Elise et les nouveaux partisans
Le récit d'une jeune chanteuse, Élise, qui s'impliqua avec conviction dans les luttes sociales qui ont traversé les années 60-70.
1961 - 1989 : Jusqu'à la fin de la Guerre Froide Ecole nationale supérieure des Arts décoratifs Luttes des classes & conflits sociaux Paris Tardi
Tardi et Dominique Grange signent un roman graphique intense et passionnant, dont l'écho résonne aujourd'hui plus fortement que jamais, dans une France toujours déchirée par les inégalités et les injustices. Elise, jeune chanteuse « montée » de Lyon à Paris en 1958 pour tenter sa chance, tourne le dos au showbiz suite au mouvement contestataire de mai 68. Refusant le « retour à la normale », elle rejoint le maquis des luttes contre l'exploitation, les injustices sociales, le racisme. Un parcours atypique qui nous mène de la guerre d'Algérie jusqu'à la fin des années 70.
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Date de parution | 03 Novembre 2021 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
2.5 J'ai mis un peu de temps à lire cet album, même si j'aime bien Tardi, parce que j'avais peur de lire un truc hyper-politisé qui ne plait qu'au converti et qui ennuie les autres. Il y a un peu de ça (ah c'est marrant comment les polices disent TOUJOURS des trucs dégueulasses pour qu'on les aime pas), mais ce n'est pas aussi pire que je m'étais imaginé. Il faut dire que je m'étais imaginé qu'il y aurait des trucs du genre des scènes expliquant que la violence c'est bien parce que les adversaires sont tous des gros méchants ou que le notaire Pierre Leroy était forcément coupable. J'avoue que j'étais un peu déçu tout de même parce que je m'attendais à un documentaire sur la gauche maoïste française et au final c'est 'juste' la biographie romancée de Dominique Grange, qui parle de ses années d'engagement dans le mouvement. C'est ce qu'elle a vécu que l'on voit et il y a donc plusieurs sujets qui ne sont pas abordés. J'ai trouvé que globalement ça se laisse lire, mais que ce n'était pas mémorable. La faute au fait que le personnage d'Élise m'a au final laissé indifférent, la seule grande opinion que j'ai du double fictif de Grange étant que les paroles de ses chansons m'ont semblé nulles ! Un autre problème est qu'à la longue le scénario finit par tourner en rond, un peu comme la vie clandestine d'Élise qui se termine brutalement comme la Gauche Prolétarienne qui va finir par se dissoudre. Un témoignage qui apporte quelques scènes intéressantes, notamment lorsqu'Élise va travailler dans une usine (la scène où on la force à faire son autocritique est pratiquement le seul moment dans la BD qui fait mal paraitre les maoïstes), mais personnellement je ne pense pas relire cette bande dessinée un jour.
Prenant pour base sa propre vie, Dominique Grange s'associe à Tardi pour nous raconter le parcours d'une militante gauchiste du début des années 60 à la fin des années 70. Nous ne parlons pas d'une simple militante adepte de manifestations et de tracts mais bien d'une combattante de la justice sociale engagée dans les groupuscules de la Gauche Prolétarienne, appliquant l'infiltration maoïste dans des usines pour soutenir des révoltes ouvrières et participant à des actions musclées avec des cocktails molotov préparés par ses soins. Avec comme particularité supplémentaire d'être aussi musicienne de profession et d'avoir composé des chansons qui deviendront des hymnes des militants révolutionnaires. Si sur le fond raconter un tel parcours de vie est intéressant, sur la forme j'ai trouvé cette lecture assez barbante. C'est une longue biographie très politisée, faite de flash-back et de sauts dans le temps, fourmillant de personnages qu'on en vient facilement à mélanger. Le discours est très manichéen, s'entamant directement par les actes immondes de ces salauds de flics, impliquant dès les premiers instants qu'il est logique de s'en prendre à eux avec autant de violence et de cracher à la gueule de l'état policier et fasciste qu'est forcément la France. Les flics y sont tellement caricaturaux dans l'horreur et la stupidité crasse quand j'en suis venu à chercher les très rares bulles de dialogues que ces derniers ne ponctuent pas machinalement d'une insulte raciste, misogyne ou homophobe. Ce manichéisme et la position immédiatement révoltée et haineuse de l'héroïne, tous pourris tous corrompus et fachos, ne m'a pas aidé à m'attacher à elle ni à son engagement sans faille pour le militantisme maoïste, un regard critique sur ce dernier n'étant finalement porté que dans le texte de la scénariste en toute fin d'album, mais jamais dans la BD elle-même. Cette lecture fut donc laborieuse malgré une certaine forme de curiosité de ma part, et je ne la conseillerai pas forcément, même pour découvrir à quoi ressemblaient les engagés militants de cette époque.
« Elise et les nouveaux partisans » n’est pas la première collaboration entre Jacques Tardi et Dominique Grange. Les deux auteurs, mariés à la ville, ont déjà travaillé ensemble notamment sur Le Dernier assaut, un ouvrage consacré à l’horreur de la Grande guerre. Ici, quoi que Dominique Grange s’en défende dans le dossier de presse, c’est bien la militante qui raconte son histoire à travers Elise et les mouvements sociaux de l’époque, tandis que son dessinateur de mari la met en images avec un regard non dénué de tendresse. Le livre débute par un rappel historique : la noyade des Algériens dans la Seine en 1961 sur ordre du préfet de sinistre mémoire Maurice Papon. L’événement fut l’élément déclencheur pour l’engagement d’Elise dans les grandes causes des années 60-70. Le récit va ensuite nous emmener dix ans plus tard dans le nord de Paris, à l’époque où la répression battait son plein dans le sillage du mouvement soixante-huitard. Elise vient d’être victime d’une explosion dans l’appartement où elle et ses compagnons de lutte confectionnaient des cocktails molotov dans la clandestinité. Réfugiée chez des amis après avoir été brûlé au visage, elle va profiter de sa convalescence pour raconter son histoire. La parution d’un album de Tardi étant toujours un événement, on était plus qu’impatient de découvrir « Elise et les nouveaux partisans ». Le bédéaste valentinois n’a pas son pareil pour restituer avec réalisme les atmosphères du passé, en particulier lorsque cela se passe à Paname et dans sa banlieue. Comme on pouvait s’en douter, c’est une réussite sur ce plan, et le lecteur se voit immergé dans cette période turbulente où lutte et solidarité voulaient encore dire quelque chose. Les mauvaises langues pourront arguer que l’auteur ne s’est jamais tellement renouvelé dans son dessin comme dans ses sujets, mais ceux qui l’apprécient savent que Tardi ne s’est jamais situé (ou si peu) dans une quête esthétique. Il fait du Tardi, point barre, et le lecteur sait pratiquement toujours ce qu’il va y trouver et n’en ressort que rarement déçu. Pacifiste convaincu, Tardi sait concevoir des ouvrages marquants dans un état d’esprit un brin anar tout en évitant les écueils d’un prosélytisme assommant. « Elise et les nouveaux partisans », qui tranche quelque peu par son côté militant, demeure une lecture plaisante, notamment par sa coloration nostalgique qui plaira aux plus anciens d’entre nous. Ce témoignage d’une actrice du mouvement de la gauche maoïste peut supporter une double grille de lecture, faisant autant office d’ouvrage militant que de document historique, et sa réussite tient en grande partie au talent de Tardi. Les auteurs nous rappellent de manière pertinente que lorsqu’il s’agit de rétablir l’ordre, la France se révèle plus souvent comme un Etat policier digne des pires dictatures bananières que comme le Pays des Lumières fantasmé lors des commémorations complaisantes, un constat que l’on a pu vérifier lors du mouvement des Gilets jaunes. On peut toutefois regretter qu’il se restreigne au récit historique, comme si les clichés d’une époque révolue avaient été consignés dans un album photo, de façon peut-être un peu trop respectueuse et déconnectée de notre réalité de 2021. Cela n’empêche pas Dominique Grange d’espérer — et elle a bien raison ! — que « les jeunes générations s’empareront de tout ça comme la sienne s’est emparée des idées de la Commune ». Il serait trop facile de trouver cela désuet et ridicule, comme il est de bon ton de le faire avec tout ce qui a trait à mai 68. Certes, on parcourt l’ouvrage un peu comme un vieux film qu’on regarderait avec ce sentiment mêlé de déférence et de condescendance. Il faut dire que le contexte était très différent, notamment en France où le Gaullisme tentait d’imposer sa chape de plomb, et les crises post-Trente Glorieuses n’étaient pas encore passées par là.... La détermination et l’énergie de ces jeunes militants forçait le respect. Leur naïveté et leur spontanéité désintéressée étaient touchantes, et le demeure encore aujourd’hui pour le lecteur, qui lui, sait à l’avance qu’ils se cogneront bien vite au mur de la prosaïque réalité, et qu’une bonne partie aura par la suite retourné sa veste face aux sirènes néolibérales.
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