Les Pistes Invisibles
Ce récit est une interprétation libre de l'histoire de Christophe Thomas Knight qui a disparu 27 ans dans les forêts du Maine entre 1986 et 2013 pour y inventer une façon de marcher et de survivre.
Coupés du monde... [USA] - Nord Est
« En vingt-cinq ans, je n'ai été vu de personne. J'ai vécu caché dans cette forêt, mais pas comme un homme des bois. »Un homme délaisse sa vie du jour au lendemain. Sans préméditation, il s'enfonce dans une forêt pour y disparaître. Il y restera 25 ans, vivant de ce que lui offre la nature et de menus larcins dans les cabanes avoisinantes. À rebours de la conventionnelle aventure épique en milieu naturel, il fait l'étrange récit introspectif de son invisibilisation. Sa confession, rythmée de paysages tantôt naturalistes, tantôt mentaux, dessine des pistes et un portrait invisibles à ceux qui le traquent mais qui transparaîtra au fildes cases.Xavier Mussat poursuit son travail sur l'exercice de la mémoire. Il s'inspire de l'histoire vraie de l'Américain Christopher Knight, qui n'adressa la parole à aucun être humain pendant près de trois décennies. Il détaille la découverte du monde sauvage et incarne la voix de cet homme qui a choisi de s'effacer aux autres. Texte éditeur.
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Date de parution | 11 Janvier 2023 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Il ne faut avoir aucune idée en tête pour découvrir ce dont on ignore l'existence. - Ce tome contient une histoire complète indépendante de tout autre. Il s'agit d'une bande dessinée en couleurs publiée en 2023. Elle a intégralement été réalisée par Xavier Mussat, scénario, dessins et couleurs. Elle comprend cent-soixante-dix pages de bande dessinée. Un paragraphe en fin de tome précise la technique de dessin : Ce livre a été dessiné avec un usage strict de formes pleines au pinceau et à l'encre de Chine, sans recours au trait de contour. Les formes pleines ont été numériquement traduites en deux couches de couleurs superposées et retravaillées à la palette graphique afin d'obtenir une impression en deux passages de tons directs Pantone (bleu 2206 U et orange 1655 U). La troisième couleur et obtenue par leur superposition. Des nuages dans le ciel. Un tronc d'arbre, des racines, un petit cours d'eau. de la végétation dans un sous-bois. Une fois qu'ils l'ont attrapé, tout s'est arrêté. Même après qu'ils l'ont eu relâché, il n'a jamais pu retourner dans sa forêt. S'il y retournait, ils sauraient qu'il faudrait l'y rechercher. Les efforts d'immobilité, de silence, les stratégies de camouflage deviendraient inutiles. Pour bien disparaître, il ne fait pas être cherché. Devenir invisible, ça n'est pas disparaître, c'est se mélanger au reste. C'est participer à l'illusion du silence. Ne pas briser l‘équilibre visuel de la forêt qui donne à toute chose une présence similaire. le silence est une impression. Parce que le vent dans les feuilles, les craquements d'arbre, les bruits d'insecte, le murmure des ruisseaux, tous les sons de ce monde se manifestent à volume égal. Et alors cette orchestration, c'est comme un brouhaha en arrière-plan, inaudible parce que sans relief. Il y a dans presque toutes les forêts une légende d'homme sauvage couvert de poils, improbable vestige vivant ou chaînon manquant que de nombreuses personnes jurent avoir vu de leurs propres yeux. Plus de trois mille témoignages et aucune preuve, aucun ossement ni corps ni dent, rien d'autre que des empreintes de pas. Trois mille… Ça en fait des promeneurs, des chasseurs, des campeurs. Ils ont vu ce qu'ils voulaient voir. En vingt-cinq ans, il n'a été vu de personne. Il a vécu caché dans cette forêt, mais pas comme un homme des bois. Ils sont passés souvent très près de lui, mais dupes du silence, ils l'ignoraient. Ils traquaient autre chose : une idée déjà en tête, une représentation à laquelle il échappait. Un son plus fort que les autres. Un géant primitif aux proportions et à l'aspect si différents du décor qu'on ne saurait le manquer. Il ne faut avoir aucune idée en tête pour découvrir ce dont on ignore l'existence. Il aurait suffi qu'ils essaient de le trouver. Il entend souvent la même question : comment expliquer son imprévisible disparition ? Il n'aurait pu en aucun cas l'imaginer, la planifier. Il n'aurait pas disparu s'il en avait fabriqué l'idée dans sa tête. Trop vertigineuse. Souvent ceux qui pensent à partir ne dépassent pas l'idée fantasmée du départ. Ils réfléchissent, tentent de prévoir, d'anticiper les obstacles qu'ils se fabriquent, et ça les paralyse. Les projections, ça les décourage. Non, il faut de fil en aiguille s'en aller malgré soi, se surprendre. Assurément une bande dessinée qui sort des sentiers battus, et ce dès la couverture. L'œil du lecteur se retrouve attiré par cette étrange alliance de couleurs : cet orange très vif, quasiment fluo, et ce bleu très plat, terne. S'il ne s'en est pas rendu compte, il découvre donc que la troisième couleur est le résultat de la superposition des deux autres, et l'artiste joue également avec le blanc. L'artiste s'en tient à ces couleurs tout du long de son ouvrage, avec cet effet de contraste entre l'orange pétant et le bleu neutre, ce marron agissant comme une couleur plus foncée mais pas nette comme du noir. L'effet peut s'avérer étrange : l'orange ressort sur le marron comme si c'était du noir, alors que le bleu est atténué du fait du faible contraste avec le marron. L'artiste joue également avec le principe de superposition : celle du bleu et de l'orange pour obtenir du marron, mais aussi la superposition de l'image d'un insecte sur une forme de schéma électrique ou électronique pour contraster, et même opposer la nature irréconciliable de ces deux éléments. La page d'après, il s'agit d'un hélicoptère contre une montagne, l'esprit du lecteur établissant automatiquement le lien avec l'opposition entre l'insecte et le circuit. En page vingt-neuf, Mussat inverse le contraste, pour une séquence onirique aérienne, lorsqu'une jeune femme s'envole dans le ciel alors qu'elle tombe dans l'eau. le choix de se départir d'une approche naturaliste pour les couleurs indique au lecteur que la narration visuelle ne se limite pas à des dessins descriptifs, et qu'elle comprend une part de sensations et de vie spirituelle. A priori, l'histoire offre peu de possibilités : un individu qui quitte la société pour vivre en état de solitude pendant vingt-cinq ans. Soit il est en mode survivaliste, soit il vit de rapines modestes et pathétiques. Les premières pages posent rapidement le point de départ : un abandon de voiture non prévu dans une zone boisée sauvage, un métier dans l'électronique, la décision aussi naturelle qu'irrévocable de ne pas retourner sur ses pas. L'individu (il n'est jamais nommé) essuie quelques déboires, puis trouve un mode de vie en harmonie avec la nature, en décalage avec les clichés de l'homme des bois : il est parvenu à effacer son existence, à se rendre invisible aux autres êtres humains. En fin de tome, l'auteur indique laconiquement qu'il s'est inspiré librement de l'histoire de Christopher Thomas Knight qui a disparu vingt-sept dans les forêts du Maine, entre 1986 et 2013. Il a commis environ un millier de cambriolages dans des maisons de la région, soit environ une quarantaine par an et a survécu aux rigoureux hivers du Maine. À la découverte des premières pages, le lecteur comprend que ces dessins sont autant dans le descriptif que dans l'impression, et qu'ils donnent à voir le récit en vue subjective, par les yeux du personnage. Il apprécie le jeu sur les contrastes de couleurs de cette palette très limitée. En page neuf, il voit la silhouette de l'homme sauvage couvert de poils, cette légende, improbable vestige vivant ou chaînon manquant, c'est-à-dire une projection de ce à quoi pense le personnage. À partir de la page dix, il note l'apparition de formes purement géométriques venant se surimposer à ce qui est représenté. En page treize, il y a une forme de circuit électrique en fond de case, puis un graphe assez simple avec uniquement des points et des segments. En page seize, une silhouette humaine donne l'impression d'une peinture rupestre, en orange sur fond blanc. Page suivante, c'est un motif géométrique évoquant les nations premières. En page vingt-et-un, l'artiste effectue un rapprochement purement visuel : le plan de coupe d'un tronc d'arbre, puis la toile d'une araignée, avec des motifs très similaires. En page quarante-cinq, la représentation de type art primitif d'un serpent devient un serpent réaliste dans la case suivante. En page cinquante-et-un, le lecteur éprouve l'impression de contempler des courbes de niveau du relief montagneux, avec une randonnée et ses points de pause tracée dessus. Dans les pages quatre-vingt-dix, l'artiste joue avec les motifs des nervures d'une feuille, avec ceux formés par les tuiles d'un toit, puis avec d'une tenue camouflage. Il met ainsi à profit les possibilités de offertes par les dessins pour rapprocher des formes, ce qui rapproche, dans l'esprit du lecteur, des éléments de natures hétérogènes. Le lecteur assimile rapidement que la narration visuelle sort d'un cadre descriptif, en vue subjective, et même d'une transcription d'impression et de sensation, pour une interaction entre le descriptif, le sensoriel et le monde des idées. Dans la première page, le solitaire indique qu'il ne pourra plus retourner dans la forêt : il a donc déjà été attrapé et ramené à la vie en société. Il évoque également le fait que les recherches ont été infructueuses pendant toutes ces années parce que les personnes qui se sont mis à la recherche de l'individu qui cambriolait les chalets environnants pour commettre de petits larcins (petits mais réguliers) s'en étaient fait une idée sans rapport avec la réalité. de son côté, le lecteur, toujours en vue subjective, fait l'expérience de cet éloignement de la société des hommes également par les remarques du narrateur. Il suit le fil logique de cette vie à l'écart, et les réflexions générées par cet état insolite. On ne meurt pas si facilement. le constat de l'empreinte dévastatrice de ses déplacements. Et puis des stridulations d'insecte, un chant polyphonique de grésillements. Sifflet à roulette, roulement d'une bille dans une assiette, escadrille d'avions miniatures. Il y avait des martèlements dans chacun des sons. La répétition plus ou moins espacées de motifs uniques. Un langage sonore archaïque, rythmique, un concert cacophonique de frottements, de souffles, de percussions sans aucune coordination. La persistance rétinienne. La prise de conscience de son mode de schémas comportementaux avec les autres, après coup. L'incroyable concours de circonstances qui a été nécessaire pour la formation du système solaire et de la planète Terre telle qu'elle existe. Etc. Le lecteur ne peut pas faire autrement que d'avoir l'œil attiré par cette couverture à l'orange criard, à la graphie du titre qui commence à s'effacer, à devenir invisible. S'il le feuillète, il peut être repoussé par cette esthétique peu conventionnelle, un peu pétante. S'il commence sa lecture, il constate immédiatement que la narration visuelle dépasse la description pour embrasser plusieurs autres domaines, grâce à l'utilisation de plusieurs registres dessinés. Au fil des pages, il éprouve la sensation de faire l'expérience de cette vie en marge de la société, comme le fait le narrateur, tout en se retrouvant à se plonger dans des pensées inattendues, à effectuer des associations, des rapprochements visuels riches de sens. Une expérience de lecture peu commune.
Une nouveauté du genre pour ma part qui ne m'a pas déçue, loin de là. Alors je ne dirais pas que les dessins sont magnifiques mais grogro à tout à fait raison : ils interpellent, c'est indéniable. Ce qui est top, c'est qu'au travers des aspects informes ou à l'inverse très géométriques de certaines cases, le dessin laisse une grande place à l'interprétation ou du moins à la suggestion. Également, la bichromie du orange et du bleu incarne avec malice ces grands espaces forestiers canadiens (le Maine, donc USA, en réalité pour le récit). D'autre part, les textes sont d'une telle légèreté et d'une douceur poétique qu'on se laisse sans grande difficulté bercer par le récit, telle l'eau découlant d'une rivière apaisée. En résumé, j'ai passé un très agréable moment de lecture ! :)
Pour les détails, se reporter à la critique de Cacal69, qui dit tout et bien. Mais bon, je vais quand même étayer un peu... Les dessins sont stupéfiants, d'une beauté graphique qui, à mon sens, ne peut manquer au minimum d'interpeler. Les réflexions de l'auteur sont mises en relation avec les illustrations, créant ainsi un vocabulaire extrêmement particulier qui fonctionne très très bien. On est dans la poésie pure. Le passage concernant l'éléphant est à ce titre très parlant. On peut songer à ce que fait Jens Harder avec sa série Alpha, Beta... Le choix de la bichromie (bleu 2203U et orange 1655U, hé hé) créé une atmosphère vraiment particulière qui semble accompagner le passage des saisons. Belles scènes de neige, charme de l'automne... Tout vibre. L'édition est remarquable. On a un beau livre dans les mains qu'il est on-ne-peut plus agréable à lire et à regarder. Les éditions Albin Michel se sont vraiment fendu d'un travail de qualité qui rend hommage à celui de Xavier Mussat. Avec Les pistes invisibles, Mussat nous donne effectivement à voir l'invisible. Le titre n'est en effet pas seulement une référence à la manière dont Christopher Thomas Knight se déplaçait en masquant volontairement toutes traces de son passage ; à travers cette gageuse tentative, il nous donne également à voir le monde à travers les yeux d'un ermite, à ressentir l'intériorité de cet homme au destin peu banal. Et ça fonctionne. Chaque page, pour ne pas dire case, raconte sa propre histoire. Enfin, last but not least, je découvre tout de cette histoire hors du commun : celle de ce fameux Christopher Thomas Knight dont s'est inspiré Xavier Mussat. Je comprends tout à fait la critique de Ro. Les pistes invisibles n'est pas un album qui fera l'unanimité. En effet, et je dis ça sans élitisme aucun, s'il s'agit incontestablement d'un magnifique soliloque, il est à réserver aux amateurs de sensations graphiques.
Je ne connaissais pas Christophe Thomas Knight et j'ai lu cet album sans savoir qu'il s'inspirait d'un personnage réel. Je l'ai pris comme une pure fiction, à la limite une transposition d'un phantasme de solitude de l'auteur. Car le personnage et narrateur de cette BD est un homme qui a décidé presque par hasard de quitter la civilisation et de se cacher dans une forêt, vivant ainsi pendant vingt-cinq ans de rapines et de presque rien. Rien n'est expliqué sur ses motivations, tout est présenté comme un désir instinctif, une envie soudaine de s'effacer du monde, d'effacer ses traces et de vivre en invisible. Nous voyons les choses à travers ses yeux, sans jamais voir le personnage lui-même, en une suite de... visions... Car les planches contiennent en majorité des cases à la figuration symboliques, pour refléter davantage le ressenti du personnage que ce qu'il voit vraiment. Formes géométriques en trichromie, ombres de couleurs, portions d'images reconnaissables, et quand même quelques décors aussi. Je ne suis pas adepte de ce type de narration graphique qui m'ennuie rapidement et m'oblige à me tourner vers ce qui ne devient plus qu'un simple texte vaguement illustré pour moi. Ce texte non plus n'a pas su me captiver. La mise en place est lente et ce n'est qu'après un certain temps que je me suis intéressé au sujet, mais davantage à ses aspects pratiques qu'à l'émotionnel que l'auteur essaie de partager. Je me demandais ce qui avait amené le personnage à décider de vivre ainsi, je me demandai comment il allait faire pour survivre, manger, passer l'hiver. Nous n'aurons quasiment pas de réponse à tout cela, le choix paraissant plus instinctif que réfléchi, et les solutions se résumant à "j'ai volé ce dont j'avais besoin dans des cabanes de vacances sans surveillance". Mais nous ne voyons en définitive que les tous premiers jours de son ermitage sans rien expliquant comment il a pu passer tant d'années ainsi. Ma curiosité intellectuelle n'est donc pas satisfaite. Et comme en parallèle, je n'ai pas pris plaisir à lire ces planches trop expressionnistes pour moi et cette narration peu attachante à la première personne, je me suis ennuyé avec cet album.
Un album qui ne laissera pas indifférent, soit on adore, soit on déteste. L'histoire romancée de Christophe Thomas Knight, l'histoire d'un homme qui va disparaître pendant 25 ans en pleine forêt du Maine, il n'aura aucun contact direct avec une autre personne. Il avait 24 ans lors de sa disparition. Il vivra de petits cambriolages pour se mettre à l'abri des intempéries et pour se nourrir, ce sera son mode de survie. Mais toujours en ne prenant que le strict minimum, sans jamais rien détériorer. Une narration littéraire avec la voix off de Christophe comme fond sonore. Un récit hors du temps qui se concentre sur les premiers jours de cette fugue ce qui permet de "comprendre" les raisons de ce besoin de se couper du monde et ensuite comment il va s'adapter à son nouvel environnement. Comment il va se déplacer sans laisser de traces, d'empreintes de pas. Il va modifier sa façon de se déplacer en prenant des points d'appui sur un tronc tombé à terre ou sur une pierre. Bondir, atterrir et équilibre vont le rendre furtif. Et ainsi ouvrir des pistes invisibles au milieu de la forêt. Une belle réflexion sur le sens de la vie. Pour bien disparaître, il ne faut pas être cherché. J'ai pris un plaisir fou à suivre le parcours incroyable de cet homme, dont on ne verra jamais le visage. Un dessin qui m'a transporté dans cette folle aventure, un dessin hypnotique, psychédélique. D'une beauté à couper le souffle. Une technique avec un usage de formes pleines réalisées au pinceau et à l'encre de Chine, sans recours au trait de contour. Les formes pleines ont été numériquement traduites en deux couches superposées et retravaillées à la palette graphique, afin d'obtenir une impression en deux passages de tons directs, un bleu et un orange. La troisième couleur, un marron, est obtenue par leur superposition (dixit Xavier Mussat). Un dessin qui suit les aléas de notre homme des bois et qui retranscrit à merveille le côté sauvage et indompté de la nature avec tantôt des formes arrondies, tantôt des formes géométriques. Il faut prendre son temps, certaines cases peuvent paraître un peu fouillis, mais en y regardant de plus près, on peut y découvrir des formes animales, où l'art et la manière de les rendre invisibles. La mise en page est immersive. Une belle réussite à mes yeux. Voilà, vous êtes prévenus. A vous de choisir !
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