Prison
Quatre contes cruels qui nous plongent sans détour dans le milieu carcéral français avec toute sa violence, son absurdité et son (in)humanité.
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Bienvenue en prison. Ici, le sable du temps s’écoule plus lentement qu’à l’extérieur. Les grains doivent être plus gros. Guy partage sa cellule avec Vic, un héroïnomane, et Hassan, un SDF cambrioleur de bas étage à la santé précaire. Cela fait quelques jours que ce dernier se tord de douleurs dans son lit. Malgré ses demandes de soins répétées, l’administration pénitentiaire fait preuve d’une indifférence coupable. Malheureusement, la situation d’Hassan n’est pas une exception. Derrière les portes d’acier vit aussi Toufik, un détenu psychotique oppressé par cet environnement pathogène, et Audrey, une surveillante tombée tristement amoureuse d’un détenu. Les quatre contes cruels de Prison dressent le portrait d’un écosystème opaque et inhumain, où privation de liberté rime avec violence, privation de soin, de silence, de vie sexuelle et d’amour. Avec, au final, un constat sans appel : la détention ne réinsère pas. Elle sanctionne, elle brime, elle humilie, elle favorise le suicide et la récidive. La prison, cette Ogresse, ne protège personne. Elle les déshumanise. Entre documentaire et roman noir, Prison brosse un portrait au vitriol d’un univers carcéral au-delà de tout cliché. Postface de la Ligue des droits de l’Homme.
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Date de parution | 12 Octobre 2022 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Si la bande dessinée a abordé quelquefois — trop rarement sans doute — le thème de la prison en France, rares sont les ouvrages qui l’ont fait dans une telle optique de dénonciation, hormis peut-être celle signée par Tignous en 2015, Murs Murs - La vie plus forte que les barreaux (Glénat). Résultat d’une enquête fouillée, ce documentaire nous montre que la prison dans la patrie des droits de l’Homme est loin d’être une cage dorée comme certains se plaisent à le croire. Les auteurs ont pu pénétrer dans un centre carcéral – dont on ne sait rien pour les raisons que l’on peut comprendre mais on peut aisément imaginer que ce n’est pas une exception — pour y recueillir le témoignage d’un détenu condamné à « perpète ». Son crime : avoir « délivré » son fils qui souffrait atrocement d’une maladie orpheline. Mais cela est un autre sujet… Cet homme a ainsi consigné les histoires de ses co-détenus, dont certains ont mis fin à leur jour, traduisant les conditions de vie indignes dans ces lieux dont la seule fonction est censée être la privation de liberté. Mais dans les faits, la peine va bien au-delà. La prison en France est gangrenée de mille maux qui ne font que maintenir sous l’eau la tête des détenus : violence, drogue, surpopulation, saleté (avec présence de rats et de cafards dans les cellules), désinvolture des soignants sur place vis-à-vis des malades, suicides à répétition, troubles psychiques… l'enfer silencieux derrière les barreaux... Sans parler des sous-effectifs du personnel et des conditions de travail difficile, conduisant certains à la dépression… un triste florilège qui donne l’impression, même si on a du mal à le croire, d’avoir affaire à un portrait des prisons turques dans « Midnight Express », un film datant tout de même d’il y a plus de trente ans… « La prison est une ogresse » qui détruit les âmes et rejette l’amour en ses murs. Loin de remplir sa mission de réinsertion des détenus, elle n’est qu’une spirale infernale, qui « avale tout cru, recrache, et peut ravaler, si ça lui chante. » Le trait élégant de Sylvain Dorange, accompagné d’Anne Royant, tente d’équilibrer le propos. Plutôt rare dans ce style de documentaire, le graphisme très soigné, bénéficiant d’une mise en couleur subtile, apporte un peu de douceur à une triste réalité. De même, les quelques touches d’onirisme, par ailleurs terrifiantes, visent à transcender l’âpreté d’un quotidien insupportable. Il n’en reste pas moins que le constat est édifiant, et qu’après une telle lecture, on ne pourra plus détourner le regard sur ce qui constitue une tâche de plus sur le buste de Marianne. Au fond, la situation décrite ici ne fait que confirmer l’absence générale de vision du pouvoir politique vis-à-vis des services publics, au même titre que la Santé, l’Education et tout ce qui devrait concourir à améliorer la vie de nos concitoyens. « Prison », préfacé par Rosanna Lendom, avocate attachée à la défense des droits humains et membre de la Ligue des Droits de l’Homme, qui signe également la postface, est un ouvrage salutaire pour lequel on se doit de féliciter Fabrice Rinaudo, écrivain amateur de polar dont c’est ici la première incursion en bande dessinée, ainsi que ses co-auteurs au dessin.
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