Aaron
Le drame d'un jeune adulte face à lui-même...
Douleurs intimes
Dans Aaron, Ben Gijsemans décrit les vacances d'été troublées d'un étudiant de 20 ans. Aaron doit réviser pour ses examens de rattrapage mais a d'autres choses en tête. Il lutte avec ses sentiments et ne comprend pas ce qui se passe en lui. Depuis la solitude de sa chambre, il ne trouve pas les réponses à ses questions et ses comics américains ne parviennent plus à le distraire de ses préoccupations.
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Date de parution | 27 Août 2021 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Tout d’abord, je ne pourrai que remercier l’ami Mac Arthur de m’avoir conseillé cet ouvrage et sans qui probablement je serais passé à côté… Pour ma part, je ne sais pas s’il est préférable de taire le sujet du livre pour, comme le dit Mac, « apprécier pleinement le traitement offert par l’auteur ». L’éditeur non plus ne livre que peu d’indice dans son résumé. Le sujet est-il donc si tabou ? Cela ne me poserait personnellement pas de problème de l’évoquer, mais je respecterai ces choix afin ne pas « spoiler », quoique l’expression paraît ici plus que déplacée… du coup, il est assez difficile d’en parler en détail, je vais donc tenter de réduire mon avis d’origine au minimum ;-) A mon sens, rien que mon introduction est assez révélatrice d’une certaine morale ambiante culpabilisante et inquisitrice… Bref… Il fallait un certain courage pour aborder un sujet aussi casse-gueule que celui-ci, surtout en ces temps où la moindre info touchant au consentement sexuel est facilement montée en épingle et peut déboucher sur une opération de lynchage en règle sur les réseaux sociaux. Seulement voilà. Qu’on le veuille ou non, les choses ne sont pas aussi simples. La question ne se résume pas à une lutte binaire entre le bien et le mal mais comporte nombre de zones grises. Pour traiter son sujet, Ben Gijsemans, jeune auteur belge qui publie ici son deuxième opus, va prendre son temps sur un peu plus de 200 pages en optant pour un procédé itératif où la compréhension passe principalement par les attitudes et les mouvements, souvent imperceptibles, où l’on doit lire entre les lignes de dialogues plus qu’anecdotiques. Pour peu qu’il fasse preuve d’observation et d’empathie, le lecteur devinera assez vite le mal dont souffre Aaron, sans que le mot maudit ne soit évoqué une seule fois. Ainsi, Gijsemans va insérer de façon récurrente à l’intérieur de la trame principale quelques extraits des lectures du jeune homme, des comics où l’on voit des héros très virils combattre des méchants sur un scénario extrêmement simpliste, presque toujours le même, où se joue justement cette fameuse lutte binaire entre le bien et le mal dont je parlais plus haut. Ces intermèdes « trépidants » au graphisme « vintage » font contraste avec la narration figée en gaufrier, toujours en plan fixe et accompagnée d’une ligne claire élégante, où l’on observe Aaron en proie à des tourments intérieurs qui le maintiennent dans une sorte de cage de verre, incapable de communiquer à quiconque ses états d’âme. De la même façon qu’il trouve refuge dans ses bandes dessinées pour ados, peu disposé à accéder au monde des adultes qui n’ont de cesse de lui renvoyer le miroir de son anormalité, il ne cherchera un semblant de compréhension qu’avec les rares enfants qu’il côtoie. Disons-le clairement, l’auteur livre son récit avec beaucoup de finesse et d’intelligence, ici, le scabreux n’est pas de mise ! Aaron ne passera jamais à l’acte, les faiseurs de buzz en seront donc pour leur frais ! Ben Gijsemans montre avec talent que le procédé narratif qu’il a choisi fonctionne particulièrement bien ici, un choix qui rebutera peut-être certains par son aspect monotone mais qui, basé principalement sur la gestuelle, décrit, mieux que ne saurait le faire des mots, la souffrance intérieure du protagoniste principal. La mise en page en gaufrier ajoute à cette monotonie ambiante où se débat l’âme égarée d’Aaron, prisonnière des cases roides et inflexibles comme de son corps malhabile. Certes, on se dit que l’auteur aurait pu faire plus court et qu’il y a quelques longueurs, mais pourtant l’histoire réussit à nous captiver jusqu’au bout, sans aucun effet de manche. Ce seul critère indique que l’auteur a atteint son but et fait d’ « Aaron » un album réussi, touchant et admirable par son parti pris objectif et sa façon « soft » d’aborder les choses. Et un coup de cœur aussi, pas forcément immédiat, mais un coup de cœur tout de même pour sa capacité à vous hanter et à vous questionner.
Aaron est la bande dessinée qui m’a le plus marqué depuis le début de cette année. Non qu’elle soit parfaite mais son thème central, son personnage principal ainsi que l’intelligence dont fait montre son auteur, Ben Gijsemans -qui parvient à créer une mise en abyme originale, nous mettant au sens propre du terme à la place de son personnage dans de nombreux passages du livre- ont fait en sorte que je ne risque pas d’oublier ce récit. Il s’agit d’un pur roman graphique qui traite d’un sujet encore extrêmement tabou dans notre société. Et pour en apprécier pleinement le traitement offert par l’auteur, il vaut mieux, je pense, ne pas chercher à savoir de quoi cet album parle avant de le lire. Ce récit propose une plongée très progressive (lente diront beaucoup, chiante diront d’autres, passionnante à mes yeux) dans le tourment d’Aaron et l’impact de la lecture vient aussi du fait que nous, lecteur, comprenons progressivement ce qui tourmente ce personnage. J’ai aimé : - L’audace de l’auteur qui parvient à traiter d’un sujet extrêmement sensible avec tact et pudeur mais sans rien occulter ; - Les mises en abymes créées par les passages fantaisistes qui nous proposent de lire des récits de superhéros… récits qui semblent tomber comme autant de cheveux dans la soupe mais qui ont eu un double intérêt pour moi ; - Le rythme très lent du récit et son découpage qui permettent de donner beaucoup de matière à l’introspection du personnage. Franchement bien à mes yeux. Très marquant et soulevant certains questionnements troublants.
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