Sous les galets la plage
Dans les années 60, les dernières semaines de vacances d'Albert dans la maison familiale vidée de ses parents et de ses amis... et de leur rencontre avec Odette...
1961 - 1989 : Jusqu'à la fin de la Guerre Froide Anarchiste ! Bretagne
Loctudy, septembre 1963, la station balnéaire se vide de ses derniers résidents estivaux. Seuls Albert, Francis et Edouard, futurs étudiants prolongent leurs vacances en attendant de commencer chacun de brillantes études supérieures devant les mener vers de prestigieuses destinées toutes tracées. Détachés de l'autorité familiale, ces fils de bonne famille comptent bien profiter de cette liberté pour vider quelques bouteilles et vivre de nouvelles expériences. Un soir sur la plage, ils font la connaissance de Odette, jolie jeune fille sans attache familiale qui saura s'y prendre pour les contraindre à participer aux cambriolages des résidences secondaires voisines. Bien que manipulé, Albert le futur gradé militaire, en tombera amoureux et prouvera à la jeune détrousseuse professionnelle que ses sentiments sont sincères et qu'il est prêt à changer de vie pour elle. Mais dans ces familles bourgeoises et patriarcales, on ne fréquente pas n'importe qui, on ne déshonore pas sa famille et on rentre dans le rang quelles que soient les méthodes employées. Les plus inhumains ne sont pas toujours ceux que l'on croit.
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Date de parution | 17 Novembre 2021 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Économiser sur le plaisir, tu parles d'un placement ! - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Sa première édition date de 2021. Il a été réalisé par Pascal Rabaté pour le scénario, les dessins, les lavis de gris et de brun, le lettrage. Il s'agit d'une bande dessinée de 134 pages. L'édition Canal BD comprend un cahier supplémentaire de 7 pages, avec une interview de l'auteur et des planches à différents stades réalisation. Albert et son père flânent dans la grande rue de la cité balnéaire Kertudy, en regardant ce que proposent les différents étals de la brocante. le père s'arrête pour examiner une petite statuette d'un dieu crocodile, mais la repose quand le brocanteur lui indique qu'il s'agit d'un souvenir des colonies. Un peu plus loin, ils s'arrêtent devant un joli meuble. Marius, un type avec un béret, en train de fumer la pipe, leur en propose mille francs. le père commence à marchander : le vendeur se justifie de quatre francs par année, pour un meuble qui date du dix-huitième siècle. le père continue de négocier et ils se mettent d'accord sur cinq cents francs. Ils repartent avec le meuble et le père fait observer à son fils qu'il faut toujours marchander : c'est comme ça qu'on économise et qu'on peut épargner. Ils rentrent jusqu'à la résidence secondaire de la famille et installent le meuble. Les deux enfants plus jeunes finissent d'installer la bâche sur la remorque et la fixer avec des tendeurs. le père et la mère font leur au revoir à Albert, en lui remettant les clés de la maison : il reste encore quelques jours alors que le reste de la famille rentre. Peu de temps après, Édouard passe à vélo pour saluer son ami et s'assurer du départ de ses vieux. Ceux de Francis sont également partis. Les trois amis se retrouvent sur la plage. Édouard propose que le soir ils fassent un sort à la cave de son père. Dans la mesure du raisonnable, ils peuvent lui tirer quatre bouteilles au max, plus, il verrait. Édouard et Francis se mettent à faire une partie de badminton. Le soir venu, les trois amis viennent de finir leur plat de pâtes et ils terminent la deuxième bouteille. La première était un Morgon la deuxième un Juliénas. Édouard indique qu'il n'a pas fait la différence entre les deux. Albert cherche dans la collection de disque : il en sort un peu déçu car il n'y a que du classique. Francis indique que le lendemain ils pourront aller chez ses parents qui ont des disques de jazz. Ils décident d'aller descendre la troisième bouteille, sur la plage. Ils s'y installent et font un petit feu, avec la mer devant eux, et leur héritage derrière. Ils commencent à faire tourner la bouteille, et ils entendent un bruit derrière eux : des gens qui se tiennent à l'entrée d'une villa, sûrement des résidents. Albert trouve ça bizarre, et il décide d'aller voir. Il se lève et avance vers la villa mais une personne allume sa lampe torche braquée sur lui, puis l'éteint. C'est une jeune femme qui leur demande si elle peut se joindre à eux. Ils acceptent. Elle boit un coup. Ils se présentent. Odette se déshabille pour aller prendre un bain de minuit. Les garçons la rejoignent. Dès la première page, le lecteur est conquis par la narration visuelle. Une vue en plongée sur la rue principale de Kertudy où se tient la brocante. le dessin est de nature réaliste et descriptif, avec un degré de simplification pour le rendre plus rapidement lisible par l’œil, et des détails marqueurs du lieu et de l'époque. le lecteur peut voir une affiche avec une graphie des années 1960, et des vespasiennes dans le coin en bas à droite de la première case. L'allure d'Albert et son père est étonnante de maintien et d'une forme d'assurance donnant une impression de supériorité, avec leur polo Lacoste immaculé et boutonné jusqu'en haut. Dès le départ, le lecteur ressent visuellement le décalage temporel. Il fait connaissance de Marius, avec sa veste à rayures horizontales et verticales, un béret sur la tête, une pipe et un chandail à col montant : une sorte de beatnik à la française. Les tenues vestimentaires sont encore assez strictes. de temps à autre, le lecteur voit passer un figurant : une femme avec un beau chapeau, un scout de France avec son uniforme caractéristique. Une jeune femme avec une belle robe aux motifs imprimés. Un homme bedonnant se promenant sur la plage avec sa chemise et son pull sans manche. Il en devient presque difficile de croire que Francis ou Edmond puissent porter des teeshirts sans col. L'artiste sait insuffler de la vie et de la personnalité à chaque protagoniste, avec des traits de contour pas forcément jointifs, parfois comme tracés sur le vif. le lecteur ressent leur état d'esprit : l'assurance militaire du père d'Albert, l'assurance très différente de Marius qui donne l'impression d'une étonnante liberté par rapport aux contraintes de la société, les expressions vives d'Albert et de ses amis qui découvrent la vie sans être blasés, les expressions plus ambigües d'Odette dont il n'est pas possible de deviner le fond de sa pensée ou la réalité de ses émotions, etc. Rien qu'à regarder chaque personnage, le lecteur perçoit une partie de son caractère, voit les différences entre l'un et l'autre. Le lecteur remarque rapidement la qualité de la mise en scène, en particulier au travers des scènes de dialogue où le bédéiste ne se contente pas d'alterner des champs et contrechamps, mais montre l'activité à laquelle se livrent les personnages en même temps, ou comment ils changent de posture en fonction de l'évolution de leur état d'esprit, ou encore la façon dont ils prennent une mimique étudiée quand ils se livrent à une forme de séduction, de manipulation plus ou moins consciente. Dans un premier temps, le lecteur éprouve l'impression qu'il y a même régulièrement des pages muettes, sans aucun mot ni de dialogue, ni dans un cartouche. En réalité, il n'y en a que douze, mais l'auteur laisse souvent parler des cases uniquement par le dessin. En fonction de sa sensibilité, le lecteur le remarque plus ou moins rapidement. Cela peut être en page 27, quand Odette se déshabille devant les trois garçons sur la plage de nuit, pour aller prendre un bain de minuit, dans une bande de trois cases, où à l'évidence Albert, Francis et Édouard ne disposent pas des mots nécessaires pour exprimer l'intensité de ce qu'ils ressentent. Cela peut survenir plus loin quand Albert connaît sa première expérience sexuelle en pages 67 & 68. Page 100, il découvre une autre planche sans mot, Albert allongé sur le dos profitant du moment présent, de la sensation de bien-être et même de bonheur. le lecteur ressent cette sensation et se retrouve à sourire doucement de contentement. Page 80, un monsieur bedonnant promène son chien sur la plage : sympathique, évident de naturel, mais qu'est-ce que ça vient faire là ? C'est un peu la question que le lecteur finit par se poser. La narration visuelle est douce empathique, les personnages sont sympathiques et complexes. La narration visuelle lui permet de se promener : sur une plage sans personne, dans des intérieurs de résidence secondaire, dans un magasin d'alimentation général, à vélo au beau milieu d'une route de campagne déserte, dans une vieille grange immense servant d'entrepôt à des meubles, etc. le lecteur apprécie ce moment hors du temps, de jeunes hommes tout juste adultes, livrés à eux-mêmes dans une station balnéaire en arrière-saison, les rues étant vides, les habitants très peu nombreux et comme inexistants, car les jeunes gens ne les croisent jamais. le récit devient à la fois une histoire alternant les environnements, et presque un huis-clos entre une demi-douzaine d'individus, car il n'y a pas de petits rôles et très peu de figurants. Dans un premier temps, le lecteur est donc séduit par ce supplément de vacances hors du temps et de l'agitation du monde, puis par le mystère d'Odette, cette jeune femme qui n'a pas froid aux yeux, tout en en ne semblant pas fréquentable. Puis il se retrouve happé par le chantage que subissent les trois jeunes gens. Il se prend au jeu de l'intrigue, pour savoir si les trois jeunes hommes s'en sortiront. Il apprécie l'approche naturaliste de l'auteur : le récit ne verse pas dans le roman d'aventure, ni dans le mélodrame. Il n'y a que l'histoire personnelle d'Odette et celle d'Edmond qui sont un peu appuyées, tout en restant plausible, et peut-être que celui qui les évoque n'est pas forcément entièrement fiable. Au fur et à mesure des séquences, l'auteur oppose donc la jeunesse tranquille et assurée d'Albert, Édouard et Francis à celle d'Edmond et d'Odette, la vie bien rangée des parents des trois jeunes gens, à celle bohème de l'autre trio. D'un côté des vies qui semblent bien tracées dans la société, de l'autre des vies en marge de la société, du mauvais côté de la loi. Dans la dernière case, apparaît le A de l'anarchisme, seule échappatoire possible pour des individus refusant le carcan de la norme sociale, ou dont l'histoire personnelle ne leur permet pas de s'y conformer, en tout n'ayant aucune intention de l'entretenir, de la perpétrer. La situation échappe à une dichotomie simpliste, grâce au personnage d'Albert. À travers une scène terrifiante, l'auteur fait apparaître le prix que le jeune homme a à payer pour faire partie de la bonne société, la réalité des leçons à recevoir, à subir, à endurer, auxquelles se plier pour rentrer dans le moule. le lecteur peut supposer qu'il en coûte autant, d'une autre manière, à Édouard et à Francis. le récit sort alors d'une vague virée plus ou moins romanesque dans l'illégalité, pour une représentation plus nuancée et plus sombre des dessous de l'humanité, chaque personnage étant tout aussi façonné par les lois systémiques de la société, par les traumatismes historiques (par exemple seconde guerre mondiale) dont les séquelles sont encore des plaies ouvertes faisant souffrir les individus. Pascal Rabaté propose un récit naturaliste entre thriller, polar et chronique sociale. Il installe très élégamment les circonstances : l'année, le lieu, l'époque, la classe sociale des personnages, tout cela façonnant l'intrigue de manière organique, à l'opposé d'un mécanisme d'intrigue artificiellement plaqué sur un contexte sans incidence. le lecteur est touché par la jeunesse des personnages, leurs choix, leur conformisme ou leur esprit de rébellion, de refus, le rôle et la place dans la société qui leur ont été attribués d'autorité, les cantonnant d'office à une vie ou à une autre. La narration visuelle est d'une rare élégance, évidente de bout en bout en bout, douce et consistante. L'histoire révèle progressivement ses saveurs sociales, peut-être pas assez affirmées, un peu en retrait de l'intrigue, empreintes d'une fatalité qui semble attribuer un monolithisme à la société française établie de l'époque, une société de plomb figée, plus une exagération qu'une réalité.
Un bon roman graphique comme Pascal Rabaté sait les faire. Il explore ici les contrastes entre deux mondes sociaux opposés et c'est cette fois la bourgeoisie de province qui se fait moquer. À travers des dialogues subtils, des illustrations évocatrices et son habituelle espièglerie, Rabaté donne vie à des personnages authentiques. Il réussit à aborder des thèmes sociaux et politiques tout en préservant un récit fluide et prenant.
Je ne suis pas séduit par cette série de Pascal Rabaté. Depuis que je lis Rabaté, il y a toujours quelque chose qui m'empêche d'être totalement convaincu malgré des qualités évidentes. Le titre nous introduit immédiatement dans une atmosphère de mai 68 puisque les galets remplacent les pavés. Mais voilà je trouve que 62 est un peu loin de 68 pour que cela soit tout à fait crédible. Il en va de même de la psychologie des trois jeunes hommes qui agissent plus comme des gamins de 14 ans que des presque adultes de 18 ans. J'ai trouvé que le paysage humain que nous propose Rabaté est assez manichéen avec des stéréotypes très marqués. De plus Rabaté utilise des ressorts scénaristiques assez convenus et pas si modernes. Un pseudo complexe de Stockholm pour notre Albert et une révolte contre le destin familial qui n'a rien de nouveau puisque Molière s'était affranchi de la voie paternelle pour suivre son propre chemin. C'est donc une thématique assez connue revisitée à la façon nouvelle vague. Si le texte est quasi inexistant et expéditif, c'est l'ambiance graphique qui porte tout le récit. La variété des éclairages et des cadrages remplace brillamment les paroles. Mais j'ai une autre réserve sur l'ambiance proposée par Rabaté qui ressemble plus à une atmosphère triste de mi-novembre que de fin de vacances. Ce serait d'ailleurs plus à Albert de rentrer sur Paris pour préparer St Cyr que ses petits frères et soeurs. Le dessin de Rabaté reste élégant même si je trouve le personnage d'Albert très figé et trop taiseux pour comprendre son revirement révolutionnaire. Ainsi la fin me paraît trop simpliste et spectaculaire pour que j'y adhère. Une lecture qui a retenu mon attention mais qui ne m'a pas séduit sur de nombreux points.
Ils sont trois fils de bonne famille dont les parents possèdent une résidence secondaire en Normandie. La fin des vacances arrive et presque tous les vacanciers sont partis. Chacun va rentrer chez lui et suivre des études supérieures comme l’ont décidé leurs parents. Et puis surgit de nulle part une jeune fille qui va leur faire tourner la tête et bouleverser cette fin de vacances bien tranquille. Odette est en fait une voleuse qui agit à la tête d’une bande bien organisée et pille les maisons environnantes de leurs plus beaux meubles. L’un des trois garçons va tomber sous son charme et voir au travers d'elle la possibilité de rompre avec la carrière militaire décidée par son père. La suite vous la lirez. Voilà une bien belle histoire que nous propose Rabate, où se confrontent deux mondes que tout oppose. Rompre avec son milieu bourgeois est - il possible ? Quitter le chemin tout tracé que l’on vous impose est- il souhaitable? Voilà les questions que nous pose Rabate dans ce récit de 144 pages, magnifiquement illustré et aux jolies couleurs pastels. Une belle réussite qui est peut-être passée un peu inaperçue.
J'ai découvert cette BD avec l'intention de plus avancer dans ma découverte de Pascal Rabaté, auteur dont je n'ai pas lu tant de livres et avec lequel je n'ai pas tant d'atomes crochus que cela. Mais j'essaye, et ce nouvel opus me semble aller dans la lignée de ce que j'ai lu auparavant : bien mais qui ne me touche pas non plus énormément. Cette histoire fleurant bon avec les idées qui exploseront sous mai 68 et qui se développent ici dans un village balnéaire sujet au rapports de forces entre anarchistes et bourgeois bien ancrés dans leurs époques. C'est une sorte d'instantanée des idées de l'époque, l'explosion d'une jeunesse plus attirée par la liberté, les stigmates d'une guerre pas si lointaine et des idées bien réacs sur les colonies ou l'argent. C'est par la propriété (et donc le vol, dixit Proudhon) que tout se jouera : on attaque les valeurs fondamentales d'une société qui se croit supérieure et investie de tout. Mais l'histoire développe surtout une histoire d'amour qui fleure bon la jeunesse romantique qui tente d'échapper à un monde vieux et réactionnaire. C'est mignon et bien amené, même si il manque un petit quelque chose pour que ce soit plus impactant à ce niveau. Pascal Rabaté aime créer des situations dans lesquels les mots sont superflues et les discussions passent avant tout par l'économie de mot. Cependant, cela conduit assez facilement à des échanges parfois trop simples à mon gout, ou des situations dont la résolution est un peu rapide à mon gout, comme lorsque les jeunes s'embrouillent suite à la photo. De fait, j'ai trouvé que l'ensemble était parfait au niveau de l'ambiance, de la façon dont les choses s'emmêlent dans une même trame qui parle plus d'une époque que de ses personnages, mais en même temps j'étais un peu trop détaché de l'histoire et des personnages. C'est, semble-t-il, quelque chose qui m'arrive souvent avec l'auteur. Je ne sais pas si cela vient de l'économie de dialogues qui me conduisent parfois à combler les bancs par mon imagination, et à avoir l'impression que les personnages sont distants, ou si c'est plus que j'ai du mal avec la façon dont il les conduit dans le récit. En somme, une BD qui est bonne, même très bonne je pense, et qui me touche moins qu'elle ne pourrait. En tout cas je vais continuer à lire l'auteur, histoire de me faire mon avis.
Une histoire d’amour avec en exergue une citation de Proudhon, et en quatrième de couverture une citation d’André Breton (mon auteur favori – mais pas seulement), voilà de bonnes raisons de se plonger dans la lecture de cet album. Rabaté a publié beaucoup d’albums sur les gens ordinaires, simples, souvent situés dans la France des trente glorieuses. Cet album ne déroge pas, mais il y a ici moins de noirceur, moins de méchanceté face à ces Français moyens. Bien au contraire, il s’attaque ici aux valeurs de la bonne société bourgeoise (la propriété avant tout), au travers de ce groupe de voleurs qui pillent les villas d’une petite ville balnéaire, dans un esprit anarchiste proche de la « reprise individuelle ». Un jeune homme, fils de bonne famille promis à une carrière militaire, tombe amoureux d’une belle voleuse, et c’est un vent de liberté qui souffle fort dans sa vie, au point de lui faire changer de perspective. Une belle histoire d’amour qui se fiche des conventions et des lois et, malgré les rebondissements du dernier tiers, Rabaté fait le choix de laisser la liberté, l’amour, triompher de certains déterminismes de la société, de la morale et de la loi. C’est une histoire agréable à lire, rapidement (peu de texte, et des pages très aérées).
Pascal Rabaté est doué pour raconter des histoires en bande dessinée. Son dessin clair, sa mise en page aérée et sa narration fluide plongent immédiatement le lecteur dans l'histoire et l'accrochent jusqu'au bout. Dans le cas présent, l'auteur nous emmène sur une île Bretonne dans les années 60. Mai 68 n'a pas encore eu lieu mais ses germes sont là, qu'il s'agisse de grands adolescents profitant enfin d'un peu de liberté quand leurs parents sont partis en vacances ou d'un groupe de personnes aux idées plus radicalement politisées, dans leurs pensées et dans leurs actes. J'ai apprécié cette lecture sans toutefois me sentir charmé. Je suis resté assez distant au personnage principal et à son comportement. Et je n'ai pas adhéré au discours et à l'état d'esprit de ceux qu'ils rencontrent, pas plus du coup qu'au déroulement de l'intrigue et à son épilogue. Ce fut donc pour moi une lecture pas désagréable car bien construite et maîtrisée sur le plan narratif, mais pas forcément une BD que je conseillerais sans hésiter.
Pascal Rabaté nous sort une épaisse histoire de près de 150 pages chez Rue De Sèvres plutôt bien menée. On rencontre trois copains en vacances au bord de mer dans les années 60. Mai 1968 auquel le titre de l'album fait un clin d’œil n'est pas encore venu. Les garçons croisent une belle donzelle de prime abord qui les appâte et leur joue un mauvais tour permettant par la suite de les faire chanter. L'un deux s'éprend de la belle arnaqueuse et veut se démarquer du carcan familial, surtout de son paternel très traditionaliste et militaire. Une bonne trame qui happe le lecteur, un bon dessin. Très bien.
Auteur prolixe, aussi à l’aise au dessin qu’au scénario, Pascal Rabaté nous offre un récit lui permettant d’exprimer à nouveau son talent d’observateur des mœurs sociales. « Sous les galets la plage », c’est la rencontre entre deux mondes opposés. D’un côté, une petite bourgeoisie de province aux vues et aux portefeuilles étriqués, de l’autre, des parias vivant de petites combines pour pouvoir survivre. Et comme le suggère ce titre pour le moins évocateur, ces deux mondes vont s’entrechoquer jusqu’à un final flamboyant, dans un élan vital alimenté par l’amour et la liberté. Ce roman graphique intemporel, qui se déroule dans la France des années 60, va nous mener dans les pas d’Albert, jeune homme de bonne famille dont l’avenir aurait dû être tout tracé sous la férule de son père autoritaire et étouffant, totalement acquis aux valeurs d’une France patriarcale. Le jour où il confie les clefs de la maison de vacances à son fils, qui vient d’avoir 18 ans, il ne se doute pas encore que le destin de celui-ci va basculer radicalement. Car ces clés, que le père lui tend comme si elles étaient « les clés du pouvoir », s’avèreront pour Albert les clés vers la liberté… et lorsque l’amour pointera le bout de son nez, sous l’apparence d’une jolie jeune femme peu loquace sur son passé, le point de retour va être allégrement franchi, pour le plus grand plaisir du lecteur… Sans être trop explicite, grâce à une parole bien choisie ou une simple posture, Rabaté parvient à révéler l’âme de ses protagonistes avec une espièglerie jubilatoire. Ainsi, tout l’état d’esprit du père (qui vouvoie son fils !) est révélé dans cette seule phrase, lorsqu’il vient d’acquérir un meuble à pain dans la brocante du village : « Vous voyez, mon fils, il faut toujours marchander, c’est comme ça que l’on économise et que l’on peut épargner. ». Et c’est bien l’un des points forts de l’auteur, qui a le don de concevoir des dialogues ciselés. Et comme toujours, son trait à la nonchalance étudiée respire la liberté, certaines cases au cadrage très cinématographique évoquant la Nouvelle vague. D’ailleurs, lorsque vers la fin Albert retrouve sa bien-aimée Odette, on pense immanquablement au couple mythique Jean Seberg/Jean-Paul Belmondo dans « A bout de souffle ». Ce thriller social très fluide, qui ressuscite les fantômes de mai 68, se révèle assez puissant sous son apparente légèreté. « Sous les galets la plage », c’est l’histoire d’une révolte d’une génération sur la précédente, sur les trompe-l’œil de la filiation inaltérable et les carcans du patrimoine transmissible, qui nous questionne de façon assez subversive : et si les enfants ingrats avaient raison ? C’est aussi le récit d’une revanche jouissive des « gueux » aux allures de robin des bois sur les parvenus vaniteux. Sans abus de textes explicatifs et d’effets de manche, Pascal Rabaté en profite également pour livrer une attaque cinglante contre les mâles défenseurs d’une France blanche et patriote, nostalgique du « bon temps des colonies », tout cela grâce à une galerie de portraits finement élaborés et des dialogues ciselés. La conclusion est juste formidable, avec cet irrésistible pied de nez dévoilé sur la dernière image par ce fieffé gredin de Rabaté, qui ne peut pas vraiment dissimuler ses sympathies anars !
Élégant, émoustillant et malin : Rabaté est en grande forme. Le dessin d'abord : le trait noir et fragile (et tellement humain !) rehaussé d'un ombrage de pèche sur les peaux. La couleur atténuée, presque bicolore bleu pâle et bistre. Dans l'ensemble une sorte de clarté lunaire qui rappelle peut-être un passé glorieux à l'auteur, les années 60. Ce décor surexposé met en scène la confrontation de brocanteurs douteux et issus de parcours peu enviables avec la jeunesse dorée d'un village de bord de mer. Dans ce scénario, vaguement anarchiste, où les enfants des rupins s'encanaillent, un seul se rebelle véritablement contre son avenir de militaire fils de gradé. C'est l'amour impromptu qui fait dérailler les projets et l'ordre social en même temps. Comme on aimerait que cette historiette puisse être vraie... Peut-être l'est-elle finalement ?
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