Soleil mécanique

Note: 3.33/5
(3.33/5 pour 3 avis)

Le portrait d’un architecte tchécoslovaque, Bohumil Balda, personnage imaginaire inspiré notamment d’Albert Speer, qui se vit confier par les nazis un projet spectaculaire à la gloire d'Hitler : le Soleil mécanique


Bâtiments et architectures BD minimaliste Cà et Là Europe centrale et orientale Format à l’italienne Les petits éditeurs indépendants Nazisme et Shoah

1937, Tchécoslovaquie. Bohumil Balda est architecte dans la petite ville de Hradec Králové, non loin de la Pologne. Passionné par son métier, il suit les principes de l’architecture moderniste et tente d’insuffler une forme d’avant-garde dans tous ses projets. Balda se méfie comme de la peste des nazis et de leur rhétorique anti-moderniste, d’autant plus que son propre beau-père, qu’il exècre, est affilé au parti National-Socialiste. Mais Balda se voit confier des travaux de plus en plus importants par la direction locale du NSDAP et alors qu’il réalise les premiers projets à son corps défendant, il bascule progressivement, fasciné par les projets délirants et grandioses du régime nazi. Il en vient à concevoir un bâtiment spectaculaire, une salle géante pour les allocutions des dignitaires nazis, le Soleil Mécanique, qui va provoquer sa disgrâce et sa chute finale. Soleil Mécanique est une fiction inspirée par l’histoire chaotique de l’architecture européenne entre les années 1930 et 1940, une satire des délires de grandeur du régime nazi ainsi qu’un rappel des compromissions de certains artistes qui se sont fourvoyés avec le IIIe Reich. Deuxième livre de l’architecte polonais Lukas Wojciechowski remarqué pour Ville Nouvelle en 2019, Soleil Mécanique confirme l’impressionnante créativité de cet auteur dans ce nouvel opus également dessiné sous AutoCAD.

Scénario
Dessin
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 19 Février 2021
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Soleil mécanique © Cà et Là 2021
Les notes
Note: 3.33/5
(3.33/5 pour 3 avis)
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22/03/2021 | Blue boy
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Par Gaston
Note: 3/5
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2.5 J'avoue que je ne sais pas trop quoi penser de ce one-shot. Le dessin est minimaliste, mais bien maitrisé. Il risque néanmoins de rebuter certains lecteurs qui auront des réflexions du genre 'mon gamin de 10 ans dessine mieux que ça'. Quant au scénario, au début j'avais peur de m'ennuyer et je ne savais pas trop où l'auteur voulait en venir avec cet architecte obsédé par le soleil. Cela s'éclaircit lorsque la situation politique des années 30 et plus précisément le nazisme, débarque dans le récit. Il y a des réflexions intéressantes sur l'architecture et ce que les nazis ont fait dans ce domaine, mais en même temps je dois avouer que le scénario ne m'a pas captivé plus que ça même si j'ai aimé certaines scènes et il y a de bons dialogues. Il manque quelque chose pour être captivant à lire. Je salue tout de même le talent de l'auteur pour inventer un personnage qui semble réel. J'ai vraiment cru que j'étais en train de lire la biographie d'un architecte qui avait réellement existé.

08/11/2021 (modifier)
Par Ro
Note: 3/5
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Je ne pensais pas aimer cette BD. La faute à son dessin que je trouvais rebutant. C'est un style minimaliste très géométrique entièrement réalisé avec le logiciel Autocad, avec des personnages très simplifiés et des décors tout en lignes droites et en cercles parfaits. Typiquement le type de dessin qui amène à se dire qu'on pourrait faire pareil sans difficulté avec un ordinateur, mais qu'on ne le ferait pas parce que ce serait moche et que personne ne voudrait lire ça. Et pourtant, après une poignée de pages, j'ai fini par m'y faire et à le trouver sympathique. J'y salue avant tout la clarté de la mise en page, avec des bulles de dialogues qui s'enchainent de manière claire, comme une discussion fluide dont on voit toujours qui est l'orateur. Le récit est intrigant. On y suit un architecte talentueux en Tchécoslovaquie dans les années 30. Face à la montée du nazisme et à son impact sur l'Europe en général et sur le monde de l'architecture en particulier, on se demande longtemps quelle position va prendre le héros, s'il va accepter de travailler pour les nazis et si son travail va finalement avoir un retentissement particulier dans l'Histoire. Je me suis même demandé à un moment donné si on n'allait pas apprendre qu'il allait devenir le créateur de l'un ou l'autre des camps d'extermination, et un plan avec des fours immenses m'a un moment fait croire que j'avais eu raison avant d'être détrompé. Ce n'est qu'en fin d'album que j'ai appris qu'il s'agissait de personnages et situations fictifs mais on y croit vraiment car tout est crédible. Cela tient surtout au fait que l'auteur est architecte lui-même et que ça lui a permis, outre sa documentation manifeste, de réaliser les plans, maquettes et photos qui parsèment la BD et présentées comme étant les œuvres et la demeure du héros. La réflexion sur l'architecture et la lumière solaire y est intéressante, avec quelques bonnes idées. Et celle sur le rapport entre l'art architectural et le nazisme ne l'est pas moins. La fin de l'album est un peu abrupte mais là encore plutôt crédible. Bref, c'est un album original auquel on a droit ici, tant dans son contenu qui fait sa force, que dans son graphisme qui par contre risque d'en rebuter plus d'un.

15/09/2021 (modifier)
Par Blue boy
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
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Le moins qu’on puisse dire, c’est que graphiquement, l’ouvrage n’est pas très engageant avec son trait géométrique hyper minimaliste. Et pourtant, quand on se donne le peine d’entamer la lecture, on est très vite fasciné par ce qui s’avère un parti pris radical et d’autant plus original quand on sait que le dessin a été entièrement réalisé à l’aide du logiciel Autocad. Seul un architecte aurait pu avoir une telle idée, et celui-ci se prénomme Lukasz Wojciechowski. Prof d’architecture et de design à la fac de Wroclaw, en Pologne, il publie ici sa seconde bande dessinée. Passé le temps de familiarisation avec cette forme narrative singulière qui requiert la participation active du lecteur, force est d’admettre que celle-ci fonctionne très bien, en partie grâce à une écriture fluide. Wojciechowski adopte le format du gaufrier, où les cases, dédiées autant à la partie graphique que textuelle, deviennent ainsi des phylactères à part entière. Pour l’architecte tchèque Bohumil Balda dont la carrière est en pleine ascension, ce soleil, élément récurrent du récit qui était au centre de ses créations, deviendra sa malédiction. La magnifique maison baignée de lumière où il demeure avec son épouse, d’une conception très avant-gardiste pour l’époque, reprend le concept des « toits-terrasse » cher à Le Corbusier. Les nazis, qui viennent d’envahir les Sudètes, vont faire appel à ses compétences, alors que curieusement ils exècrent le modernisme et préfèrent les toits en pente. Balda, par lâcheté ou par égocentrisme, peut-être un peu des deux, va céder bon gré mal gré aux sirènes hitlériennes de la gloire et abandonnera ses toits plats… Il est vrai qu’un refus équivaudrait à un suicide professionnel, réduisant alors sa carrière à néant. Mais bien vite, après une bouffée d’égo passagère, il sera rattrapé par sa mauvaise conscience, car pour être adoubé par ce régime, il y a forcément un prix à payer. Sous le diktat humiliant d’un sbire de Hitler, il sera chargé de concevoir le fameux « soleil mécanique », un projet titanesque et mégalo à la gloire du führer qui le conduira vers la folie puis la chute. Pour revenir sur l’aspect graphique, c’est la forme qui prime ici, bien au-delà d’une quelconque velléité esthétique. Toutes les choses visibles du monde réel sont ramenées à l’état de symbole, de logo, de courbes et de lignes épurées à l’extrême. De façon logique, les constructions sont un assemblage de carrés, de rectangles, parfois de triangles, puisqu’il s’agit du thème central du livre, mais les personnages également, masculins en particulier. Lida, l’épouse de Balda, intègre quant à elle des courbes plus féminines dans sa représentation. En contrepoint des angles et des traits rectilignes, évoquant la stabilité et la conception humaine, le cercle impose son mouvement naturel et son mystère obsédant, parfaitement souligné par l’auteur par un procédé itératif. Le cercle, symbole le plus répandu dans l’histoire de l’humanité, aux significations multiples selon les cultures. Ici, il symbolise avant tout l’astre suprême, et par extension la roue, la course du temps et l’éternité. Au fur et à mesure que l’histoire avance, le soleil si cher à Balda, va progressivement être remplacé par la svastika hitlérienne, terrible juggernaut qui finira par « désagréger » l’architecte, lui dont le travail était façonné par l’astre lumineux. Sa femme, qui le vénérait et voyait en lui un créateur de soleil, sera en quelque sorte une victime collatérale en perdant la vue, peut-être à force d’avoir trop contemplé l’astre depuis sa terrasse… Contre toute attente, « Soleil mécanique » est donc une excellente surprise. Cet ouvrage pseudo-historique nous laisse fascinés, comme si ce soleil avait imprimé durablement notre rétine, et nous trouble au point de se demander si tout cela n’est pas vraiment arrivé, sentiment renforcé par les photos qui jalonnent le récit. Mais surtout, il s’agit d’une double fable, d’une part celle d’un homme qui fut courtisé avant d’être annihilé dans son âme par un pouvoir politique monstrueux, d’autre part celle d’un régime qui fut englouti et périt par sa propre vanité. « Soleil mécanique » est une réécriture absolument percutante du mythe d’Icare.

22/03/2021 (modifier)