Halifax, mon chagrin
Meurtres en série à Halifax. "L’intrigue à suspense constitue la colonne vertébrale de ce récit magnifiquement illustré. Toutefois, plusieurs autres thématiques viennent l’alimenter : Des faits historiques méconnus en lien avec des catastrophes maritimes y sont évoqués, celle du Titanic étant la plus célèbre. Mais il est aussi question de discrimination raciale et de violences institutionnelles envers les minorités. Cette cruelle réalité y est dépeinte simplement, sans verser dans le réquisitoire ou la caricature." (texte de l'éditeur)
1900 - 1913 : Du début du XXe siècle aux prémices de la première guerre mondiale 1914 - 1918 : La Première Guerre Mondiale Canada Croquemorts et fossoyeurs Les petits éditeurs indépendants Marine moderne Serial killers Titanic
A l’automne 1917, Halifax connait une série de meurtres par noyade incompréhensibles. Quelqu’un en veut manifestement aux personnes présentes sur le Mackay-Bennett, le bateau ayant procédé à la récupération des corps des victimes du Titanic. Les enquêteurs découvrent en effet que les victimes sont les « décideurs » faisant partie de l’équipage : croque-mort, révérend, docteur, embaumeur, glacier… une équipe réunie par une entreprise funéraire locale qui a tout organisé dans l’urgence de la catastrophe. Le gérant de cette entreprise s’appelle Roy Collins. Il est d’origine indienne. En général, cela n’aide pas à se sortir de situations délicates…
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Date de parution | 26 Avril 2021 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
L’intrigue se déroule à Halifax, porte d’entrée du Canada sur l’Atlantique nord, dans les années 1910. Cette ville a directement été liée à plusieurs catastrophes durant cette période. Celle du Titanic (c’est là qu’ont été ramenés et en partie enterrés plusieurs centaines de corps du célèbre naufrage). Mais aussi deux autres presque autant si ce n’est plus fortes, même si moins médiatisées (je ne les connaissais pas) : le naufrage de L’Empress of Ireland (presque autant de morts) et l’explosion d’un navire de munition français ravageant la ville. L’intrigue est directement liée au naufrage du Titanic (les victimes ayant participé à l’expédition montée pour ramener les corps « flottant à la surface »). Les cadres historique et géographique sont bien plantés. Le cadre social aussi, avec ce « ghetto » noir (« Africville ») et surtout le héros, d’origine amérindienne (celui-ci fait de nombreuses allusions aux « pensionnats » dans lesquels les enfants autochtones étaient « civilisés »). Et les suites du naufrage du Titanic (quelles victimes rapatrier, quelles autres laisser à la mer). A ce cadre bien posé et exploité, il faut ajouter un autre atout, à savoir le dessin de Regnauld. Comme avec Balle tragique pour une série Z, j’ai eu du mal à m’y faire, mais je l’ai rapidement trouvé agréable et original. Pour ce qui est de l’histoire elle-même, c’est une enquête policière autour d’un tueur en série. Elle se laisse lire facilement. Mais je l’ai trouvée un peu faiblarde, manquant de densité, de surprise (l’identité du meurtrier se laisse deviner bien en amont de la résolution de l’enquête). Une lecture sympathique, même si je suis moins enthousiaste que dans l’avis précédent.
En cherchant comment exprimer mon ressenti sur cet album, j’ai repensé à « Automne en baie de Somme ». Pourquoi ai-je adoré Halifax alors qu’il présente bien des similitudes au niveau de la construction de son récit avec Automne en baie de Somme ? Où se fait la différence dans mon appréciation ? Dans les deux cas, nous avons un récit de type policier dans lequel le théâtre historique joue un grand rôle. Dans les deux cas, l’intrigue policière n’est pas la plus extraordinaire qui soit. Pourtant, j’ai adoré l’un et trouvé l’autre quelconque… Halifax, c’est d’abord un dessin, un style, une patte ; celle de Pascal Regnauld, un auteur rare qui me fascine. Un trait ultra-lisible, une colorisation à la fois franche et nuancée, un encrage inversé (les contours des personnages sont blancs et non noirs comme c’est le cas dans 99 pourcent des albums de bande dessinée). Dès que j’ouvre un de ses livres, je suis happé par le dessin, j’ai envie de lire l’histoire. C’est fascinant de pureté, ce trait a la beauté de l’évidence. Halifax, c’est ensuite un contexte historique. Deux accidents maritimes ont marqué la ville qui servit ainsi de base arrière pour le repêchage des cadavres du Titanic. Et là encore se trouve un des points forts du récit : cette évocation de la récupération des corps des victimes du Titanic, flottant dans des eaux glacées, avec tous les problèmes de logistique qu’elle entraine. C’est le genre d’anecdote historique qui me fascine. Et ce n’est qu’un des aspects historiques développés par cet album, et nous naviguons ainsi dans les eaux de la petite histoire derrière la grande histoire, loin de ce que l’on nous enseigne à l’école mais proches de ce qui fait que l’humanité est telle qu’elle est. Halifax, ce sont des personnages marquants autant que marqués. Marqués par l’histoire autant que par les événements fictifs auxquels ils sont confrontés. J’ai aimé ces gueules, à commencer par celle du héros, Roy Collins, qui dégage cette impression d’être aussi déterminé que désabusé. Halifax, enfin, c’est une enquête policière. Pas la plus incroyable qui soit (comme je l’ai dit en début de chronique) mais qui permet de faire le lien entre les deux tragiques naufrages sans trahir les faits historiques avérés, qui nous tient en haleine quand bien même on devine rapidement qui est l’assassin et, enfin, lorsque l’on se dit que c’était quand même un peu facile, qui nous apporte une petite information en plus qui éclaire le personnage sous un nouvel angle, le rendant plus crédible. En fait, pour moi, Halifax aurait été un ‘sans-fautes’ si l’intrigue policière avait été un peu moins linéaire. En l’état, c’est juste franchement, mais vraiment franchement bien ! Je recommande chaudement !
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