L'Appel de Madame la Baronne

Note: 3.38/5
(3.38/5 pour 8 avis)

Le dessinateur ardennais et le poète belge s'unissent pour une rêve en noir et blanc.


Absurde Les années (A SUIVRE) Servais

Jean-Claude Servais a bâti "L'Appel de Madame la Baronne" à partir des textes de Julos Beaucarne et a donné à son personnage principal le visage du poète. Les autres protagonistes empruntent, eux, leurs traits à des masques créés par différents artisans. Sous le signe de cette double inspiration. Servais a pétri ensemble les mots et la matière. Et par la magie du verbe, les figures de bois, de grès ou de cuir ont poris vie.

Scénario
Dessin
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution Septembre 1989
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série L'Appel de Madame la Baronne © Dupuis 1989
Les notes
Note: 3.38/5
(3.38/5 pour 8 avis)
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08/05/2003 | ArzaK
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Je tenais à donner mon avis car je constate, avec regret, que personne ne semble avoir beaucoup apprécié cet ouvrage. Il représente à mes yeux un petit chef d'œuvre de la BD belge, que je classerais au même titre que L'Ombre du Corbeau de Comès ou, dans un toute autre registre, "L'Enfant Penchée" de Schuiten. Je ne connaissais pas bien Julos Beaucarne au moment de découvrir l'œuvre (et je ne le connais pas d'avantage aujourd'hui) mais je n'ai pas eu de mal à me faire happée par l'histoire - que j'ai d'ailleurs relue plusieurs fois. Je ne me risquerais pas à une interprétation exhaustive, parce que je pense que l'art ne doit pas être toujours intellectualisé, mais je n'ai pu m'empêcher de voir de nombreuses métaphores, parfois cyniques, caustiques ou ironiques, à l'égard du monde contemporain. Tout d'abord, on remarque rapidement que seul le personnage principal vit encore en chair et en os. Les autres ne sont plus que l'ombre d'eux-mêmes : bustes de statues animées, personnages masqués, marionnettes de bois et de ficelles, les êtres qui gravitent autour du protagoniste sont tous, d'une certaine manière, en quête d'une humanité perdue. Il en va de même pour la bêbête, une créature un peu niaise, qui court éperdument après le dernier des hommes pour le dévorer vivant (et retrouver, ainsi, un peu de son humanité ?) Cette bêbête, d'ailleurs, est prise peu à peu en affection. Loin d'y voir la décadence de l'espèce humaine, le lecteur y reconnaît plutôt le double du dernier survivant. La bêbête représente ce que le héros pourrait devenir à tout instant du récit, s'il venait à oublier qui il est ; s'il venait à se perdre dans les 'fables', les "croyances", les "récits absurdes" qui circulent autour de lui. Ces fables sont nombreuses : elles concernent les canons esthétiques, l'existence du soleil, ou encore, l'amour. Le héros lui-même court après un amour perdu, mais son parcourt, loin d'une quête chevaleresque, ressemble à une éternelle transgression. Plutôt que de répondre aux énigmes qui lui sont adressées, il préfère lancer des calembours, s'esquiver, user de ruse ! Il s'aventure peu à peu dans une grotte qui n'est pas sans rappeler la caverne de Platon, avant de s'élever, au moyen d'un vélo solaire, vers le ciel nuageux. Là-haut, près de l'astre éternel, il retrouve ses semblables. Je donne le mot de la fin à Julos Beaucarne : "Croyez en l'extase des nuages qui traversent les grands horizons, au petit vent du soir, au cœur de l'été chaud."

28/02/2021 (modifier)