1629 ou l'effrayante histoire des naufragés du Jakarta
Seuls les désespérés prennent le risque de s’embarquer sur le Jakarta. À son bord, un équipage issu des bas-fonds d’Amsterdam et assez d’or et de diamants pour exciter les plus folles convoitises. Un baril de poudre sur un enfer flottant. Invitée improbable dans cette traversée vers le cauchemar, Lucrétia Hans devient la seule à pouvoir empêcher Jéronimus Cornélius, apothicaire hérétique et ruiné, d’allumer la mèche… Bon voyage.
1454 - 1643 : Du début de la Renaissance à Louis XIII Glénat Les Meilleurs Diptyques Les prix lecteurs BDTheque 2022 Vieux gréements
Premier tome d’un diptyque consacré à l’une des pages les plus sanglantes de l’histoire maritime, ce thriller psychologique revient sur un récit effroyable où se sont mêlés mutinerie, naufrage, massacre et survie. En se focalisant sur ce microcosme sordide, Xavier Dorison signe autant un récit d’aventure magistral qu’une galerie de portraits sur la noirceur de l’âme humaine, magnifiquement illustré par un Thimothée Montaigne au sommet de son art.
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Date de parution | 16 Novembre 2022 |
Statut histoire | Série terminée 2 tomes parus |
Les avis
tome 1 La première chose que l'on remarque avec cette bd, c'est sa qualité éditoriale, une couverture remarquable, et un album de 135 pages qui pèse plus d'un kilo ! Certes, le prix est assez élevé, et un choix éditorial autre à un moindre coût aurait pu l'emporter mais c'est vrai que cette option, assez luxueuse, est discutable mais passons... Ce qui frappe en ouvrant cet album, c'est le dessin de Thimothée Montaigne. J'avais découvert cet auteur avec la série Le Troisième Testament - Julius qu'il avait repris au pied levé avec un certain brio, il faut l'avouer. Certes son dessin lorgne sans ambiguïté aucune, vers celui de Mathieu Lauffray, avec lequel il avait collaboré sur Long John Silver. Il n’y a rien à dire sur le dessin, c'est superbe, on en prend plein la vue avec quelques pleines pages ou doubles pages incroyables (je pense notamment à la découverte du Jakata, pages 22 et 23.) En débutant la lecture, j'ai immédiatement songé au personnage de Lady Hasting de Long John Silver avec Lucretia Hans, qui veut rejoindre son époux, au delà des mers. Je reste subjugué par la beauté des planches, malgré la noirceur de l'intrigue, au fil des pages. Le scénario de Xavier Dorison n'est pas en reste, l'intrigue est très sombre, les personnages très tourmentés, et ce premier volume retrace avec une efficacité remarquable, l'atmosphère qui règne sur un navire où une mutinerie couve.... Parti d'un choix éditorial très discutable sur le coût, cet album rejoint, à mes yeux, un des meilleurs albums que j'ai lus cette année, bref un incontournable de cette année. tome 2 La lecture du premier volume fut , pour moi, jubilatoire. Je ne connaissais pas du tout ce fait maritime, et je me suis fait souffrance pour ne pas aller en découvrir davantage , pour mieux appréhender ce second volume. Je dois dire que cet album est époustouflant à tout point de vue. Un dessin de Thimothée Montaigne magnifique voire exceptionnel, les pleines pages sont d'une beauté à couper le souffle. Mais c'est surtout le rythme du récit qui tient en haleine le lecteur, d'ailleurs je n'ai pas réussi à lâcher ce livre avant d'en connaitre le dénouement. On a du mal à imaginer tant d'atrocités dans ce récit, bien qu'il soit très fortement inspiré de faits réels. Le travail de Xavier Dorison est, une de fois de plus, remarquable dans cette adaptation. J'ai bien évidement relu le premier volume de ce diptyque avant de me lancer dans cet album, et à mon avis, ce second tome dépasse encore le précédent, c'est dire! Une de mes meilleures lectures de cette année. Et je passe sous silence la qualité éditoriale de l'album,et son prix, certes élevé, mais lorsque le scénario et le dessin sont d'une telle qualité, on ne peut passer à côté d'un tel chef d’œuvre.
Pour commencer son règne, mieux vaut être haï que méprisé. - À la date de ce commentaire, le premier de ce diptyque est paru. Sa première publication date de 2022. Il a été réalisé par Xavier Dorison pour le scénario, et par Timothée Montaigne pour les dessins, Clara Teissier pour la couleur. Il compte cent-vingt-huit pages de bandes dessinées. Il s'ouvre avec une introduction d'une page, rédigée par le scénariste, intitulée L'extinction de l'âme, phénomène décrit par Philippe Zimbardo, et évoquant la réalité historique du naufrage du Jakarta, comme cas d'école de l'arrêt complet de l'empathie d'un groupe d'humains associé à la suspension de leur jugement moral, avec pour conséquences immédiates sadisme et massacre. Viennent ensuite un plan en coupe du navire Jakarta sur deux pages, puis les routes maritimes sur un planisphère, et celle empruntée par le Jakarta. Quelque part sur île déserte, une femme se tient face à la mer et regarde l'horizon. Un individu se fait la réflexion que celui qui lira ces mots apprendra bientôt à le mépriser et à le haïr. Il serait aisé pour lui de s'attribuer la phrase : Tous devront simplement être rayés de l'existence. Ce serait un tort car ces paroles sont celles du roi Agamemnon, plus noble citoyen de la plus noble des sociétés, patrie de la philosophie et du droit. Alors quand viendra l'envie de le juger, de lui cracher au visage ou de lui briser les os à coups de pierre, il faudra repenser à Agamemnon et se poser une question et une seule. Si le sage roi de Mycènes, héros de la guerre de Troie, est la mesure du bien, qui pourra être celle du mal ? Chapitre un : Seuls les désespérés. À Amsterdam en 1628, Francisco Pelsaert se présente devant le comité des directeurs de la VOC : Vereenigde Oost-Indische Compagnie, c'est-à-dire la Compagnie néerlandaise des Indes orientales. le responsable de la séance évoque ses états de service et l'informe qu'ils l'ont nommé subrécargue du Jakarta, le tout dernier Returnsheppen de la compagnie. Outre le camée, ils emporteront aux Indes plus de trois cents mille florins en pièces et bijoux pour les négoces, un montant jamais embarqué par un navire de la VOC. Le responsable du directoire continue : le navire doit appareiller cette nuit. Il indique le nom du capitaine ; Arian Jakob. Pelsaert le connaît de réputation : un ivrogne. le capitaine fait son entrée dans la pièce et salue les directeurs, tout en se plaçant aux côtés du subrécargue. le directeur indique ensuite l'identité du second : Jeronimus Cornelius. Un novice en matière de marine, mais un expert en épices, chaudement recommandé par plusieurs de leurs connaissances. Un homme d'une éducation et d'un savoir inégalés pour ce type de poste. Ils ont toute raison de penser que ce second surprendra Pelsaert et Jakob. le même soir, Wiebe Hayes va chercher dame Lucrétia Hans dans sa demeure. Elle doit faire le voyage sur le navire Jakarta pour rejoindre son époux. Elle emmène avec elle Hugger, son petit lémurien de compagnie. Ses malles sont prêtes et elle descend pour rejoindre le matelot venu la chercher. le carrosse l'emmène au port et passe lentement au milieu de la foule du peuple vaquant à ses occupations pour remplir les formalités d'embarquement. Difficile d'échapper à la promotion de cette bande dessinée à sa sortie : un récit tiré d'une histoire vraie, un cas d'école d'individus asservis de leur propre volonté à une personne toxique, une soumission volontaire conduisant à une oppression systémique. En avançant dans le récit, le lecteur constate que c'est exactement ça, ni plus ni moins. L'artiste s'ingénie à réaliser une reconstitution historique avec application, presque de manière scolaire. Ça commence bien sûr avec la coupe du navire Jakarta, minutieuse et schématique, indiquant la localisation de onze éléments : cale, faux-pont, pont principal, pont, timonerie, cahute, cabine, cabine supérieure, gaillard d'arrière, dunette, gaillard d'avant, poulaine. Après l'introduction de quatre pages, le lecteur découvre une superbe vue plongeante sur la cour du bâtiment abritant le conseil des directeurs, avec une perspective impeccable. À l'intérieur, il peut admirer les boiseries, le parquet, les tentures. de même, chez les Hans, il peut admire les appartements de Lucrétia dans une vue du dessus en oblique. En page vingt-deux et vingt-trois, il découvre un dessin en double page, une vue massive du Jakarta à quai dans laquelle il ne manque ni une planche à la coque, ni un cordage aux mâts. Par la suite, il a tout le temps de se familiariser avec ce bâtiment, à la fois en vue générale depuis l'océan, à la fois sur le pont ou dans les cabines, toujours avec cette application pour le représenter en détail. Le lecteur avance tranquillement, tourne les pages, et découvre ce à quoi il s'attend : des tenues vestimentaires avec ce qu'il faut de détails pour ne pas être génériques, mais sans non plus un niveau d'exécution incroyable, des accessoires exacts par rapport à l'époque, sans être d'une grande invention, quelques paysages naturels comme l'océan et ses divers états de calme ou d'agitation, ou encore une île avec de la verdure, sans qu'il ne soit possible d'identifier l'essence des arbres ou des plantes. le navire est bien mis en valeur, que ce soit des prises de vue sur le pont, ou vu de plus loin en train de voguer par temps clair et calme ou sous la pluie, avec quelques vues en élévation dans les cordages. le nombre de cases par page est régulièrement de huit, parfois un peu plus, parfois un peu moins. Les angles de vue sont variés, ainsi que les cadrages. Les cases se présentent sagement alignées en bande, parfois avec quelques-unes en insert, et de temps à autre, une disposition moins conventionnelle. L'intrigue progresse de manière linéaire, au rythme de l'avancée de l'expédition. Lucrétia devient le personnage principal, avec comme personnages secondaires le subrécargue Francisco Pelsaert, le second Jéronimus Cornélius, un peu moins fréquemment le capitaine Arian Jakob, et de plus en plus régulièrement Wiebe Hayes, le gabier de la première dunette. La tension monte tout aussi progressivement entre les marins, le capitaine, et les passagers de la grande cabine. le lecteur se laisse porter par cette chronique d'une catastrophe annoncée, tout en relevant facilement les éléments relatifs à la discipline, à la manière dont s'exerce l'autorité, et effectivement à la soumission passive des marins. De temps à autre, une séquence s'avère plus intense : le premier grain, la première punition publique sur le pont, la mise à mort d'un cochon, un vol de mouettes, la capture d'un requin, les morts enveloppés dans des draps et jetés à la baille, etc. Certes, le lecteur ressent la sensation d'une lecture plan-plan : pas fade, mais avec un déroulement sur des rails, pas dépourvue d'âme, mais avec des personnages au caractère assez monolithique, pas sans surprise, mais au déroulé très mécanique, très programmé. Mais quand même… Les auteurs ne font pas semblant : leur narration semble s'en tenir à des points de passage attendus, et dans le même temps Dorison & Montaigne ne prennent jamais de raccourci. Ils réalisent tous les points de passage obligés, avec une forme particulièrement classique, presque académique. Mais quand même, le malaise gagne en intensité, de séquence en séquence. Certes le dessinateur semble s'en tenir à des cadrages, des plans très sages, mais il ne triche jamais. Il n'utilise pas de raccourcis, il n'a pas recours aux trucs et astuces pour dessiner plus vite, et se maintenir juste au-dessus du minimum syndical. Il fait preuve d'une réelle diversité, peut-être pas originale, mais certainement pas pauvre non plus. Il n'y a pas grande imagination dans ce dessin en double page du Jakarta à quai, mais tous les détails attendus sont là sans exception. Il n'y a pas grande surprise dans le plan de prise de vue du premier châtiment corporel public, mais tous les matelots et tous les cordages sont scrupuleusement représentés. Il n'y a pas grande séduction chez Lucrétia Hans, mais son caractère est apparent dans ses postures, dans les expressions de son visage, dans ses mouvements, dans sa façon d'affronter l'humiliation de l'épouillage de sa coiffure en public, ou encore de son agression par les matelots. Il n'y a pas de réel romantisme chez Wiebe Hayes, mais il apparaît séducteur et touchant à sa manière. Il n'y a pas des vrais héros, mais il y a des êtres humains. De la même manière, le scénariste n'est pas des plus subtiles, en particulier quand le subrécargue, ou le second, ou le capitaine expriment à haute voix leur conception de l'autorité, pour être sûr que le lecteur ne passe pas à côté de ce thème. Les matelots restent une masse d'individus quasi indifférenciés, sans personnalité, sans que le lecteur ne puisse envisager ce voyage avec leur point de vue de groupe, ou avec le point de vue de l'un d'eux. Mais le récit ne stagne pas dans un manichéisme basique. Chaque personne présente des qualités et des défauts, chaque personne se retrouve à jouer son rôle avec les règles imposées de cette société à cet endroit du monde, à cette époque. Chaque individu se heurte au fonctionnement systémique et doit fait preuve de courage pour prendre sur lui, pour subir, pour maintenir un lambeau de conviction morale malgré les règles qui s'imposent à lui. Rapidement, le lecteur accepte le fonctionnement de la narration parce que les auteurs sont entièrement investis et focalisés sur leur récit, sans finalement porter de jugement moral ou autre sur leurs personnages. Dans un premier temps, le lecteur se retrouve déstabilisé car il prend fait et cause pour Lucrétia Hans qui se retrouve à voyager dans des conditions dégradées auxquelles elle n'est pas habituée, subissant la pression subliminale d'être une femme sous le regard d'un équipage masculin. En même temps, elle appartient à une classe privilégiée, n'ayant pas à travailler sur le navire, échappant pratiquement à l'autorité du capitaine, mais obligée de regarder un marin fouetté avec une garcette, une scène prouvant que l'implication des auteurs ne faiblit pas même lorsqu'il faut raconter et montrer ces atrocités. Puis vient la question de l'évacuation des urines et des excréments : à nouveau les auteurs exposent les faits, sans rien édulcorer ou dramatiser. En page cinquante-trois, le temps d'une unique case de la largeur de la page, le lecteur découvre ce qu'il advient des marins dont la santé a failli sous le labeur et les conditions de vie : pas de dramatisation romanesque, du factuel, encore plus implacable. Raconter le naufrage d'un des plus grands navires d'une compagnie maritime de commerce, et recréer les conditions de vie des marins : les auteurs s'y appliquent sans beaucoup de panache, en appuyant le thème qu'ils explorent. Certes, mais ils le font avec consistance, sans céder à la facilité, sans changer de cap, avec une honnêteté et une constance remarquables. Rapidement le lecteur se laisse prendre pas cette narration visuelle détaillée et variée, par ces scènes prosaïques bien construites. Il se retrouve à son tour prisonnier du mode de fonctionnement d'une société, dictant leur conduite à chacun, sans laisser de latitude à l'empathie, à l'entraide, à la solidarité, un comble pour des individus vivant à bord du même navire.
Effrayante, c'est vraiment le cas de l'embarquée des passagers de ce navire au mystérieux destin. Je suis un grand fan d'histoires de pirates et parmi toutes les bd que j'ai pu lire sur le thème, c'est vraiment celle-ci qui m'a le plus fait voyager. Le graphisme est saisissant et la colorisation se prete à merveille a notre immersion au sein de cet équipage quelque peu ..hésitant et flottant. De plus l'inspiration de l'histoire par des faits réels peuvent encore plus faire frissonner quant au destin des passagers a la fin du premier tome, car la folie rôde... Vivement la suite! Maj 09/2024 Après relecture de ce premier tome je baisse ma note à 3 étoiles. J'ai trouvé que la narration alourdit beaucoup l'histoire, qui m'apparaît peu fluide et même parfois laborieuse ...j'attends le tome 2 " l'île rouge " annoncé pour le mois de novembre pour revoir éventuellement ma note a la hausse si la suite porte un récit plus concis et efficace
Excellent récit d'Histoire et de Voile qui nous plonge dans l'univers sordide des navires de la Compagnie néerlandaise des Indes Orientales du 17e siècle. C'est avant tout un bel album, grand, documenté, excellemment dessiné et bien structuré en chapitres aux noms évocateurs. Les planches sont très soignées, très réussies, et elles contribuent à nous plonger pour de bon dans ce récit historique et dépaysant. J'ai été clairement emporté par ma lecture, me sentant plongé au milieu de ces marins et à bord du fameux Jakarta. Les Passagers du vent m'avaient offert une vision réaliste mais légèrement romantique des voyages dans ces vieux gréements d'époque. Le Voyage du Commodore Anson m'en avait offert une vision encore plus réaliste et montrant bien les difficultés techniques de telles expéditions. Les Naufragés de la Méduse m'avait montré les horreurs d'un naufrage dans le cadre des inégalités sociales entre officiers de marine et matelots à leurs ordres. "1629, ou l'effrayante histoire des naufragés du Jakarta" m'offre cette fois une vision non seulement réaliste mais aussi très crue, insistant sur l'aspect terrible de la vie des marins, et surtout sur les incroyables inégalités à bord. C'est une formidable critique du capitalisme forcené dont faisait preuve la Compagnie des Indes Orientales à l'époque. Mais c'est aussi une mise en scène édifiante des enjeux de pouvoir à bord de ces navires dans lesquels une poignée de privilégiés faisait régner la loi sur des matelots bien plus nombreux et dangereux qu'eux, maintenus en laisse par un étrange sentiment de peur qu'un lecteur moderne pourra mettre du temps à appréhender. Le déroulement du récit est très prenant, amenant les points de vue de plusieurs protagonistes pour mieux observer divers aspects de la situation mais aussi tromper le lecteur en lui faisant croire à tort qu'il va deviner toute la suite des évènements. C'est beau, bien raconté, et un vrai plaisir de lecture et de découverte à la fois.
Les urnes sont closes, et alors qu’on distribue déjà les récompenses, on a oublié qu’on continue pourtant de sortir des albums même à la toute fin de l’année. Et c’est fin novembre, dans la dernière ligne droite, qu’est donc parue celui que je considère comme l’ovni de l’année 2022. Assurément, tout est réussi dans cette bd. Analyse : Pour commencer, matez un peu la qualité du bouzin, le contenu est certes plus important que le contenant, mais déjà l’aspect de l’objet tout en dorure avec un style d’illustration très XIXème siècle fait qu’on est déjà content rien que de le tenir en main. C’est du beau bouquin rendant hommage à l’époque dans laquelle s’ancre l’histoire. Le découpage des chapitres avec pareil cette mise en page style imprimerie d’incunables est franchement agréable à l’œil et renforce l’immersion. Plus concrètement maintenant, je crois que les auteurs sont au top et au sommet de leur art. C’est le même duo ayant officié sur Le Troisième Testament – Julius, quoique il me semble que Dorison s’était mis un peu en retrait du scénario pour Alex Alice mais bref, moi j’ai senti une maturité qui se dégageait de leur travail respectif. Vous vous souvenez du tome 2 de Long John Silver avec cette tension permanente entre les membres d’équipage, entre les marins d’un côté et les officiers de l’autre qui ont tout pouvoir ?… Dorison joue dans un registre qu’il a déjà arpenté mais ici c’est beaucoup plus âpre, viscéral, tendu. Le voyage n’a rien d’une sinécure, c’est une mission suicide le long du Styx, ça sent la sueur, la merde et le sang, vraiment les personnages vivent un enfer. Tu sens que quand ça va péter, ça va dézinguer et suriner à tout va. Le nombre de pages bien plus conséquent aide pas mal à mettre en place cette montée de la violence c’est vrai, toujours est-il que l’orage gronde, ça marche du tonnerre. On sent que Dorison a de la bouteille désormais, puisqu’il reprend ses thématiques chères aperçues dans Human Stock Exchange par exemple, où les grandes corporations (ici la Compagnie des Indes Orientales, plus puissantes que les États) édictent leurs propres lois, y compris sur les individus, lesquels à l’état naturel ne sont pas spécialement bons pour autant entre eux. « L’homme est un loup pour l’homme » disait Hobbes, les naufragés du Batavia en ont fait la regrettable expérience… Quant à Thim Montaigne, faut-il encore le présenter ? Si on est amateur d’encrage puissant façon Lauffray (Montaigne est suffisamment talentueux pour se faire un nom tout seul mais citer Lauffray je sais que ça parle direct niveau style), on est à bonne adresse. C’est très expressif et on en prend plein la longue-vue. Apparemment ce n’est pas lui aux couleurs, donc chapeau bas à Clara Tessier, c’est magnifique. Bon et puis hein, puisque je suis en plein cirage de pompe, bravo à tous ceux qui ont bossé de près ou de loin sur cet album. Ça c’est de la bd, là je suis content de dépenser mes florins !
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