Le Manoir de Chartwell (Chartwell Manor)
Glenn Head, auteur de comics indépendant influencé par la BD underground des années 1960, retrace son effroyable passage au manoir de Chartwell dans son enfance et signe un puissant récit autobiographique.
Autobiographie Douleurs intimes Maltraitance infantile
« Bienvenus au manoir de Chartwell jeunes gens ! Je vous rappelle que dorénavant vous m'appellerez Monsieur ! » Lorsque Glenn, âgé d'une douzaine d'années écoute le discours de Mr Lynch, le directeur de l'école privée qu'il vient d'intégrer, il ne se doute pas que lui et les autres internes vont vivre un enfer qui détruira leur enfance et marquera aussi, par la suite, leur vie d'adulte.
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Date de parution | 30 Mars 2022 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
J'avais mis cette BD dans ma liste à lire sans trop m'en souvenir et la couverture m'évoquait une BD fantastique. Eh beh ... C'est pas du tout ça ! Le récit est celui de la vie du narrateur, ou plus exactement une partie de sa vie, celle liée à son enfance et son séjour au pensionnat Chartwell. Là où il rencontra Monsieur. La BD est une plongée dans toute la vie du narrateur, jusqu'au années 2000 soit une période de plus de trente ans. Et il y a de quoi, puisque parlant d'un traumatisme sexuel, l'auteur se livre également assez expressément sur sa sexualité. Il semble peut-être plus simple de voir l'ensemble avec du recul et l'âge, et c'est plus pertinent pour le lecteur. Parce que mis bout à bout, c'est assez édifiant de voir le parcours de vie de ces personnes qui furent en contact avec Monsieur. La lecture de l'intérieur est toujours éprouvante et peut choquer, la BD n'est pas à recommander aux âmes les plus sensibles. Il faut dire que ce type est assez vite suffisamment dérangeant pour qu'on ait envie que ça change, mais on ne pourra que constater les dégâts. Niveau dessin, c'est du comic underground pur jus. On le sent inspiré des auteurs des années 60, personnellement je n'aime pas du tout. Je trouve que ça part en tout sens, avec des cases parfois trop chargées ou dans lesquels j'avais du mal à suivre l'action. Je le comprends pour les cases de trips de jeunesse, parfois ça semble trop chargé même dans ses représentations quotidienne. D'autre part il y a une sensation d'étrangeté dans les mouvements des personnages assez régulièrement. Je ne suis vraiment pas fan, ça fait trop comics underground et plusieurs fois je me suis dit qu'il y aurait eu moyen de faire plus travaillé dans le trait. Curieusement, c'est une impression que j'ai eu sur la deuxième moitié de l'album, peut-être la première a-t-elle été plus travaillée du fait des photos anciennes qui servaient de support ? En l'état, c'est une BD qui permet de mettre en lumière les exactions qui ont été largement couverte par un silence sociétale, une omerta juridique et aussi un silence des victimes qui ne trouvaient pas d'interlocuteurs. Les échanges avec les parents, par exemple, sont horribles. Comment parler, dans ce cas là ? Que dire ? Une BD qui rappelle que les violences sexuelles ont prospéré sur le silence, qu'il faut le briser et c'est ce qui m'incite à recommander la lecture de la BD.
Un auteur américain raconte les abus qu'il a vécus dans sa jeunesse. On est dans du comics underground où l'auteur montre la vérité toute cru sans filtre alors c'est clairement une lecture pour public averti. Adolescent, l'auteur est allé dans un pensionnat catholique tenu par un homme qui en profitait pour assouvir ses fantasmes sur ses élèves. Il y a des passages très dur et l'auteur ne se compte pas de montrer les abus. On va aussi voir les effets que cela eu sur sa vie d'adulte: abus d'alcool et de drogues, hypersexualisation, les parents qui essaient de minimiser les impacts psychologiques que les abus ont eu sur leur fils, etc et etc. C'est raconté de manière passionnante et je trouve l'auteur bien courageux de montrer autant de détail sur sa vie. Le dessin est du pur underground américain et cela va bien pour ce type de récit glauque. Il y a de superbes planches. Le seul vrai défaut est que la couverture ne donne vraiment pas envie de lire la BD. En tout cas, moi je pense que je ne l’aurais pas lu si je n’avais pas vu qu’il y avait des avis positifs sur le site.
Avec ce récit autobiographique dont la couverture évoque davantage un conte gothique horrifique, Glenn Head relate son adolescence passée dans ce pensionnat lugubre du New Jersey mais à la réputation prestigieuse, « à la manière britannique », Le Manoir de Chartwell. Cet établissement avait pour objectif de repêcher les élèves en difficulté. Alors que Glenn était peu doué pour les études, ses parents avaient décidé de l’y envoyer afin de faire de lui un élève modèle. Mais le vernis va très vite se fissurer, car il y a décidément quelque chose qui ne tourne pas rond chez Lynch, le directeur de l’établissement, qui a pour lubie de se faire appeler « Monsieur ». Car « Monsieur » aime les jeunes garçons, au-delà du raisonnable. Mégalo et adepte des châtiments corporels, de l’humiliation publique et de la manipulation mentale, cet odieux personnage souffle le chaud et le froid. Quand sa main ne manie pas le bâton, elle se fait baladeuse et - un peu trop - caressante avec ses jeunes pensionnaires, qui pour la plupart en manque d’affection, s’accommodent de ces pratiques libidineuses ou préfèrent en rigoler pour mieux masquer, sans doute, leur malaise. Glenn Head, en opérant ce retour sur lui-même, nous révèle combien ces quelques années ont laissé des traces dans sa psyché, souvent de façon inconsciente. C’est une véritable descente aux enfers que l’auteur va traverser dans les longues années qui vont suivre, entre alcool et défonce, addiction à la pornographie et fréquentation des prostituées. Une façon suicidaire de fuir les fantômes de ce passé qui le conduisaient à croire que le sexe était une chose sale et honteuse, qui ne pouvait se vivre que dans le secret. Et si le jeune Head, comme beaucoup de garçons de son âge, venait d’une famille où les tabous religieux étaient puissants, le répugnant Monsieur Lynch n’aura fait assurément qu’amplifier le problème, par ses doctrines scabreuses auxquelles il associait l’honneur ou des pseudo-discours bibliques où le diable tentateur se nichait partout. Après des années d’égarement dans une débauche sans lendemain, l’auteur aura, presque miraculeusement, réussi sa traversée du Styx. Mais le constat est peu réjouissant : Lynch, qui purgea finalement des peines de prison, toujours allégées d’une remise en liberté conditionnelle et au final peu sévères au regard des préjudices infligés, physique et moraux – aura entraîné dans son chaos mental nombre des camarades de Glenn Head et probablement beaucoup d’autres durant les quinze années où il fut à la tête de l’établissement. Aucun des trois garçons qu'il connut là-bas n’en est sorti indemne, tous étant marqués d’une manière ou d’une autre dans leur chair et leur mental, lestés d’un poids qui a gravement compromis leur épanouissement social. Le dessin noir et blanc de Head, très influencé par l’école de la BD alternative U.S., est totalement en phase avec ce récit hallucinant. Sombre et nerveux, rageur et acéré, son trait laisserait presque penser que cette autobiographie tumultueuse a été produite sous acide. L’auteur ne nous épargne rien, c’est souvent « trash » et les âmes les plus sensibles devront se préparer psychologiquement à pénétrer cet univers cauchemardesque. La pédophilie y est abordée frontalement, à travers le personnage de Lynch, mais sans voyeurisme et de manière suggérée, un délicat exercice d’équilibriste que Glenn Head accomplit parfaitement pour mieux dénoncer l’hypocrisie de certaines institutions qui préfèrent fermer les yeux sur la question. Paradoxalement, le dessin recèle une étrange beauté graphique, partagé entre un côté cartoonesque et azimuté évoquant un certain Crumb (qui ne manque pas de dire tout le bien qu’il pense de l’ouvrage en quatrième de couverture), et une dimension noire et surréaliste qui n’est pas sans rappeler Charles Burns. Inconnu de ce côté-ci de l’Atlantique, l’auteur new-yorkais publie ici sa première œuvre à destination du public francophone. A l’évidence, il s’est beaucoup remué les tripes pour accoucher d’un tel récit — et d’ailleurs on y vomit pas mal —, et peu avant lui ont évoqué si abruptement un sujet aussi douloureux. Lorsqu’on n’est pas concerné, on imagine mal que derrière les lourdes portes des institutions les plus réputées, nombre de jeunes gens voient leur vie brisée par des individus pervers arborant le masque de la respectabilité, dans le silence complice de leur hiérarchie et de leurs collaborateurs. Mais désormais, les langues se délient et fort heureusement, l’impunité n’est plus de mise (comme on a pu le voir, l’Eglise catholique en a fait récemment les frais !). Une œuvre à lire d’urgence qui décrit parfaitement les ravages induits par ces âmes sordides.
Glenn Head, auteur de comics indépendants aux USA livre ici une autobiographie sans concession. Il sera question des drames de son enfance qui ont façonné sa personnalité d'adulte torturé. De prime abord le dessin noir et blanc très chargé peut effrayer un peu. Mais ce style particulier colle au récit et il n'est finalement pas du tout étouffant. Au contraire il retranscrit brillamment le mal être qui correspond à l'état d'esprit de l'auteur. Adolescent, au collège, il a été scolarisé dans une école privée catholique. Et lui, comme tous ces petits camarades, ont vécu là-bas un vrai traumatisme. L'école est dirigée par un pervers manipulateur qui leur à fait subir maints châtiments corporels (fessées, ...) et surtout pas mal d'abus sexuels. Le gars se fait appeler modestement 'Monsieur', et il répète à longueur de temps aux enfants qu'il les aime. Les gestes d'affection succèdent aux violences. Le type détestable par excellence. Glenn raconte cette partie de sa vie sans détour. On se prend tout ça en pleine face. C'est assez dur. Mais il va plus loin. Il ne se contente pas de livrer un témoignage sur les abus dont il a été victime. Le livre ne se limite pas à son enfance. Il raconte comment ce traumatisme a construit sa vie. Et comment elle la rythme encore bien des années après. Il ne cachera rien de ses problèmes pour établir une relation avec une jeune femme, préférant largement sa boite de mouchoirs et sa revue porno. Il ne cachera rien non plus de ses problèmes d'alcool, de ses réunions aux alcooliques anonymes, de ses visites aux strip-clubs ou aux prostituées. Ça fait beaucoup et on imagine la difficulté pour essayer de mener une vie d'adulte équilibrée. Cela dit il prend du recul pour raconter son histoire, il le fait de manière assez factuelle. Cela manquerait presque un peu d'émotions. On est touché forcément, mais pas bouleversé. Il ne s'apitoie pas sur son sort, il est arrivé à un moment de sa vie où il a besoin de livrer ce témoignage pour avancer. Mais il ne cherche pas à dénoncer son agresseur, qui a été condamné par la suite (assez mollement il faut bien le dire). Au final bien que très prenant et très interessant, il manque un petit peu d'émotion pour en faire un récit marquant au même titre que Pourquoi j'ai tué Pierre par exemple. Lecture tout de même largement recommandée. 3,5/5.
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