Mégafauna

Note: 3.5/5
(3.5/5 pour 10 avis)

Et si Néandertal n’avait pas disparu ?… Pourquoi les Nors, descendants de Néandertal, ont-ils dressé une muraille impénétrable entre eux et les descendants de Sapiens, coupant subitement tout commerce avec leurs rivaux de toujours ?


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Pour répondre à cette question dont dépend la paix du royaume, Timoléon de Veyres, jeune médecin tout juste promu, doit aller sur ordre du prince, et au péril de sa vie, à la rencontre de ce peuple étrange au physique rustre et primitif, mais dont le savoir et les richesses immenses sont convoités par les Hommes… En compagnie de Pontus, être pusillanime, mais ami fidèle, Timo s’embarque dans un voyage initiatique et sensuel qui changera définitivement son regard sur le monde…

Scénario
Dessin
Couleurs
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 03 Mars 2021
Statut histoire Une histoire par tome 2 tomes parus

Couverture de la série Mégafauna © Sarbacane 2021
Les notes
Note: 3.5/5
(3.5/5 pour 10 avis)
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30/03/2021 | ThePatrick
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Par Blue boy
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
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Livre 2 : Le Livre des délices et des infortunes : Doté d’une très belle couverture mettant en scène trois personnages égarés dans une forêt épaisse et mystérieuse, espionnés par trois étranges créatures mi-canidés mi-humaines en premier plan, le récit nous met de manière inattendue dans les pas du personnage secondaire du premier volume, Pontus, en compagnie de Brumel, la fille de Timoléon et Gasgar, tous deux victimes du clan des Guérisseuses, et de Krekl, un « homonte » de la branche néandertalienne, artiste chamane dont la discrétion n’a d’égal que son aura. Les trois compagnons auront pour quête de franchir la muraille pour rejoindre la cité de Turbia. En vertu d’un accord entre Timoléon (dont on ignore ce qu’il est advenu suite au coup d’Etat des Guérisseuses) et son ami le comte Lupullo, ce dernier avait accepté de se fiancer à Brumel pour sceller une alliance entre Elbaar et Valcarna face au Dombrak. Hélas, les choses ne se dérouleront pas tout à fait comme prévu… Si l’effet de surprise du premier tome est moins flagrant (nous sommes désormais familiarisés avec les us et coutumes des Nors), ce nouveau chapitre va s’orienter vers le genre plus classique de l’épopée médiévale, avec son lot de complots et d’alliances stratégiques, jusqu’à la terrible bataille finale. Depuis la prise de pouvoir par la secte religieuse des Guérisseuses, les interactions entre Nors et Mérogs se sont accrues, et malheureusement pas dans une optique pacificatrice. Ce « Livre des délices et des infortunes » va confirmer la maîtrise totale de Nicolas Puzenat dans sa narration, d’une fluidité exemplaire, que renforce la structure minutieuse du macrocosme qu’il a créé, avec des personnages bien campés. Autant d’ingrédients qui contribuent à faire de cette bande dessinée une vraie réussite. Au-delà de ces qualités, l’auteur intègre des aspects politique, philosophique et religieux, et d’autres, plus contemporains, d’ordre écologique et sociétal, ce qui confère une certaine valeur ajoutée à l’ouvrage. A travers les personnages féminins du peuple Nors, notamment celui de Brumel, l’auteur continue à nous questionner sur la question du genre, alors même que le lecteur ne prête plus tant attention à la corpulence impressionnante de ces femmes que l’on avait découvert dans le premier volet. De même pour Pontus, qui a appris à assumer son homosexualité en vivant parmi les Nors, pour qui l’amour libre n’a rien de tabou, à la différence des Mérogs, obnubilés par leur « dieu pendu » Kmaresh. A ce titre, on apprécie l’ironie exprimée par Puzenat à l’égard de certains adeptes exaltés, les « Pendus d’amour », qui rappellent étrangement nos fanatiques monothéistes et qui, pour manifester leur foi, se font suspendre à une potence tout en tentant de rester en l’air le plus longtemps possible, jusqu’à ce que leur langue devienne bleue. Hélas, parfois ça passe, parfois ça trépasse… Si Pontus et Brumel se révèlent des héros attachants, le plus intéressant est sans doute le personnage de Krekl. De petite taille et assez insignifiant en apparence, le portraitiste homonte tient plus du gnome que du héros « sans peur et sans reproche ». Au début, il suscite parfois l’hilarité de ses amis (et du lecteur) avec ses croyances un rien extravagantes (notamment celle sur l’origine des hyènes peuplant son village), mais progressivement, Krekl va semer le doute dans l’esprit de Pontus et Brumel, beaucoup plus terre-à-terre, et gagner en crédibilité au fil de l’histoire. Krekl, c’est un peu l’Indien qui amuse le « civilisé » avec son folklore mythologique mais qui finit par rallier ses compagnons à ses vues par sa sagesse, son humilité et le respect ABSOLU qu’il voue à la nature, à la vie dans son ensemble, sa perception chamanique des choses, sa capacité à percer l’âme des gens et à communiquer avec les « Vakks » (les esprits des êtres vivants). Une approche qui s’inscrit pleinement dans le Zeitgeist. Ajoutons que Nicolas Puzenat, on lui en sait gré, n’est pas tombé dans l’écueil du manichéisme. Dans leur société quasi idyllique, les Nors ne sont pas tous biens intentionnés (on le voit avec les redoutables Guérisseuses), pas plus que les Mérogs sont tous critiquables. Dans son observation de la chose politique, c’est davantage le système et ses péchés originels qu’il réprouve, tout comme la corruption du pouvoir (décelée de façon saisissante par Krekl lorsqu’il rencontre Gasgar) et la tentation mortifère de l’« œil pour œil, dent pour dent ». D’un point de vue graphique, on reste charmé par l’inventivité et la richesse de cet univers déployé avec grand naturel. Le trait simple et sobre de Nicolas Puzenat ne cesse de gagner en finesse et de perfectionner son souci du détail, qu’il s’agisse des magnifiques paysages forestiers, ou des architectures imaginaires ou inspirées de l’époque médiévale. Le lecteur prendra beaucoup de plaisir à s’immerger dans ce monde uchronique aussi merveilleux que fascinant. Grâce à cette fabuleuse épopée qui se déroule avec une force tranquille sous nos yeux éberlués, Puzenat s’impose sans en avoir l’air comme un fabuleux conteur au potentiel « tolkienesque ». Car si on peut y trouver ça et là des références au « Seigneur des anneaux » voire à « Game of thrones » (la muraille), l’auteur ne s’est pas livré à un simple copier-coller, tant s’en faut. Il a créé ici un monde tout à fait original avec sa propre mythologie, lequel réussit à nous dépayser fortement tout en se voulant un miroir à la fois réaliste et bienveillant, empreint d’une subtile pointe d’ironie, sur les travers de notre monde bien réel, avec « ses délices et ses infortunes ». La fin ouverte de ce second volet laisse sans trop de doutes entrevoir une suite. Certaines régions et villes de la carte n’ont pas encore été décrites dans le récit, et la mer de Brumine, que Pontus s’apprête à prendre, semble pleine de promesses… -*-*-*-*-*-*-*-*-*- Livre 1 : Cette histoire, qui bénéficie d’un pitch très original, s’avère tout à fait dépaysante. Trop peu académique pour s’apparenter à série des « Jour J », « Megafauna » plaît beaucoup pour son côté à la fois artisanal et ambitieux. Pour réaliser cette uchronie à l’atmosphère médiévale, Nicolas Puzenat s’est nourri des études paléoanthropologiques les plus récentes, selon lesquelles l’homme de Néandertal aurait bien croisé notre ancêtre l’homo-sapiens avant de disparaître, et aurait même déposé quelques gênes dans son cousin, ou plutôt sa cousine si l’on parle d’accouplement… une partie des scientifiques évoquent même l’idée d’un métissage au profit de Cro-Magnon (autre nom de l’homo-sapiens), en plus grand nombre. Quant à l’auteur de cet album, il va jusqu’à imaginer que Néandertal n’a pas regagné le néant, mais aurait continué à vivre dans notre millénaire, au moins jusqu’au Moyen-âge puisque l’histoire se déroule en 1488. Et sa survivance a eu des conséquences sur le cours des choses puisque les Sapiens ont dû apprendre à cohabiter avec ces voisins à la fois semblables et pourtant si différents. Le mélange des deux races n’a pas eu lieu, et Néandertal, peu désireux de faire cause commune avec ses rivaux, a fait ériger une muraille gigantesque sur leurs frontières communes, traversant de part en part le continent européen, ainsi divisé en deux entités distinctes. Officiellement en guerre, les deux peuples ont toutefois maintenu des relations commerciales. Les Sapiens échangent du bétail et des vivres contre de l’or, des pierres précieuses et des épices dont les « Nors » raffolent. Mais depuis quelques temps, ces derniers ont mystérieusement suspendu toute relation avec leurs voisins du Sud, menacés par la famine. Pour tenter d’en savoir plus, les Sapiens vont envoyer discrètement un émissaire qui sera chargé de rencontrer le « Dimaraal » Vorel, l’un des chefs les plus puissants du camp ennemi. L’émissaire en question, Timoléon de Veyres, jeune étudiant en médecine, va prendre la route en compagnie de son ami, Pontus, qui fera office de garde du corps. L’accueil de la population néandertalienne sera plus que tiède voire hostile, et Timoléon aura fort à faire pour gagner sa confiance. C’est ainsi qu’au fil de l’histoire, on va comprendre peu à peu pourquoi les Nors ont décidé non seulement de couper les relations avec le Sud, mais également de maintenir depuis plusieurs siècles ce « cordon sanitaire » qu’est la grande muraille pour tenir à distance les Sapiens. Nicolas Puzenat nous offre ici une parabole bien sentie sur notre civilisation « occidentale ». La société médiévale où a grandi « Timo », c’est la nôtre. Les Nors, c’est le peuple exotique et méconnu, qui donne lieu à toutes sortes de préjugés quant à leur primitivité. Mais bien vite, Timo, auquel le lecteur va s’identifier facilement par son approche candide et son ouverture d’esprit, apprendra à revoir son point de vue en vivant parmi eux. Le contraste est d’autant plus saisissant lorsque le jeune homme franchit la frontière. La région au sud de la muraille est quasi désertique, résultat des pratiques agri-économiques inconséquentes des Sapiens, et la violence s’accroit parmi les habitants faméliques. Derrière la muraille en revanche, le paysage est luxuriant et les forêts abondent, riches en faune et en flore. Les Nors, tout en vivant en harmonie avec la nature, semblent avoir atteint un stade de développement technologique aussi avancé que leurs rivaux. Avec ce récit très bien mené, Nicolas Puzenat parvient à nous sensibiliser sur les dérives de notre monde, de façon assez subtile, ainsi que sur une quantité de thèmes comme les préjugés racistes ou la question des stéréotypes de genre, par le biais de la relation amoureuse entre Timo et la néandertalienne Gargar, très corpulente et d’une tête plus haute que son amant. Le trait certes peu académique trouve son équilibre dans l’univers enchanteur déployé ici. Et la magie opère facilement. On savait que l’auteur, à travers « Espèces invasives » avait du goût pour l’architecture, et une fois encore, il l’exprime ici de fort belle façon. Si les constructions des Sapiens sont conformes à l’époque médiévale, celles des Néandertaliens, désireux de préserver leur environnement, semblent par contraste être inspirées par l’Art nouveau, tout en courbes et en circonvolutions végétales. « Megafauna » est un alliage parfait entre aventure et réflexion politico-philosophique sur le devenir de notre monde, ainsi qu’une invitation à rencontrer l’« étranger », en faisant abstraction des préjugés, de ses mœurs qui nous paraissent si étranges. L’auteur évite de tomber dans le prêchi-prêcha, et nous sert d’ailleurs une conclusion plutôt sombre. Heureusement, il y a cet humour discret qui irrigue le récit, notamment sur la question du culte religieux. Ici, le « fils de Dieu » n’est pas Jésus mais Kmaresh, et il a été pendu ! Lieux saints et jurons font ainsi référence à la potence ou à la corde, et c’est plutôt bien vu. Encore une publication éminemment sympathique des Editions Sarbacane.

05/04/2021 (MAJ le 31/03/2023) (modifier)
Par Gaston
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
L'avatar du posteur Gaston

Et ben moi j'ai adoré ce one-shot, une de mes meilleures lectures de 2021 en ce qui me concerne. J'ai trouvé le scénario très intelligent. L'auteur imagine un monde où les Néandertaliens ont survécu et j'ai trouvé que ce monde était très bien pensé. On voit bien les différences entre les deux peuples et aussi la société des Néandertaliens n'est pas présentée comme une utopie où tout est beau et joyeux. Même si le héros homo-sapiens finit par admirer cette société, on voit très bien que tout n'est pas rose et qu'il a y a des luttes de pouvoir. J'ai ressenti de la tension tout au long de la lecture parce qu'on sent bien qu'un seul faux pas peut causer la perte du héros et de son compagnon. Le scénario est prenant et brasse plusieurs thèmes de manière intelligente. J'ai eu un peu de la difficulté avec le dessin au début, et la couverture est même un peu moche, sans ce site peut-être que je n'aurais jamais lu cet album. Puis, petit à petit, j'ai fini par aimer ce style. Pour moi une lecture indispensable, mais je pense qu'il faut aimer les récits politiques et par là je veux dire les récits qui mettent en avant les réalités de la géopolitique, les manipulations pour accéder au pouvoir, comment des gens ayant différents buts peuvent finir par s'allier et d'autres trucs de ce genre.

23/09/2021 (modifier)
L'avatar du posteur ThePatrick

Il y a des livres sur lesquels on tombe, et dont on a l'impression qu'ils sortent de nulle part, mais dont on sent qu'on va tomber amoureux. Mégafauna en est un bon exemple. Alliant uchronie et fantasy, cet album fait se regarder Homo Sapiens et Homme de Néandertal en chiens de faïence par-dessus une frontière qui n'a pas grand-chose à envier au mur de Game of Thrones. L'histoire, elle, est vue par les yeux du jeune Timoléon de Veyres. Médecin en formation, il est dépêché par son oncle et pour le compte du roi du Dombrak dans un royaume des Nors, auprès du dimaraal Vorel pour une mission diplomatique (et un peu d'espionnage, peut-être, mais ne le répétez pas). Cette mission, et la découverte de cette autre civilisation, vont être l'objet de bien des remises en question. Ce qui paraît naturel à Timoléon ne l'est absolument pas pour les Nors, et réciproquement bien sûr. On ressent très bien les incompréhensions, cette altérité, et on comprend de façon très naturelle que l'autre est bizarre, quel que soit cet autre. Outre cette thématique très présente, il y aura la religion, l'environnement, le rapport hommes / femmes. Le sud de la muraille est en effet une contrée chaude, où les animaux ont été chassés jusqu'à disparition et les arbres coupés jusqu'à épuisement, alors que le nord est au contraire une immense forêt verdoyante, peuplée d'une faune gigantesque allant jusqu'aux mammouths. Et hommes et femmes n'ont pas les mêmes rapports au nord et au sud, proposant des visions fort différentes de la société. Toutes ces thématiques, intrigues politiques, religion, environnement, altérité, rapport hommes / femmes, loin d'être pesantes et didactiques, parviennent à tisser une histoire fraîche, dépaysante et très agréable à lire. Et pourtant elles créent une richesse sous-jacente très intéressante. En 92 pages, ce one-shot a le temps de se développer, sans bien sûr pour autant être en mesure d'exploiter tous ces thèmes autant qu'on pourrait le souhaiter Le dessin et la colorisation ne sont pas en reste, qui participent à créer cet univers très particulier, et dont je ressors charmé.

30/03/2021 (modifier)