Le Lait paternel (Vatermilch)
Un récit proche de l'autobiographie dans lequel l'auteur nous raconte le destin d'un père fuyant et d'un fils qui, même s'il le déteste, semble suivre la même voie.
1961 - 1989 : Jusqu'à la fin de la Guerre Froide Allemagne Auteurs allemands Mon père, cet inconnu
Munich, 1975 : discothèques, amours libres, excès de cocaïne et de champagne... Voilà le monde et la vie de Rufus Himmelstoss. Ce coureur de jupons égocentrique vit constamment au-dessus de ses moyens. Cela ne serait grave que pour lui s'il n'avait pas une femme, et un fils, Victor. L'alcool le détruit irrésistiblement, Rufus Himmelstoss glisse hors de la vie jusqu'à devenir sans-abri. Trente ans plus tard, le fils de Rufus, Victor, rencontre à nouveau son père perdu et se résout à découvrir un étranger.
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Public
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Date de parution | 22 Avril 2022 |
Statut histoire |
Série en cours
2 tomes parus
Dernière parution :
Moins d'un an
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Les avis
Une œuvre passée beaucoup trop inaperçue à mon goût... Avec cette autofiction, l’auteur allemand Uli Oesterle a tenté de partir sur les traces d’un père qu’il a peu connu et qu’il ne revit qu’au moment de sa mort, sans avoir pu dialoguer avec lui. A partir d’anecdotes inventées pour combler « les nombreux hiatus qui [jalonnaient] son existence », ce fils, qui avoue avoir souffert de ne pas avoir de modèle, a voulu comprendre ce qui avait conduit son paternel à laisser sa femme dans la dèche, contrainte de l’élever seule, pour ensuite sombrer dans la déchéance. « Le Lait paternel », qui croise deux histoires, celle du fils en 2005, juste au moment du décès de son père, et celle de ce dernier quelque trente années plus tôt, a donc ici une valeur pleinement thérapeutique. En plus de donner une existence au père, ce livre lui donne l’occasion de se remettre en question sur son propre rôle en tant que parent, car lui-même semble dépassé par les crises d’ado de son fils, comme il le montre à travers le personnage de Victor. Celui-ci a tendance à incriminer le paternel et son héritage générique, à savoir son faible pour l’alcool, avec des effets parfois calamiteux. Le premier tome raconte tout cela, avec pour axe la brutale descente aux enfers de Rufus. Uli Oesterle expose les circonstances qui l’ont provoqué, jusqu’à ce point de bascule que fut le tragique accident en introduction du récit, accident qu’il a lui-même provoqué sous l’emprise de l’alcool et qui a entrainé la mort d’une mère et de ses deux enfants. La lecture est captivante, car le lecteur lui aussi veut comprendre. Le père de Victor était-il un salaud ? Comment a-t-il pu tomber si vite dans la cloche ? Il faut l’avouer, c’est assez poignant, et on finit par pardonner à ce père « indigne » ses frasques ininterrompues, son attitude désinvolte vis-à-vis de son épouse et de son fils, son addiction pour l’alcool, ainsi que son obsession pour l’argent facile, le jeu et les femmes. D’ailleurs, on ne l’apprendra que dans la post-face, le père d’Oesterle était victime du syndrome de Korsakoff, qui se manifeste notamment par des troubles prononcés de la mémoire et souvent liés à l’alcoolisme… Le second tome nous montre comment Rufus va tenter de se reconstruire. Toujours officiellement recherché par la police malgré une enquête qui piétine, il a coupé tous les ponts avec son entourage et ses connaissances, se fait désormais appeler Roland Herzig et fréquente les soupes populaires. En quête de rédemption, comment pourra-t-il « ramasser les morceaux » et se sortir de cette situation en échappant au jugement des tribunaux ? Pour l’ancien flambeur, tourmenté par la culpabilité et des crises d’angoisse de plus en plus fréquentes, l’horizon est décidément bien sombre…Sa seule planche de salut réside dans sa relation avec Bernie, un ancien architecte ruiné par son goût excessif pour les prostituées et reconverti en bénévole dans un foyer de sans-abris. Celui-ci s’est mué en une sorte de sage à l’énergie positive, dont la vocation est d’aider les nécessiteux sans rien attendre en retour. En parallèle de ce récit, on retrouve Victor qui, après avoir revu son père à l’hôpital juste avant qu’il ne décède, s’est lancé dans une randonnée alpine avec sa femme et son fils. Son objectif : disperser les cendres du paternel. Victor, qui tente difficilement de se mettre à l’eau comme Rufus trente ans avant lui, compte sur cette expérience vers les hauteurs pour terrasser ses propres démons. On relèvera l’utilisation astucieuse d’Uli Oesterle d’un procédé de synchronicité narrative, de la page 112 à 121 : dans un musée de Munich, Rufus est assis en face (totalement par hasard, car il n’aime pas la peinture) du « Voyageur contemplant une mer de nuages », célèbre tableau de Caspar David Friedrich ; la séquence suivante montre Victor en train de vider le contenu de l’urne funéraire au sommet d’une montagne. Sans doute le plus beau passage et le plus chargé de sens de ce deuxième volet. Graphiquement parlant, Uli Oesterle possède un trait très stylé qui attire l’œil — et c’est d’abord ce qui m’a séduit en feuilletant le livre. Les a-plats de noir donnent un beau rendu dans les ambiances, judicieusement additionné d’une bichromie différente pour les deux fils narratifs, beige pour le père, mauve pour le fils. La seule autre couleur est l’orange pour la Coccinelle, élément-clé du récit. De même, la mise en page est équilibrée, associé à un sens du cadrage accompli. On peut supposer que l’ouvrage aura été bénéfique et apaisant pour son auteur, qui s’est efforcé de présenter le père de la façon la plus objective possible, sans rien édulcorer mais sans haine non plus, comme s’il lui avait pardonné, en regard des troubles cérébraux dont il souffrait. D’ailleurs, il semble presque moins indulgent avec son double, Victor, apparaissant souvent comme irascible sous l’emprise de l’alcool. Les deux premiers tomes de ce « Lait paternel » constituent un excellent moment de lecture. Cette future trilogie, dont on attend avec impatience le troisième tome, mérite véritablement que l’on s’y attarde. Le dessin comme la narration, parfaitement maîtrisées, sont conjuguées avec brio par un auteur qui nous livre ici avec une grande sincérité un récit intime et puissant. Une œuvre fortement recommandée !
Même si je serai un chouia moins généreux pour le moment que Mac Arthur pour ma notation, j’ai comme lui apprécié cet album inaugural. Et, comme lui, j’ai trouvé pas mal de points communs entre le personnage principal et celui de Gomont dans Malaterre. Père égoïste, flambeur, hâbleur, qui se paye de mots et sacrifie sa « famille » (femme et gamin) au profit d’une vie de noceur, dans les nuits alcoolisées du Munich branché des années 1970. Un naufrage annoncé qu’on découvre au fil de nombreux flash-backs. Car l’histoire se déroule en deux temps parallèle. Le fils du héros redécouvre son père au moment de sa mort, lui qui l’avait abandonné trente ans plus tôt. Un fils qui semble reproduire le même gâchis, ratant son mariage et ne s’entendant pas avec son fils. La narration est dynamique, le dessin (qui joue sur diverses bichromies) est lui aussi agréable. C’est d’ailleurs cette série (d’un auteur allemand que je ne connaissais pas) qui s’engage sur de très bonnes bases. A suivre donc.
Uli Oesterle s’est beaucoup nourri de sa propre expérience (et du profil de son père) pour créer cette fiction dans laquelle il nous offre à découvrir un personnage à la fois détestable et touchant, un noceur inconséquent, lâche et arrogant qui, progressivement, sombre dans une forme de paranoïa. Il y a du Pierre-Henry Gomont (Malaterre) dans ce récit, mais aussi de l’Alexandre Clérisse (L'Eté Diabolik). Gomont pour le personnage du père, détestable à plus d’un titre et que je ne parviens pourtant pas à totalement détester, et Clérisse dans la rondeur du trait, dans sa lisibilité et dans l’harmonie des planches. A titre personnel, j’ai beaucoup aimé cette première partie et j’ai le sentiment que la suite sera encore plus poignante. Le personnage central me fascine par son inconséquence, sa lâcheté et son égocentrisme. Le fils, qui reproduit sans s’en rendre compte le comportement du père, me touche. Le Munich des années ’70, avec ses boîtes branchées, ses monuments historiques et ses costumes d’époque m’offre un cadre qui m’attire (même si cela demeure très secondaire face aux destins de vie des personnages). La narration est agréable, le découpage est bien équilibré, le dessin est beau et facile à lire. Que des points positifs en somme. J’attends donc la suite avec impatience.
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