La Mécanique du sage
Angoulême 2021 : Prix de l'audace Edimbourg, début du XXe siècle. Charles Hamilton a tout pour être heureux: un confort financier qui le met à l’abri du besoin, des nuits bien remplies et des journées oisives juste ce qu’il faut. Et pourtant, après la fête, c’est la descente. Victime de troubles de l’humeur, de hauts et de bas, Charles Hamilton se sent en alternance. Déçu par l’amour, Charles est néanmoins père d’une petite Sophia, mais ne voit pas là de quoi combler ce vide existentiel qui l’habite. Ce qu’il lui faudrait c’est un exemple – un maître, un sage, là, au fond de son jardin.
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En s’inspirant de l’histoire (réelle) de Charles Hamilton et de son «ermite ornemental», Gabrielle Piquet traque des maux bien modernes – recherche d’un bien-être perpétuel, positivisme à tout crin – et nous interroge sur cette dictature du bonheur qui voudrait éradiquer de nos vies toute forme d’aspérité, comme si la vie ne pouvait, ne devait être que réjouissance et béatitude. On retrouve dans La Mécanique du Sage toutes les qualités qui faisaient déjà le charme de La Nuit du Misothrope: un dessin aux influences retro tout en élégance, une écriture mélodieuse d’une grande finesse, avec un prime une touche d’ironie et un humour pince-sans-rire du plus bel effet.
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Date de parution | 17 Janvier 2020 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Il y a six ans, j’avais découvert Les Idées fixes et j’avoue être tombé sous le charme. Cette bande dessinée m’avait laissé une très bonne impression, malgré sa forme quelque peu déroutante, grâce à la merveilleuse poésie qui s’en dégageait… Gabrielle Piquet confirme avec ce nouvel opus son style très particulier, ainsi que son audace, très légitimement récompensée lors du dernier Festival d’Angoulême. Gabrielle Piquet réussit à nous immerger très vite dans son récit atypique en utilisant les codes de la fable. De nombreux qualificatifs viennent à l’esprit, mais ce que l’on retient pour définir au mieux l’objet, c’est sa liberté et son intemporalité. Les cases restent ici accessoires, et le dessin, empreint d’une délicate poésie rétro, s’apparente à une écriture en symbiose totale avec le texte, qui, sous une apparente simplicité, est très travaillé. L’autrice insuffle de la mélodie à ses mots, qu’elle conjugue à une discrète espièglerie qui imprègne également son trait, provoquant souvent un sourire amusé chez le lecteur. Ce trait en question, d'un violet pâle, semble être tracé à main levée, sans aucun effet ostentatoire. Il reste d’une parfaite lisibilité, avec moult détails qui viennent souvent compléter le texte ou les dialogues. On pense beaucoup à Will Eisner et ses fables new-yorkaises, autant pour ce qui est du dessin que de la narration. L’histoire, qui se situe dans l’Écosse des années 1920, raconte le parcours chaotique d’un homme de bonne famille, Charles Hamilton, qui pourtant a « tout pour être heureux ». Car cet oisif épicurien à l’âme d’artiste, apprécié de son entourage, ne se satisfait plus de sa vie de riche héritier enclin à la fête et à la débauche. Quelque chose lui manque, et l’ennui le gagne peu à peu. D’une liaison amoureuse qui battra vite de l’aile et prendra fin avec la mort de sa bien-aimée, naîtra une enfant, Sonia. Souffrant d’une maladie pulmonaire, celle-ci est par ailleurs en proie à de fortes colères qui laissent son père désemparé. Après l’avoir placé dans un établissement spécialisé, Hamilton va renouer pendant une courte période avec sa vie dissolue, avant de se lasser à nouveau. Hanté par son aïeul qu’il voit comme un sage, il va acheter les services d’un « ermite ornemental », dont le rôle sera de se promener dans son jardin et d’inviter son propriétaire « à s’imprégner de son modèle et à assimiler pour lui-même ces signes extérieurs de sagesse ». Peut-être une manière de chercher à reconnecter avec Sonia, qui elle-même est en deuil de son premier amour, un gros garçon joufflu et immobile, que cette maigre fillette vénérait de façon platonique et unilatérale. Celle-ci va alors sombrer dans un mutisme mélancolique… Impossible de révéler la fin, mais la réconciliation entre le père et sa fille prendra des chemins pour le moins inattendus et pour tout dire, aussi drôles que jubilatoires… « La Mécanique du sage » constitue une lecture très agréable par sa fluidité. On apprécie pleinement la poésie et l’humour qui se dégage de cette jolie fable sortant des sentiers battus, sous-tendue par une réflexion philosophique sur le sens de la vie et de cette fameuse sagesse que chacun d’entre nous cherche à atteindre. Déconstruisant l’image d’Epinal du vieux sage barbu et imperturbable, Gabrielle Piquet nous montre peut-être que la sagesse n’implique pas obligatoirement de se renier soi-même, et nécessite même de conserver un petit grain de folie. Bouddha le disait lui-même : « L’insensé reconnaissant sa folie est sage, mais l’insensé qui se croit sage est vraiment fou »…
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