La Mer à boire

Note: 3.5/5
(3.5/5 pour 4 avis)

Blutch se lance dans la romance.


Blutch École supérieure des Arts décoratifs de Strasbourg Les petits éditeurs indépendants

Traversant Bruxelles-City d'un pas hésitant, ignorant les conseils d'un vieux sage, B cherche A. Garçonne, venue en calèche, sourde aux avertissements d'une comparse de voyage, A cherche B. A l'Hôtel Métropolis, A se cacherait sous le doux nom d'Incartade. B, enchaîné à un poteau, capturé par des Indiens de cinéma, ne peut que la voir s'échapper à l'horizon. Leur quête se poursuit jusqu'à ce qu'ils se retrouvent, s'abandonnant ensemble dans une profonde intimité, ouvrant la voie à un amour intense, absolu. Dans ces pages somptueusement réalisées, dans une mise en couleur directe à l'encre, un couple se cherche, se forme et cherche à se donner forme. Après La volupté, ou C'était le bonheur, Blutch célèbre la rencontre amoureuse, dans une romance traversée par un sentiment d'urgence, vécue sur un rythme haletant. Texte éditeur.

Scénario
Dessin
Couleurs
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 04 Novembre 2022
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série La Mer à boire © 2024 2022
Les notes
Note: 3.5/5
(3.5/5 pour 4 avis)
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17/11/2022 | Cacal69
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L'avatar du posteur Noirdésir

Déroutant, sans doute clivant, du Blutch quoi. Ici dans le bel écrin des éditions 2024 (couverture et papier épais, avec une colorisation qui fait volontairement un peu vieillot), Blutch nous propose quelque chose d’original. Avec son dessin caractéristique, moderne, proche de l’esquisse parfois, sans jamais paraitre négligé ou bâclé. L’histoire quant à elle est très loufoque, absurde, emprunte allègrement les chemins du surréalisme. Et ce dès l’entame, qui voit une sorte de cow-boy arriver dans un train à vapeur au sommet des montagnes où se trouve Bruxelles (avec vue sur la mer !). Les péripéties qui s’ensuivent s’écartent tout autant du réalisme et du déroulé classique des BD franco-belges, les dialogues ne cherchant pas non plus à ramener le lecteur vers quelque chose de cartésien. Quoi que, au final, Blutch nous y ramène presque. Qui rêvait quoi ? Qui était dans le rêve de l’autre ? « En vérité, lequel de nous eux rêve ici ? » dit la femme à l’homme étendue devant elle dans le dernier dialogue. Et si c’était le lecteur qui rêvait ? Étonnant, jusqu’aux informations habituelles de l’éditeur, qui ne clôturent pas du tout l’album, puisqu’elles sont suivies de 8 pages concluant « l’histoire ». Une lecture agréable, mais aussi énigmatique, une petite curiosité.

02/12/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 4/5
L'avatar du posteur Présence

Je réalise que c'est en arrivant à destination que le véritable voyage commence. - Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Cette bande dessinée compte un peu plus de quatre-vingts pages avec la particularité qu'elle commence dès la deuxième de couverture et s'achève sur la troisième de couverture. Elle a été réalisée par Blutch (Christian Hincker). Elle a été publiée pour la première fois en 2022, imprimée en Italie, en quadrichromie HUV sur un papier Munken Pure Rough de cent cinquante grammes pour le compte des éditions 2024. Un train tiré par une locomotive à vapeur traverse une région montagneuse. Dans un wagon, un vieil homme avec une barbe blanche et une veste à d'apparat agite une cloche en annonçant l'arrivée à Bruxelles, pour vingt-quatre heures d'arrêt. Pour les correspondances, il invite les voyageurs à consulter l'affichage sur le quai. Sur sa banquette, avec son stetson sur la tête, B se parle à lui-même : deux jours de chemin de fer pour arriver jusqu'ici, l'essentiel c'est qu'ils y soient. En bordure de ville, un panneau indique : Bienvenue à Bruxelles, son lac, sa plage, ses montagnes, ses promenades, son casino. Sur le quai de la gare, un homme en habit militaire d'apparat, avec un sabre à sa ceinture, inique à B, la direction de l'hôtel Métropole, dans la ville haute. B se met en marche, il remarque un vrai Peau-Rouge assis sur le trottoir en train de fumer un calumet. Comme c'est pittoresque ! B poursuit son chemin en marchant : il a assez perdu de temps et il touche au but de son voyage. Il a égaré sa monture, et sa réserve d'eau est épuisée. Tout en haut d'une colline, il aperçoit l'hôtel Métropole. Il marche à belle allure, le long d'un escalier aux longues marches. Il arrive devant Daniel l'ermite, en bure, allongé à même le sol, sa tête calée contre un rocher. Daniel sa lue B : ce dernier le corrige car il ne s'appelle plus B. Il voyage son un nom d'aventure, son nom est désormais Espoir-du-soir, et c'est le désir qui l'amène sur les pentes de Bruxelles. Daniel l'enjoint de se garder de tout sentimentalisme. Les hommes doivent se garder de toute complaisance. Ventre affamé n'a pas point d'oreille. B devrait prendre l'arme qu'il lui tend. B s'empare de l'arme et dit au revoir à Daniel tout en lui tirant dessus. B a fini de gravir l'escalier, il traverse d'un bon pas, le parking de l'hôtel où sont stationnées de belles limousines noires. D'abord la réception : il avance toujours aussi déterminé, tout en demandant aux gens présents, de s'écarter car il a rendez-vous avec A. Il se présente à l'accueil et demande à parler à A. le réceptionniste indique qu'il n'y a personne de ce nom. Il ne la reconnaît pas sur le dessin que B en fait. B suggère qu'elle a pu réserver sous un nom d'emprunt, Incartade par exemple. Effectivement, il y a bien une réservation à ce nom, mais la personne n'est pas encore arrivée. B décide d'aller attendre dans le grand salon du bar. Il se rend compte que la conversation de chacune des personnes présentes par petit groupe, évoque A ou le parfum Incartade. Un long voyage en train de deux jours, une locomotive à vapeur, une ville de Bruxelles avec un lac et des montagnes : pas de doute, il s'agit d'une bande dessinée avec une composante onirique. Les situations et les propos ne sont pas à prendre au pied de la lettre, mais comme les divagations d'un flux de pensée, avec ses associations libres, et parfois comme des métaphores. La couverture est très cryptique. le titre renvoie à l'expression : ce n'est pas la mer à boire, pour indiquer que l'obstacle dont l'individu se fait une montagne, n'est pas si difficile que ça à surmonter. En fonction de sa manière de lire une image, le lecteur peut d'abord être attiré par le couple s'enlaçant, ou par l’œil au centre de la composition. Un observateur, géant ou n'appartenant pas au même plan d'existence que les personnages, observe le baiser fougueux de deux voyageurs, l'homme ayant déjà dénudé une partie de la poitrine de la femme, leurs bagages se trouvant derrière chacun d'eux. Ils s'étreignent dans une allée assez large, avec une végétation luxuriante en arrière-plan. C'est donc une histoire d'amour, deux amants qui se retrouvent. Il n'y a pas de géant dans l'histoire : l’œil appartient donc à un observateur externe, celui du lecteur qui s'attache aux pas de B (le monsieur) et à ceux de A (la dame). Peut-être peut-on y voir l’œil de l'auteur dont le rôle est à mi-chemin entre l'invention pure et simple de la vie de ces deux personnages, et la transcription de ce qu'ils lui racontent, ayant pris une forme d'existence indépendante. Le récit commence avec un dessin en pleine page : dans un registre descriptif, avec une palette de couleurs qui met en jeu des nuances de violet, de Parme à Violet d'évêque en passant par Lilas. Ce choix est présent tout du long, jusque dans l'épilogue avec la couleur du teeshirt de A. L'effet s'apparente à un glissement du spectre lumineux naturel vers une sorte de voile, comme si les couleurs étaient légèrement ternies, laissant la sensibilité du lecteur pencher plus du côté du passé ou de l'onirisme. Au cours du récit, B se pose la question de la temporalité suite à une remarque de Chokolé la fée cheyenne : l'année dans laquelle il vit est 2004, mais elle lui dit venir de 2022. L'effet d'irréalité se trouve accentué par l'absence de téléphone portable, des tenues vestimentaires parfois désuètes, que ce soit le contrôleur du train, ou la tenue du groom de l'hôtel évoquant celle de Spirou. D'un autre côté, A & B effectuent un voyage en avion, et la petitesse de la surface couvrante du maillot de bain deux pièces de A laisse penser que le récit se déroule bien à l'époque contemporaine. Les dessins restent dans un registre descriptif du début à la fin, avec un bon niveau de détails, similaire à celui de l'image de couverture. La narration visuelle présente donc le récit avec la consistance d'une réalité concrète. le lecteur effectue ses jugements de valeur au fur et à mesure, repérant les éléments qui appartiennent à un registre fantaisiste. Après tout, B peut bien s'être entiché d'un stetson et le porter de manière naturelle. En revanche le costume du contrôleur ferroviaire et celui du garde sur le quai de la gare relèvent soit du costume d'opérette, soir du dix-neuvième siècle. de même, Daniel le sage allongé à même le sol sur le long escalier menant à l'hôtel Métropole ne peut relever que du rêve ou de la métaphore. B capturé par une tribu d'Indiens : le rêve. Puis attaché à un pieu en bois : une évocation de Tintin en Amérique ? Cette page où un moine est en train de se recueillir avec une tonsure et en robe de bure dans la case supérieure, et Blutch lui-même en train de dessiner à sa table de travail dans la case inférieure : le quatrième mur est brisé. le plus incroyable survient dans les cinq pages suivantes dont quatre dépourvues de mot : A réalise un numéro de funambule sur une corde tendue, attachée d'un côté à un large anneau fixé dans le mur de sa chambre d'hôtel, et de l'autre au sexe turgescent de B ligoté au poteau du campement indien. Pour faire bonne mesure, son numéro d'équilibriste l'amène à passer au-dessus d'une bataille où s'affronte deux armées, l'une défendant une petite maison blanche contre l'autre. Dès le départ, le lecteur est donc invité à participer à ce jeu d'interprétation. Il pourrait s'en tenir à apprécier l'intrigue au premier degré, mais de nombreux passages ne font alors pas sens, soit par manque de résolution (finalement Daniel ne réapparaît par la suite), soit par leur impossibilité physique. La séance de funambulisme incite le lecteur à y voir une forme de lien entre l'homme et la femme, un chemin risqué sur lequel elle s'avance pour le rejoindre. La corde est tendue grâce à l'érection de l'homme : A parvient à lui grâce au désir de B, établir un lien affectif avec lui, ou renouer ce lien passe par son désir physique, ce qui conduit A à une prise de risque car elle n'est pas sûre que les sentiments soient au bout du désir. Un peu plus tard, les deux amants sont couchés dans le même lit. A dort profondément, B est réveillé. Il la découvre et lui enlève sa culotte. Fixant les deux pieds de la jeune femme, il se parle à lui-même : il s'agit de découvrir ce qui se trame entre ces deux points entre le pied gauche et le pied droit. Toujours à moitié endormie, elle répond : la nouvelle frontière. Douze pages plus loin, B est allongé nu sur son lit et endormi, agité dans son sommeil. C'est au tour de A de le considérer longuement. Puis alors qu'il est allongé nu sur le ventre, sur le canapé, elle est assise affalée derrière lui et, avec ses pieds, elle lui écarte les deux fesses pour considérer son anus et ses bourses. le lecteur note ce jeu de miroir, et il se met à faire d'autres suppositions, cherchant à identifier d'autres schémas, d'autres connexions, d'autres liens de cause à effet. Une bande dessinée comme une autre : une histoire racontée avec des dessins disposés en case sur des pages. Une bande dessinée pas comme les autres avec une intrigue qui mêle des éléments réels avec des éléments oniriques, des métaphores psychanalytiques non explicites, laissant le lecteur se faire son interprétation par lui-même. Un mode d'expression poétique, d'associations d'idées visuelles ou thématiques, de visions pragmatiques et parfois impossibles.

25/07/2024 (modifier)
Par Cleck
Note: 3/5
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BD déroutante dans le bon sens du terme, parsemée de gags volontiers surréalistes. Très agréable à lire quand elle nous surprend temporellement, ses absurdités faisant souvent mouche. Mais elle gêne aussi aux entournures aujourd'hui, dans nos sociétés post "MeToo" : le regard masculin de l'auteur est par trop lubrique, certaines situations cherchant à émoustiller flirtent avec la patriarcale gratuité, reproduisent de tristes fantasmes masculins. Les bifurcations sexuelles freudiennes étaient légitimées par le sujet, mais elles sont ici un peu trop malhonnêtement accentuées. Une lecture très intéressante néanmoins.

29/09/2023 (modifier)
Par Cacal69
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
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"Bienvenue à Bruxelles, son lac, sa plage, ses montagnes, ses promenades, son casino." L'univers de Blutch est difficile à décrypter et cet album ne fera pas exception. Je ne vais pas chercher à en faire un résumé, trop compliqué, le mieux c'est de lire le texte de l'éditeur ci-dessus. Un album qui parle d'amour et des affres du temps. Une quête, la recherche des premiers émois. C'est totalement absurde et drôle (allez voir la dernière image de la dernière planche dans la galerie, allez ! J'attends  ...... Qu'est-ce que je disais), un récit entre rêves et réalités, entre passé et présent. Un sacré bordel. J'avoue avoir été quelque peu désorienté au début de ma lecture, mais je suis vite retombé sur mes deux jambes et j'ai pris du plaisir à suivre les aventures abracadabrantesques de nos deux tourtereaux. C'est irrationnel, surprenant et irrespectueux. J'ai adoré. La ligne droite n'est pas forcément le plus court chemin entre une femme A et homme B. Blutch nous gratifie de magnifiques planches percutantes et d'une mise en page esthétique. Les couleurs sont superbes. Je ne peux que recommander cette bd à tous les amateurs d'absurdité. Coup de cœur. Mise à jour après une seconde lecture. 4 étoiles évidemment. Toujours aussi déroutant et captivant.

17/11/2022 (MAJ le 19/11/2022) (modifier)