La Terre, le ciel, les corbeaux
Dans ce nouvel ouvrage entièrement réalisé à l'aquarelle, le couple Radice et Turconi intègre la barrière de la langue à un récit aussi touchant que fascinant. Un roman graphique d’une grande beauté, plein de tension et d’élégance.
1939 - 1945 : La Seconde Guerre Mondiale Auteurs italiens Glénat La BD au féminin One-shots, le best-of Russie [Seconde Guerre mondiale] Front de l'Est
Trois hommes, un Russe, un Allemand et un Italien s'échappent d'une prison à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Ils ne se connaissent pas, ne se comprennent pas et n’ont d’ailleurs rien en commun. Pourtant, pendant ce voyage sous pression, ils seront obligés de collaborer et de révéler leurs secrets… Face à l’urgence et aux dangers de la traque, le lien qui les unit les transformera et marquera leurs existences.
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Date de parution | 26 Janvier 2022 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Je suis Teresa Radice et Stefano Turconi de très près, après avoir été marqué par des précédentes publications de leur part. Leur style d'histoire, grave et traitant de sujets sombres d'une façon lumineuse m'a enchanté dans Amour minuscule et Le Port des Marins Perdus. Et c'est tout naturellement qu'une histoire sur la Russie dans la seconde guerre mondiale m'a entrainé à son tour. Le duo d'auteur récidive dans son ton grave mais en même temps léger. Ça ne verse jamais dans le pathos ni dans le dramatique, c'est juste sérieux comme histoire. Et de fait, leur sérieux tranche avec une légèreté dans le propos, avec cette voix intérieure qui explique sa vie et ce qu'il se passe. Le texte est parfois très poétique, tranchant avec le récit qui est plus dur, mais je trouve que l'ensemble gagne en évocation de cette façon. La guerre apparait dans toute son absurdité, dans toute sa violence aveugle et son horreur. Pour parler d'un conflit qui a embrasé plusieurs nations, l'autrice à eut l'idée de faire parler chaque personnage dans sa langue sans le traduire. Je trouve l'idée géniale pour exprimer le dialogue humain qui peut se passer de mot. Si tout n'est pas compris, l'essentiel reste clair grâce au réponses du protagoniste et arrive à exprimer clairement le propos : il n'est pas besoin de parler la même langue pour se comprendre. Je sais que ce choix frustre des lecteurs, mais personnellement je le trouve très pertinent. L'histoire est belle, dans des paysages d'hiver russe magnifiés par la neige, englobé dans un dessin de l'école Disney mais appliqué à du tragique. Ce n'est pas un récit qu'on lit pour avoir un aperçu précis de la guerre, mais pour ressentir cette saloperie de l'intérieur. D'autre part, le récit rapproche les régimes autoritaires de cette époque (Staline, Le Duce et Le Fuhrer) par trois gars qui se sont fait avoir. J'aime bien le fait que ces trois personnages se retrouvent finalement en but à leurs rêves de façon bien différente. La fin du récit est aussi bien différent de ce qu'aurais imaginé au début. Il y a une vraie amertume dans cette conclusion pourtant optimiste. Les sacrifices sont présents mais le final incite à croire à la fin des morts inutiles. D'ailleurs j'ai beaucoup aimé que le final ne mentionne même pas la fin de la guerre, mais seulement une perspective d'avenir heureux. Une très belle lecture, poétique et originale. Encore une fois, le couple Radice-Turconi s'empare d'une histoire sombre pour en faire rejaillir la lumière. Et je trouve que derrière la jolie histoire, il y a une réelle envie de redonner espoir. C'est toujours aussi plaisant visuellement, je suis vraiment client !
Le récit fataliste de deux évadés d'une prison militaire soviétique en pleine seconde guerre mondiale. Un soldat allemand sans pitié et un italien plus romantique s'échappent et embarquent avec eux un jeune garde russe qui n'avait rien demandé. Menacés de mort de tous les côtés, que ce soit par leurs poursuivants russes, les SS nazis fanatisés, les bombardements aériens, le froid et la faim, ils n'ont pas beaucoup d'autre espoir que d'aller vers le Sud en direction d'une éventuelle échappatoire. L'histoire est bien racontée et suffisamment prenante malgré son intrigue assez brièvement résumée. Sa principale force est son dessin, en particulier les décors en très belles aquarelles. Les personnages, eux, sont moins impressionnants mais ils restent corrects. L'histoire alterne actions, grands espaces et de longs monologues intérieurs du narrateur italien, qui sont d'ailleurs les parties qui m'ont le moins intéressé. J'ai aimé le réalisme de nombreux passages et l'évolution de la relation entre les trois protagonistes. J'ai trouvé un peu étonnant qu'ils s'en sortent tant de fois en vie alors qu'ils sont seuls dans un pays ennemi et ne parlant quasiment pas la langue locale, mais j'imagine que ça reste crédible dans de telles circonstances. La conclusion n'est pas mauvaise, avec un peu de surprise dans le comportement final assez inattendu des personnages. Je ne dirais pas que j'ai été transporté par cette lecture mais je l'ai trouvée pas mal, relativement intéressante et j'ai apprécié le soin apporté à ses décors.
J’ai beaucoup aimé cette lecture, qui aborde des thèmes forts, où la tension est permanente, la mort rôdant, alors même que l’essentiel est ailleurs, et que le récit, se déroulant pourtant dans l’URSS en 1943, est plus contemplatif que guerrier. On pourrait avoir l’impression qu’il ne se passe rien (nous suivons trois types errant dans les immensités neigeuses), qu’il n’y a pas de rythme. Et pourtant ! Jamais on ne s’ennuie. Deux prisonniers, un Allemands encore sûr de sa supériorité et de la victoire finale et un Italien, loin de toute idéologie, s’enfuient d’un camp de prisonnier soviétique, embarquant avec eux un soldat de l’Armée rouge : la suite est un très long périple, pour tenter d’échapper aux Soviétiques et gagner une zone « amie » plus à l’ouest. Les trois personnages sont très différents les uns des autres, et leur cohabitation, les relations qu’ils finissent par tisser (alors que tout semble les opposer) sont au cœur de l’histoire. Pour donner plus de force à ces différences, mais aussi pour bien marquer les efforts qu’ils finissent par faire pour se comprendre, la bonne idée est de les faire s’exprimer dans leur langue (sauf l’Italien dont les propos sont en Français). C’est une bonne idée, mais elle aurait gagné je pense à être accompagnée d’une traduction du texte – abondant – sous chaque case, lorsque le Russe et l’Allemand sont utilisés. En effet, si j’ai réussi à traduire la quasi-totalité des textes allemands (ce ne sera pas le cas de tous les lecteurs je le crains), ce n’est pas le cas du Russe. Beaucoup de lecteurs vont donc être frustrés, car cela arrive assez souvent. A propos du texte, il est vraiment très très abondant, et prend souvent une tournure littéraire. Cela semble avoir gêné certains lecteurs. Ça n’a pas été mon cas, je l’ai trouvé très bon pour accompagner les belles cases de la Russie sous la neige. Un bel album en tout cas, dont l’intrigue prend le temps de se développer.
Arf ! Voilà un cas de conscience ! La terre, le ciel, les corbeaux est objectivement une très bonne BD. Le dessin tout d'abord est vraiment bien, tout comme la mise en couleurs, très réussie également. Les paysages, les intérieurs de maisons, les silhouettes des personnages... Tout fonctionne bien ensemble, et tout suggère que nos personnages sont englués dans une terre hostile où l'horizon semble toujours rester immobile. Ils tentent de fuir, ensemble, sinon le goulag mais surtout leur condition respective de soldat, c'est à dire leur rôle d'ennemis mutuels. Oui, c'est une histoire peu banale qui voit un russe, un italien et un allemand prendre la poudre d'escampette en pleine seconde guerre mondiale. J'ai beaucoup pensé au film Les Chemins de la liberté de Peter Weir, à ceci près qu'ici, nos héros ne traversent pas les plaines de Mongolie ni les fournaises du désert de Gobi ou les sommets de l’Himalaya. Nos trois fuyards vont peu à peu tomber les masques et au-delà du devoir militaire, derrière la méfiance et la coopération forcée, va poindre une fraternité fragile. Le récit est d'autant plus fort que chacun parle dans sa langue, sauf l'italien qui pour les besoins de l'édition française s'exprime lui en français. Mais bref ! l'effet est d'une efficacité certaine. L'italien ne comprend le russe et l'allemand que par minuscules bribes, mais devine ce qui sourde sous les expressions des visages de ses compagnons d'infortune. Certaines scènes sont très fortes. On sent bien, par exemple, la nostalgie et les souvenirs user progressivement le devoir militaire, quand chacun se remémore sa vie d'avant, celle qu'il espère retrouver tout au bout de leur évasion. On atteint un sommet quand, à la fin, on découvre une double page photographique contenant divers éléments photographiques et/ou épistolaires permettant d'asseoir cette aventure, de lui donner une texture. Ce qui m'a un peu fatigué, je l'avoue, et je rejoins Mac Arthur sur ce point, c'est le texte. J'ai en effet trouvé l'ensemble très verbeux. Il y a beaucoup de récitatifs. Alors certes, les mecs n'avancent pas, ils sont dans la grosse neige bien épaisse jusqu'aux chevilles, mais du coup moi aussi j'avais la sensation de ne pas avancer. Dans ces moment là, je me sentais décrocher. Je me disais : "c'est bon, on a compris !!!"... Ceci fait que les moments très chargés émotionnellement sont selon moi un peu noyés dans ce flot de pensées (car les récitatifs sont le reflet des pensées de notre italien), et c'est dommage. C'est non seulement verbeux mais également un brin ampoulé. J'aurais autant apprécié le texte avec une langue plus simple me semble-t-il. Bon, j'imagine que ça n'aurait pas été du goût de tout le monde, et que l'équilibre est difficile à trouver, mais j'aurais peut-être également préférer qu'il y ait d'avantage de pages muettes avec des paysages qui sont, par ailleurs, très bien rendus, des rencontres d'animaux, des moments tendus, des moments suspendus, sans parole, où le doute s'immisce en silence, que sais-je encore ? Un peu comme dans La Ligne rouge de Terrence Malick et ces scènes très poétiques de nature sur lesquelles déjà je regrettais la présence de voix off. Allez ! C'est décidé ! Suite à cette fructueuse discussion sur le forum à propos de la manière de noter les BD, je lui attribue finalement 4/5, malgré tout. Un 3,5 aurait été plus approprié. Mais je précise tout de même qu'au départ, j'ai commencé à rédiger cette critique avec l'intention de laisser un 3/5. Ca aurait été un peu sévère. Et puis 4, c'est pas volé.
Un trio improbable se constitue pour s'échapper d'un camp de prisonnier situé au bord de la mer Blanche, une fuite pour retrouver leurs vies avant la guerre. Les trois évadés de nationalités différentes s'associent pour augmenter leur chance de réussite. Le groupe est composé d'un Russe, d'un Allemand et d'un Italien, la barrière de la langue limite la communication entre eux. Pour nous faire partager cette situation à nous lecteur, il n'y a pas de traduction pour l'Allemand et le Russe et malgré tout même si quelques mots ne sont pas compris, nous comprenons toujours le sens de l'histoire. La représentation des panoramas et cette marche sans fin nous font comprendre l'immensité de la Russie. Le dessin avec ses couleurs douces sur fond enneigé rendent la nature sauvage vraiment belle. Chaque personnage évolue au cours de cette évasion, l'auteur construit un passé à chaque personnage et nous fait vivre les réflexions de chacun d'entre eux. C'est pour moi le point le plus intéressant de cette aventure, chaque personnage finit par comprendre que sa vie avant la guerre est perdue à jamais. Une belle aventure qui n'épargne pas les hommes
Cet album parvient à faire montre d’originalité dans un secteur pourtant extrêmement prolifique, à savoir celui du récit de guerre réaliste centré sur la seconde guerre mondiale. Original déjà parce que son narrateur est un soldat italien. Et si retrouver un Français, un Anglais, un Américain, voire un Japonais ou un Allemand au-devant de la scène est monnaie courante, se retrouver avec comme protagoniste central un Italien l’est beaucoup moins. Original car nous nous retrouvons derrière les lignes russes sur le front de l’est. Ce récit raconte en effet la tentative d’évasion de ce fameux soldat italien, accompagné d’un Allemand bien déterminé à rejoindre ses troupes et d’un Russe pris en otage. Et là, je pense que le nombre de récits qui combinent soldat italien et front russe doit être des plus succincts. Original encore car les auteurs ont fait le choix aussi audacieux que pertinent de ne rien traduire des dialogues. Ainsi chaque personnage s’exprime dans sa langue naturelle, qu’elle soit russe, allemande ou italienne (même si, dans le cas de cette traduction en langue française, les personnages italiens parlent en français). Audacieux car immanquablement, nous ne comprenons pas tous ce qui est dit et la gageure pour les auteurs est donc de garder le fil du récit compréhensible malgré notre incapacité à tout comprendre. Pertinent car par ce procédé, les auteurs nous plongent littéralement dans le même bourbier que celui dans lequel se retrouvent ces trois personnages, un bourbier fait d’incompréhension et de peur de l’autre alors même que la guerre les menace à chaque instant. Le récit fonctionne bien et les thématiques principales tournent autour de l’incompréhension entre les hommes source de conflits et de l’absurdité de la guerre face à la soif de vie de soldats qui fondamentalement ne désirent que la paix. Chacun des trois personnages principaux se dévoile au fil du récit. On découvre alors des personnalités très différentes mais des objectifs communs. Au niveau du dessin le style m’a fait penser à celui de Jarbinet sur Airborne 44 (ce qui de ma part est un énorme compliment). Le trait est fin, la colorisation est superbe, la mise en page est classique et efficace. L’ensemble est vraiment agréable à lire même si par moments un peu trop lyrique à mon goût. Le côté très littéraire de la narration est encore renforcé par l’introduction de chaque chapitre, extraite de grands classiques de la littérature (russe la majeure partie du temps). Au final voici un récit de guerre qui sort des sentiers battus par bien des aspects. On n’y voit peu d’actes d’héroïsme mais on s’attache au destin des trois personnages. Enfin, mention spéciale à une scène d’amour illustrée avec beaucoup de pudeur grâce à une mise en scène très inventive. Pour la note, franchement bien est peut-être un peu excessif mais c'est mieux qu'un simple pas mal. J'opte pour la note supérieure ne fusse que pour récompenser l'audace dont ont fait montre les auteurs en ne traduisant pas les dialogues.
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