Très chers élus - 40 ans de financement politique
Dans cette nouvelle enquête choc, deux journalistes de la Cellule investigation de Radio France analysent les dérives qui empoisonnent la démocratie et alimentent la défiance à l'égard de toute la classe politique.
BD Reportage et journalisme d'investigation Documentaires Politique
Elodie Guéguen et Sylvain Tronchet ont enquêté sur l'argent du pouvoir (de N. Sarkozy à J-L. Mélenchon en passant par E. Macron ou S. Royal...). La loi française a beau être stricte, sans moyen la transparence est loin d'être acquise. Erwann Terrier utilise son style inimitable et son sens de la dérision pour ouvrir les valises et éplucher les comptes de campagne de nos très chers élus.
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Date de parution | 07 Septembre 2022 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Vous avez vu combien coûte une campagne présidentielle ? - Ce tome contient un essai complet, indépendant de tout autre. Il s’agit d’une enquête sur le financement de la politique en France, enquête réalisée par Élodie Guéguen & Sylvain Tronchet, dessinée par Erwann Terrier, et mise en couleurs par Degreff. La première publication date de 2022. L’ouvrage comporte cent quarante-six pages de bande dessinée. Il s’ouvre avec une introduction des deux journalistes : pour conquérir le pouvoir, l’argent est le nerf de la guerre ; il est aussi, généralement, celui par qui le scandale arrive. Il se termine avec un post-scriptum écrit par les auteurs évoquant le délai de sept à huit mois pour la réalisation et la parution du rapport sur les comptes de campagne de l’élection présidentielle de 2022, un entretien de deux pages avec Jean-Philippe Vachia (le président de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques), et un entretien croisé avec les anciens magistrats Jean-Louis Nadal (procureur général près de la cours de cassation, puis président de la Haute Autorité de la transparence de la vie publique) et Yves Charpenet (directeur des affaires criminelles des grâces du ministère de la Justice). Lors de la campagne présidentielle de 2022, dans un salon de l’Élysée, Emmanuel Macron reçoit son équipe avec petits fours et champagne. Dans un petit groupe, un conseiller fait le point : fiscal year 16 a été une année de super croissance pour eux. Ils ont eu de très bons wins. Jamais personne dans l’histoire n’a fait un grand win sans grands efforts. Parce que la valeur travail, elle est au centre de leur équation. Mais c’est leur culture d’entreprise dont il est le plus fier. Elle est business-focus. Intense et ambitieuse. C’est une culture de fight. Ils n’ont pas peur de dire que construire une grande boîte c’est un combat. Et âmes sensibles s’abstenir. Un conseiller plus âgé s’éloigne pour aller se rafraîchir aux toilettes, tout en pestant contre ce jargon de la culture de Fight. Il retourne dans le grand salon mais cogne la porte contre le coude de Macron qu’il n’avait pas vu. Christian Dagnat est au micro, un banquier qui lève des fonds pour le candidat. Il explique aux donateurs potentiels qu’ils peuvent donner jusqu’à 7.500€ par an, et qu’en faisant de même au nom de leur épouse, ils peuvent monter jusqu’à 15.000€. Puis c’est au tour de Macron lui-même de prendre la parole pour indiquer le montant de levée de fond qu’ils ont atteint à ce jour, et les modes de financement complémentaires à venir, y compris le fait qu’il va s’endetter personnellement à hauteur de 8 millions d’euros. Puis il remercie les participants, alors qu’un conseiller distribue des formulaires de dons. Sur un marché découvert parisien, des militants distribuent des tracts pour la campagne 2022. Sylvain arrive en trottinette et rejoint Élodie : ils ont rendez-vous avec Monsieur X, leur source. Ils l’aperçoivent en train de les attendre sur un banc. Ils lui rappellent qu’ils souhaitent échanger avec lui au sujet de leur enquête sur le financement de la vie politique française. En guise d’introduction, il répond que l’argent est essentiel à la conquête du pouvoir. Il a tout vu de l’arrière-boutique des partis sous la Ve république. Pas facile de donner un aspect visuel à une enquête journalistique, encore moins quand il s’agit de quelque chose d’un peu abstrait comme le financement des partis politiques et des élections. Les auteurs ont pris le parti d’une forme de promenade dans Paris avec un arrêt pour prendre un café, au cours de laquelle les deux journalistes Élodie Guéguen & Silvain Tronchet se mettent en scène en train de discuter avec un monsieur en imperméable et chapeau mou, promenant son chien, qui incarne l’amalgame de plusieurs de leurs informateurs, sous les traits de Monsieur X, vraisemblablement la soixantaine, et ayant connu plusieurs décennies de fonctionnement des partis politiques, de l’intérieur. Le lecteur bénéficie ainsi d’une longue promenade au cours de laquelle il reconnaît la tour Eiffel, des sorties de station de métro, le mur d’enceinte de l’Élysée, les arcades de la rue de Rivoli, la porte d’entrée du Conseil Constitutionnel avec sa magnifique sphinge, la place Vendôme, la pyramide du Louvre, les bouquinistes des quais de la Seine, la passerelle des arts, la place du colonel Fabien, Les Deux Magots, le jardin du Luxembourg, la promenade le long des quais de la Seine à Paris, le ministère des finances, la place de la Bastille, etc., pour finir place de la République devant le monument à la République du sculpteur Léopold Morice. Au fil de cette déambulation, les trois interlocuteurs évoquent des affaires ayant été couvertes par les médias, les déclarations des hommes et femmes politiques mis en cause, ainsi que certains de leurs collaborateurs, le dessinateur reproduisant avec fidélité leur apparence, ce qui permet de les identifier aisément. Ces séquences souvenirs emmènent le lecteur dans des endroits très variés à chaque fois bien représentés : un salon de l’Élysée, un chantier de construction, la piscine de pièces d’or de Picsou, le plateau du journal de vingt heures, la roche de Solutré, l’hémicycle de l’assemblée nationale, les bureaux des quartiers généraux de campagne des candidats, des bureaux de police pour interrogatoire, le meeting de Villepinte où se produit Nicolas Sarkozy, le parlement européen, le festival d’Avignon, le circuit des vingt-quatre du Mans, une riche propriété avec une piscine, un loft luxueux, les marches du festival de Cannes, etc. Ces images peuvent illustrer littéralement ce que dit le texte, avec éventuellement une légère redondance, comme elles peuvent aussi introduire une touche d’ironie, de sarcasme, de caricature ou de moquerie ouverte. Par exemple, François Fillon effectue un trajet en voiture du Mans à Paris : il conduit une formule 1 sur le circuit automobile, et une jeune femme se tient sur la piste avec un panneau d’avertissement pour le pilote, sur lequel est marqué Rends l’argent ! D’un côté, les auteurs ont effectué un gros travail de préparation pour que la narration visuelle apporte des éléments supplémentaires au texte de l’enquête, que ce soit une prise de recul ou une touche humoristique. D’un autre côté, la narration visuelle est entièrement asservie à cette restitution d’enquête qui s’avère être à charge. Le titre le laissait supposer : la formulation Très chers élus dirige vers le coût de la vie politique, le coût de la démocratie en quelque sorte. Les deux journalistes évoquent les affaires comme Elf. Cogedim. Urba. Françafrique. Fonds spéciaux Matignon. DCN. Luchaire. Etc. Les sources de financement avérés comme les entreprises de BTP, les offices HLM, Bygmalion, etc. Ils citent explicitement les affaires judiciaires avec condamnation et celles avec de forts soupçons, mettant nominativement en cause Patrick Balkany, François Léotard, Gérard Longuet, Alain Madelin, Claude Guéant, Christian Nucci, Roland Dumas, Éric Woerth, Sophia Chikirou, Wallerand de Saint-Just, Marine Le Pen, François Bayrou, Sylvie Goulard, Marielle de Sarnez, Philippe Laurent, Ségolène Royal, François Fillon, Emmanuel Macron, Anne-Christine Lang, et quelques autres. Ils reprennent chronologiquement les astuces et les malversations avérées pour financer les partis et les campagnes, soit en transgressant la loi, soit en la contournant : fausses factures, les marchés publics avec commission entre 3% et 5%, le brigandage municipal pour l’attribution de site pour grandes surfaces, les fonds secrets de Matignon, les surfacturations, les rétro-commissions, les mallettes d’argent en billets de banque, les sous-facturations, les assistants rémunérés par l’Assemblée Nationale ou le parlement européen, la création de micros partis pour cumuler les dons, les instituts de formation, les fondations adossées à des partis politiques, etc. L’inventivité en la matière force le respect, et constitue une ode à la créativité. Les auteurs se sont fixés comme objectif de prouver la réalité des fraudes, de détournement d’argent public et d’abus de bien sociaux. Leur énumération de faits avérés fonctionne comme un faisceau de preuves, finissant par être accablant. Pour autant, le ton n’est pas au réquisitoire assoiffé de sang. Ils savent faire preuve d’humour, que ce soit avec des anecdotes énormes (deux Tupperwares remplis de billets, enterrés dans les bois par Didier Schuller et déplacés par des sangliers ayant creusé), un dépôt en billets dans une banque pour un montant de dix millions de francs. Ils ne se contentent pas de pointer du doigt pour accuser : ils se livrent également à une analyse de l’effet des différentes lois relatives à la transparence financière de la vie politique, du fonctionnement de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques créée en 2005. Ils reprennent l’analyse de Julia Cagé dans son livre Le prix de la démocratie (Fayard, 2018), aboutissant à la conclusion que les généreux donateurs fortunés profitent à plein des réductions d’impôts et voient leurs préférences politiques massivement subventionnées par l’ensemble des contribuables, et en prime bénéficier d’une politique qui leur est financièrement favorable une fois leur candidat au pouvoir. À l’occasion d’une page ou d’une autre, le lecteur s’aperçoit également que les auteurs et l’artiste se sont coordonnés pour une autre forme d’interaction, la situation montrée commentant ironiquement les faits évoqués. Par exemple, François Mitterrand et son aréopage effectuent l’ascension de la Roche de Solutré, et le président doit se débarrasser d’un caillou dans sa chaussure, alors qu’il pense en même temps à la manière de blanchir son collaborateur Christian Nucci dont les actions génèrent une gêne comme un caillou dans une chaussure. De la même manière, les différentes activités dessinées en arrière-plan pendant la promenade dans Paris recèlent le plus souvent une action publique qui se trouve directement impactée si l’argent public est détourné. Une enquête sur le financement des partis et des campagnes politiques en bande dessinée : certainement un essai touffu avec des illustrations qui peinent à apporter des éléments visuels supplémentaires. Au départ, le lecteur se dit qu’il y a un peu de ça, mais dans le même temps la lecture s’avère très agréable, sans le côté pesant qui peut accompagner des exposés denses en information. La balade dans Paris semble relever d’un dispositif artificiel gratuit, mais plusieurs séquences finissent par mettre la puce à l’oreille du lecteur : il y a un effet de résonance subtil et élégant entre les lieux traversés et les activités montrées, avec les malversations évoquées. La démonstration est à charge, ce qui est affiché explicitement dès le début, tout en expliquant des mécanismes très divers et très astucieux. Les auteurs ont l’honnêteté intellectuelle de poser la question caricaturale : Tous pourris ? Ils apportent une réponse nuancée et justifiée, et leur enquête fait autant la démonstration de l’utilisation détournée de fonds publics, que de l’amélioration lente mais aussi progressive de la transparence dudit financement, et de l’augmentation du nombre d’enquêtes, de procès et de condamnation. Extraordinaire enquête, restituée avec une intelligence malicieuse.
Cette collection publiée en coédition par Delcourt et La Revue dessinée confirme, album après album, sa grande qualité et son intérêt. Car encore une fois, les auteurs réussissent parfaitement leur pari d’intéresser, de captiver, d’informer, sans être jamais lourd, ou trop indigeste. La narration est en effet très fluide, jamais lassante. Les personnages de la BD rendent vivante cette enquête, et les dialogues et certaines situations jouent même sur l’humour, pour aérer le « récit ». Et ça n’est pas inutile ! Car on a là une longue suite de foutage de gueule, d’hypocrisies, de la part de Tartuffe qui sont ceux qui ont dirigé le pays depuis quelques décennies. Quelques scandales plus médiatisés (mais des lois récemment tentent de juguler le pouvoir d’investigation des journalistes) ont certes permis quelques avancées dans le contrôle de l’utilisation de l’argent public par les élus, mais « à contre-cœur », avec des limites, et quasiment aucun élu n’est condamné (lorsqu’il est poursuivi) et c’est alors du sursis. L’accumulation des faits dans cet album est déprimante – mais la lecture régulière du Canard enchaîné m’a hélas habitué à ce genre d’étalage – et au fait que nos « décideurs », nos « représentants » continuent à ressentir l’impunité qui les protège. Balkany, Sarkozy, Chirac et consorts, Tartuffe se présentant comme d’inflexibles défenseurs de la loi, pérorant contre les incivilités des pauvres des quartiers populaires, sont réellement les principaux fossoyeurs d’une démocratie dont ils bafouent les valeurs à longueur de journée. La lecture est plaisante, mais induit le malaise, faut-il rire ou pleurer ? Je ne sais pas. Mais ce genre d’enquête est salubre. A ma connaissance aucun élu n’a porté plainte pour diffamation, les accusations sont donc recevables. Mais resteront sans conséquence : la prison c’est pour les autres. Et Macron, qui a – comme beaucoup de choses, en bon avocat d’affaire (comme Sarkozy) – optimisé le système, profite à plein du système, qu’aucun parti ne dénonce et ne combat réellement, chacun trempant dans la mouise. Quant aux institutions censées contrôler les comptes des élus, les exemples cités ici démontrent leur inefficacité – voulue, car bridée. Instructif, énervant, mais à lire. Après, que faire ?
Voici une BD que je souhaitais vraiment apprécier. J'espérais un brûlot dénonçant les magouilles et astuces plus ou moins légales utilisées par nos élus pour financer leur parti, leurs campagnes, que l'on soit pris de vertiges par les conséquences légales ou législatives de ces financements (telle loi pour favoriser telle classe sociale, tel marché public pour récompenser tel don d'une entreprise, etc.). Ce n'est malheureusement point le cas. Le problème est double : - Premièrement, j'étais au fait de la très grande majorité des faits rapportés (j'espérais davantage de découvertes avec cette enquête Radio France, qui est donc bien davantage un recensement qu'une nouvelle enquête), et ceux-ci sont à peine étudiés et mis en perspective. C'est de la donnée brute, très parcellaire et à peine retravaillée. Même si assez habilement mis sous forme de BD afin d'élargir le lectorat potentiel de celle-ci. - Ensuite, et cela est fort gênant, des faits de gravité bien variable peuvent être juxtaposés, au risque du nivellement contre-productif. Le "tous pourris" est ridicule d'excès, mais comprendre l'hypocrisie et le jeu avec la loi en cours dans la très grande majorité des grands partis est nécessaire. Certains demeurent purs, le souci ne réside certainement pas dans l'imparfaite loi sur le financement de la vie politique, mais bien dans le rapport qu'ont bien des personnalités politiques avec l'argent public. Reste une pertinente évocation des dérives, une brève explication à celles-ci, mais pas de fine analyse d'un système nourrissant ceux qui le financent grâce à la générosité d'élus redevables sinon corrompus.
Ce n'est pas encore avec cette BD que je vais me raccommoder avec nos "élites" politiques tant les dysfonctionnement de nos institutions ou plutôt le manque de transparence, l'impudence et la cupidité de certains discréditent nos représentants. Elodie Guéguen et Sylvain Tronchet, journaliste d'investigation à Radio-France, nous livrent en effet ici une enquête salutaire et étayée qui pointe d'un côté les dysfonctionnements de notre système et propose de l'autre des solutions ou tout du moins des gardes fou possibles pour y remédier. On pourrait s'attendre à un traitement aride et rébarbatif en s'attaquant à ce genre de sujet, mais c'est là que le savoir faire et le talent d'Erwann Terrier viennent trouver le juste équilibre entre le factuel et le satyrique ou l'humour noir. Certaines de ses allégories ou représentations de certaines situations sont tout bonnement jouissives et drôlatiques ! Reste le fond de cette enquête... Et là, le bilan est loin d'être reluisant pour nos chers élus... Toujours prompts à s'arroger des moyens de façons ahurissantes pour financer leur campagnes et assoir leur position ; jamais responsables de rien et prompts à effacer les ardoises financières et judiciaires, même pour les "ennemis de toujours" (là, pour une fois ils sont solidaires pour éviter les sanctions !!!). On croit rêver ! Bref, un album providentiel à mettre dans toutes les mains pour espérer un jour que cela change et que nos représentants regagnent un peu de la confiance de ceux qui les ont placés sur ces sièges qu'ils ont oublié être éjectables.
Voilà bien une BD d’enquête politique comme on les aime ! Publié conjointement par Delcourt et l’excellente Revue dessinée, « Très chers élus » est le fruit d’un travail méticuleux d'Elodie Guéguen et Sylvain Tronchet, tous deux journalistes de la cellule investigation de Radio France. Le duo s’est appuyé sur des archives diverses (de presse, audiovisuelles ou institutionnelles), des dossiers judiciaires rendus publics et des interviews. Le résultat est un ouvrage salutaire et indispensable, de nature à faire avancer le schmilblick politique et peut-être réduire un tant soit peu le taux d’abstention qui en France ne cesse de croître d’élection en élection… Une fois passée la courte et édifiante introduction montrant Macron implorant la larme à l’œil un parterre de financiers pour l’aider à financer sa campagne de 2017, tout commence un peu à la manière d’un film d’espionnage, avec la rencontre « incognito » des deux journalistes avec un mystérieux Monsieur X, imper, chapeau, écharpe et lunettes rouges, dont on saura seulement qu’il a « tout vu de l’arrière-boutique des partis sous la Ve République ». Des valises de billets aux origines douteuses, des fonds spéciaux Matignon ou de la Françafrique, l’homme, dont la fonction lui a permis de côtoyer les hautes sphères, semble en connaître un rayon sur la question sulfureuse du financement des partis politiques ! Et aucun n’y échappe, y compris Jean-Luc Mélenchon… En résumé, l’ouvrage nous remet en mémoire des affaires qui ont fait la Une ces dernières décennies, notamment les fraudes dans le financement des campagnes de Chirac et Balladur en 1995, à coup de mallettes et autres rétrocommissions (remember Karachi ?). Mais le champion toutes catégories, nous rappelle-t-on, reste Sarkozy, qui avait dépensé en 2012 deux fois plus que la limite autorisée (Bygmalion, ça vous parle ?). Sans parler des factures étrangement gonflées. Tout cela ne serait « rien » si les frais de campagne n’étaient pas remboursés par l’Etat = nos impôts. Cette enquête nous livre également quelques éléments éclairants sur la vie politique : - Les « formations » plus ou moins bidon, en marge des universités politiques (les fameuses universités d’été notamment !) sont entièrement prises en charge par les collectivités locales = nos impôts. - Les micro-partis qui fleurissent avant chaque campagne ne servent qu’à permettre la multiplicité des sources de financement, les donateurs étant bien sûr remboursés, quelque soit le montant engagé (ce qui évidemment profite beaucoup aux plus riches qui ne savent pas toujours quoi faire de leur argent), dans le cadre des réductions d’impôts = nos impôts. Le livre reviendra également sur les frais de mandat dont certains ont profité abusivement jusqu’à gratter le moindre centime, et dont découlent bien souvent les fameux emplois fictifs ou familiaux (cf. le « Penelopegate ») = nos impôts. S’il pourra conforter un moment ceux qui aiment à rabâcher à l’envi l’argument du « tous pourris », cet ouvrage, qui ne tombe pas dans ce piège démagogique, tempérera bien vite leur ardeur à casser systématiquement du politique. De plus, ceux qui sont tentés par les votes extrêmes pour mieux clamer leur ras-le-bol réaliseront que le RN (ex-FN) est loin d’avoir les mains aussi propres qu’il le prétend. Bien sûr, tout ça n’est pas très glorieux pour notre République, mais les auteurs insistent sur le fait que si ces malversations concernent tous les partis, elles n’impliquent pas pour autant individuellement la majorité des hommes et femmes politiques. L’espoir est donc permis, même si la tâche est ardue et que les institutions ont tendance à privilégier une certaine opacité ! Mais d’année en année l’étau se resserre, souvent plus lentement que dans d’autres pays voisins plus pragmatiques (c’est ça la France !), à chaque fois en réponse à la magouille. Des fraudes autrefois tolérées sont de plus en plus remises en cause par la justice… quand bien sûr on lui donne les moyens de faire son travail (Monsieur Macron, un avis ?). « Très chers élus » prouve tout son intérêt en ne se contentant pas de dénoncer mais en fournissant la piste à suivre pour atteindre cette transparence qui semble toujours un peu utopique dans l’Hexagone. Et cette piste nous vient des Britanniques, eux aussi confrontés à ce type d’affaires, lesquels ont mis à disposition du citoyen un site où il est possible de consulter les notes de frais de chaque député. Indéniablement, la trame narrative est très maligne. Plutôt que d’aligner faits et assertions de manière linéaire et fastidieuse, les auteurs, en s’adjoignant les services d’Erwann Terrier, ont su parfaitement utiliser les codes et atouts de la bande dessinée pour embarquer le lecteur, y compris le plus récalcitrant (« Moué… Encore une BD politique chiante par des journalistes à la botte des « merdias » ? »). Ainsi, Elodie Guéguen et Sylvain Tronchet nous livrent une enquête claire et passionnante qui, loin de vous donner des maux de tête, fonctionne en grande partie grâce à son schéma ternaire : d’un côté les deux journalistes qui remplissent leur mission en restant à la fois factuels et "candides", d’un autre ce Monsieur X, qui balance ses infos tout en se faisant paradoxalement l’avocat du diable (et qui parfois s’agace des propos de ses interlocuteurs), et enfin du troisième, le dessinateur Erwann Terrier dont l’excellent trait réaliste effleure subtilement la caricature et répond aux textes avec une causticité jubilatoire – certains portraits peuvent même déclencher des fous-rires incontrôlés ! Un ouvrage chaudement recommandé !
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