Padovaland

Note: 3/5
(3/5 pour 3 avis)

Dans ce récit parfois presque clinique, nous suivons la vie d’un groupe de jeunes de vingt ans anesthésiés par l’ennui et l’alcool Spritz, les réseaux sociaux et les relations amoureuses désastreuses.


Auteurs italiens Italie Les petits éditeurs indépendants

Avec ses faux airs de parc d’attractions, Padovaland emmène le lecteur dans la province et les banlieues du nord-est de l’Italie, où le bien ne se distingue plus du mal, le coupable de la victime, où chaque relation, chaque geste, chaque personne se retrouve à agir dans une zone grise morale dénuée de sens. C’est le portrait froid d’une génération sans but qui nous fait réfléchir sur la désolation des relations humaines à l’ère du numérique. Une histoire chorale habilement orchestrée, qui fait référence au travail de Daniel Clowes, Nick Drnaso ou Paolo Bacilieri, tous grands conteurs de la décadence morale de l’homme contemporain.

Scénario
Dessin
Traduction
Editeur / Collection
Genre / Public / Type
Date de parution 25 Mars 2022
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Padovaland © Presque lune 2022
Les notes
Note: 3/5
(3/5 pour 3 avis)
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31/03/2022 | grogro
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Par gruizzli
Note: 2/5
L'avatar du posteur gruizzli

Cette BD me fait poser beaucoup de questions après lecture. J'ai lu les critiques, et j'ai bien attendu avant d'écrire mon avis parce que je ne suis toujours pas certain de ce que j'en pense. Est-ce que j'ai aimé ? Non. Est-ce que c'est une BD mauvaise ? Non. Alors quel est le problème ? Je dirais que cette BD ne me plait pas, et je ne suis pas certain du pourquoi. Déjà, je n'aime pas le dessin qui joue beaucoup sur un malaise dû à une laideur volontaire. Sauf que si je comprends l'idée et le résultat, je ne suis pas convaincu parce que la BD est assez moche (volontairement, ce n'est pas une remarque purement cosmétique) et que je n'ai pas envie de relire. Rien que le baiser en gros plan est tellement dérangeant que je n'ai pas envie de le revoir. D'autre part, il y a ce scénario : des jeunes gens qui ont tous des problèmes dans leurs vies. Et des sacrés problèmes, j'aurais envie d'envoyer la plupart consulter un spécialiste. Mais surtout, je les ai tous trouvé désagréable. Ils sont souvent égocentriques, méchants et menteurs, devenant de fait des gens détestables à mes yeux. Et donc, je n'ai pas envie de suivre leur vie. D'ailleurs le final avec un viol me reste clairement en travers de la gorge. Je trouve qu'il y en a déjà suffisamment comme ça dans le monde pour ne pas avoir envie d'en voir un le soir lorsque je lis chez moi. Ce n'est pas tant une volonté de ne pas voir la chose que de ne pas y être exposé, ce qui est différent selon moi. Là c'est brut, sans conséquences et sans morale. Je comprends l'idée, je n'approuve pas. J'ai du plus haut que je ne suis pas sur de ce que je pense de la BD, et c'est surtout parce que je ne suis pas sur de pourquoi je n'aime pas. Peut-être est illégitime de penser ainsi, mais cette jeunesse présentée ici, je ne la connais pas et je ne la croise pas. Du coup, je me demande d'où elle sort -et je répète, c'est sans doute purement personnel. D'autre part, je ne vois pas la critique du numérique ou de la vie par écran cité en résumé : il y a bien les écrans, mais assez peu présent et tout repose justement sur des dialogues en direct. On dirait plutôt que chacun vit dans un monde idéalisé et se heurte sans cesse à une réalité sordide. Mais je ne vois pas ces personnes lutter réellement contre les soucis, juste les accumuler. Il y a un léger mieux dans le final, qui me fait du coup me demander ce que l'auteur voulait vraiment dire, et paf, ce viol final. On reste dessus (ou presque) et je ne vois vraiment pas ce qu'il faut retenir de tout ça. Une BD qui dérange, sans doute, mais qui ne me plait pas. Et même après cette critique, j'aurais du mal à dire explicitement pourquoi. Mais je suis certain qu'elle n'est pas pour moi !

13/10/2024 (modifier)
L'avatar du posteur Noirdésir

Étrange album, qu’il ne faut pas lire pour se remonter le moral. En effet, Miguel Vila nous dresse ici le portrait très triste et quasi désespérant d’une jeunesse italienne (l’intrigue se situe en Vénétie). Les relations entre les différents protagonistes sont froides, pleines de non-dits et de rancœur. La plupart des personnages trainent un mal être qui s’exprime difficilement (parfois l’un d’entre eux pète les plombs, comme cette caissière qui gueule au micro du supermarché des horreurs sur ses collègues !). Les rumeurs, les réseaux sociaux forment un lien des plus fragiles et surtout des plus artificiels et vains. même l'amour - surtout l'amour! - ne parvient pas à prendre racine dans le marais d'ennui et de frustrations dans lequel Vila laissent se débattre ses personnages. Et le dessin, lui aussi très froid, renforce cette impression de malaise, ressenti à plusieurs reprises en suivant les personnages, qui tentent de surnager dans un océan de médiocrité et de solitude (la colorisation, assez terne, joue elle aussi dans le même registre). La mise en pages est par contre plus originale et dynamique, cassant les codes habituels.

18/03/2024 (modifier)
Par grogro
Note: 4/5
L'avatar du posteur grogro

Acquise sur la foi du synopsis, ainsi que sur mon appétence pour la BD indépendante italienne, Padovaland m'a procuré un réel plaisir de lecture. D'abord un mot du contexte géographique : l'Est de l'Italie, dans la région de Padoue, présentée ici comme une espèce de vaste zone grise de rurbanité, No Man's Land informe où la terre est assujettie aux quartiers résidentiels modernes et sans vie, aux vastes hangars dédiés aux marchandises ou bien à ce fameux parc d'attraction que l'on ne verra d'ailleurs jamais, mais qui est pourtant la première chose sur laquelle on tombe en faisant une recherche Gogole. Le décor est planté, et on assite aux ravages infligés par l'empire de l'hyper vitesse à l'humanité, en l'occurrence une bande de jeunes padouans tous liés d'une façon ou d'une autre. Graphiquement, c'est très expressif. Les personnages sont tous des citoyens lambdas, "anesthésiés par l’ennui et l’alcool Spritz, les réseaux sociaux et les relations amoureuses désastreuses" ainsi que le présente effectivement l'éditeur. Mais loin d'être un "portrait froid" (ainsi que le présente AUSSI l'éditeur), il s'agit bien d'avantage d'un portrait lucide et attachant, sans concession à une quelconque esthétique, qu'elle soit physique ou morale, parce que les protagonistes de cette histoire chorale sont touchants jusque dans leurs bassesses. Aucun d'entre eux n'a véritablement le profil d'un jeune premier, pas plus qu'un physique avantageux. En outre, on est loin des clichés sur les italiens si l'on veut bien faire exception du langage manuel fleuri de l'un des personnages. Miguel Vila, dont il s'agit ici de la première BD publiée, les croque dans des situations souvent délicates, honteuses et peu flatteuses. Les gestes sont d'autant mieux saisis que la mise en case même renforce cette vive impression de mouvement. En effet, le découpage est très dynamique, s'attardant sur des détails tels qu'une chute de vélo ou un baiser, décomposés soudain en une dizaine de cases, rondes ou bien carrées, et de formats variés. Quant à l'histoire, disons plutôt aux histoires, il ne faut pas attendre un scénario linéaire, une fin conclusive ou bien encore un épilogue moraliste. Rien de tout cela, mais plutôt des bouts d'existences écorchées, des boues de vie. Des portraits en somme que la société et le contexte géographique morne se chargent bien d'encadrer et Vila d'encaser. Ca m'a beaucoup plu, que ce soient les procédés narratifs ou bien le dessin. Padovaland a su m'offrir un moment de lecture vivant, mené à un rythme alerte qui pourra évoquer, pour cellezéceux qui l'ont vu, le splendide film de Sean Baker The Florida Project.

31/03/2022 (modifier)