Stratos
Avec "Stratos", Prado invente un univers trop inhumain pour ne pas être humain.
Absurde Auteurs espagnols Ere comprimée Les petits éditeurs indépendants Utopies, Dystopies
Au début du XXIIe siècle, les grandes puissances technologiques et financières contrôlent le monde. Un monde informatisé à l'extrême où les hommes sont devenus le jeu de la machine économique, où chacun manipule et se fait manipuler, où la caste des prols, dépourvus d'âme (ce qui est scientifiquement démontré!), constitue une main-d'oeuvre asservie et soumise... Avec "Stratos", Prado invente un univers trop inhumain pour ne pas être humain. Il le construit par touches successives, saisit quelques moments de la vie quotidienne, pour créer une fiction digne de Philip K. Dick et annonçant ses oeuvres ultérieures : "Chienne de vie" et "C'est du sport". Son regard acide, son trait sans appel, son ton qui balance entre un humour mordant et un pessimisme caustique, confèrent à cette chronique du monde de demlain une effrayante actualité. Texte : dos de couveture
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Date de parution | Mars 1990 |
Statut histoire | Histoires courtes (Histoires courtes dans le même univers) 1 tome paru |
Les avis
Ses publications dans le magasine Ère Comprimée sont parmi celles qui m'ont le plus enthousiasmé, à l'époque où j'ai découvert le genre S.F. adulte -ma préhistoire, donc ! Holà-là que c'est loin !- ; avec aussi les récits graphiquement plus classiques de Horacio Altuna ou ceux, carrément barrés (esthétiquement ET scénaristiquement !) du génial Dick Matena. Alex Niño et l'immense Sergio Toppi complétaient magnifiquement le trio susnommé et, si mon amour originel pour le Comic de Super-Héros n'avait pas été aussi fort ni déjà aussi bien enraciné au centre de mes préoccupations créatives, je suis prêt à parier que la fréquentation régulière d'autant d'aisances picturales si différentes auraient eu une influence bénéfique sur mes aptitudes "artistiques" ! La pluralité des incidences dans ce domaine -comme dans d'autres, d'ailleurs- est la garantie d'une plus grande ouverture d'esprit et, donc, d'une créativité plus riche... Tant pis ! L'audace de la stylisation des personnages a été le premier argument qui m'a fait lire ces récits avec plus de plaisir que certains autres. Loin de tous les clichés existants, réalistes ou non, Prado insuffle à chacun de ses intervenants, du "héros" au plus tertiaires d'entre eux, une réalité pleine de sensibilité et de justesse qui transcende leur rendu visuel, à priori comique (!), pour mieux nous faire ressentir les affres (tout ce qu'il y a de réelles, elles !) des dilemmes si humainement révélateurs où il les plonge. Chaque trait exprime et souligne, sans jamais alourdir le dessin, le propos Humaniste de l'Artiste ; et même le plus caricaturalement conditionné d'entre eux arrive à nous émouvoir tant sa détresse -souvent purement administrative, mais pas seulement- est facile à assimiler, pour nous qui la vivons au quotidien. Et ce pour des raisons de plus en plus absurdes ; tout comme ce citoyen, si passif et docile, qui va jusqu'à laisser son épouse se prostituer "par défaut" au profit des autorités officielles puisqu'on lui offre, pour sa peine (!), la possibilité d'obtenir un crédit bancaire ! Les découpages et cadrages, loin du plan-plan, font preuve d'une efficacité encore tout à fait d'actualité au jour d'aujourd'hui ; preuve s'il en est que l'art du récit en images dynamique n'est pas un privilège national (Anglo-Saxon ou Nippon !) mais bien plutôt le seul talent de représenter la réalité de manière sublimée -et pas uniquement intelligible. Radiographie assez dure de notre civilisation et de ses dérives Libérales et liberticides ; mais sans avoir l'air d'y toucher tant sa délicatesse à mettre en scène les pires sujets permet une lecture presque confortable... Presque. De la misère sociale programmée, résumée en quelques scénettes pleines de retenue, au racisme institutionnel (!), dont l'horreur bien réelle demeure malgré tout "atténuée" par le contexte encore une fois absurde de désespoir omnidirectionnel -cosmiquement impartial, pourrait-on dire !- qui afflige les protagonistes, on parcourt cet album avec la sensation persistante de bien connaitre les souffrances décrites, si familières -presque banales !- qu'elles en sont devenues à force d'être dénaturées par les formules successives utilisées pour en renouveler "l'attrait" à nos oreilles. Même l'annonce des émeutes civiles qui, finalement, résument encore une fois toute la vanité des hommes à exercer leur contrôle illusoire des "masses laborieuses", ne nous parvient qu'au travers de bulletins d'informations sans réelle influence sur la réalité de ceux qui ont encore le loisir d'écouter : il leur suffit de tourner le curseur pour retourner à leur vie quotidienne. Un magnifique travail d'écriture et de mise en scène véritablement au service de cette Bande-Dessinée, dont le graphisme inspiré et très maitrisé -loin de la "simple" illustration- renforce encore le propos politique et Humaniste des histoires sans jamais trahir le ton, volontairement distancié, choisi par l'Auteur/Artiste. Osmose assez rarement atteinte et qui continue d'être, à mes yeux, la qualité première du médium, tous genres confondus. ... Un bémol, cependant, mais imputable seulement aux traducteurs du présent ouvrage : les dialogues des histoires publiées via les pages du magasine étaient bien plus "sentis" que ceux de cet album. Bizarrement, on a l'impression d'un travail moins inspiré, plus littéraire dans le choix des mots et de la syntaxe. Le tout sonne moins BD et nuit -un peu- à la profondeur de l’œuvre ; et c'est très dommage.
Prado est un auteur éclectique, peut-être inégal, mais qui m’a déjà laissé quelques très bons souvenirs de lecture. Et cet album va les rejoindre, car je l’ai trouvé très réussi. J’ai d’abord apprécié son dessin, avec ces trognes spéciales, caricaturales, et une utilisation très chouette du Noir et Blanc. Avec un trait fin, précis. Ensuite les histoires, au nombre de six, qui ont en commun de développer un univers où l’absurde s’épanouit. Mais surtout une noirceur (pas forcément désespérante – quoique…) où l’humour (noir bien évidemment !) apporte quelques éclaircies. J’ai aimé toutes les histoires (la cinquième est peut-être la seule qui m’ait laissé quelque peu perplexe). Prado se renouvelle, et réussit toujours à développer suffisamment l’intrigue sans la diluer inutilement, avec une chute généralement réussie. On a donc là un recueil intéressant, qui mérite certainement d’être redécouvert.
Ces récits séparés en petits chapitres de longueur irrégulière mais reliés entre eux, sont assez démoralisants au premier degré, et le dessin en noir & blanc accentue ce sentiment. Prado s'intéresse à des sujets contemporains graves ou sensibles en les détournant par un humour très caustique et très amer, d'une noirceur pessimiste et parfois même d'une cruauté étrange. C'est de l'absurde caractérisé à un niveau atypique, poussé même dans de petits détails (243 formulaires à signer). Quand on y réfléchit bien, on s'aperçoit que certaines aberrations rencontrées dans cet album existent dans notre société actuelle, à un degré évidemment beaucoup moins exagéré, car ici tout est poussé au maximum pour édifier le lecteur qui gardera forcément un sourire crispé. Le dessin que je préfère à celui que Prado réalise en couleurs, donne justement un côté amusant à l'ensemble grâce au grotesque des têtes des personnages, et je le trouve plus réussi que ce qu'il fera ensuite en couleurs. C'est probablement la Bd de Prado qui m'a le plus séduit, une de ses premières, et je n'aime pas toujours son évolution future qui sera souvent inégale ; dans le cas présent, c'est une anticipation très visionnaire par endroits, mais aussi effrayante dans sa démonstration.
Avec « Stratos », Prado pousse sa ligne de front un peu plus loin, en quittant le registre de l’absurde et passer le pas de la science fiction. Vous me direz, la frontière est parfois un peu mince entre les deux… Autre changement notoire, le passage au noir et blanc et un coup de crayon beaucoup plus sombre et beaucoup plus marqué. Surprenant de prime abord, mais on se rend rapidement compte qu’il colle parfaitement à cette sinistre société dont les aberrations socio-économique qu’il dénonce sont tragiquement transposables à notre actualité… Quand on se rend compte que cette BD a quand même 22 ans, ça fait réfléchir… Prado conserve la forme qui fait aussi sa marque de fabrique, la succession d’histoires courtes, avec cette fois-ci un fil d’Ariane plus marqué que dans d’autre de ses réalisations. Réapparition de personnages clés, télescopages de destinés, Prado tisse habillement sa toile pour nous proposer une satyre sociale d’anticipation très réussie et que feraient bien de relire les espagnols aujourd’hui… Un album très réussi !
Prado nous livre un récit que je situerai entre le « Brazil » de Terry Gilliam et le « SOS Bonheur » du duo Van Hamme/Griffo. Vous l’aurez deviné, il s’agit d’un récit d’anticipation qui dénonce les dérives de la bureaucratie, de la mondialisation et de l’exploitation des faibles par les puissants. Au niveau de la pertinence des idées, Prado frappe très fort ! Il n’est pas loin d’anticiper la crise des subprimes, par exemple, alors que l’album date de mars 1990. De plus, j’aime la conclusion du récit (pessimiste ou réaliste, je ne saurais dire) qui veut que fondamentalement et quel que soit le système, rien ne change : l’homme exploite l’homme. De ce point de vue, on est donc proche du chef d’œuvre de Van Hamme et Griffo. Au niveau du ton employé, par contre, c’est plus du côté de Terry Gilliam qu’il faut chercher. L’humour est omniprésent mais d’une noirceur à faire pleurer un morceau de charbon et d’un cynisme que n’aurait renié Diogène. C’est de l’absurdité choquante d’un raisonnement humain opportuniste que nait cet humour, et je dois avouer que j’apprécie grandement. Le dessin en noir et blanc de l’artiste est lui aussi d’une belle qualité. Les décors sont soignés, les personnages ont des physiques bien typés, le trait est fouillé mais reste dynamique et expressif. La structure en courts chapitres de prime abord indépendants laisse penser que ce récit est né et a grandi au fur et à mesure de sa réalisation. Là, je crois qu’un murissement préalable à la réalisation aurait permis à l’auteur d’atteindre un stade encore supérieur d’efficacité. Ici, c’est bon mais pas exceptionnel et, surtout, parfois un peu décousu. A découvrir, en tous les cas ! Et ne vous laissez pas distraire par la couverture, qui fait croire à un récit de SF mâtiné de fantasy, alors qu’il s’agit d’anticipation pure et dure.
J’ai découvert Prado avec Stratos, ce qui m’a donné envie de découvrir le reste de son œuvre. Dans cette BD de fiction d’anticipation, Prado ne cherche pas spécialement à créer un univers totalement innovant, rempli de technologies nouvelles et de robots en tout genre. Le futur hypothétique qu’il propose repose sur l’accentuation des problèmes d’aujourd’hui (mais pas tout à fait nouveaux car cette BD date de 1984). Cette critique sociale met donc l’accent sur les problèmes de chômage et de logements (les délocalisations et restructurations d’entreprise s’enchainent), le rôle démesuré de la consommation (on échange sa femme/son mari contre des crédits), l’incapacité des dirigeants à changer le monde (ils ne font que suivre le plan d’un ordinateur surpuissant), la publicité envahissante… Tous les rapports sociaux sont pervertis par un système oppressif et arbitraire auquel tout le monde se soumet. Pire, même avec ces failles sans fond, chacun accepte sa situation (ou tente de l’améliorer au détriment de ses proches), le changement paraissant impossible. Le ton de Stratos est donc clairement cynique et froid comme le futur qu’il décrit. Le dessin maitrisé retranscrit bien l’atmosphère sombre de cette BD.
Ouhaou ! Quel coup de crayon ! Dès la première page, on sent que c'est du sérieux. Ca fleure le délicieusement noir, ça sent la misère et la fatalité, ça vous capte tout de suite. Puis très vite, on pige que finalement ce sera quelques histoires courtes (trop ?!), cohérentes à la manière d'un SOS Bonheur. Sur la forme, ça rappelle un peu les Idées Noires de Franquin en ce sens que le sujet est très noir, mais le dessin reste très caricatural. Si bien que ce n'est jamais "réaliste". C'est même parfois drôle. Superbe BD pour moi, j'aurais cependant aimé en avoir beaucoup plus tant le dessin est talentueux et tant le contenu est si bien amené.
Cette BD est un recueil de récits mi fiction et finalement mi anticipation. En effet, j'ai été troublé par certains sujets tristement d'actualité alors que ces histoires datent de plus de 20 ans. Le dessin m'a énormément plu. Ce N&B très détaillé m'est apparu sans défaut. Tous les scénarii sont plus ou moins liés et développent un univers pessimiste dépeint avec des touches d'humour noir. J'ai été happé par ce one shot, la lecture fut des plus plaisante. Globalement, cette BD allie un très beau dessin à un scénario intelligent et bien structuré. Que demander de plus ?
J'ai adoré le concept de ces sept petites histoires se situant dans un futur un peu éloigné. On passe d'une histoire à l'autre grâce à un petit dénominateur, un personnage qui était secondaire et qui devient le point central du récit. J'ai pas tout de suite compris qu'on était dans le futur en l'an 2115 car il y a finalement très peu de détail qui le laisse penser mis à part des véhicules qui flottent. Cette vision du futur n'est pas très enrichie d'un point de vue graphique. Le dessin en noir et blanc de l'artiste reste toujours une merveille pour les yeux. Cependant, il y a toute une réflexion sur les problèmes de société que va connaître ce futur: des licenciements abusifs pour des délocalisations, les abus de pouvoir, les grandes puissances technologiques qui contrôlent un monde informatisé à outrance... Bref, c'est la description d'une société sombre et répugnante. Il y a un parfum de SOS bonheur mais sans en atteindre le nirvana. Cet album sera cependant réservé au fan de l'artiste pour pénétrer dans un univers hors du commun. Pour la petite histoire, Stratos est le 4ème album de Prado publié en France.
Mis à part Chroniques absurdes, je n’ai pas lu d’autres albums de Miguelanxo Prado. Si j’avais très moyennement apprécié Chroniques absurdes, j’ai trouvé "Stratos" plutôt convaincant et bien foutu comme bd visionnaire sur l’évolution de notre société. Cette vision de l’auteur sur le monde de demain est assez pessimiste mais criante de vérité. La narration adoptée par Prado est incisive, tout comme son trait, aussi affûté et précis qu’une lame de scalpel pour caricaturer les travers du monde de demain qui sont déjà un peu ceux d’aujourd’hui. Reste certaines histoires plus creuses ou moins percutantes mais l'ensemble mérite d'être découvert ! Une œuvre forte accompagnée de dessins somptueux . . .
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