Van Gogh - Fragments d'une vie en peintures
Plongée dans la psyché d’un peintre maudit.
BD muette Peinture et tableaux en bande dessinée Vincent Van Gogh
Au fil de quinze lettres de Van Gogh lui-même, adressées à ses proches et étalées sur les 17 années précédant sa mort, Danijel Zezelj nous expose les joies, les peines et les violents remous de l'âme d'un artiste torturé. Illustrant à travers des planches au charme perturbant et à la puissance ténébreuse la déliquescence mentale de ce peintre habité, il nous emmène dans un sombre et sublime monde composé uniquement de noir et de blanc. Les pensées du célèbre Hollandais prennent librement forme dans les planches muettes du dessinateur croate qui révèle avec une maestria funèbre le contraste entre la correspondance nourrie de Van Gogh et l’état fébrile de sa psyché. Dans un jeu d’interprétation ouverte entre l’image et le texte, Zezelj brosse le portait des affres de la création d’un des plus grands génies artistiques du XIXe siècle. Texte : éditeur.
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Date de parution | 26 Août 2020 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Je vois beaucoup de choses nouvelles et magnifiques. (Van Gogh) - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Il s'agit d'une bande dessinée en noir & blanc, dont la première édition date de 2016. Elle a été réalisée par Danijel Žeželj. Elle comporte 15 chapitres, avec un lieu et un mois. Il comprend également 2 pages d'éléments biographiques, revenant sur chacune des 15 dates. Chapitre I : Londres, juillet 1873. Au milieu d'une rue de Londres, dans un quartier industriel, avec les cheminées qui fument, une charrette avec un cheval, une brouette poussée par un homme, des badauds. Vincent van Gogh marche dans la rue en regardant les façades noircies des façades de petits immeubles. Il avance en marchant sur les pavés de la chaussée, et en jetant un regard alentour. Il s'arrête soudainement en découvrant des pieds qui se balancent dans le vide dans une ruelle. Il finit par voir qu'il s'agit d'un mannequin. Un groupe de jeunes gens se moque de lui en voyant sa réaction. Van Gogh poursuit son chemin, la tête passe, puis il se met à courir. Il arrive devant un grand hangar et y pénètre. Un nœud coulant au bout d'une corde se balance. Dans une lettre adressée à Caroline et Willem van Stockum-Haanebek, il évoque son installation à Londres, et son travail pour la branche de l'entreprise par laquelle il est employé, installée dans un simple entrepôt. Cela lui laisse du temps pour travailler, pour se promener dans la ville et admirer les maisons avec leur jardin devant, ainsi que les parcs splendides avec une richesse florale telle qu'il n'en a jamais vu. Chapitre II : Ramsgate, avril 1876. Un maître d'école est en train de faire classe à une vingtaine d'enfants, pour une leçon de calcul. Vincent van Gogh se promène sur la plage de cette ville de la côte Nord-Est du comté de Kent. Il y a de hautes falaises derrière lui. Il observe des enfants en train d'observer quelque chose sur le sable. Il s'approche du petit groupe et découvre le squelette d'un poisson, entièrement nettoyé. Il a la vision de ce squelette gigantesque dressé dans le ciel, une hallucination très palpable. Dans le même temps, il écrit une lettre à son frère Theo dans laquelle il évoque son arrivée, l'internat qu'il voit de sa fenêtre, sa promenade sur le bord de la plage le soir même de son arrivée, et il joint quelques algues à sa lettre, les maisons en brique, le port et la couleur de la mer. Dans les expériences et lettres suivantes, il est question d'une promenade dans les champs, de l'impression laissée par un incendie, d'une après-midi mélancolique dans sa chambre, de sa relation avec Clasina Maria Hoornik, de ses interrogations esthétiques sur le noir & blanc, sur les couleurs, d'une séance de peinture avec une modèle à Anvers, de son retour à Paris, de son ressenti que les maladies sont des moyens de transport célestes, des hauts et des bas de sa relation avec Paul Gauguin, de son nouveau séjour à l'hôpital à Arles, etc. En découvrant cet ouvrage, le lecteur est tout d'abord impressionné par ses dimensions : 26cm*37cm, soit plus grand qu'un format franco-belge, pour une reproduction à l'échelle 1 des planches originales de l'artiste. Ensuite la couverture arrête le regard avec ses couleurs évoquant celles de van Gogh pour une partie de sa série de tableaux sur les tournesols, ainsi que pour ces fleurs entre description fidèle et impressionnisme. Il découvre ensuite la forme de l'ouvrage : 15 courts chapitres 5 de 4 pages, 8 de 6 pages, 2 de 8 pages. Chaque séquence est en noir & blanc, commence avec une page de titre : numéro du chapitre, lieu et date en caractères blancs sur fond noir, et se termine avec une lettre de Vincent van Gogh écrite à ce moment-là. En fonction de sa curiosité, de son envie, le lecteur peut soit enchaîner les séquences en BD, ou lire les lettres après chaque séquence, ou aller consulter le court paragraphe de notes sur ladite séquence, en fin d'ouvrage. Il commence par le premier chapitre à Londres en juillet 1873. Il n'est pas bien certain que la dimension descriptive des dessins représente avec exactitude la réalité historique de ce quartier de Londres, que ce soit pour la largeur des voies, la faible densité de fréquentation, les façades d'immeuble, ou même les tenues vestimentaires. Il se dit que l'intention de l'auteur ne doit pas être d'effectuer une reconstitution historique minutieuse, encore moins maniaque, mais de retranscrire les sensations du peintre, la manière dont il a ressenti les choses à ce moment de sa vie, ses impressions psychiques. Le lecteur est tout de suite frappé par le parti pris très contrasté entre noir et blanc, comme des coups de pinceau tracés à l'encre de Chine la plus impénétrable possible. La première page du premier chapitre correspond à une illustration en pleine page, le blanc immaculé de la chaussée répond au blanc immaculé du ciel, et contraste totalement avec le noir profond de la fumée des cheminées d'usine, de celui des bâtiments, des individus. Dans la première case de la page suivante, l'artiste utilise la même technique, tout au long de l'ouvrage, mais réussit cette fois une impression quasi photographique dans la représentation de la façade des bâtiments de la rue, comme si le contraste avait été poussé à fond, tout en conservant l'effet réel des détails. Il s'opère ensuite un glissement progressif : le contraste est encore accentué mais laissant plus de place aux surfaces noires qu'aux surfaces blanches, sous-entendant une montée de l'inquiétude ou de la déstabilisation de Vincent, de manière quasi expressionniste. C'est encore renforcé dans la troisième page, avec les trainées apparentes des coups de pinceaux, et une distanciation partielle d'avec une représentation purement réaliste. L'effet est saisissant et le lecteur ressent l'effet déstabilisateur qu'a le mannequin de chiffon pendu sur Van Gogh. La dernière case appartient à un autre registre : une corde pendant du haut de la case sans qu'il soit possible de deviner à quoi elle est attachée, avec ce nœud coulant à un mètre au-dessus de la tête de van Gogh, en pleine lumière, les ténèbres recouvrant les bords droit et gauche de cette case de la largeur de la page. le lecteur est plongé dans une expérience sensorielle et spirituelle, à laquelle il participe inconsciemment, mais automatiquement. En effet tous les chapitres sont dépourvus de mot, aucun phylactère, aucun cartouche, amenant le lecteur à découvrir le récit visuellement, avant toute utilisation d'un langage écrit. Enfin, il découvre la courte lettre correspondant à cette phase de la vie du peintre, puis il peut se rendre en fin d'ouvrage pour avoir d'autres éléments de contexte dans un court paragraphe. Après avoir découvert ce premier chapitre, le lecteur a facilement compris le principe de cette œuvre : passer en revue quinze moments de la vie de Vincent van Gogh (1853-1890), en partant d'une de ses lettres, et en proposant une interprétation de ce qu'il a pu ressentir lors de ce séjour. Danijel Žeželj est un bédéaste aguerri qui a commencé sa carrière au début des années 1990, avec le rythme du cœur (1993) qui avait bénéficié d'une introduction de Fredrico Fellini (1920-1993). Il a régulièrement réalisé des bandes dessinées depuis, soit avec des scénaristes (souvent des comics), soit tout seul, dont une version muette extraordinaire du conte du Chaperon Rouge en 2015. Qu'il soit familier de cet auteur ou non, le lecteur reste bouche bée devant de nombreuses planches, souvent des dessins en pleine page : cette vue étonnante de la dimension industrielle de Londres, le gigantesque squelette de poisson dressé dans le ciel, la noirceur des flammes de l'incendie au-dessus des mines, Vincent recroquevillé par terre dans sa chambre, un navire marchand échoué sur une plage, Van Gogh semblant tomber du ciel en perdant ses chaussures, Van Gogh en train de peindre semblant enraciné dans la terre qui le nourrit, un chien à la fourrure trempée sous la pluie, un magnifique taureau sous le soleil, la vision fugitive d'un cerf dans une clairière, etc. Chaque séquence apporte son lot d'enchantement, une interprétation de la vie intérieure du peintre, mais aussi une façon de voir les intentions et les émotions de l'individu qui transforment la perception de la réalité. Bien sûr, cette lecture est différente en fonction de sa familiarité avec la vie du peintre, avec son œuvre, s'il identifie tel détail qu'il connaît déjà, ou s'il le découvre. Dans les tous les cas, cette bande dessinée s'avère une expérience narrative hors du commun, riche en émotions, en impressions, en ressentis, en expérience de la réalité. Bien sûr, il est facile de reconnaitre l'automutilation de l'oreille, ou encore la chambre dans la Maison jaune d'Arles. Bien sûr, on peut ne pas adhérer à la vision que Danijel Žeželj donne de la vie intérieure de van Gogh, mais elle est très cohérente, et convaincante. D'ailleurs personne ne peut dire ce qui passait par la tête du peintre à ces moments-là, ce qui rend l'interprétation de l'auteur aussi valide qu'une autre. D'un autre côté, c'est une approche cohérente avec son instabilité mentale, une façon d'évoquer le fait que ses peintures montrent la réalité d'une manière différente de celle perçue par le commun des mortels, d'évoquer ses préoccupations. le lecteur fait l'expérience de la force créatrice qui peut s'emparer du peintre, de son regard qui s'attache à des éléments singuliers jugés banals par le commun des mortels, à sa sensibilité aux éléments naturels (paysages ou faune), à la distance qui le sépare des personnes qu'il peut être amené à côtoyer. L'auteur sait faire partager l'impression d'une démarche créatrice exceptionnelle, engendrée par un individu spécial, en décalage avec les valeurs et les pensées qui définissent la normalité de la société dans laquelle il vit. En découvrant le format de cet ouvrage, et sa composition, le lecteur constate qu'il sort physiquement de l'ordinaire. En lisant le premier chapitre, il a la confirmation de l'originalité de l'approche : des chapitres courts en noir & blanc, dépourvus de mots, complétés par une lettre du peintre. Il découvre en fin d'ouvrage que l'auteur complète chaque séquence par un court paragraphe développant son contexte. le titre annonce des fragments d'une vie : la promesse est tenue par des mises en situation en noir & blanc très contrasté, des images saisissantes, pour une proposition des visions intérieures de Vincent van Gogh. le résultat est personnel, d'une grande force évocatrice, faisant partager les états d'esprit d'un individu habité par la force de la création d'une vision singulière.
Quel plaisir de pouvoir profiter d'un peintre que j'adore avec Žeželj à la baguette. Le tout avec un album de grande taille, au dos toilé et au grammage de qualité. Un voyage dans la psyché de Vincent Van-Gogh qui ne m'a pas laissé insensible, loin de là. Il n'est pas question ici d'une biographie. À partir de 15 lettres écrites de 1873 à 1890 par Van Gogh, la majorité à son frère Théo, Žeželj retranscrit à sa sauce le contenu de celles-ci. Une narration qui propose la partie graphique, en quatre à huit planches, puis la lettre de Vincent. Cet ordre narratif permet de découvrir la partie dessinée vierge de toutes informations et de pouvoir laisser aller son imaginaire. Chacun sera alors libre d'en faire sa propre interprétation. Le parti pris de choisir le noir et blanc pour l'un des maîtres de la couleur peut paraître incongru, personnellement j'approuve ce choix, il permet de mieux appréhender l'esprit torturé du peintre. Une bd muette qui laisse place aux rêves. Žeželj est l'un des maîtres du noir et blanc. Son trait gras et charbonneux, ses jeux d'ombres, sa mise en page cinématographique sont sa signature. Je suis admiratif de son travail. Je me suis attardé sur chaques cases pour profiter de son immense talent. Un album à la puissance immersive que je recommande à ceux qui veulent découvrir Van-Gogh différemment et aussi (re)découvrir Žeželj dessinateur à part dans le monde de la bd. Franchissez le pas.
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