ReV

Note: 4.33/5
(4.33/5 pour 3 avis)

Ouvrez les yeux, le rêve commence... Dans un futur indéterminé, s'est développé un monde virtuel façonné par les songes de ses utilisateurs : ReV. Gladis, débutante, décide de tenter l'expérience de ce nouveau jeu vidéo unique en son genre.


Cyberespace : Mondes Virtuels

Dès sa première partie, elle rencontre Mr_iO, un joueur vétéran qui se propose de l'accompagner dans son périple. Gladis accepte... et c'est parti pour son tout premier parcours dans ReV ! Des profondeurs d'une forêt sombre et mystérieuse aux couloirs oppressants d'un hôtel hors du temps, elle va vivre une odyssée étrange et métaphorique, et apprendre à s'extirper de situations parfois difficiles, souvent troublantes. À ses côtés, Mr_iO se montre bon guide et n'influence pas l'expérience de Gladis, son objectif est tout autre... Mais qui sait jusqu'où le voyage de notre héroïne va les mener ? Auteur de la très belle trilogie Herakles, Edouard Cour revient avec un ouvrage étonnant et audacieux qui explore de nouvelles formes graphiques. Avec une créativité débordante et un coup de crayon magistral, il nous plonge dans un monde onirique à mi-chemin entre Ready Player One et Alice au pays des merveilles. D'apparence déstructurée mais offrant une expérience de lecture fluide et unique en son genre, la narration se veut ainsi à l'image des références qu'elle convoque : un patchwork entre le rêve et le virtuel.

Scénario
Dessin
Couleurs
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 18 Mai 2022
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série ReV © Glénat 2022
Les notes
Note: 4.33/5
(4.33/5 pour 3 avis)
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03/06/2022 | Cacal69
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Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
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Vous ne connaissez pas la légende de l’aventurier impatient ? - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Son édition originale date de 2022. Il a été réalisé par Édouard Cour pour le scénario, les dessins et les couleurs. Il comprend quatre-vingt-dix-huit pages de bande dessinée. Le noir total. Une voix désincarnée accueille Gladis d’un bonjour, auquel elle répond timidement. La voix lui demande si elle souhaite personnaliser son pseudonyme et son avatar. Réponse timide par la négative. Les choix sont enregistrés. Elle n’a plus qu’à patienter. Chargement terminé. Bon voyage, Gladis. Blanc total. Une sorte de de noyau est en train de se former à base de lignes fines et irrégulières. Le corps de Gladis est formé, avec un bassin inexistant, une tête en forme de bol enflammé, des cuissardes noires et des gants longs noirs également. Elle se retrouve dans une sorte de grand hall de gare, avec de nombreuses personnes présentes, à la silhouette plus ou moins bien définies. Un jeune homme élancé et blanc, avec une chevelure folle, l’aborde. Désemparée, elle lui explique qu’elle est perdue, elle découvre complétement ce… truc. Il consulte une petite tablette flottante, juste au-dessus de sa main : première connexion en effet. Il se présente : Mr_iO. Il reconnaît que c’était un peu brutal comme accueil, mais les nouveaux sont si rares, maintenant. Il lui souhaite la bienvenue dans Rev. Peut-être serait-elle intéressée par une partie coopérative du coup ? Gladis souhaite en savoir plus. Il explique : C’est simple. Il y a deux types de coopérations. Active ou passive. En gros, soit il participe, soit il la suit en simple observateur. Il lui propose la passive pour ne pas trop dénaturer sa première partie. Mais il ne veut pas s’imposer si elle préfère rester seule. Gladis sent qu’un peu d’aide ne lui ferait pas de mal. Son filleul l’a tannée pour qu’elle essaie, mais il ne lui a pas expliqué grand-chose. En revanche, il avait raison, l’immersion est troublante. Mr_iO reprend la parole : ça vaut le détour, ReV est parfait pour s’initier aux psymulations. Pas besoin d’aptitudes particulières pour y jouer ; il n’y a qu’à choisir un chemin, le reste suivra. Elle se dit que puisqu’ils sont dans une gare, sa première intuition serait d’aller voir ce qui se passe sur les quais. Elle indique que c’est très étrange comme sensation tout de même, elle demande à son guide s’il joue souvent à ces trucs virtuels. Il répond que certains diraient même un peu trop. Il ne joue plus qu’à ReV ces derniers temps. Il fait partie d’un groupe de joueurs persuadés qu’elle contient quelque chose de plus. Elle a beau être une des premières psymulations, elle reste encore la plus mystérieuse. Comment fonctionne-t-elle ? Qui l’a créée ? D’où vient son signal ? Quel est son but… ? Ils pensent que la clé de ces mystères est dissimulée ici même, dans sa structure ! Gladis trouve ça intéressant, mais elle voit mal comment elle pourrait lui être utile. Elle a rarement joué à autre chose qu’à Tetris, et elle était loin d’être douée. Ça commence facile et en douceur : une femme Gladis s’initie à une simulation vidéoludique, dans un environnement ouvert. Une promenade dans une réalité virtuelle, dépourvue d’intrigue au sens premier du terme, avec un guide, ou tout du moins un accompagnateur plus expérimenté qu’elle. Le lecteur suit donc une personne qui découvre un jeu vidéo, ce qui d’entrée de jeu installe un double niveau de lecture, à la fois la découverte du jeu appelé Rev, à la fois la manière dont Gladis le perçoit. Mr_iO qualifie ce jeu de psymulation, un amalgame de Psychologique et de Simulation. Le lecteur en déduit qu’il s’agit d’une version améliorée d’un simple de jeu de type de simulation de vie de type bac à sable sans objectif, et de jeu fonctionnant avec une Intelligence Artificielle (IA) s’adaptant aux caractéristiques du joueur pour créer un environnement conçu sur mesure, des réactions découlant des choix du joueur, mais aussi de sa façon de jouer, avec malgré tout une notion de progression. En effet, l’accompagnateur indique bien qu’il faut commencer, jusqu’à découvrir une situation ou un personnage qui déclenchera une première épreuve, et donc de l’expérience à acquérir et par voie de conséquence un premier niveau. En effet, Gladis et Mr_iO commencent par voyager à bord d’un train (puisqu’ils partent d’une gare, logique), puis il se produit un événement inattendu, un changement de décor, et une sorte de test. Le lecteur découvre les règles du jeu et les possibilités de celui-ci en temps réel avec la joueuse. Comme il accepte que l’environnement puisse changer du tout au tout soudainement, comme dans un rêve. Plongée dans un monde virtuel et partagé, créé par une intelligence artificielle servant de moteur à cet environnement vidéoludique : l’artiste a adopté une esthétique très différente de celles associées à un monde créé par informatique, froid ou reluisant. Chaque case apparaît assez chargée, mêlant des éléments dessinés avec un trait de contour encré, aplats de noir aux formes irrégulières et parfois effilées, hachures pour la texture et le relief, trames mécanographiées, présence de la couleur pour des camaïeux denses avec quelques zones en couleur directe. À l’opposé de visuels aseptisés ou photoréalistes, des dessins avec une qualité organique et vivante. Dans le même temps, le dessinateur met à profit la liberté rendue possible par un monde totalement imaginaire. À commencer par la représentation de Gladis : celle-ci reprend bien une silhouette anthropoïde avec une touche féminine dans des hanches un peu larges et un haut de vêtement qui semble recouvrir une paire de seins. Pour autant, les jambes semblent un peu longues dans leur moitié inférieure, il manque une partie du torse juste au-dessus du bassin où se trouve uniquement une petite sphère noire d’une dizaine de centimètres de diamètre. Les longs gants agissent comme un élément visuel accordé aux cuissardes noires. La tête revêt une forme des plus singulières : elle flotte au-dessus du tronc, en l’absence de toute forme de cou. Elle ressemble à une forme de grand bol sans anse, avec deux yeux noirs collés devant, et un long nez d’une trentaine de centimètres, tendu vers l’avant. Le récit ne permet pas de donner un sens particulier à cet appendice nasal si long, à moins de considérer qu’il s’agit d’un manche, en conséquence de quoi la tête de Gladis correspondrait plus à un louche qu’à un bol. Cette forme permet à un personnage de déposer quelque chose dans ce récipient, ou autrement dit de mettre une idée dans la tête de Gladis. Par comparaison, Mr_iO apparaît plus normal : un corps masculin allongé, quelque peu dégingandé, avec une belle tignasse blonde abondamment fournie, une tunique blanche uniforme avec un simple trait reliant quelque point sur le devant. Le lecteur observe que ce personnage flotte à quelques centimètres au-dessus du sol, ses pieds ne touchant pas terre, comme pour souligner qu’il n’est que simple accompagnateur, non participant, sans être complètement un personnage non joueur puisqu’il donne un ou deux conseils appliqués à Gladis. Le lecteur attend de voir à quoi ressembleront les autres personnages : des formes humanoïdes pas totalement définies dans le monumental hall de gare, deux individus dans des tenues orange avec un collier d’explosif pour les terroristes, un tout petit bout de femme de cinquante centimètres de haut, des robots aux formes diverses certains inspirés du rétrofuturisme, une ombre noire en costume avec un attaché-case, des personnages à tête de gastéropode, un roi doré avec un troisième œil au milieu du front, une divinité d’inspiration hindoue, etc. Chaque individu comporte en lui une touche fantasmagorique plus ou moins marquée, pouvant être prédominante, ou juste réduite à une bizarrerie anatomique de la tête. Les différents lieux oscillent également entre une forte proportion de réalisme avec quelques éléments oniriques (le hall de gare, la suite de l’hôtel), ou des lieux qui relèvent plus du conte (la forêt avec ses arbres gigantesques, la caverne avec son petit peuple de champignons), du récit fantastique (le couloir d’hôtel avec son tapis à motif, la cité souterraine enfouie sous celle en train de se construire par-dessus, le jardin sans fin avec sa grille aux motifs géométriques, etc.). Le lecteur se prête bien volontiers au jeu, en personnage non joueur, simple spectateur. Il ressent rapidement l’arbitraire des événements (les terroristes dans le train), les transitions abruptes sans réel lien logique (passer d’une poursuite en forêt à un couloir d’hôtel), et la quête découlant de découvrir le jeu, sans en connaître les règles, celles-ci semblant peu nombreuses et très accommodantes, tout en impliquant une forme de progression. Les actions et les choix de Gladis montrent une personne curieuse et attentionnée : elle souhaite explorer cet environnement ludique, elle prend en charge Fungho, une sorte d’enfant champignon doté d’une forme de conscience. Elle ne joue pas comme un personnage d’action, pas de force surhumaine, pas d’exploit physique, pas d’agressivité, tout juste une gifle bien méritée en page soixante-six. Elle fait preuve d’initiative et d’intuition, et elle sait réfléchir. Elle se retrouve plutôt désemparée pour trouver un sens à ce qui lui arrive. Au milieu du récit, Mr_iO lui en dit un peu plus sur son propre objectif : il fait partie d’un groupe de joueurs persuadés que cette psymulation contient quelque chose de plus. Ils ont observé que ReV suit une structure narrative très précise pour générer les expériences, celle du monomythe ou du voyage héroïque. Il développe cette notion au profit de Gladis : le livre Le Héros aux mille et un visages (1949), de Joseph Campbell (1904-1987). Cette remarque incite le lecteur à prendre lui aussi du recul : à envisager les tribulations de Gladis sous un autre angle : surmonter les épreuves de la vie (telle qu’elle est mise en scène dans ce monde virtuel) jusqu’à une révélation, rechercher le sens de la simulation virtuelle comme on peut chercher le sens de la vie, la raison d’être de la réalité, considérer la relation de Gladis avec le fungho comme la relation de l’être humain au monde végétal, ou aussi voir cela comme une relation entre un enfant et sa mère, etc. Cela l’amène également à envisager certaines remarques à partir d’un autre point de vue. L’un des occupants de la suite de l’hôtel évoque une œuvre d’art qu’il va propulser vers un trou noir : une façon d’envisager chaque production artistique comme un projet destiné à l’oubli plus ou moins rapide, une démarche vaine. Gladis & Mr_iO rencontrent un individu qui se livre à un travail d’archéologie dans la ville basse : des ruines qui vont être ensevelies pour supporter l’architecture de la ville du dessus, des vestiges qui deviennent inaccessibles aux futures générations. Il est possible d’y lire une réflexion sur les souvenirs qui deviennent eux aussi inaccessibles au fur et à mesure du temps qui passe, des nouvelles expériences qui transforment l’individu. Il est également possible d’y voir une réflexion sur l’Histoire : les productions des nouvelles générations recouvrent celles des précédents, les plongeant dans l’oubli. Il y a aussi ce constat que la ou les révélations dont un personnage peut faire l’expérience sont entièrement personnelles et ne peuvent pas servir à un autre personnage car il n’en aura pas la même interprétation et donc la même perception. Ce qui n'empêche pas Gladis d’accéder à l’infra-ReV et à un créateur, et de lui poser trois questions comme les règles lui autorisent… À moins bien sûr que ce ne soit une construction fictionnelle de son esprit, dans le cadre de la psymulation. Observer une jeune femme qui joue à un jeu vidéo de type réalité virtuelle immersive : voilà qui ressemble à une expérience particulièrement passive pour le lecteur. L’auteur met en œuvre une narration visuelle originale, inventive, consistante et organique, qui plonge le lecteur dans ces environnements à teneur onirique variable toujours en décalage avec la réalité. D’emblée, le récit mêle un enjeu d’avancer dans les étapes du jeu qui sont créées sur mesure pour Gladis, et de de trouver dans le déroulement de ces événements un sens. Comme fonctionne la psymulation ReV ? Qui l’a créée ? D’où vient son signal ? Quel est son but… ? Pourquoi créer quelque chose de si complexe s’il n’y a que ça à trouver ? Cette découverte ressemble plus à un point de départ qu’à une solution.

28/12/2024 (modifier)
Par Antoine
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
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Je me suis fait prêter la BD par un copain, ami intime d'Edouard Cour avec pour mission de lui donner un avis sur le boulot de son pote (connaissant mon appétit goulu pour les bds). Pfiouuu quelle pression. J'ai fini de lire le bébé il y a maintenant deux semaines. Et j'ai eu raison d'attendre avant de publier l'avis présent, croyez-moi ! Parce que oui, c'est clairement une bd qu'il faut laisser un peu incuber tellement elle est riche et complexe. En refermant le livre, je suis resté un peu perplexe. Qu'avais-je lu ? Un ouvrage au graphisme époustouflant ? Oui. De tout évidence. Un truc de geek ? Oui, et merci ! Mais quoi d'autre ? Bonne question... Puis la nuit a passé. Et révélation sur la fin de l'histoire. Wahouu ! C'est dingue. Et cela explique plein de choses sur le reste de l'album, qui, disons-le tout net et tout de suite, est parfois très compliqué à suivre. Deux lectures à minima s'imposent donc. Je ne sais pas si mon interprétation est la bonne. Et peu importe en fait. L'auteur a réussi son coup ! Ne vous laissez pas décourager par le côté très fouilli de l'histoire, surtout en milieu d'album. Oui, vous ne comprendrez pas tout. Mais c'est pas grave, laissez-vous porter et surtout laissez le temps à votre cerveau de penser à cette histoire, au graphisme incroyable, je me répète. Personnellement, ça a été une belle découverte, je la recommande fortement. Merci Guillaume, tu peux dire à ton pote qu'il a fait un sacré bon boulot !

20/01/2023 (modifier)
Par Cacal69
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
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C'est la superbe couverture et un feuilletage rapide qui m'ont fait craquer. Waouh !!!! Je découvre Édouard Cour. Je vais commencer par son dessin, il est renversant. Un véritable patchwork où se mélange, le crayonné, le destructuré et un peu d'estampes, le tout sous un trait vif et nerveux. Mais le tour de force, c'est que cela reste homogène. Des planches où les détailles pullulent (la dernière planche en est un parfait exemple), où l'inventivité foisonne et où les couleurs apportent ce côté onirique. Que dire de la mise en page audacieuse. J'en suis pantois. - Bonjour Gladis - B... Bonjour - Souhaitez-vous personnaliser votre pseudonyme et votre avatar ? - Euh... Non, ça ira. - Choix enregistrés. Merci. Veuillez patienter......................... Chargement terminé. Bon voyage Gladis. Dans un futur indéterminé, il existe un monde virtuel, ReV, où l'on peut gagner des niveaux et des points comme dans les jeux vidéos. Gladis va franchir le pas et goûter à sa première expérience. Commence alors un voyage dans l'imaginaire et elle sera accompagnée par Mr_IO, un joueur expérimenté qui ne sera là que pour la conseiller. Ne cherchez pas de logique, le programme travaille avec les souvenirs et le subconscient de Gladis. Un scénario plus complexe que prévu, il m'aura fallu deux lectures pour bien en appréhender toutes les subtilités et mieux comprendre les dernières pages (enfin j'espère). Une narration fluide, certains passages peuvent sembler simplistes et/ou abscons, c'est Alice au pays du virtuel. Édouard Cour fait écho à Joseph Campbell et à sa théorie du mono-mythe qui consiste à démontrer que tous les mythes antiques ont le même schéma narratif. Et ce schéma est ici reproduit. Ai-je tout compris ? Pas certain, mais j'ai aimé me plonger dans ce monde de geek, il s'en dégage une ambiance de conte futuriste. Coup de cœur pour le graphisme étourdissant.

03/06/2022 (modifier)