Sisyphe et Asclépios
Comment combattre voire faire disparaître la mort de notre horizon? C'est la situation que devra affronter chacun des deux personnages, chacun à sa manière. Une réflexion toujours aussi moderne quant aux déséquilibres que peuvent provoquer les réponses à cette volonté de contourner l'inéluctable.
Au temps de la Grèce Antique Auteurs italiens La BD au féminin Mythologie Mythologie Grecque
Ils ont osé défier la mort. Fils d'Apollon et de Coronis, Asclépios vient au monde tandis que le corps inerte de sa mère brûle sur un bûcher. In extremis, le père sauve l'enfant et décide de le confier au centaure Chiron. Au fil des années, les compétences d'Asclépios en matière de médecine deviennent extraordinaires. Sa réputation parvient jusqu'à l'Olympe et Athéna décide de le récompenser en lui offrant le sang d'une Gorgone, capable de ramener les morts à la vie. Mais en privant le royaume d'Hadès de nouveaux arrivants, Asclépios va s'attirer les foudres de l'Olympe... Fondateur de Corinthe, Sisyphe est un homme rusé, prêt à tout pour défendre sa vie et faire prospérer sa cité. Après avoir obtenu pour sa ville une fontaine qui ne tarit jamais, son intelligence lui permet d'esquiver les condamnations mortelles de Thanatos et de Hadès. Mais, Sisyphe le sait, faire preuve d'une telle arrogance ne pourra se payer qu'au prix d'un châtiment éternel...
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Date de parution | 08 Septembre 2021 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
J’ai bien apprécié cet album de la collection « La sagesse des mythes », un de mes préférés. Tout d’abord graphiquement, ça reste conforme à la collection, mais j’ai trouvé que l’alliance du trait et des couleurs était ici bien plus chaleureux. Plutôt une bonne surprise, jusqu’à maintenant les autres œuvres lues m’avaient toujours semblées froides et austères sur ce point. Mais mon réel intérêt à la lecture va pour l’explication des mythes. Des personnages dont je ne connaissais que le rapport à la médecine pour Asclépios et la punition pour Sisyphe. Sans être des mythes « forts », j’ai apprécié d’en connaître plus sur eux. Deux parcours différents, qui ne se croiseront pas et mis en lumière sous le prisme de l’hybris (orgueil des hommes à l’encontre des lois divines). Lecture tout à fait correcte avec l’agréable sentiment d’être moins bête à son issue. Le dossier en fin d’album est toujours sympathique et permet d’approfondir quelques points qui auraient pu nous échapper lors notre première lecture : le changement de couleur du messager par exemple, (pour moi c’était une mouette à la base ^^), l’allusion à la ruse d’Ulysse, la constellation … En fait je préfère ce genre d’album qui nous fait découvrir des petits détails méconnus à l’adaptation des classiques de l’antiquité (l’odyssée, les travaux, l’Iliade …) plus fades niveau surprises.
Après avoir traité des grands héros grecs comme Jason, Thésée ou Héraklès, c'est bien que la collection Sagesse des Mythes propose de s'intéresser à des personnages secondaires de la Mythologie comme Tantale, Narcisse, Pygmalion ou Bellérophon... qui sont tout aussi passionnants. Sisyphe et Asclépios ont comme les autres bravé les Dieux de l'Olympe et l'ont payé cher ; dans cet album, leurs destins croisés, forts en symboles, sont bien relatés, chacun des récits consacrés à l'un des 2 personnages suit les grandes lignes de leur histoire. Je connaissais le mythe de Sisyphe et son rocher qu'il pousse inlassablement dans le Tartare et qui une fois arrivé en haut d'une pente, redescend tout seul au bas de la pente, ce qui oblige Sisyphe à recommencer son supplice éternellement. Mais j'avais pratiquement oublié la raison de ce supplice. Son récit m'a bien rafraîchi la mémoire, je l'ai comparé avec celui relaté dans mon dictionnaire de la Mythologie, il est à peu près conforme. La ruse et l'adresse de Sisyphe étaient proverbiales, il a ainsi embobiné Thanatos envoyé par Zeus (qu'il avait surpris entrain de violer la nymphe Egine), qui devait l'emmener au royaume d'Hadès ; de fait, l'ordre cosmique fut bousculé et les morts cessèrent d'arriver chez Hadès qui s'en plaint à son frère Zeus, et c'est bien Arès qui délivra Thanatos. Cependant, Sisyphe réussit encore à embobiner les Dieux et il ne se retrouva aux portes du royaume d'Hadès qu'une fois devenu vieux, c'est là en punition de son impiété et pour avoir dénoncé Zeus, qu'il fut condamné à pousser le rocher. Pour Asclépios, c'était plus flou dans mon esprit, je savais que son culte avait été transposé à Rome sous le nom d'Esculape, qu'il était le dieu de la médecine et qu'il avait pour symbole le serpent (car il s'était réincarné sous la forme de cet animal) ; on retrouve d'ailleurs de nos jours le serpent dans le caducée du corps médical, bien qu'il ait été souvent confondu à tort avec l'attribut du dieu Hermès (2 serpents enroulés surmontés d'ailes). Ce que j'ignorais, c'est toute son histoire. Elle présente plusieurs variantes mais elle suit là aussi à peu près ce qui est conté ici, Asclépios fut en effet foudroyé par Zeus car il avait osé ressusciter les morts. Son père, Apollon se vengea en tuant tous les Cyclopes, fils de Zeus, qui fabriquaient la foudre du roi des Dieux, et Zeus punit Apollon en l'obligeant à servir comme esclave pendant un an à la cour du roi Admète. C'est donc un bon album, qui manque peut-être d'un peu de peps, j'y ai appris un truc intéressant : la colombe blanche d'Apollon qui l'avertit de l'infidélité de Coronis (mère d'Asclépios) fut changée par le dieu furieux en corbeau noir, cet oiseau étant ensuite devenu symbole d'oiseau de mauvais augure ; un album qui fait figure d'une agréable piqûre de rappel, bien conté et bien dessiné toujours dans la ligne graphique de la collection.
Le mythe de Sisyphe fait partie des grandes punitions infligées à l'homme par les dieux pour avoir outrepassés leur condition. Albert Camus en avait donné une interprétation. Luc Ferry nous en propose une autre qui a trait à la finitude de l'homme. Perso je voyais plus cela comme la punition d'une tâche ingrate qui n'avait jamais de résultat et que l'on reprenait à zéro indéfiniment. La multiplicité des lectures prouve la richesse du message. L'association de ces deux personnages qui n'ont pas de lien familial provient de leur similitude de comportement devant un fait inhérent à notre condition humaine : la mort. Chacun des deux va transgresser une limite absolue qui est l'acceptation de devoir mourir. Asclépios, plus connu sous son nom latin Esculape, va le faire par vocation. C'est sa mission de médecin de trouver les moyens de garder en vie ses patients. Sisyphe va le faire pour sa famille et grâce à sa ruse. Les deux manières nous sont légitimes aujourd'hui. Mais cela engendre des questions sur les grands équilibres du monde qui sont vraiment modernes. J'aime beaucoup cette série car elle permet de montrer à un public de collégiens/lycéens en termes simples que la pensée des anciens peut se révéler incroyablement moderne. Clotilde Bruneau est toujours au scénario et G. Bonacorsi nous fournit des dessins clairs même si ce n'est pas mon opus préféré pour le graphisme. C'est toujours une lecture très intéressante.
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