Le Morne au diable

Note: 5/5
(5/5 pour 2 avis)

Les éditions de La Crypte Tonique ont eu la bonne idée de rééditer ce chef d’œuvre de Georges Beuville, paru initialement dans le Journal de Tintin entre février et octobre 1950 sous forme de feuilleton, et adapté du roman éponyme d'Eugène Sue.


Adaptations de romans en BD De cape et d'épée Journal Tintin Les petits éditeurs indépendants

Animé d'intentions sans doute plus égocentriques que sentimentales, l'aventurier en fuite Polyphème de Croustillac cherche à épouser la terrible Barbe Bleue, une femme mystérieuse auréolée de sinistres légendes et vivant recluse dans une forteresse des Caraïbes sous la bonne garde de trois puissants gardes du corps : Ouragan le flibustier, Arrache l'Âme le boucanier et Youmaalë le cannibale. Qu'à cela ne tienne, le chevalier de Croustillac prend clandestinement la route des Caraïbes afin d'accomplir son fantasme. Mais son chemin tortueux va progressivement se confondre avec le tumulte de la grande Histoire.

Scénario
Oeuvre originale
Dessin
Couleurs
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution Décembre 2018
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Le Morne au diable © La Crypte Tonique 2018
Les notes
Note: 5/5
(5/5 pour 2 avis)
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31/01/2023 | grogro
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Par Titanick
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
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Et voilà, j’ai craqué. Vu le prix, ce n’est pas raisonnable mais je ne pouvais pas laisser passer ça. Que pourrais-je ajouter  à l'avis précédent ? C’est magnifique. Édition récente mais bd de 1950, qui plus est scénario tiré d’un roman d’Eugène Sue. Je reconnais qu’on peut ne pas apprécier mais moi j’aime bien ces romans feuilletons du xixe (de Sue, je n’avais lu que le Juif Errant), à lire bien entendu en connaissance de cause, témoignages souvent d’un état d’esprit de l’époque. Aventure pur jus, action historique et exotique. Le texte est sous les cases illustratives de l’action. Un choix judicieux pour avoir l’impression de « lire un roman » surtout que Beuville semble avoir su tirer la moelle de l’intrigue. Mais c’est aussi et surtout au dessin que Beuville donne toute sa mesure. Étonnant ce dessin pour l’époque, contemporain de la ligne claire d’Hergé – d’ailleurs il s’agit d’une commande d’Hergé à Beuville – mais qui en prend le contrepied, fort agréablement (et pourtant , j’aime infiniment la ligne claire). Comme le dit Grogro, un dessin moderne (on est en 1950 !), tout en nuances mais parfaitement lisible. C’est vrai qu’il paraît hésitant, mais on le sent parfaitement maîtrisé. Et quand on pense que les dessins ont été réalisés à l’échelle de la publication, c’est du grand art. Ce n’est pas pour rien que Beuville a tant d’admirateurs dans le monde de la bd. Beau travail éditorial que d’avoir restitué cette œuvre, à partir d’originaux quand c’était possible ou de récupération de planches publiées. En revanche, j’aurais apprécié également que le texte soit dans une couleur un peu plus lisible et surtout pour le prix, effectivement, une belle reliure cartonnée aurait été bienvenue. Et je vais suivre avec joie la note culte de Grogro, en espérant aussi inciter les éditeurs à retrouver des pépites oubliées.

29/02/2024 (modifier)
Par grogro
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
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Le 50e festival d'Angoulême s'achève tout juste. Parmi les titres innombrables, j'ai déniché cette véritable pépite qui a sauté dans ma rétine. Ce titre, on le doit aux éditions de la Crypte Tonique qui a eu la bonne idée de rééditer les planches du Morne au diable, une adaptation du roman éponyme d'Eugène Sue par Georges Beuville parue entre février et octobre 1950 dans le Journal de Tintin. La réédition date déjà de 2018, mais qu'importe. Ce qui frappe d'emblée, c'est la fraicheur des dessins. Le trait est vif et enlevé, au point qu'on croirait une création de Christophe Blain ou Frantz Duchazeau. On y trouve cette habilité du mouvement, l'expressivité des visages et ce cadrage très filmographique qui caractérise la BD d'aujourd'hui. L'ensemble a un charme fou. L'auteur lui-même ne semblait pourtant pas avoir conscience de la modernité de son trait « haché et négligent », selon ses propres termes, évoquant sa contribution au Journal de Tintin ainsi : « Je ne vois en effet dans ce journal que des images au tracé impeccable auprès desquelles mes croquis hachurés, tremblotés, peu définis, font assez piètre figure ». Incroyable ! Les planches sont reproduites à l'échelle 1/1, ce qui respecte le format d'origine. Les dessins sont donc petits mais permettent d'évaluer la finesse d’exécution du bonhomme. Remarquable ! Et comment sais-je tout cela ? Et bien parce que cette réédition est accompagnée d'un petit livret qui fait la lumière sur le travail de Beuville, et présente deux points de vue sur l'auteur : celui de Cabu et celui de Hislaire, tous deux admiratifs. L'histoire, quant à elle, est une sorte de d'aventure vaudevillesque qui entraine le lecteur aux quatre coins du monde. L'ensemble ne manque pas d'humour, si bien que l'on pourrait rapprocher le style narratif de l'excellent La Fuite du cerveau de Pierre-Henry Gomont, même si il n'en possède pas la fougue. En effet, Le Morne au diable se traine un peu par moments, mais il faut à mon sens y voir le fait de la narration d'Eugène Sue. Beuville aura cherché à coller au plus près du texte qu'il a d'ailleurs condensé lui-même. On pourra aussi regretter la mise en forme. Le texte, qui comprend également les dialogues, est directement inséré par blocs compacts sous les cases, qui plus est dans une couleur discutable, un genre de sépia que mes yeux de taupe myope ont péniblement déchiffré. A ce sujet, le petit livret permet de mieux comprendre ce choix. Beuville lui-même confiait : « La bande dessinée ne m'intéresse pas. Vous comprenez, vous autres, quand vous ne savez plus quoi faire, vous mettez un texte pour cacher le dessin ! C'est du remplissage ! ». J'ajoute simplement qu'étant donné le prix conséquent du livre (40€ tout de même), on aurait largement préféré une couverture rigide... Cela dit, ces récriminations ne gâtent en rien le plaisir. J'ai pris un pied formidable à lire Le Morne au diable jusqu'à la conclusion que j'ai personnellement trouvée admirable, avec de surcroit cette impression d'avoir découvert un artefact oublié, le chainon manquant entre la bande dessinée de grand-père et celle de ce troisième millénaire naissant. L'écrivain Jacques Perret admirait le travail de Beuville. En guise de conclusion, il nous livre ces mots : « il ne se contente pas d'avoir de l'esprit, chose difficile et tombée en désuétude, il y montre encore la virtuosité d'un style qui se moque des engouements éphémères ». Tout est dit.

31/01/2023 (modifier)