Journal
Angoulême 1997 : Alph'Art coup de cœur pour le tome 1. Véritable autobiographie dessinée.
Angoulême : récapitulatif des séries primées Autobiographie Delcourt École européenne supérieure de l'image Futurs immanquables Gays et lesbiennes Les meilleures séries courtes Pays basque Profession : bédéiste
Tout d’abord, il faut comprendre qu’il ne s’agit pas d’une BD comme les autres, il s’agit d’un Journal qui se veut personnel. Nous avons donc là une œuvre très intime. Il s'agit d'une auto-biographie dessinée. Le genre est à la mode actuellement mais était plus original à l’époque. L’œuvre est très riche du fait des nombreux thèmes et idées évoqués, il ne s'agit pas d'une histoire à proprement dit. Disons qu’il s’agit de la vie au quotidien d’un homme mais d’une vie riche en réflexion, en questionnement sur sa place au sein de notre société, de la construction de sa personnalité. Mais cette réflexion est alimentée par tous les problèmes quotidiens, certains même très terre à terre, que l’on peut connaître comme le chômage, le manque d’argent, les déceptions amoureuses, les disputes, ... En fait, comme j'ai eu l'occasion de le lire sur un site, on peut dire que le Journal possède "une véritable ambition littéraire, artistique et philosophique". L'histoire n'est pas terminée, du moins, tant que son auteur vivra. Il s'agit là de l'oeuvre de toute une vie.
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Date de parution | Janvier 1996 |
Statut histoire | Série terminée (Réédition en cours) 4 tomes parus |
Les avis
3.5 Cela faisait des années que je connaissais cette série sans l'avoir lue. En effet, le dessin de Neaud ne me séduit pas du tout, je ne suis pas très fan de la manière dont il dessine les visages et en plus les albums réunis font des centaines de pages. J'ai fini par sauter le pas avec la réédition de Delcourt qui contient des pages inédites, dont une postface où l'auteur explique que si tout va bien il va y avoir une suite en 2023....Et ben un an plus tard toujours rien ! L'auteur se met à nu et montre ce qu'était sa vie dans les années 90. J'ai trouvé cela intéressant parce que j'étais un gamin à cette époque, alors j'ai traversé cette décennie en ignorant plein de choses. J'ai bien aimé le côté sans concession, l'auteur n'a pas une langue de bois et n'a aucun problème à montrer les défauts de ses proches et les siens. Mes passages préférés sont lorsqu'il parle de ce que c'était d'être homosexuel à l'époque (les gens 'tolérants' en prennent pour leur grade) et lorsqu'il montre à quoi ressemblait le milieu de la BD indépendante dans les années 90. Honnêtement, je pensais à un moment mettre un coup de cœur, mais il y aussi des passages qui m'ont un peu ennuyé, notamment le voyage dans la première partie du tome 4. C'est vraiment une lecture dont mon intérêt variait selon les chapitres. Et puis aussi je ne suis toujours pas fan du dessin. Mais bon cela reste un classique du genre autobiographique et c'est à lire si on aime ce genre de BD.
J'aimerais beaucoup dire que j'aime bien et je comprends tout à fait pourquoi cette série autobiographique est une référence du genre. C'est bien construit, très sincère, bien dessiné, recherché en termes de mise en page etc. Mais je n'accroche tout simplement pas avec l'auteur et cette manière permanente de faire dans le drama, ce que j'ai ressenti dès la lecture de l'avant-propos. Il est compliqué pour moi de continuer la lecture avec les autres tomes que j'ai pourtant commandés... J'y reviendrai plus tard je pense pour tenter d'appréhender le sujet d'une autre manière.
C’est sous l’impulsion sagace de David Chauvel que les éditions Delcourt nous offrent une séance de rattrapage pour cette excellente autobiographie de Fabrice Neaud, publiée à l’origine dans les années 90. Journal 1 Si vous appréciez les histoires simples, je vais vous faire gagner du temps : vous pouvez passer votre chemin ! Ce journal est une œuvre exigeante qui atteint un niveau d’introspection rarement vu dans une autobiographie. Fabrice Neaud, à l’époque âgé de 24 ans, y évoque ses débuts artistiques difficiles, au début des années 90, dans sa ville de province (dont il ne citera jamais le nom) : travaux de commande peu gratifiants, engueulades récurrentes avec son associé Alain, galère de thunes… l’auteur y parle aussi d’une vie amoureuse peu satisfaisante, de ses sorties vaines dans le bar homo de la ville, de ses rencontres nocturnes furtives dans le parc voisin, des jeux de drague qui se terminent parfois mal, les « casseurs de pédés » ayant toujours su où aller pour assouvir leur pulsions haineuses et masquer leur frustration sexuelle… L’ouvrage va très vite se centrer sur sa relation avec Stéphane, un jeune appelé du contingent rencontré dans le parc en question et à qui il demandera de poser dans le cadre de son travail. Stéphane se prêtant gracieusement au jeu, Fabrice va très vite s’enticher de ce garçon dont la flamme ne sera pas vraiment réciproque. Mais Fabrice, malgré sa passion croissante, sait rester lucide et comprend que la rupture est inévitable. Plus il se fait insistant, plus Stéphane s’éloigne, inexorablement. Ses visites s’espacent, toujours à l’improviste. Pour Fabrice, la situation devient insupportable. Dans un acte quasi suicidaire, il commettra l’irréparable en lui adressant lettre sur lettre, laissant exploser le pire de lui-même… Journal 2 Plus court que le précédent, ce second volet est un récit de transition. L’auteur tente de se remettre de sa rupture avec Stéphane. Il nous confie ses états d’âme sur une multitude de sujets, évoque sa solitude et son désir irréfréné des hommes bien charpentés, lui, le type au « corps mort » en dehors des rares moments de baise. Fabrice Neaud y retrace également les débuts de sa collaboration avec Loïc Néhou, admirable fondateur d’« Ego comme X », qui débouchera quelques années plus tard sur la sortie du « Journal » ici présent. Vers la fin, les plus observateurs pourront apercevoir l’image furtive de son prochain amour, Dominique, qui sera le sujet principal du volet suivant. Journal 3 Fabrice Neaud évoque ici sa rencontre avec Dominique, qui comme lui se lance dans une carrière artistique après avoir étudié aux Beaux-arts. C’est l’histoire d’un coup de foudre unilatéral, né dans une zone indéterminée se situant entre malentendu et ambigüité, l’histoire d’un amour passionnel à sens unique qui emportera l’auteur vers des gouffres infernaux, vers un point de non retour sans rémission. S’il y a comme un air de déjà vu, le contexte et les bases de ce « Journal 3 » sont différents. Dans le premier volet, la relation avec Stéphane était liée à une rencontre dans un lieu de drague nocturne, un jardin public. Ici, l’auteur fait la connaissance de Dominique dans son bar habituel, à côté de chez lui. Aucun sous-entendu sexuel ni amoureux, et les premiers instants de la rencontre ne sont pas détaillés, mais on imagine qu’à force de l’y croiser, parmi la clientèle de profs et d’étudiants des Beaux-arts, une vague complicité s’est installée progressivement entre les deux jeunes hommes autour de leur amour de l’art. Ce faisant, Fabrice passe de plus en plus de temps avec « le Doumé », comme se plaisent à le surnommer ses connaissances, et comme avec Stéphane, il se met à en faire des portraits, après l’avoir mitraillé de son objectif. Sauf qu’avec Stéphane, la relation était beaucoup plus superficielle, faite de silences et de non-dits, le jeune militaire étant davantage porté sur le sexuel que l’artistique… Ce volet va ainsi être centré sur ce nouvel « amant » qui ne le sera qu’à un stade potentiel. Et à en juger seulement par l’épaisseur du livre, on peut en déduire que cette histoire aura marqué durablement son auteur. La lecture de ce pavé exutoire de 400 pages viendra confirmer que ce dernier aura laissé quelques plumes dans cet épisode houleux et tourmenté de son existence. Journal 4 : Les Riches Heures S’il est difficile de résumer ce quatrième tome, la couverture, en plus du titre aux accents positifs, le fait plutôt bien. L’auteur s’y représente avec un papillon effleurant sa joue, son visage exprimant un mélange d’étonnement et d’amusement. Et quoi de mieux que le plus beau de tous les insectes pour symboliser la légèreté et la métamorphose ? Cette année 1996 intitulée « Les Riches Heures » peut ainsi s’envisager comme un point de basculement, un nouveau départ de Fabrice, après sa relation tumultueuse avec Dominique où il aura perdu quelques plumes… Ainsi, Neaud revient à un format narratif plus dilué, qui n’est plus centré seulement autour d’un personnage, l’objet (l’homme-objet ?) d’une passion, quelque chose qui s’apparenterait plus à un journal « ordinaire », où les soubresauts amoureux font place à un quotidien plus homogène. De manière significative, le récit s’ouvre sur une évocation du Pays basque, une véritable déclaration d’amour, principalement géographique et moins risquée cette fois ( !), pour une région où l’auteur se plaît à arpenter la campagne et les douces collines. Dans une longue séquence muette et contemplative, le lecteur se voit immerger dans une nature réconfortante où la beauté se décline à toutes les échelles, de la plante la plus fragile aux ciels prodigieux des Pyrénées avoisinantes. La suite du livre nous parle en quelque sorte de son processus de « reconstruction », en alternant des portraits de ses connaissances, amitiés nouvelles et potentielles via le fameux « Poney Club », prétexte à des discussions enflammées entre « collègues » autour d’un apéro ou d’un gueuleton. D’autres scènes aléatoires s’égrènent au fil des pages. Les anecdotes les plus banales ouvrent la porte à mille et une réflexions de la part de l’auteur, qui ne fait que confirmer son regard pénétrant sur les choses. En vrac, il y parle de la « pudeur » et de ses « malentendus », des relations humaines dans le cadre d’un groupe, de la perception d’un individu biaisée par les codes socioculturels, de l’amitié, ce « sentiment qui se manifeste mais ne s’énonce pas »… Bref, difficile de tout énumérer mais cela reste toujours passionnant, même quand parfois le sujet est plus pointu. Quant aux souvenirs de ses relations passées, ils y sont peu évoqués, de façon assez compréhensible, l’auteur ayant choisi de s’abriter derrière ses amitiés professionnelles. En les rattachant à son vécu, Fabrice Neaud aborde des problématiques humaines et philosophiques, à la base peu conçues pour le divertissement, et pourtant celui-ci parvient étrangement à nous captiver malgré la densité de l’ouvrage et son épaisseur qui pourrait faire peur (plus de 200 pages tout de même). Alors comment l’expliquer ? Ce qu’on apprécie particulièrement chez cet auteur, c’est l’honnêteté et la franchise avec laquelle il se livre, sans fards, parfois crument, sans pudibonderie de midinette. Et cette fameuse thématique de la pudeur qui lui tient tant à cœur, il la développe savamment en partant de sa libido qu’il a mis en veilleuse (en ne conservant que les fantasmes) pour déboucher sur la fascination qu’il éprouve vis-à-vis d’un acteur porno gay ayant suspendu sa brillante carrière de culturiste. Neaud met sa talentueuse patte au service de sa passion pour les corps nus de « brutes viriles » (et je serais le dernier à m’en plaindre…). Son dessin réaliste en noir et blanc reste superbe, dénué de vulgarité, et reste sexy tout en évitant de faire appel aux instincts bassement lubriques. La pornographie, les bites et les culs musclés, il les honore avec classe, y va franco et détruit toutes les culpabilités propres aux homosexualités refoulées ou non assumées. Un véritable travail de salut public. Plus globalement, Fabrice Neaud nous happe dans son journal, non seulement par sa sincérité et son audace. La diversité des questions abordées n’a d’égale que la fantaisie avec laquelle il illustre ses propos. Par l’humour dont il fait preuve ici et qui était moins flagrant auparavant, on a réellement le sentiment qu’il est passé à autre chose, un humour souvent caustique qui insuffle une certaine légèreté (de papillon ?) par rapport à la tournure « mélodramatique » des précédents tomes. L’auteur parvient ici à canaliser ses agacements avec des représentations plus « cartoonesques », pas de doute, ses chakras se sont ouverts… C’est sans doute aussi pour cette raison qu’il a choisi le véhicule de la bande dessinée, qui permet d’exprimer si bien des sentiments antagonistes lorsque comme ici l’alliance du texte et du dessin fonctionne à plein. Au final, ce dont nous fait part Fabrice Neaud ici, c’est son amour de la vie. Comme il le dit très bien dans les premières pages, « dessiner, c’est aimer ». Et cet amour, tout lecteur normalement constitué devrait le sentir à chaque page. Au bout de quatre tomes, ce « Journal » est devenu un ami. Et c’est avec une impatience très peu feinte que l’on attend la sortie cet automne, plus de vingt après (!), du cinquième tome (« Les Guerres immobiles »), car oui, la bonne nouvelle, c’est que l’artiste a décidé de remettre les couverts, et là on sera reparti pour un nouveau cycle intitulé « Le Dernier Sergent » ! ----- Fabrice Neaud nous offre ici une autobiographie peu commune, où il se livre à cœur ouvert, sans faux semblants, sans cette pudeur de façade trop souvent pratiquée dans ce type d’ouvrage. Ce n’est pas un journal de poseur, et l’auteur ne s’y montre pas forcément sous son meilleur jour. Il ne se fait pas de cadeaux, pas plus à lui-même qu’aux autres personnages jalonnant le récit. De plus, Neaud parvient à maintenir une tension inattendue dans des histoires dont on devine pourtant l’issue tragique, tension sans doute due à son côté écorché vif et entier, qui l’expose à des revers violents résultant d’actes qui ne le sont pas moins. Fabrice aime les hommes, les « vrais », les « brutes », et n’est attiré ni par les « folles » ni par les machos-cuir, et c’est bien là son drame. Il aime les types bien bâtis, virils et éventuellement poilus, au look « hétéro », et ne rentre donc pas dans les cases. D’autant qu’il n’exprime pas une solidarité particulière pour ses semblables, lesquels font parfois preuve d’un sectarisme incluant des codes qui ne sont pas caractérisés par la bienveillance, bien au contraire, ne faisant que reproduire les travers d’une société hétérosexuelle qui ne fait que les tolérer et qu’ils déplorent eux-mêmes. En outre, Fabrice Neaud dessine le désir homosexuel avec brio, magnifiant les portraits tirés de ses clichés photographiques, saisissant parfaitement les sentiments derrière les regards et les sourires. Son trait noir et blanc, à la base réaliste mais davantage centré sur les personnages que sur les décors, rend les émotions vibrantes en recourant à une technique quasi impressionniste : visage floutés, hachurés, rayés ou littéralement effacés. Son sens accompli du découpage fait le reste, Neaud établissant un dialogue permanent, toujours plein d’a-propos, entre dessin et texte. A travers cette autobiographie qui n’a pas pris une ride, l’auteur se livre à mille et une réflexions aussi pointues que passionnantes sur son rapport aux autres, sur la façon dont il se perçoit dans le monde et sa difficulté à y trouver sa place, sur cet « exil », « lot de la solitude », et peut-être, son inaptitude à l’amour… Fabrice Neaud, animal certes atrabilaire, nous parle de tout cela via le scalpel de son hypersensibilité, avec justesse, audace et honnêteté, sans aucun pathos. Il y aborde également quelques problématiques sociales, notamment la précarisation rampante et la montée des inégalités, des problématiques qui plus de vingt ans après, n’ont rien perdu de leur actualité, bien au contraire…
Après Fraise et Chocolat, voilà une lecture tout aussi intimiste mais dans un autre genre, je vous l'accorde. Il s'agit d'un récit autobiographique d'un jeune auteur homosexuel qui a du mal à joindre les deux bouts. Il n'a pas encore trouvé la suite à donner à son expression artistique. Il a trouvé l'amour mais l'a très vite perdu et du coup, il se raccroche désespérément à une relation foutue d'avance. Cela m'a attristé car qu'on soit homo ou pas, la séparation est toujours douloureuse. Il n'en ressort que déception et tristesse, repli sur soi et manque de confiance. J'ai bien aimé cette implication totale de soi avec la plus parfaite sincérité. C'est vrai que nous sommes assimilés à des lecteurs un peu voyeurs. C'est ce qui m'avait déjà dérangé dans Fraise et Chocolat. Là encore, l'auteur assume pour faire passer son message. Il peut se montrer un peu hautain et méprisable par moment mais il n'en demeure pas moins profondément humain. Il écorche au passage la fausse tolérance. Cela me fait penser à des amis que j'ai connus et qui avait dans leur relation un homo car cela faisait bien. Je crois qu'il était temps de s'interroger sur de tel comportement. Du coup, j'arrive à comprendre la haine de l'auteur pour ce qu'il désigne comme les faux tolérants. Sur la forme, j'ai plutôt apprécié son trait réaliste et délicat et le fait qu'il joue avec des jeux d'encrage. Les planches sont très agréables à lire. Il y a certes un certain académisme à cause de cette simplicité du trait. Cependant, j'apprécie cette régularité. Il y a également un côté portraitiste qui m'a plu. On enchaîne facilement sur le portrait de l'âme. Le dessin transmet des émotions et un certain mal-être. C'est clair que c'est un journal intimiste plutôt triste. Cela fout par moment le cafard. On est aux antipodes de l'humour et de la bonne humeur. Cependant, la bande dessinée a bien des visages. Je pense qu'il faut connaître également celui-ci sans tomber dans les préjugés. Tout le monde n'en n'est pas capable, je le crains. Alors, cela sera certainement pour les plus courageux !
Bon, mon avis ne sera pas long tant il m'est difficile de transmettre ici tout ce qui m'a ému à la lecture de ces bouquins. Il s'agit donc d'un journal, sujet déjà difficile et délicat, car profondément encré dans la réalité du narrateur. Le sujet réel du livre ne cesse de se réfléchir et reréfléchir...à la fin on touche à l'abîme. Je retiens tout de même une bonne dose de franchise de la part de l'auteur, qui ne joue d'ailleurs pas souvent le rôle le plus simple dans cette partie de sa vie qu'il décrit. Y'a des moments de déprime terribles, profondément sombres, où on aimerait tant avoir pu être là et tendre sa main (à moins que cela ne nous fasse regretter de ne pas avoir été là pour d'autres, bien plus proches de nous). J'aime bien aussi la sincérité parfaitement iconoclaste avec laquelle Frice Neaud démolit dans l'allégresse une foule de poncifs et clichés bien débiles de notre social-démocratie bien pensante... Bien sûr, Fabrice se montre parfois très choquant... Ce côté bassement provoc' se pardonne, voire se comprend, voire se justifie, voire s'impose, si l'on tient compte de la situation dans laquelle l'auteur semblait se trouver au moment de l'écriture de son œuvre Le journal de Fabrice Neaud est un solide travail, un entreprise un peu folle mais en tout cas, très humaine, très constructive (il s'agit pour moi d'un splendide récit de construction). Malgré les inévitables désaccords ou désapprobations que l'on peut sans doute s'entendre formuler à la lecture de ces quatre tomes, et qui, en fait, ne viennent qu'accroître le caractère authentique de la démarche de l'auteur (pas à proprement parler "consensuelle"). Il reste juste un solide témoignage d'une vie et d'un chemin pour y trouver un sens. C'est très beau.
« Le journal T1 » Ce livre, je l’ai trouvé coincé au beau milieu de bédés du genre « Association ». Au souvenir des échanges que j’ai pu entretenir avec F. Neaud sur un forum, il fallait bien qu’un jour que je feuillette son « journal » malgré le fait que je sois assez réticent à lire des récits autobiographiques. Ma première surprise vient de ces dessins qui sont d’une maturité assez étonnante pour un premier livre et qui sont d’une lisibilité très satisfaisante, c’est ce qui m’a convaincu à en savoir plus sur cette bédé. La seconde surprise, c’est que malgré des scènes assez crues, je n’ai pas été gêné par ça parce que j’étais en face d’un livre qui parle d’amour avec un grand A. J’ai senti de la sincérité dans les propos de F. Neaud qui nous parle de son homosexualité sans aucun tabou. L’auteur nous raconte ses espérances, ses détresses et aussi… ses amours. C’est d’ailleurs suite à une déception amoureuse vécue par l’auteur que me viendra à l’esprit la magnifique chanson de Renaud « petit pédé » avec ces dernières paroles très justes : « Tu seras malheureux parfois. La vie c'est pas toujours le pied. Moi qui ne suis pas comme toi. Le malheur j'ai déjà donné. Qu'on soit tarlouze ou hétéro. C'est finalement le même topo. Seul l'amour guérit tous les maux. Je te le souhaite et au plus tôt. Petit pédé ». F. Neaud se représente comme un personnage ni antipathique ni sympathique. Pourtant à travers son journal, il se révèle assez attachant du fait notamment de cette sincérité. J’ai tout de même de nombreux reproches à formuler à propos de cet album. Premièrement, la voix off se fait parfois trop pesante et j’ai eu tendance à lire plus qu’à regarder les cases. Et deuxièmement, l’auteur dénonce un certain voyeurisme et un manque de sincérité envers les homosexuels de la part des hétéros, ce n’est pas totalement faux mais j’ai eu l’impression que F. Neaud à travers ce livre règle ses comptes à ce niveau, se fait une généralité et ça ne plaira forcément pas à tout le monde... « Le journal T1 » est finalement une bédé autobiographique à lire absolument mais la noirceur de son propos et le fait que j’ai l’impression que tout a été dit sur l’homosexualité et la vie de Neaud dans ce premier album font que je ne précipiterai pas vers les autres tomes. Note finale : 4/5 « Le journal T2 » Que m’arrive t-il ? Moi qui a souvent horreur de lire des récits intimistes, voici que je me suis mis à feuilleter le tome 2 du journal de Fabrice Neaud une semaine après le tome 1 ! Serais-je tomber dans le piège du voyeurisme ? Le journal de Fabrice Neaud est à mon avis la bédé autobiographique qui va le plus loin dans les sentiments et l’intimité d’un auteur. Personnellement, je n’adhère pas trop à cette démarche, c’est comme si une caméra était constamment en train de film les péripéties de la vie de F. Neaud. En fait, ce qui m’a motivé à lire cette suite, c’est mon besoin de comprendre comment un homosexuel vit sa « différence » au milieu d’ »hétérosexuels » et comment il ressent le regard des autres. Le tome 1 était, à ce sens, déjà très développé et je n’aurais pas eu trop envie de lire cette suite si un bédéphile m’avait motivé à le faire. Ce tome 2 repose plus sur les déboires de F. Neaud vis à vis du chômage et de son regard face à l’art que sur son homosexuel. Ses mésaventures face à l’administration pour réussir à obtenir un minimum foncier pour pouvoir se nourrir et se loger sont significatives de ce changement de ton dans cet album par rapport au premier. Il y a aussi une réflexion sur les ambiguïtés de son statut d’artiste face aux lourdeurs de l’administration. Cet album est plus donc axé sur les malheurs que chacun peut tomber ou vivre en ce moment. J’aime toujours autant le dessin de F. Neaud qui est très lisible et qui maîtrise très bien l’anatomie humaine. La mise en page est classique et efficace. La « voix off » est cette fois-ci moins présente que dans le premier tome. Bon, allez, encore un p’tit effort, je vais aller lire l’ »énorme » troisième tome, histoire que je ne déçoive pas l’autre bédéphile… Toujours est-il que j’aime bien les « coups de gueule » de F. Neaud même si je ne suis pas toujours d’accord avec lui, ça fait remuer le cocotier ! Note finale : 3/5.
Depuis le temps que j'entends parler de cette série sur le Net, je m'étais presque persuadé que je ne l'aimerais pas en la lisant car je deteste suivre un consensus. D'une part, au vu de quelques extraits que j'avais vus, je m'imaginais le dessin plutôt mauvais, que c'était un amateur qui avait décidé de faire son journal en BD pour être dans le coup. Mais en réalité, Fabrice Neaud sait bien dessiner; il a fait les beaux arts et ça se voit. Son journal a donc un aspect visuel tout à fait intéressant et plutôt réussi. D'autre part, j'avais lu auparavant le journal intime publié sur Internet d'un québécois bisexuel qui, bien qu'étant intéressant, ne m'avait pas accroché car le personnage ne m'était pas attachant. Là, au contraire, je trouve Fabrice Neaud attachant et sincère. Le but de son journal est de tout présenter, de ne rien cacher, pas même la vie intime, les défauts, les faiblesses et les erreurs. Et on peut en déduire que Fabrice est loin d'être parfait mais aucun de ses défauts ne me parait rhédibitoire et on finit par se sentir assez proche de lui. Le thème de l'homosexualité est abordé de manière crue, comme un fait établi sur lequel il n'est pas besoin de revenir. Tant et si bien que malgré un bon nombre d'images chocs car tout simplement porno, le discours de Neaud finit par s'attacher davantage aux sentiments qu'au sexe en lui-même, permettant même à un hétéro strict comme moi de bien ressentir ce qu'il cherche à exprimer sur son amour, sa frustration, ce qu'il appelle sa ruine affective. Maintenant, si je m'intéresse davantage à la BD en elle-même qu'à son personnage et auteur, je trouve qu'elle est un peu trop verbeuse. Certains textes sont assez lourds à lire à mon sens et j'estime que Neaud aurait sans doute mieux transmis son message en moins de mots, profitant davantage du support BD lui-même, même s'il en fait déjà une utilisation tout à fait bonne. De même, je ne peux pas dire que j'ai été complètement captivé ni touché par cette BD. Je n'en regrette pas la lecture mais ce n'est pas une oeuvre qui m'aura marqué par son talent, son originalité ni son message. Un journal intime bien réussi en BD, mais pas une oeuvre que je conseillerais à l'achat.
Depuis quelques années, il semble que le passage obligé de tous les étudiants venant de terminer les Beaux-Arts et désireux de faire de la BD soit de publier un truc autobiographique en noir et blanc, si possible en s’étendant un maximum sur sa sexualité sordide et/ou sur ses rapports difficiles avec ses parents. Ces ouvrages se ressemblent à peu près tous mais, de temps en temps, l’un d’eux a quelque chose d’un peu plus intéressant et profond à dire que « Papa n’a jamais été là pour moi et quand j’avais 17 ans, je me branlais devant des vieux catalogues Manufrance ». C’est le cas du Journal de Fabrice Neaud qui, bien qu’il présente en surface les mêmes caractéristiques que les autres, est néanmoins très nettement au-dessus du lot. L’une des raisons étant que Neaud, tout en nous racontant sa vie, n’hésite pas à creuser profondément tous les thèmes qu’il est amené à aborder par le biais de son autobio : l’amour, les rapports humains en général, l’art, l’homosexualité.... Une autre raison étant que, sur tous ces thèmes, il rejette les discours consensuels tenus partout ailleurs. Quand il parle de son homosexualité par exemple, il ne se contente pas de quelques platitudes convenues ; il développe un discours certes plein de colère, mais intelligent et sans langue de bois, et n’hésite pas à lâcher de gros pavés dans la mare et à mettre le nez dans leur propre caca aux lecteurs hétéros lambda qui se targuent pourtant d’être "tolérants". Alors c’est sûr que du coup, quand on est soi-même un de ces lecteurs hétéros lambda, ça fait bizarre d’être un peu malmené comme ça, c’est pas forcément agréable à lire, et face à cela, soit on reconnaît, un peu honteusement, que dans le fond Neaud a raison, soit on se dit que Neaud un gros con aussi intolérant que ceux qu’il critique et on le rejette en bloc… Pour montrer à quel point je suis un type intelligent et ouvert d’esprit ;) , je pourrais préciser que ma réaction a évidemment été la première citée, mais bon, vous avez vu, j’ai mis 4 étoiles, donc vous aurez compris que je n’ai pas balancé le Journal aux chiottes en pensant que Neaud était un con. Mais à ce sujet, soyez néanmoins prévenus : du fait même de la nature de cette série (c’est un journal, pas une fiction avec une intrigue), tout au long de la lecture, le jugement du lecteur ne se fera pas beaucoup sur des considérations de type "est-ce que l’histoire est bien construite, est-ce que les dialogues sont bien écrits, etc", mais surtout en fonction de la sympathie que le lecteur aura ou non pour l’auteur. Et soyons honnête : Neaud n’est pas un gars super sympa et drôle à la Trondheim, à qui on s’attache immédiatement. Neaud est un intello, ne s’en cache pas, ne s’en défend pas. Du coup, il pourra paraître à certains plutôt verbeux et chiant, mais également élitiste et méprisant. C’est aussi quelqu’un qui a beaucoup de colère, de dégoût, d’amertume, de tristesse en lui ; du coup son Journal n’est décidément pas une balade de santé, un truc qu’on feuillette pour se remonter le moral et/ou se vider la tête. C’est aussi, enfin, quelqu’un bourré de défauts, de contradictions ; du coup, il faudra réussir à surmonter tout ça pour ne pas lâcher ses bouquins en se disant « Pff, allez, j’en ai ras-le-bol, de ce connard ». Mais bon… Il a beau être Auteur de Bandes Dessinées, il n’est qu’humain… tout le monde à des défauts… et on peut en venir à beaucoup apprécier ce mec malgré tous ses travers… Un point noir malheureusement : le 4ème tome, dernier paru à ce jour (mais d’autres suivront), est malheureusement moins intéressant que ses prédecesseurs… Il raconte une période de la vie de Neaud où il sortait un peu la tête de l’eau, se sentait moins mal (ah oui, parce que les 3 premiers tomes sont vraiment noirs-noirs-noirs hein)… Alors, est-ce parce qu’un artiste produit forcément de meilleures œuvres lorsqu’il est dépressif et tourmenté, ou est-ce parce qu’une histoire vécue bien sordide paraîtra toujours plus passionnante aux lecteurs qu’une histoire vécue gentillette, je ne sais pas… Toujours est-il que ce fameux tome 4, donc, déçoit. Peut-être aussi parce qu’au bout de 3 tomes représentant plusieurs centaines de pages, on commence à avoir un peu fait le tour du personnage, de ce qu’il a à dire… Bon, bref. Ça commence par une interminable publicité pour le Pays Basque, ses paysages enchanteurs, ses petits bruns trapus aux gros sourcils… Un premier chapitre qui a dû faire plaisir à l’Office du Tourisme local (non, je ne vais pas insinuer que Neaud a touché un petit chèque pour inclure ces planches à sa BD), mais qui se révèle très chiant à lire. Tout n’est heureusement pas du même tonneau, mais il y a quelques autres trucs qui fâchent un peu… Neaud nous a habitués à de violentes diatribes certes, et il faut bien reconnaître que souvent il n’a pas tort, mais là, tout regonflé d’énergie qu’il est, il aurait presque tendance à trop s’emporter, et du coup, à dire des conneries… Chaque fois qu’il gueule, derrière le discours bien structuré on croirait que le message est « De toutes façons, je suis plus sensible et plus intelligent que tout le monde, je comprends tout mieux que tout le monde, j’ai le droit de juger tout le monde mais personne n’a le droit de me juger, et je vous emmerde tous, bande d’homophobes petits-bourgeois hétéros bien-pensants qui ne comprenez rien à l’art que vous êtes ». Il reparle aussi de son agacement vis-à-vis de ce qu’il appelle « la dictature du sympa », c’est-à-dire, pour reprendre sa définition, l’obligation d’être « cool, fun, modeste, ne pas se prendre la tête, léger, avoir de l’humour, être tolérant, ouvert, pas grave »… sur ce point, il dit des trucs avec lesquels je suis assez d’accord, sauf qu’après ça, il nous raconte avec une certaine jubilation sa participation à une émission de radio hebdomadaire organisée par lui et ses nouveaux potes, et je ne sais pas s’il s’en rend compte, mais cette émission dont il a l’air particulièrement fier présente tous les travers du "sympa" à deux balles que, pourtant, il déteste quand il vient des autres… A s’octroyer ainsi le privilège de cracher sur tout le monde sans plus balayer devant sa porte, il commence à épuiser le capital sympathie (au sens non-péjoratif du mot "sympa" cette fois) qu’il s’était construit avec les 3 premiers tomes. Avec tout ça, je n’ai même pas eu le temps de parler du dessin, mais plus je me relis, plus je trouve mon avis trop long, confus et super mal écrit, donc je vais essayer d’arrêter le massacre et de conclure rapidement. Disons en bref que je n’aime pas trop, que c’est un peu trop « sage », trop « dessiné d’après photo », trop « étudiant des Beaux-Arts bien appliqué », quoi. Même quand il commence à se permettre quelques fantaisies visuelles (à partir des tomes 3-4 en gros), je trouve ça raté. Mais le propos est si riche et dense que finalement, tant pis si le dessin ne me plaît pas. Comme je le disais au début, le Journal reste pour l’instant (malgré ce 4ème tome) largement plus intéressant que la grande majorité de l’abondante production actuelle de BD autobiographique. Je n’en conseille pas forcément l’achat, et je ne conseille pas forcément non plus à ceux qui liraient le 1er tome et le trouveraient hyper-chiant de s’acharner à lire la suite, mais néanmoins, cette œuvre singulière mérite qu’on y jette un coup d’œil.
Cette BD fait déjà partie des BD majeure, un monument que tout fan de BD se doit d'avoir lu même si elle est très complexe. Impossible de parler de l'histoire en dehors de la brève présentation faite, cela prendrait des pages et des pages (je me suis déjà essayé à cet exercice et il ne s'agissait que d'une présentation parcellaire). Quand au dessin, on peut dire qu’il est fin, plutôt éloigné des canons de la BD d’auteur, des publications indépendantes. Le trait est clair, précis, travaillé même s'il peut donner une impression de brouillon, une apparence parfois "lâchée". Si la mise en page, le découpage peuvent sembler assez classiques avec le sacro-saint "gaufrier" comme base (encore que le rythme et la taille des cases est très lié au temps qui passe, que l’alternance de vues subjectives et objectives peut dérouter, que le dessin jaillit des cases parfois), je trouve que cela a pour effet d’amplifier l’impact du contenu, les propos n’étant pas parasités par un contenant voyant, exubérant. Mais on ne pourra pas dire la même chose du dessin qui peut être très réaliste mais aussi très fantaisiste, l'utilisation régulière d'iconographies symboliques, de floutages peut surprendre. Il faut lire attentivement les textes, regarder les images une à une et dans leur ensemble pour mieux se rendre compte que derrière une certaine sobriété, on a une réflexion en profondeur de ce qui est présenté au lecteur. On peut aussi se poser la question s'il s'agit véritablement de BD. La plupart du temps, les cases représentent plus des poses, des sentiments, des "points de vue" que des actions. On pourrait plus parler d'illustration d’un écrit ou de la représentation graphique d’un Journal intime que d’une bande dessinée à proprement dit. D'ailleurs il n'y a pas vraiment de récit, d'action, mais plutôt des tranches de vie, des dialogues ou même des monologues. On nous raconte ce qui s'est passé, on ne nous le montre pas en train de se passer, on ne le vit pas directement. Personnellement, cette lecture, ainsi que la recherche sur Internet des différents propos tenus par Fabrice Neaud (interviews, participations à des forums), sans parler des discussions que j’ai pu avoir à ce propos avec certaines personnes fait de cette BD une expérience enrichissante. Enrichissante par l’émotion suscitée par certains passages (surtout dans le Journal III) mais aussi par la réflexion que chacun doit avoir devant une oeuvre aussi puissante (je pense tout particulièrement au Journal I et 4), obligeant à remettre en question certaines certitudes, certains comportements que l’on peut avoir, même (et surtout) inconsciemment.
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