Bob Denard - Le dernier mercenaire

Note: 3.75/5
(3.75/5 pour 4 avis)

Le corsaire de la république. De braves gaillards comme Robert Denard, on n'en fait plus. Cet album nous fait parcourir l'ensemble de la vie de ce fameux mercenaire français, faite de coups d'états et de rebondissements entre le Yémen, le Congo, le Gabon ou le Rwanda.


1946 - 1960 : L'Après-Guerre et le début de la Guerre Froide 1961 - 1989 : Jusqu'à la fin de la Guerre Froide Afrique Noire Biographies Documentaires Ecole Emile Cohl L'Océan indien La BD au féminin

Depuis tout petit, ce grand rêveur a la bougeotte et ne pense qu'à s'évader loin des terres de Gironde où ses parents se sont embourbés. Ce qu'il attend de la vie, c'est qu'elle soit riche, plurielle, palpitante... Pendant les années de la Seconde Guerre mondiale, Bob est trop jeune pour pouvoir vraiment participer, pourtant, l'excitation et l'adrénaline qu'il recherche tant, il les pressent dans ce conflit. Alors en 1946, à 16 ans, il s'engage dans l'armée. Mais Robert est un électron libre, violent, inconséquent et indiscipliné : il ne correspond pas tout à fait au profil type du bon soldat. En 1952, au terme de la guerre d'Indochine, après avoir fait le plein d'exotisme, de sensations fortes et de toutes sortes d'excès viciés, ce n'est toujours pas assez. Il quitte l'armée qui n'a plus rien à lui offrir, mais ce n'est que le début de l'histoire. Très bientôt, quand la France aura besoin de salir ses mains, c'est à celles de Bob Denard qu'elle aura recours. D'ailleurs, ça tombe bien ! En Afrique, le processus de décolonisation pointe le bout de son nez et ça n'aura rien de propre.

Scénario
Dessin
Couleurs
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 25 Août 2021
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Bob Denard - Le dernier mercenaire © Glénat 2021
Les notes
Note: 3.75/5
(3.75/5 pour 4 avis)
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25/02/2022 | Ro
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Par Gaston
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
L'avatar du posteur Gaston

Depuis plus qu'une quinzaine d'années j'en ai lu des livres sur la politique française et cela inclut ses actions dans ses anciennes colonies. Bob Denard est un nom que je connais bien. Je n'ai pas appris grand chose dans cette biographie en BD et pourtant je l'ai trouvée passionnante. Le coup de génie de Jouvray est de faire intervenir la mort, qui fait une bonne narratrice et qui va aussi dialoguer avec Denard. Cela change des biographies froides qui ne font qu’aligner les dates importantes d'un personnage historique. Le scénariste résume bien les moments forts de la vie de Denard et des dessous de certaines activités des services secrets français. Le dessin donne un côté un peu onirique au récit et j'ai vraiment adoré ce parti-pris.

18/06/2024 (modifier)
L'avatar du posteur bamiléké

J'ai beaucoup apprécié la lecture de cette série. Il faut dire que les "exploits" de Bob Denard à travers la politique africaine de la France ont accompagné une grande partie de ma jeunesse. J'ai connu le terme "affreux" très vite. Je me souviens parfaitement des images abominables du Biaffra et comme j'ai vécu au Nigéria 15 ans plus tard j'ai vu les stigmates de cet horrible conflit. Le scénario d'Olivier Jouvray se lit comme la synthèse d'une page d'histoire contemporaine. Cela se lit très facilement si on connait un peu les événements relatés ainsi que la géographie et la chronologie évoquées. C'est ma réserve sur cet ouvrage qui peut ressembler à un bon essai facilement accessible pour les initiés mais plus difficile pour les jeunes générations. En effet en coulisse des faits décrits, il y a une politique plus générale conduite par des présidents successifs avec une continuité jamais désavouée. La politique africaine de la France est toujours restée la chasse gardée du Président de la République souvent une affaire familiale. L'ouvrage ne peut remonter à la source du côté français et reste au niveau du SDECE. La construction de la narration à deux voix, Denard et la Mort, permet à Jouvray une double analyse. Il se met dans la peau du mercenaire (assez finement) et il donne une/son appréciation extérieure à ces agissements. Bien que tous ces épisodes soient condamnables et meurtriers, Jouvray ne tombe jamais dans le manichéisme ou la leçon de morale. En effet l'auteur arrive très bien à faire sentir à ses jeunes lecteurs-rices la complexité d'un monde à l'équilibre fragile issu de Yalta. Une politique guidée par l'idée dominante de puissance, idée qui réapparait aujourd'hui. Pour finir avec la narration écrite, Jouvray trouve même l'ingéniosité de saupoudrer son récit d'épisodes humoristiques et drôles. C'est bien sûr un humour noir tellement le contexte ne se prête pas à sourire. Le très beau graphisme de Lilas Cognet contourne avec brio une difficulté majeure du récit. Comment rendre acceptable l'évocation d'une multitude de crimes et massacres où la mort et la souffrance sont omniprésente. L'auteure utilise de façon très judicieuse un ensemble de métaphore qui rend la narration supportable voire plaisante pour une telle thématique. La très belle couverture nous immerge immédiatement dans l'esprit graphique de l'ouvrage. Un crayonné qui exprime sa puissance dans des pleines pages où l'art naïf emprunte à des peintures apocalyptiques comme le Triomphe de la mort de Brueghel l'Ancien. Cognet change de style avec bonheur pour nous proposer une narration visuelle originale et captivante. Une très belle lecture pour (re)découvrir les coulisses sombres de la politique internationale de la deuxième moitié du XXème siècle.

08/05/2024 (modifier)
L'avatar du posteur Noirdésir

La disparition de Pasqua, Foccart et des nombreux barbouzes qui, dans les services secrets ou au sein de multinationales comme ELF ont « œuvré » et magouillé pour des intérêts indéfendables laisse un pan important de l’histoire de France (et en partie du monde) sous la couverture. Surtout que la justice ne s’est pas montrée très curieuse, a été bâillonnée, et non lieux et prescriptions ont fait le reste. Cette biographie de Bob Denard est intéressante à plus d’un titre. D’abord parce qu’elle m’en a appris un peu plus sur l’être humain caché derrière le « mythe » (c’est un personnage dont le nom m’est familier depuis que je me suis intéressé à la politique internationale, au milieu des années 1980). C’est d’ailleurs la partie qui sans doute est la plus vérifiable, donc crédible. Mais l’autre mérite est de remettre en lumière une partie de l’Histoire. En effet, Denard a bien souvent été un révélateur, un symptôme de cette période trouble qui va de l’après-guerre à la fin de la guerre froide, en passant par les décolonisations. Instrument complaisant et intéressé des magouilles politiques et financières, utilisé par les pouvoirs (français en tête) pour agir sans apparaitre officiellement dans un coup d’État ou un assassinat, il a été un des maillons importants de la « Françafrique ». Et cette partie de l’album est intéressante (sans doute celle où restent le plus de zones d’ombres, mais l’ensemble présenté ici reste plutôt crédible). Intéressante, et en plus pas alourdi par la narration, que j’ai trouvé légère, parfois humoristique, même lorsque le cynisme s’imposait. A noter que l’évincement de Denard après la fin de la guerre froide ne met pas fin à l’action des mercenaires, mais les « artisans » comme Denard sont depuis remplacés par de grosses multinationales (Wagner fait la une aujourd’hui, mais les américaines sont depuis longtemps utilisées et non moins efficaces) : là aussi le capitalisme libéral ne laisse de côté aucune niche ! Le dessin de Cognet est surprenant pour ce genre de récit, mais il passe très bien. Souvent proche de l’illustration, dans un style assez naïf qui fait justement penser à certains artistes africains ou haïtiens, je l’ai trouvé adapté au sujet et aux « territoires » visités (généralement en Afrique noire). Bref, une biographie réussie, sur un personnage secondaire, archétype du mercenaire, au rôle important, un de ces salauds au costume parfois trop grand, que l’Histoire ne reconnaitra jamais à sa vraie valeur – fut-elle comme ici en grande partie noire et sulfureuse. Note réelle 3,5/5.

09/02/2023 (modifier)
Par Ro
Note: 3/5
L'avatar du posteur Ro

Quand je vivais en Afrique et que j'entendais parler de Bob Dénard, je n'avais que la version officielle de son histoire, celle le présentant comme un sombre mercenaire au service de quelques tyrans locaux ou d'obscures rébellions Africaines, qui avait finalement décidé de la jouer perso avec une prise de pouvoir pour son propre compte aux Comores en 1995. Un salaud franchement pas recommandable. Cette biographie en BD m'a permis de découvrir nettement mieux le personnage et surtout toute la nuance sur le sujet, et le fait qu'a priori ce gars était nettement plus lié et fidèle à l'état Français que la version officielle le laissait entendre. L'album présente sa vie complète, en commençant par sa jeunesse dans le Médoc, le présentant comme un jeune homme charismatique et débrouillard, frustré de ne pas avoir pu combattre avec la Résistance durant l'Occupation et taraudé par l'envie de voir du pays et de partir à l'aventure. C'est ainsi qu'il fit ses premières armes en tant que soldat français dans la guerre d'Indochine. Il quitte ensuite l'armée mais continue à vouloir vivre à l'étranger, ce qu'il fait au Maroc où il deviendra presque par hasard policier anti-terroriste. Ce n'est que plus tard, grâce à ces quelques expériences et là encore un peu par hasard, qu'il répondra à l'appel au mercenariat pour aller combattre pour le Katanga qui avait fait sécession avec le bon consentement des états occidentaux. Là il fera très vite ses preuves et une belle réputation, montant en grade dans les rangs des mercenaires tout en se bâtissant un réseau de compagnons de combat, de "clients" fidèles et selon cette BD aussi une solide relation avec les Renseignements français. Et c'est ainsi qu'on découvrira dans cet album que toutes les missions de mercenariat dans lesquelles il s'engagera par la suite auront presque toujours l'aval secret du gouvernement français, faisant finalement de Bob Denard un de ces barbouzes opérant en douce les sales missions qui arrangent bien la France et l'Occident quand ils ne veulent pas se salir les mains. Et ce faisant on lui découvre aussi une vraie fidélité à un état d'esprit, un sens de la camaraderie entre combattants et une étrange loyauté à son pays qui le rendraient presque louable s'il n'était aussi l'auteur de véritables massacres au combat. Toute la narration se fait à la première personne, Bob Denard nous narrant lui-même sa propre vie en même temps qu'elle se déroule, prenant parfois aussi la forme de dialogues avec une personnification narquoise de la Mort qui se moque et danse souvent avec le héros. Sur le plan graphique, les planches sont un étonnant mélange entre le style géométrique, coloré et un peu naïf d'un Loustal, et les figures allégoriques et volontiers oniriques d'un David B. Tout cela donne à l'album un ton léger, presque humoristique, contrastant avec la dureté du propos et permettant une lecture plus plaisante. J'ai appris là beaucoup de choses, même si je me doute qu'il est difficile de trier pour de bon le vrai du faux dans cette couche de secrets qui a plombé les évènements de la Françafrique et de la Guerre Froide de l'époque. C'est une belle et bonne biographie sur un personnage presque fascinant.

25/02/2022 (modifier)