Le Smartphone et le balayeur
Une BD drôle, spirituelle et philosophique… Un antidote au tout numérique, par le lauréat du Grand Prix d’Angoulême 2020.
Ecole nationale supérieure des Arts décoratifs Emmanuel Guibert Les petits éditeurs indépendants
Quand un objet technologique en beurnaoute complet rencontre un fonctionnaire territorial de catégorie C, qu’est-ce qu’ils se racontent ? Ne quittez pas, la réponse est dans cet album.
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Date de parution | 21 Janvier 2021 |
Statut histoire | Strips - gags 1 tome paru |
Les avis
Sympathique petite BD dont les échanges marquent l'intérêt. C'est un dialogue permanent entre le balayeur et ce smartphone sur différents aspects de l'humanité et son rapport avec les technologies. Sans être révolutionnaire ça se laisse lire et on a droit parfois à quelques éclats bien trouvés. Globalement je trouve que la contrainte de la page à chute se ressent souvent, comme si l'auteur se cloisonnait sans arriver à l'utiliser au maximum. Peut-être aurait-il fallu changer cette contrainte lorsqu'elle n'était plus nécessaire ? Le dessin est simple et la BD se repose très peu dessus, c'est surtout un guide pour l’œil et pour accentuer les émotions que va ressentir le balayeur. La combinaison avec les photos a peut-être un intérêt pour certains, personnellement je l'ai oublié très vite dans ma lecture et je n'ai pas remarqué spécialement l'intérêt. Plutôt verbeuse mais assez bien écrite tout de même, la BD a son intérêt mais je pense qu'une seule lecture reste suffisante. Pas indispensable mais plaisant.
Ce qui est extraordinaire avec Guibert est à quel point il est capable de changer de style pour que son dessin s'adapte le plus parfaitement possible au récit. Ici, comme c'est de l'humour, son dessin est minimaliste et parfait pour de l'humour. Dommage que les gags ne soient pas hilarants. Or, rien ne m'ennuie plus qu'une BD humoristique qui ne me fait pas rire. Il y a certes quelques répliques qui m'ont fait sourire et deux-trois réflexions vaguement intéressant, mais la plupart du temps j'ai trouvé que c'état verbeux et qu'au bout d'un moment cela tournait quand même un peu en rond. À la limite, cela peut-être une curiosité à emprunter si on est un fan de Guibert et qu'on veut voir comment il se débrouille dans un genre nouveau pour lui.
Voilà un album étonnant, à plus d’un titre. Dans l’œuvre d’Emmanuel Guibert tout d’abord puisque, s’il a touché à divers genres, il n’avait encore jamais usé à ma connaissance de strips. Et parce qu'il n’est a priori pas habitué à ce style minimaliste et statique. Tout passe ici clairement par les dialogues. Mais cet album est aussi étonnant pour un éditeur assez peu habitué aux recueils de strips/gags. Étonnant enfin pour le sujet, a priori pas drôle, et potentiellement rébarbatif. J’en suis ressorti avec un avis mitigé, mais globalement satisfait. Les côtés minimalistes et statiques des dessins doivent rapidement être évacués, même si ça peut être lassant. Car nous assistons en fait à plusieurs longs dialogues entre un balayeur de rue et un smartphone trouvé par terre. Je m’attendais au départ – format strips oblige – à quelque chose de comique, mais il n’y a en fait pas grand-chose de drôle ici. En tout cas pas au sens où beaucoup de lecteurs l’entendent. C’est assez inclassable selon moi. Loin d’être hilarant, dessins minimalistes et statiques, sujet improbable et potentiellement chiant, on a là un cocktail de prime abord repoussant. Mais voilà, Guibert arrive quand même à faire prendre la sauce, et ces dialogues – sans doute parfois un peu trop présents – finissent par capter, si ce n’est captiver le lecteur. Plus qu’une discussion de comptoir (de trottoir devrais-je dire !), on a, dans ces échanges entre un fonctionnaire quelque peu blasé et déclassé et cet objet fonctionnel et omniprésent, une vision souvent juste et triste de nos sociétés. Tous deux nécessaires à notre vie quotidienne, tous deux invisibilisés, ils se révèlent ici plein d’autodérision, percutants, philosophant sur le quotidien ou leur existence avec sérénité et un certain cynisme qui n’évacue pas un côté dépressif.
Recueil de gags teintés de philosophie, cet album n’en forme pas moins un récit complet puisque nous allons suivre la relation qui va naître entre un smartphone doté d’une conscience et un balayeur de rue. Cet album constitue sans nul doute une agréable parenthèse dans l’œuvre d’Emmanuel Guibert, un moment de détente entre deux travaux plus graves. Il n’en demeure pas moins pertinent par certaines réflexions quant à notre place dans le monde, notre fonction, notre utilité, nos centres d’intérêt, notre caractère éphémère. Autant de sujets autours desquels ce smartphone dégouté des doigts des humains et ce balayeur sans ambition vont discourir, se découvrant des points communs comme des points de divergence. Soyons clairs : pour un recueil de gags, cet album n’est pas spécialement hilarant. Mais il est suffisamment pertinent pour que l’on se dise à l’occasion « ah oui, bien vu », ou pour qu’à d’autres moments on s’interroge sur notre société et la place que nous y occupons ou octroyons aux objets du quotidien. Une œuvre d’humour philosophique, donc. Et sa forme importe peu puisque l’essentiel passe ici par le verbe. Le dessin est donc très épuré, assez statique. La structure se compose d’une planche consacrée à un gag suivie d’une planche de transition dans laquelle ne figure qu’un seul dessin qui fait le lien entre le gag de la planche précédente et celui de la planche suivante. Se dessine ainsi un récit complet dans lequel les personnages évoluent et se dévoilent. Dans l’ensemble, c’est plutôt bien fait, très original dans son concept mais jamais hilarant. L’album d’une pause, tant pour son auteur que pour ses lecteurs… mais une pause qui n’empêche pas de réfléchir. Et rien que pour ça, cet album vaut le coup d’œil.
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