À la Maison des femmes
Reportage à la Maison des femmes à Saint-Denis, au nord de Paris, une structure d'accueil novatrice visant à aider les femmes en détresse et victimes de violences à se reconstruire.
Documentaires Témoignages Violence conjugale Violences faites aux femmes
Ghada Hatem, médecin, Inna Modja, chanteuse, deux destinées qui s'accordent pour la cause des femmes. Elles, et tant d'autres, animent une maison qui leur est consacrée. Nicolas Wild est allé à leur rencontre. Les violences faites aux femmes sont plus visibles qu'avant. Mais ces avancées sont fragiles et l'on craint toujours l'effet du moment qui ne dure pas. Des volontés se sont réunies au sein de la maison des femmes, à Saint Denis, qui s'obstinent à venir en aide à celles qui en ont besoin. Nicolas Wild, véritable éponge émotionnelle, est allé les interviewer. Son reportage est fort et édifiant...
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Date de parution | 29 Septembre 2021 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Ouch. Ça fait mal de lire une telle BD, sans doute n'étais-je pas prêt et sans doute suis-je trop sensible à la violence. Mais cette BD est dure, abominablement dure. J'ai rarement eu une BD qui m'a fait pleurer durant sa lecture, à la fin aussi, m'a donné des nausées et m'a fait l'arrêter pour ne pas briser le mental. Mais je suis allé jusqu'au bout, parce qu'il le faut. Et c'est abominable ... J'adore Nicolas Wild pour ses BD reportages qui ajoutent de l'humour à des situations parfois dingues, permettant de comprendre un peu mieux le monde autour de nous. Et là, il fait un reportage tout simple, en région parisienne. Dans une maison pour femmes, une maison pour essayer de soigner toutes les violences qu'on leur fait. A écrire cet avis, il me revient des scènes que la BD contient, et leur violence reste gravée en mémoire. Cette BD, c'est un étalage de ce que l'humain est capable de faire à sa propre espèce sur des critères absurdes. Quand on parle de violences faites aux femmes, c'est assez rarement décrit en détail. On entend peu de témoignages. Les voir étalés, c'est violent, mais nécessaire. La BD est un simple reportage, mais je crois que rarement j'ai vu un reportage où l'auteur souligne à quel point il fut assommé par les informations. Nicolas Wild souligne l'impact des témoignages, qu'il encaisse parfois difficilement (et je suppose que tout ne fut pas intégré dans la BD). Il apporte parfois un simple élément qui montre de façon élégante cette empathie, comme lorsqu'au procès il dessine deux fois la même case de son carnet, où quelques larmes viennent s'ajouter dessus. Voir pleurer un homme sur la violence faite aux femmes, c'est ce que j'ai envie de retenir de ce volume. Cette BD, c'est une claque dans la gueule qu'il faut se prendre. Nos vies semblent bien confortables et tranquilles, mais des milliers de femmes sont violentées chaque jour, et il ne faut pas hiérarchiser les souffrances. Il faut juste repenser à ces milliers de femmes dénonçant des viols chaque mois, ces procès parfois délirants lorsqu'on entend les faits reprochés. La violence envers les femmes est partout, quelque soit l'âge, l'ethnie, la religion, la richesse. C'est la violence universelle de l'humanité envers celles qui sont nées femmes. Même si la BD porte des notes d'espoir, mais je dois bien dire que ce qu'il me reste surtout, c'est une grande noirceur. Comment l'humain peut-il être aussi violent ? Je ne le comprendrais jamais.
Je suis un peu étonné du peu d'échos que cet ouvrage de Nicolas Wild a suscité. Nicolas Wild s'affirme de plus en plus au fil de ses productions comme un très bon dans sa catégorie reportage/documentaire. Comme il le décrit, il a longtemps hésité et a souvent voulu abandonner ce projet tellement cela le sortait de sa zone de confort et tellement ça le bougeait. Ce n'est pas si facile de se rendre compte qu'il n'y a nul besoin de faire 10 h d'avion pour caricaturer des vilaines dictatures qui pratiquent la torture, l'humiliation et le manque le plus élémentaire des droits humains. Cela se passe sous notre nez mais nous sommes aveugles et coupables d'impuissance pour empêcher des faits qui sont dans notre rue. Le reportage de Nicolas Wild le montre bien, 35 millions d'habitantes de la métropole peuvent être sous la menace d'actes présentés comme les pires stéréotypes moyenâgeux. Nicolas Wild a eu le grand mérite de trouver l'exacte distance entre deux mondes qui se côtoient en cette remarquable maison des femmes de Saint-Denis (93). Le monde des victimes, toutes des femmes. Bien sûr la présence des hommes est toujours en ombres portées. Présence souvent malveillante mais quelquefois salvatrice comme JB qui risque sa vie pour sauver sa Lyla aimée. Impossible de hiérarchiser les épreuves et les souffrances endurées par Grace, Lyla, Sophie ou Valentine. Elles ont toutes vécues un chemin de croix dans la durée. La seule satisfaction que l'on peut avoir en refermant le livre, c'est qu'elles s'en soient sorties vivantes avec une possibilité d'avenir. Pour écouter et aider ces victimes, Nicolas Wild nous montre le monde des soignant(e)s. Un monde un peu déroutant pour un néophyte car il semble assez distant bien que très compétent. Nicolas Wild insiste sur la grande cohésion de ces professionnelles formidables qui savent que l'efficacité de leurs actions dépend de leur sang-froid et de la capacité de se protéger de se laisser submerger par une empathie légitime mais souvent déstabilisatrice et contreproductive. Pour avoir côtoyé du public de CHRS, je sais combien ce travail est difficile et souvent peu valorisé. C'est le grand mérite de Nicolas Wild de mettre en lumière l'énorme travail du Dr Ghada Hatem et de ses collègues qui brassent la réalité concrète d'un quotidien déprimant. Travail de soins, d'organisation, de management, de communication et de lobbying pour que la structure dure et essaime. Comme à son habitude Wild se met en scène avec humour. C'est vraiment très fort qu'il puisse incorporer un zest d'humour graphique ou dans son langage pour libérer la pression qu'impose l'ouvrage. L'auteur est tellement dans le ton de l'ambiance du lieu qu'il nous livre une confidence qui abasourdit ses interlocutrices (et ses lecteurs). Je considère que dans cet exercice de reportage qui ne doit pas tomber dans le voyeurisme ni travailler pour sa gloire perso, mais se mettre au service des victimes, Monsieur Nicolas Wild réussit un sans-faute. Un Must pour comprendre le monde qui nous entoure.
Après l’Afghanistan (Kaboul Disco) et l’Iran (Ainsi se tut Zarathoustra), Nicolas Wild est allé cette fois traîner ses guêtres dans un endroit beaucoup moins exotique, la Seine Saint-Denis, une destination qu’il n’aurait peut-être pas forcément choisie au départ et qui ne fait pas toujours rêver, avec comme point d’ancrage cette « Maison des femmes », structure d’accueil pour femmes en détresse coincée entre l’Hôpital Delafontaine, des barres d’HLM et une bretelle d’autoroute. Un sujet pas vraiment sexy d’emblée et pourtant… on comprend rapidement dès les premières pages pourquoi Nicolas Wild a été convaincu d’en faire une bande dessinée, sur proposition de Nicolas Grivel, « agent littéraire spécialisé en bande dessinée » rencontré au hasard des salons. Ainsi, l’auteur va nous faire découvrir cette Maison des femmes, sorte d’oasis au milieu d’un environnement pas des plus riants mais qui en fait ressortir d’autant plus l’unicité. Un véritable havre de paix pour des femmes qui ont vécu des expériences traumatisantes : violences conjugales, mariages forcés ou excision… Ces femmes sont prises en charge par une équipe très soudée de professionnelles où toute présence masculine reste exceptionnelle mais tolérée. Seuls deux hommes faisaient partie d’une équipe d’une vingtaine de personnes à l’époque où Nicolas Wild fréquentait le lieu. Ce dernier était donc loin d’être en terrain conquis, mais sa présence de gentil bédéaste a été vite facilement acceptée, et si au début il a été quelque peu ébranlé par la dureté des témoignages dont certains ont été retranscrits dans l’ouvrage, il a été vite conquis par l’ampleur de ce projet ambitieux et enthousiasmant, mais aussi par l’ambiance chaleureuse et solidaire qui règne en ces lieux. Pour évoquer son expérience, Wild va se mettre en scène comme il l’avait fait avec ses précédents opus. Une formule qui, à la manière d’un Guy Delisle, fonctionne très bien et confère une certaine authenticité au documentaire. L’humour candide et l’autodérision propre à l’auteur permet aussi d’insuffler un peu de légèreté à des propos âpres que parfois on a presque peine à croire. Le découpage en chapitres aère également la lecture, chacun d’entre eux étant consacré à l’une des protagonistes du livre, principalement des professionnelles ou des patientes livrant leur témoignage. On retiendra notamment celui de Sophie, dont des extraits de la bande dessinée qui lui a permis de raconter son calvaire conjugal tout en le tenant à distance, ont été insérés dans l’ouvrage. Comme il l’a prouvé avec ses précédents opus, Nicolas Wild sait nous prendre par la main pour nous emmener vers des contrées pas des plus engageantes, sans qu’on ait à le regretter une seule seconde, bien au contraire. Et ça, c’est un talent qui n’est pas donné à tout le monde ! Vous l’aurez compris, « La Maison des femmes » est une lecture chaudement recommandée par votre serviteur, non seulement pour toutes les qualités de l’ouvrage énoncées plus haut, mais aussi grâce à l’admiration que l’on peut ressentir en découvrant qu’un tel projet ait pu voir le jour, un projet évitant aux patientes le dédale interminable de formalités administratives, et parfaitement résumé de la bouche même de Ghada Hatem : « Notre volonté, à la Maison des femmes, c’est que chaque personne qui arrive avec un problème reparte avec une solution ».
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