Journal inquiet d'Istanbul

Note: 3.88/5
(3.88/5 pour 8 avis)

L'histoire vraie d'Ersin Karabulut, célèbre artiste de bande dessinée turc ; son parcours des banlieues déshéritées d'Istanbul aux sommets de l'édition et de la presse satirique ; comment il vécut, parfois en première ligne, les bouleversements et l'agitation politique de son pays, une Turquie transitant lentement d'une démocratie à un régime autoritaire.


Autobiographie Futurs immanquables La Turquie Profession : bédéiste

En même temps qu'il raconte son parcours d'artiste et de citoyen lambda, Ersin Karabulut dresse le portrait d'un pays tiraillé par des antagonismes politiques et sociétaux profonds, dont l'histoire récente est faite de coup d'états, d'espoir, de désillusion et de drames.

Scénario
Dessin
Couleurs
Traduction
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 19 Août 2022
Statut histoire Série en cours 1 tome paru
Dernière parution : Plus de 2 ans

Couverture de la série Journal inquiet d'Istanbul © Dargaud 2022
Les notes
Note: 3.88/5
(3.88/5 pour 8 avis)
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17/08/2022 | Mac Arthur
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Par Emka
Note: 4/5
L'avatar du posteur Emka

Karabulut nous parle ici de son enfance, de ses débuts dans la BD, et surtout de son parcours dans un pays où la liberté d’expression se réduit comme peau de chagrin dans une sorte de carnet de bord.Ce qui rend l’album fort, c’est ce mélange entre le quotidien presque banal et les tensions politiques qui montent en toile de fond dans une Turquie en pleine mutation. Il y a des moments drôles, d’autres beaucoup moins, mais toujours avec cette impression de quelque chose qui se détériore petit à petit. Visuellement, c’est efficace, on est dans la même veine que Les Contes ordinaires d'Ersin Karabulut que j'ai beaucoup aimé. Son style de dessin est assez simple, sans trop de fioritures, mais ça marche bien. Les visages sont très expressifs, ce qui colle parfaitement à l’ambiance tendue du récit. L’histoire en elle-même est intéressante, mais elle ne cherche pas à en faire trop. Karabulut raconte sa vie, ses galères pour devenir dessinateur dans un contexte où critiquer le pouvoir peut coûter cher. Il y a un côté très humain dans ce témoignage, sans qu’il ne devienne trop lourd ou dramatique. Ça fait forcément un peu penser à "L’Arabe du futur" ou Persepolis, mais avec un ton plus détendu, plus proche. Certains passages sont un peu plus légers, presque naïfs, mais ça ajoute une touche d’authenticité. On sent que c’est un récit personnel, un peu fouillis par moments, mais c’est ce qui fait le charme du livre. Il y a des réflexions sur la liberté, sur l’évolution de la société turque, mais rien de trop appuyé, juste ce qu’il faut pour qu’on se pose des questions. Une BD qui ne cherche pas à impressionner, mais qui touche par sa sincérité, et ce critère est fondamental pour moi dans une autobiographie. C’est un bon point de départ pour comprendre la situation en Turquie, tout en restant accessible. Une lecture plaisante et instructive, sans en faire des tonnes.

03/10/2024 (modifier)
L'avatar du posteur Noirdésir

J’avais découvert cet auteur avec Les Contes ordinaires d'Ersin Karabulut, et je m’étais dit que c’était un auteur à suivre. Ce que confirme cette série, qui démarre franchement bien. C’est une autobiographie relativement classique, mais dans laquelle Karabulut glisse des détails, des arrière-plans qui la rende agréable à lire. La narration est vraiment fluide. Et il n’hésite pas à dresser un portrait sans concession de lui-même, plein d’humour et d’auto-dérision. La façon dont il traite sa copine, ou plus généralement la façon d’utiliser son « aura » d’auteur pour draguer – alors même qu’il montre qu’il est resté longtemps peu « intéressant » pour la gente féminine (une revanche ?). Ses hésitations aussi, lorsqu’il faut prendre son courage à deux mains – ou pas – face à la censure et le début de répression d’Erdogan contre la presse satirique, il ne montre pas toujours une image parfaite de lui-même. Car, en plus, ou en arrière-plan de l’autobiographie pure, qui nous fait découvrir la vocation d’un gamin, d’un ado, et son entrée dans le monde de la Bande dessinée, Karabulut glisse – comme peut le faire Sattouf dans son « Arabe du futur », une peinture de la société turque et de son évolution durant les dernières décennies (autour de son père tout d’abord, puis de lui-même ensuite). On sent que la figure et la politique d’Erdogan vont prendre une place centrale dans cette série – et j’imagine influencer très fortement la trajectoire de Karabulut, le poussant à l’exil. Cette autobiographie nous donne aussi certaines clés de lecture pour ses « contes » évoqués plus haut, qui sont finalement un autre versant de sa vision de l’évolution de la société turque, mais montrée de façon noire et cruelle. Un auteur à suivre donc, et une série à lire en tout cas.

19/05/2024 (modifier)
Par grogro
Note: 4/5
L'avatar du posteur grogro

Il manque un petit je ne sais quoi à cette BD pour que j''en fasse un coup de cœur, mais elle est vraiment très bien. J'hésite encore... Le dessin est chouette, clair, et très cartoonesque dans l'ensemble, le trait fin, mais l'auteur laisse entrevoir à plusieurs reprises d'autres facettes de son talent en s'illustrant dans d'autres styles plus... "sérieux" disons (à défaut d'un terme plus adapté). J'aime cette histoire simple et honnête où le lecteur est embarqué dans la vie intime de l'auteur, dans ses relations familiales, ses dilemmes, mais également dans le flot historique. J'ai aimé me sentir en empathie avec cette jeunesse turque qui vomit la dictature d'Erdogan. C'est toujours un bol d'air de sentir que la liberté souffle dans le cœur des Hommes du monde entier. La grande internationale humaniste ?... Dis comme ça, c'est vrai que c'est naïf, mais on sent clairement cette dimension universelle. Car oui, je pense que où que nous soyons sur la planète, nous aspirons tous au bonheur et la liberté, la liberté de faire advenir ce qui en nous, demeure profondément en germe. Oui, en plus d'être naïf, ça sonne grave, presque tragique. Mais là est la force de ce jeune auteur : il sait prendre de la distance avec tout ça, fait preuve d'humour, dose parfaitement les émotions traversées que le lecteur devine omniprésentes. En clair, cette BD respire la vie ! Et aussi ce constat : la BD, c'est quand même un truc de gauche ! Blague à part, Ersin Kalabulut est un auteur à suivre.

17/05/2024 (modifier)
L'avatar du posteur AuroreYoyo

Coup de cœur pour cette bd que j’ai mis longtemps à lire après être allée la chercher à la bibliothèque quand on me l'a recommandée suite à la lecture de Dissident Club. La raison : le dessin me rebutait, j’avais l’impression de voir un dessin animé satyrique pour adultes . Mais en fait on s’habitue à ce dessin plein de caractère dont j’ai aussi apprécié le côté « volumineux » des formes . L’histoire est très intéressante, à travers l’autobiographie de l’auteur qui parle de pourquoi il a voulu faire du dessin depuis petit, on voit les intimidations des religieux sur sa famille, les angoisses de son père. L’artiste est vraiment sympathique et courageux mais montre aussi ses mauvais côtés quand il fait le filou avec sa copine …lol Je vais m’arrêter à ce tome 1 je crois car j’adore la fin.

14/02/2024 (modifier)
Par gruizzli
Note: 4/5
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J'aime beaucoup ce genre de BD, qui mêle la "simple" autobiographie avec une expérience d'un pays et de son évolution politique. Une fois dis ça, on a à peu près fait le tour de ce qui se trouve dans la BD : le début de la carrière d'Ersin Karabulut, l'évolution de la Turquie et l'arrivée au pouvoir d'Erdogan. L'intérêt ici est surtout la vision que Karabulut donne de la Turquie pré-Erdogan et surtout l'arrivée au pouvoir de celui qui est considéré aujourd'hui comme un dictateur en puissance. L'histoire est assez saisissante, car en plus de la découverte du métier de dessinateur dans laquelle l'auteur ne se présente pas toujours sous son meilleur jour, c'est surtout l'inquiétude d'une Turquie en proie aux troubles sociaux qui se verront violemment pacifier par Erdogan. Je comprends mieux la façon dont ce dictateur à pu s'imposer dans un tel pays, mais vu de l'intérieur c'est effrayant. La période où l'extrême droite tue dans les rues à de quoi faire accepter n'importe quel dirigeant légèrement autocratique. J'aime beaucoup le déroulé de l'histoire, où Ersin comprend petit à petit la réalité de son pays tandis qu'il présente la bande-dessinée comme un art subversif qui lui permets à la fois de parler de ses névroses et ses peurs (ce qui se sent très bien dans Les Contes ordinaires d'Ersin Karabulut) mais aussi de se moquer d'un pouvoir et de s'affirmer, en tant qu'auteur et en tant que personne. La scène de la maman d'un petit garçon qui veut faire auteur est vraiment émouvante et montre bien que l'auteur parle ici de ce qui le touche dans son métier. Le dessin est plus précis que ce que j'avais vu de l'auteur, notamment parce que le style semble avoir été désormais fixé. J'aime beaucoup la façon dont il représente les personnages, laissant une belle place aux expressions et au ressenti. Le déploiement des cadrages renforce les impressions, entre la peur constante, le poids des mouchards, les moments de gloire personnel. Ersin fixe son trait et l'exploite à bon escient. Je suis intéressé de voir la suite, le premier tome étant déjà bien fourni en lui-même et presque lisible comme un tome indépendant. Je suis en attente de la suite, sans être d'un enthousiasme débordant mais très vivement intéressé. C'est le genre de BD qui n'apporte pas grand chose sur la questions des auteurs de BD, mais qui surtout est intéressante sur la question de la Turquie contemporaine. Un pays qui mérite bien ce genre de BD !

16/05/2023 (modifier)
Par Ro
Note: 4/5
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C'est loin d'être la première BD que je lis qui raconte la jeunesse et le parcours de son auteur, comment lui est venu la passion de la BD et comment il en a fait sa carrière. Toutefois c'est bien la seule qui m'a montré de cette manière la vie et la situation politique en Turquie des années 70 aux années 2000. Et elle m'a appris beaucoup de choses. J'ai réalisé à sa lecture à quel point ma vision de la Turquie était faussée par les clichés que j'en avais et le peu que j'en avais vu, via des films comme Midnight Express ou le premier tome de Largo Winch. J'y voyais un pays corrompu et autoritaire, mais avec une vision aussi simple que celle que je pouvais avoir de pays africains avec un président à vie à leur tête et des autorités corrompues. Il me manquait un élément essentiel, à savoir à quel point la modernisation du pays par Atatürk avait paradoxalement entrainé des années plus tard l'exacerbation d'extrêmes entre les prodémocratie laïques, les ultra-nationalistes et les musulmans radicaux. Je n'avais aucune idée de la dangerosité du pays dans les années 70 quand la population civile était entre le marteau et l'enclume d'une guerre civile larvée et maffieuse entre radicaux de gauche et de droite. Je n'avais pas non plus une vision claire du rôle de l'armée ni de la montée de l'islamisme politique et de la pression sociale agressive dont ils ont pu faire preuve ensuite sur la population, pas plus que de la manière dont Erdogan avait réalisé son ascension au pouvoir avec ce soutien islamiste à peine masqué. Alors que Journal inquiet d'Istanbul raconte purement la jeunesse de son auteur, c'est bien par son biais que j'ai pu découvrir tout cet aspect de la Turquie que je connaissais trop mal. Mais est-ce qu'un contenu instructif suffit à faire une bonne BD ? Non, mais dans le cas présent, un dessin de bonne qualité et une narration très fluide et agréable le permettent pour de bon. Je ne connaissais pas Ersin Karabulut. Ses personnages très caricaturaux ont un temps masqué à mes yeux son talent graphique mais ses décors réalistes et très soignés m'ont convaincu. J'apprécie aussi l'élégance de sa colorisation. Sa mise en scène est simple mais efficace et la lecture coule avec fluidité. On ne s'ennuie pas, il y a toujours une légèreté dans le ton qui contraste avec le sérieux du fond et évite le pathos. Au-delà de l'aspect instructif de l'histoire concernant la société turque de la fin du 20e siècle à nos jours, le personnage principal est relativement attachant et son parcours intéressant. On comprend notamment combien le fait de s'être définitivement engagé dans la carrière artistique a été pour lui complexe et largement moins anodin que ça aurait pu l'être dans un pays purement démocratique et libre, et à quel point il a pu être tiraillé entre sa passion et la peur qu'elle engendrait pour sa famille qui tenait tant à lui. A priori, une suite est annoncée mais ce simple premier tome se suffit déjà très bien à lui-même.

03/01/2023 (modifier)
Par Canarde
Note: 3/5 Coups de coeur expiré
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Les débuts d'un jeune auteur de BD en Turquie. Un dessin et un regard agréable, sur un sujet nouveau pour moi, mais qui rappelle le Persepolis de Marjane Satrapi en Iran, ou L'Arabe du futur de Riad Satouf dans les périodes syriennes, c'est-à-dire le regard d'un enfant sur une dictature en formation. Des points communs donc entre ces trois récits : la distorsion entre le regard d'un enfant qui fait part de ses observations judicieuses sur un environnement que les adultes ne peuvent percevoir de la même façon, grippés qu'ils sont par la peur, l'inquiétude, la résignation ou l'indignation. Une part d'humour donc provoqué par ce décalage enfants/adultes et observation factuelles/motivations politiques. Les trois livres ne vont pas cependant aussi loin que le Guide Sublime de Fabrice Erre qui s'affranchit complètement de la réalité pour mettre son dictateur imaginaire aux prises avec le ridicule de ses décisions, un ridicule qui arrive presque à désarçonner ses bras droits. Ici nous sommes les deux pieds dans la réalité historique Turque, plus récente toutefois que celle retranscrite en Iran par Marjane Satrapi qui remonte au shah et même rêve à la naissance de la Perse. L'environnement social d'Ersin Karabulut (quel nom dépaysant) est constitué de personnes éduquées et plutôt modérées, mais pas très riches et qui ne souhaitent pas faire de vague. Ici peu de référence à une famille élargie comme dans les deux autres albums, c'est le milieu des revues de BD qui l'intéresse, et la montée des barbus qui est le principal ressort dramatique, c'est peut-être pour ça que je suis moins emballée. On sait peu de chose de l'histoire de sa famille, que fait sa sœur, etc... et finalement, cela manque d'épaisseur psychologique Le coup de cœur porte surtout sur le dessin : un caractère des visages qui me rappelle un peu Derf Backderf (Mon ami Dahmer) , du comics underground, mais adouci par la colorisation aquarellée. A mesure que l'enfant grandit, sa vision du monde semble devenir plus proche de la réalité et le dessin devient, lui aussi, plus réaliste. Des photos en fin d'album permettent d'en juger. Ce passage de la caricature comique vers le dessin sensible et précis laisse imaginer un avenir différent pour cet auteur. En tout cas retenez ce nom : Ersin Karabulut, prononcez-le à haute voix, pour le plaisir : je pense qu'on entendra parler de lui...

23/11/2022 (modifier)
L'avatar du posteur Mac Arthur

Je ne trouve pas cette autobiographie exceptionnelle, d’un point de vue narratif… mais je la trouve extrêmement intéressante du fait même que son auteur est originaire de Turquie. Et de ce simple fait découlent deux centres d’intérêt pour moi : découvrir le milieu de la bande dessinée en Turquie et voir la situation politique de la Turquie au travers du regard d’un de ses habitants. Ce premier volume me comble de ces deux points de vue. J’en ai, de fait, beaucoup appris sur le milieu de la bande dessinée en Turquie, avec des passages réellement étonnants comme le redécoupage et remplissage des blancs dans les albums de Tintin. Et d’un point de vue politique, les réflexions de l’auteur, ses craintes et ses doutes donnent une vision très nuancée de ce que sont la gauche et la droite en Turquie, avec une gauche qui laisse la porte ouverte à un intégrisme religieux et une droite militaire qui semble être garante de liberté d’expression… ou pas. C’est en tous les cas très éloigné de la vision que j’aurais pu avoir de prime abord, l’image donnée est plus complexe et parfois carrément effrayante. La manière dont Ersin Karabulut se met en scène est également notable. Son récit transpire de sincérité et il n’hésite pas à s’attribuer un rôle de salaud à l’occasion (sa relation avec sa première vraie petite amie en est un bon exemple). Reconnu pour ses talents de caricaturiste, il reste dans cette voie même lorsqu’il s’agit de faire son autocritique. Son trait est ici moins travaillé que dans d’autres travaux que j’ai pu lire de lui mais il garde ce style caricatural à la limite du grotesque. Les planches sont très expressives et, visuellement, c’est dynamique et agréable à lire. Plus intéressant du fait des origines de son auteur que grâce à une quelconque innovation au niveau narratif, cette autobiographie nous permet de découvrir un pays pas spécialement reconnu pour sa bande dessinée et plutôt critiqué pour sa politique tant intérieure qu’extérieure au travers du regard d’un auteur concerné au premier degré par ces deux aspects.

17/08/2022 (modifier)