L'Art de la vulve, une obscénité ? (What is obscenity?)
Au Japon, l'art de la vulve ne passe pas. L'artiste tokyoïte Rokudenashiko a été inculpée le 24 décembre 2014 et incarcérée six mois après sa première arrestation, pour avoir enfreint la loi relative à l'obscénité, en moulant son sexe puis en le scannant en 3D afin de construire un canoë kayak.
Les petits éditeurs indépendants Seinen Séries avec un unique avis
Son travail, insolite et non dénué d'humour, vise à casser le tabou de la représentation du sexe féminin dans son pays, où la pornographie est largement diffusée, mais où la représentation des appareils génitaux reste interdite - ceux-ci sont floutés, pixellisés ou estompés sur les photos, les dessins et dans les films. Le récit de cette arrestation, médiatisée dans le monde entier, a permis de mettre en évidence les contradictions d'une société japonaise sclérosée par ses tabous, concernant plus généralement le statut de la femme.
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Date de parution | 25 Mai 2018 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Rokudenashiko, "bonne à rien" en japonais, est le nom de plume de cette artiste obsédée par sa manko, comprenez sa chatte, sa vulve. Elle est un peu perchée, notamment quand elle évoque une chirurgie esthétique de la zone en se disant que ça ferait un bon manga, mais il y a aussi une considération presque féministe dans son art consistant à faire des moulages de son sexe pour le décliner dans différents objets. Son chef d’œuvre réalisé grâce à une campagne de crowdfunding a consisté à en réaliser un fichier numérique permettant de l'agrandir à sa guise. Elle a pu ensuite en faire un kayak. C'est ce fichier envoyé comme gift à ses soutiens financiers qui lui a valu des problèmes avec la police japonaise l'accusant d'obscénité attisant le désir et les pulsions sexuelles d'après une loi de 1907 ce qu'elle conteste avec fermeté. En effet pourquoi des phallus géants, symboles de fertilité, peuvent être exhibés dans des festivals ancestraux, tel le Kanamara Matsuri, quand le sexe féminin est toujours caché, jusqu'au mot même de manko qui est quasi tabou, quand son équivalent masculin chinko ne fera que lever un sourcil. La culture japonaise nous parait en cela étrange de notre point de vue occidental. Les pratiques d'incarcération également. L'auteur va relater dans le détail les quelques jours qu'elle va passer en prison en juillet 2014, elle sera à nouveau inculpée en décembre. On parle d'une époque très récente. J'ai bien aimé sa description de la prison très précise, qui rappelle d'ailleurs le manga Dans la prison, allant jusqu'à donner les prix de chaque article qu'elle a du s'acheter (repas, savon etc.). Beaucoup d'humour bien sûr dans sa vision de la chose, même si la courte expérience a dû sévèrement la travailler. Les japonais ont une façon bien spéciale de traiter leurs prisonniers, on l'a encore vu il n'y a pas si longtemps avec l'affaire Carlos Ghosn. Ils ont 23 jours pour 'cuisiner' les suspects et en tirer des confessions, si bien que le taux de condamnation est de 99 %. Rokudenashiko est un cas rare car elle a contesté l'accusation et refusé de négocier sa peine. Son histoire a ensuite fait le tour du monde, du moins des pays choqués qu'une artiste puisse être emprisonnée pour de telles raisons. Un livre assez dense avec plusieurs petites histoires sur sa vie, ses débuts de mangaka et comment elle est devenue artiste manko. Mon bémol serait que c'est parfois un peu répétitif. Le dessin en noir et blanc la plupart du temps est assez simple. Plusieurs petits textes permettent d'en savoir plus sur le contexte culturel japonais, un ouvrage très intéressant des éditions Presque lune.
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