Piments zoizos
"Les Enfants de la Creuse"...
1961 - 1989 : Jusqu'à la fin de la Guerre Froide Adoption Ile de la Réunion Les petits éditeurs indépendants Limousin
Années 1960. Dans un quartier populaire d’une ville de La Réunion, Jean et Madeleine sont arrachés à leur mère par les services sociaux qui leur promettent une vie meilleure en métropole, une bonne éducation et des retours réguliers sur leur île. Lucien, jeune fonctionnaire fraîchement affecté à La Réunion, arrive à la préfecture et découvre ses fonctions à la Section 4 : il devra notamment superviser le transfert de « pupilles de l’État » dans l’Hexagone… Transplantés en Creuse, Jean et Madeleine sont séparés. De foyers en familles d’accueil, Jean rencontre d’autres enfants réunionnais dans la même situation que lui. Une vie durant, entre errances et recherches, il tentera de comprendre pourquoi… (texte : Steinkis)
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Date de parution | 16 Septembre 2020 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
J’avais entendu parler du sujet par un ou deux reportages et, je crois, par quelques articles de presse. On est là dans quelque chose de « classique » pour les puissances coloniales (voir ce qu’ont subi Amérindiens, Aborigènes, etc.). Le « déplacement forcé » (certains parlent de déportation) d’enfants réunionnais vers la métropole, avec changement/vol d’identité a produit des drames humains. Au déracinement s’est ajouté l’impossibilité pour ces enfants devenus adultes de découvrir leur vraie famille. Tehem traite le sujet de plusieurs façons en parallèle. Une histoire « inventée », mais hélas terriblement crédible, entrecoupée de fausses pages de journaux, dans lesquelles des informations administratives et historiques, des témoignages sont insérés. Le sujet est scandaleux et douloureux, mais Tehem le traite avec justesse, sans accentuer le pathos. La lecture est agréable (la narration est fluide, et son dessin simple et efficace). Quelques passages trainent en longueur peut-être, mais c’est une lecture instructive et plaisante, sur un sujet qui l’est moins.
Je n'ai découvert le sujet des Enfants de la Creuse que récemment, à la lecture du tome 2 de La Brigade des souvenirs. Celui-ci m'avait appris beaucoup de choses sur le sujet et du coup ma lecture de Piment zoizos n'a fait qu'approfondir ce que je connaissais déjà et de présenter aussi des cas de figures un peu plus divers. Compte tenu du fait qu'il y a encore un an, je n'en avais pas entendu parler, je ne peux que saluer le fait de communiquer et d'instruire sur le sujet des Enfants de la Creuse. C'est en effet un drame d'autant plus effarant qu'il est très récent à l'échelle historique et fait preuve d'un comportement aberrant de l'Etat Français qui a fait le mal en voulant vaguement faire le bien. D'ailleurs, Piment zoizos est bien fait car il précise que les choses ne se sont pas mal passées pour tout le monde et que malgré beaucoup de situations dramatiques, il y a eu aussi des cas pour qui la transplantation en métropole a été une vraie chance pour les orphelins de la Réunion. Les auteurs de cet album ont fait le choix d'éviter le documentaire rébarbatif en suivant plutôt le parcours d'un enfant en particulier, et à travers lui celui aussi de sa soeur et d'un ami. Ils insèrent toutefois entre chaque chapitre une planche de texte un peu plus documentaire. Le dessin pour sa part est plaisant et bien maîtrisé. C'est donc une lecture fluide, instructive et pas désagréable à lire. J'ai trouvé toutefois qu'elle trainait un peu en longueur et que son manque de rythme entrainait un soupçon d'ennui par moment. De même, je n'ai pas vraiment ressenti autant d'émotion que les auteurs semblent avoir tenté d'en transmettre. Notamment les méandres des différentes fois où le héros a failli retrouver sa sœur m'ont paru un petit peu forcés, même si cela reste crédible.
Dans les années 1962 à 1984, l'Etat français a opéré une vaste opération de transplantation d'enfants de la Réunion vers la Métropole. En effet à cause de la surpopulation les risques de misère massive étaient importants, et l'idée était au départ de proposer à des jeunes en âge de travailler de trouver une situation dans l'Hexagone. Mais très vite l'opération s'est étendue à des enfants, dont les parents ont accepté, souvent à contrecoeur, l'abandon. La plupart ont même vu leur identité être modifiée afin de les couper totalement de leurs racines... Plus de 2 000 mineurs ont ainsi vu leur vie basculer... C'est leur histoire que Téhem, qui a grandi à la Réunion, a choisi de raconter, au travers de celle de Jean et sa soeur Didi, séparés très jeunes et envoyés dans institutions puis des familles distinctes, avec peu de chances de se retrouver... Leur histoire n'est pas authentique, mais plutôt inspirée de plusieurs récits et témoignages, qui sont sortis depuis plusieurs années. C'est à la fois l'histoire d'une quête de sa famille (avec l'aide d'un employé de la Préfecture de la Réunion), et celle de sa voie dans la vie. Une histoire en creux de la Vème République, qui au nom d'impératifs économiques, a totalement bafoué, pour ne pas dire plus, les droits fondamentaux et les intérêts des enfants déplacés... L'expression d'"Enfants de la Creuse" est d'ailleurs abusive, les mineurs réunionnais ayant été dispersés dans 83 départements au cours de ces deux décennies noires... Certains ont d'ailleurs l'âge d'être grands-parents à l'heure actuelle, alors que l'Etat français n'a toujours pas accédé aux demandes incessantes (depuis 20 ans) de réparations morales et de reconnaissance de diverses associations. Et un certain nombre de pratiques actuelles inhérentes à l'ASE (aide sociale à l'enfance) sont l'héritage direct de cette époque... Pour en revenir à l'album de Téhem, il est très bien construit, on voit à la fois l'attitude arrogante des bureaucrates du Ministère Debré, le paternalisme criminel de certaines autorités ou dirigeants d'institution, un mépris généralisé de familles entières dont la souffrance a perturbé toute la vie... Le style "rond" du dessinateur n'empêche pas la force du propos, grâce à une expressivité optimale. Le passage d'une époque à l'autre, d'une trame narrative à l'autre, est personnalisée grâce à des ambiances chromatiques différenciées. Sur le plan documentaire les séquences sont séparées par des petits textes écrits par Gilles Gauvin, enseignant et chercheur qui a écrit plusieurs ouvrages sur le sujet. En fin d'album quelques conseils pour retrouver les traces de sa famille lorsqu'on est dans la situation décrite dans l'album sont données. Sobre et poignant, cet album est essentiel.
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