme moi, c'est parfait. Je n'ai pas été perdu, en sait maintenant plus sur l'auteur, et ça me donne envie de voir d'autres de ses tableaux. J'ai aussi aimé cette biographie car ce n'en est pas une, comme il est dit dans la dans le titre. Ou du moins ce n'est pas une biographie classique. L'histoire que l'on suit est celle de M. Singullier, qui est plongé dans l'univers de Magritte qui, lui, ne veut pas qu'on vienne fouiller chez lui, dans son œuvre et son intimité. Singullier finit par persévérer, percer les secrets de l'artiste en rencontrant divers personnages ou entités, comme des tableaux, tous liés à Magritte, qui lui expliquent, directement ou non, des concepts, des tableaux, ou l'histoire de Magritte l'homme. Les défauts de Magritte son également traités, on sent que les auteurs sont fascinés par le personnage mais restent objectifs. Le fait d'avoir une petite histoire à côté de la biographie de Magritte est très agréable car cela apporte de la légèreté ; le chapeau vissé à la tête, l'histoire avec la femme, tout cela apporte un petit plus farfelu qui s'accorde très bien à l'univers de Magritte. Le dessin est quant à lui grandement inspiré du style de Magritte et, évidemment, se prête idéalement au propos et à l'univers. J'aime les oeuvres de Magritte, j'ai donc beaucoup aimé ce dessin et la façon dont il se marie avec la narration et avec les mots, exactement comme le fait le peintre belge qui a toujours associé peinture et idées. Au final, je conseille évidemment la lecture qui, pourtant, en laissera certains de marbre. Personnellement, je tire mon chapeau (melon) aux auteurs, qui sont, ça se voit, passionnés et se sont réellement intéressés à Magritte. Et quand on est intéressés par ce qu'on fait, on est très souvent intéressant.
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