Faut faire le million
Avec Faut faire le million, quatrième volet de son implacable autofiction Gilles Rochier rentre dans le dur. Dur comme l’époque qui nous transperce, agitée de précarité et de violence…
Banlieue Les petits éditeurs indépendants
« On n’a plus les bras ni les jambes, ni même l’esprit pour imaginer du meilleur à venir, chaque question devient une angoisse. À force d’avoir la misère comme décor, ça déborde. On ne voit plus au-delà, avec la trouille d’être dedans jusqu’au cou. On tente les vieux codes d’avant, on tente d’avoir des principes, des règles de vie pour tenir le terrain. Rien n’y fait. » La condition de déclassé balaie tout. À subir tant les affres du temps que la crise économique, les relations amicales ou amoureuses tournent au tragique, les discussions entre potes virent rapidement à la confrontation. Chacun.e se barricade dans des illusions rassurantes. L’espoir de s’en sortir semble ne plus tenir qu’à une grille de loto ou un business foireux. Gilles n’y échappe pas. Tout l’énerve, tout le contrarie. La mort sordide d’un ami d’enfance est la mèche allumée de trop. Il n’a plus l’âge d’une bonne dépression et entre dans une introspection comme on résoudrait une énigme, cherchant les mots à dire à son pote défunt. Pourquoi lui est toujours vivant et pas son ami.
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Date de parution | 17 Mars 2022 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
C’est le troisième album de Rochier que je lis, encore consacré à la banlieue, ces cités où le béton des grands ensembles barre l’horizon – et l’avenir de la jeunesse qui les habite. Il n’y a pas vraiment d’histoire. C’est plutôt une suite de saynètes, de rencontres, de discussions entre potes. Une chronique de la zone, de l’ennui, des rêves inaccessibles, de gens ordinaires. Cette banlieue est peut-être aussi mouiseuse que les médias la dépeignent, mais elle est bien moins éloignée du reste du monde. Rochier lui redonne l’humanité qu’elle n’a jamais perdue, en fait. Sans esbroufe, sans réelle histoire, cette chronique se laisse lire agréablement. Le dessin, brouillon et hésitant, colle très bien au récit.
Gilles Rochier est un auteur un peu à part dans la BD actuelle. Poète urbain, conteur insatiable de la banlieue qu'il vit au quotidien, il traîne également ses états d'âme dans une série d'histoires où il se met en scène. C'est le cas de ce quatrième volet, après TMLP (Ta mère la pute), Temps mort et La Petite Couronne. Mais cette fois-ci, il passe à une autre dimension. Parce qu'il se rend compte de la vacuité, de la misère (matérielle et intellectuelle) qui l'entoure. Et de la fragilité de la vie. Tout l'album nous montre Gilles, l'alter ego de Rochier, qui s'énerve envers ses copains de toujours, se révolte contre l'absurdité de leur discours, qui se demande s'il va bien, pleure en silence son ami disparu presque dans l'indifférence. Gilles a le spleen, et on l'a avec lui. La banlieue est grise (enfin, en dégradés de bleu dans la BD), l'homme, même entouré de ses copains, est seul. Il ne peut partager ses sentiments avec personne, ni ses amis, ni ses parents... Quand on se pose deux minutes, on se dit qu'il n'y a aucune issue, aucun espoir... Pourtant, il suffirait de pas grand chose... C'est un album plutôt fort, qui brasse de manière aussi simple que subtile plusieurs thèmes de société : la solitude, la vacuité, la précarité matérielle, mais aussi la gestion du deuil. L'album a même besoin de plusieurs lectures pour qu'on en saisisse toutes les subtilités. Avec "Faut faire le million", Rochier se pose une fois de plus comme témoin de son époque.
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