T'Zée - Une tragédie africaine

Note: 4/5
(4/5 pour 6 avis)

Dans la touffeur de la nuit africaine, voici le crépuscule d'un pays imaginaire, magistralement raconté par Appollo et Brüno.


Afrique Noire Dargaud Les prix lecteurs BDTheque 2022 One-shots, le best-of

Au fond de la forêt équatoriale, dans le palais de T'Zée, la rumeur enfle. Le vieux dictateur aurait été tué. Alors que le pays s'enfonce dans le chaos d'une guerre civile, les membres du clan présidentiel vivent les derniers moments d'un régime corrompu qui disparaît. Le destin d'Hippolyte, fils de T'Zée, croise une ultime fois celui de Bobbi, la jeune épouse du dictateur porté disparu : se révèle alors un amour impossible et monstrueux.

Scénario
Dessin
Couleurs
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 06 Mai 2022
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série T'Zée - Une tragédie africaine © Dargaud 2022
Les notes
Note: 4/5
(4/5 pour 6 avis)
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04/05/2022 | Mac Arthur
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L'avatar du posteur bamiléké

J'ai beaucoup aimé la lecture de la série d'Appollo et de Brüno. Cette tragédie en cinq actes doit être lue comme une adaptation contemporaine, originale et très réussie de Phèdre, la pièce de Jean Racine. Quand Mac Arthur a introduit cette série, je venais d'aviser Phèdre sur le site. Avec T'zée/Thésée, Hippolyte/Hippolyte ou Arissi/Aricie, Bobbi/Phèdre l'étrangère, Appollo rend à la fois hommage à l'universalité des grands classiques littéraires et crée une œuvre originale tel un grand metteur en scène de théâtre qui nous propose une lecture érudite et intelligente dans un contexte improbable mais qu'Appollo rend tellement crédible. Il ne s'agit pas d'un pays africain imaginaire mais bien du Zaïre de Mobutu. D'ailleurs Gbado ou Gbadolite est bien le village transformé par Mobutu ; l'enfant du pays, en ville luxueuse avec ses trois palais ou sa piste capable d'accueillir le Concorde. C'est bien Mobutu qui avait initié un programme spatial africain qui n'était pas au goût des Occidentaux et des Soviétiques. Je trouve Appollo assez injuste dans cet épisode car il met l'accent sur l'échec du troisième essai alors que les deux premiers essais furent réussis. Une petite réserve mais qui explique l'admiration d'Hippolyte pour son père et donne une vision plus subtile des actions de Mobutu dans les années 70. En connaissant les deux œuvres et un peu l'Afrique, j'ai pleinement savouré le travail d'Appollo. Ainsi l'introduction des fétiches et de Mami-Wata, l'esprit des eaux vengeresse rentre pleinement en résonnance avec la mythologie grecque et Poseïdon. J'ai apprécié cette gymnastique continuelle si finement orchestrée entre la vision tragique grecque et l'histoire africaine d'une fin de règne sanglante d'un Mobutu vieillissant. Le graphisme de Brüno a su se mettre au niveau d'excellence en proposant une narration visuelle fluide et attractive qui facilite la cohérence du récit. Certaines planches invitent aussi à un approfondissement de recherche sur la période. J'ai trouvé la complémentarité entre texte et graphisme parfaite pour savourer ma lecture. Une excellente lecture avec une construction très originale et subtile.

23/05/2024 (modifier)
L'avatar du posteur Noirdésir

Le hasard a voulu que je lise il y a peu Chaos debout à Kinshasa, qui présentait un moment de l’histoire du Zaïre et de son dictateur emblématique Mobutu, en 1974. Il est en effet difficile de ne pas reconnaitre ce pays et ce dictateur dans cet album : si tous les pays voisins et certains événements sont bien nommés conformément à la réalité, Appollo a fait le choix de modifier le noms des personnages zaïrois (Mobutu devient donc T’zée, et le Zaïre n’est jamais nommé en tant que tel), mais c’est quand même transparent. Ce subterfuge donne sans doute quelque chose de plus général, universel, à cette histoire, pourtant bien ancrée dans la réalité. Mais les petites histoires qui traversent ici la grande histoire sont bien fichues, les deux se complètent très bien. Le dessin de Brüno est aussi un parfait complément. Son trait gras, et la colorisation tranchée de Laurence Croix sont à la fois réalistes et imaginaires. Avec le récit d’Appollo, ils concourent en tout cas à développer une ambiance de fin de règne, à bien rendre la moiteur, bref, à mettre en place une ambiance qui domine le récit : un air raréfié comme avant un orage. Une chouette lecture.

31/07/2023 (modifier)
Par Gaston
Note: 4/5
L'avatar du posteur Gaston

3.5 Un album fascinant avec de très grands moments. Dans un pays d'Afrique imaginaire, le vieux dictateur est en train de perdre la main et il y a des rumeurs qu'il soit mort. On pourrait croire que l'on va tomber dans un récit rempli de scènes d'action opposant les rebelles au derniers fidèles du maréchal-dictateur, mais les auteurs mettent surtout en avant la psychologie des personnages. Le scénario est lent et au travers de quelques personnages (le dernier fils du président, ses deux amis et la deuxième femme du président), on voit les travers du régime dictatorial. Tous les travers de l'Afrique post-coloniale (corruption, tribalisme, néo-colonialisme de la part des puissances occidentales) sont décrits dans cet album de manière intelligente. Appollo maîtrise bien son scénario, mélangeant les scènes du présent et du passé sans que cela ne soit confus pour les lecteurs. Le scénario est prenant et j’ai adoré suivre tout doucement les derniers moments d’un régime appelé à disparaitre. Il y a tout de même quelques défauts. Toutes les scènes plus allégoriques (l'esprit du fleuve, le catch) ne m'ont pas intéressé et la fin est un peu précipitée. Cela reste un bon cru si on est fan des auteurs.

22/11/2022 (modifier)
Par pol
Note: 3/5
L'avatar du posteur pol

J'ai beaucoup apprécié les collaborations précédentes entre ces auteurs, et de toute façon je me régale toujours avec le dessin de Bruno. Du coup cet album me faisait de l'oeil. Apollo a imaginé la chute d'un dictateur africain dans un pays fictif plus vrai que nature. L'ambiance, le climat, le contexte, tout sonne juste et on s'y croit complètement. Evidement le dessin est au diapason et contribue totalement à la plongée dans cet univers. Je me répète à chaque avis que j'écris sur une BD de Bruno, mais j'adore son style et avec moi ça marche à tous les coups. Bref niveau ambiance c'est du tout bon. Coté scénario, l'impression est un peu plus étrange. Ce monde sonne juste, il est fouillé, l'histoire ce tient bien et une fois refermé, je suis content de ce que j'ai lu et j'ai aimé cette histoire. Mais le rythme est un peu lent, et là où j'attendais des péripéties qui feraient partir cette histoire dans une direction inattendue, qui la ferait vriller, je n'ai finalement pas été surpris. Dans la postface le scénariste explique comment il a muri cette histoire pendant plus de 10 ans. Et là on voit la multitude d'idées et de détails qu'il a voulu intégrer dans son histoire. Pour moi certains sont un peu superflus. C'est quoi ces passages avec les catcheurs qui n'ont aucun lien avec la trame de l'histoire et qui ne la font pas avancer ? Mystère. Du coup j'ai le sentiment que quelques moments un peu clés auraient pu être plus développés, ou plus spectaculaires et qu'on aurait pu se passer d'autres passages moins importants (ou en tout cas les réduire). Au final c'est très bien, l'univers est hyper bien pensé, l'histoire est efficace et plaisante, mais j'aurais encore plus apprécié sans les petits détails mentionnés ci-dessus.

13/11/2022 (modifier)
L'avatar du posteur Tomdelapampa

Après Biotope et Commando colonial que j’avais fortement apprécié, ce duo d’auteurs se reforme pour mon plus grand plaisir. Au programme cette fois ci, un gros one shot qui nous narre la fin d’une dictature dans un pays imaginaire d’Afrique. Pour son récit, Appollo s’est fortement inspiré de l’histoire de ce continent, sauvage, brutal, rempli de croyances, bref fascisante et dangereuse. T’zée est sous-titré Une tragédie africaine. En maître d’orchestre, le scénariste déroule sa pièce en 5 actes, le tout est finement ciselé pour déboucher sur l’inéducable. Brüno, en symphoniste éclairé, exécute de main de maître la mise en page, tout est parfaitement millimétré et dans le tempo. L’ambiance moite et crépusculaire est superbement bien rendue. Pour les petits points négatifs, aucune empathie pour les personnages, on ne s’attache pas à eux, de même pour l’amourette, ils ne sont finalement que des pions sur ce grand jeu d’échec. Mais l’important n’est pas là, les auteurs retranscrivent magistralement la chute de pouvoir. Comme le signale si bien Mac Arthur, ici tout est une question d’ambiance. Une belle petite réussite encore pour ce duo. Je relirai.

02/08/2022 (modifier)
L'avatar du posteur Mac Arthur

Attiré par le duo d’auteurs dont j’ai déjà apprécié quelques œuvres, je me suis laissé tenter par ce récit dont, pourtant, ni le cadre ni le profil des personnages, me semblaient séduisants… a priori. Oui, a priori, car une fois cette lecture entamée, il m’a été difficile d’abandonner ce récit. C’est dans un pays imaginaire, fortement inspiré par le Congo (ex-Zaïre) qu’Appollo place son intrigue et il est difficile de ne pas penser à Mobutu Sese Seko à la lecture de ce récit. T’Zée, dictateur impassible, mégalomane, craint, admiré, détesté, personnifie au mieux le dictateur africain tel que je l’imagine. Son fils, tiraillé entre un père qu’il admire et une vision politique nourrie par ses nombreux voyages, semble paralysé par l’ampleur de cette ombre qui plane au-dessus de lui. Instruit, intelligent mais trop bien éduqué peut-être pour endosser un rôle pour lequel il n’est pas taillé, il n’a même pas le courage de déclarer son amour à une amie d’enfance. La seconde épouse, arriviste en désespoir de cause, dont la beauté a scellé la destinée et qui découvre l’amour alors même que tout est perdu. Oui, c’est bien à une tragédie qu’Appollo nous confie. Un récit tout en ambiance, moite, désespéré, fataliste, dans une Afrique toujours en guerre, fétichiste, fascinante, impitoyable pour les faibles et dans laquelle la loi du plus fort apparait encore dans toute sa cruelle simplicité. La mise en page aérée, le dessin épuré, les dialogues posés, une forme de fatalité dans la destinée des personnages, et toujours cette Afrique décrite avec amour mais sans complaisance par un scénariste inspiré. Vraiment, un récit prenant. Tout en ambiance, oui… tout en ambiance…

04/05/2022 (modifier)