Fées des sixties
Dans les années 1960, alors que l'Angleterre fait sa révolution à travers le Swinging London, on découvre au même moment l'existence des fées...
Auteurs italiens Gays et lesbiennes Londres
Attirées, elles aussi, par les idées subversives de la pop culture, ces créatures magiques ancestrales vont devoir apprendre à cohabiter avec les humains et faire face, bien malgré elles, aux terribles lois de l'inclusion. Annoncée comme la série-événement au catalogue 2023 des Humanoïdes Associés, « Fées des sixties », qui propose un nouvel univers de fantasy inédit, verra la sortie de quatre tomes cette année, le premier étant paru le 1er février dernier. Constituant une histoire à part entière réalisée par des auteurs différents, chaque volume pourra se lire indépendamment des autres.
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Date de parution | 01 Février 2023 |
Statut histoire | Une histoire par tome (4 tomes prévus) 2 tomes parus |
Les avis
J’ai lu les deux premiers albums parus, dans cette nouvelle « série concept » proche d’une collection, qui verra des auteurs différents produire des one-shots. Le concept de départ est quelque peu original, puisqu’il fait cohabiter (souvent très mal d’ailleurs) des fées et des humains ordinaires. Si les fées peuvent passer de leur monde au nôtre, c’est dans le nôtre que se déroulent les intrigues, dans l’Angleterre de la seconde moitié des sixties (Manchester, Londres, etc.). Au travers des problèmes rencontrés par les fées, souvent discriminées, rejetées car « différentes », on comprend que Gihef et Lachenal, qui dirigent cette collection/série joue sur des thématiques très actuelles, à savoir l’acceptation des différences, la lutte pour les droits des minorités. Le terme « fairy », renvoyant à la fois au monde merveilleux des fées et à une certaine homosexualité fait le lien entre les sujets traités, puisque les relations homosexuelles (en sus des relations entre humains et fées) sont souvent au cœur des histoires, dans les grandes villes anglaises où le mouvement gay va prendre son essor. Voilà pour le décor, intriguant. Mais pour le reste, je suis un peu resté sur ma faim. La première histoire m’a davantage déçu, la deuxième, qui s’apparente à une enquête policière (pimentée par les sujets évoqués plus haut), est plus consistante et dynamique. Quant au dessin, je n’aime a priori pas les changements au cœur d’une même série. Celui du premier tome ne m’a pas séduit, même s’il est lisible et dynamique. J’ai préféré le dessin de Zanon (même s’il n’est pas forcément mon truc). Seuls les coloristes ne changent pas, et je dois dire que je ne suis pas fan de leur rendu, qui lisse trop les traits (pas aimé non plus certains visages effacés). Au vu de ces deux premiers tomes, je reste circonspect. A emprunter éventuellement, mais je ne suis qu’à moitié convaincu par cette série, qui semblait pourtant sortir agréablement des sentiers battus.
Si j’ai bien compris le concept de la série, même univers mais chaque tome sera indépendant et réalisé par différents auteurs. Je n’ai eu que le tome 1 dans les mains et je ne poursuivrais pas l’aventure. Pourtant l’univers mis en place n’est pas dénué d’intérêt (message comme réalisation) mais je n’y ai absolument pas succombé, il faut dire aussi que je ne suis pas le coeur de cible, et ça me semble ici clairement adressé aux plus jeunes. En fait durant toute ma lecture, je n’ai pu m’empêcher de faire des parallèles avec la série TV Carnival Row qui partage quelques similitudes dans les thématiques (monde humain / féerique, tolérance …) mais avec une tonalité plus sombre et adulte. La comparaison ne jouant pas en faveur de la version papier, et l’intrigue de ce 1er tome ne relève pas l’ensemble (personnages comme récit m’ont laissé de marbre). La mise en page est plus agréable à suivre mais ne m’a pas interpellé plus que ça. En vrai, c’est seulement en avisant que je me rends compte que c’est le dessinateur de Sirocco, le format et les couleurs ne lui rendent pas honneur, je trouve qu’il s’en dégage beaucoup moins de magie et de sensibilité.
Par son titre, « Fées des sixties » joue malicieusement sur l’ambiguïté du terme « fairy », qui en anglais signifie au sens premier « fée », et dans un langage familier, désigne les hommes efféminés, pour ne pas dire homosexuels. Pour réunir ces deux notions, quoique de mieux que le Swinging London des « Late Sixties », alors que le mouvement glam rock commençait à peine à éclore avec en chef de file David « Ziggy Stardust » Bowie, mi-homme mi-extra-terrestre maquillé comme un vaisseau spatial volé et capable de faire tourner les têtes, autant masculines que féminines. Une époque bénie où le champ des possibles semblait s’ouvrir à l’infini, avant de se fracasser sur la réalité des crises économiques successives. Ainsi, ce premier volet titré « Les Disparitions d’Imbolc » nous projette dans une sorte d’uchronie où l’univers mythique d’Avalon (l’île légendaire où vivait la fée Morgane) interfère avec le monde « réel » à travers un portail invisible. Dans cette réalité parallèle, les hippies ont pris l’apparence d’elfes ailés, à l'allure plus ou moins androgyne. Leur présence croissante et leur hédonisme décomplexé inquiète la population londonienne. C’est dans ce contexte que la jeune Ailith va débarquer, alors qu’elle vient d’être embauchée par un grand journal pour enquêter sur une série de disparitions inexpliquées. Persuadée que les fées kidnappent les humains, comme elles l’ont fait pour sa mère elle-même mystérieusement disparue il y a plusieurs années, Ailith est résolue à faire toute la lumière sur le phénomène. Jul Maroh, qui depuis « Le Bleu est une couleur chaude » refuse la binarité, ne s’est centré.e ici que sur le scénario, confiant les pinceaux à Giulio Macaione, dessinateur italien également multi-casquettes avec plusieurs albums à son actif. Depuis son premier album, on sait que Maroh s’intéresse particulièrement aux questions autour de l’identité sexuelle et des tabous sociétaux. « Fées des sixties » était pour ellui l’occasion rêvée de faire passer plusieurs messages à destination des « young adults », clairement la cible de cet ouvrage. Ce sont ici deux mondes qui s’opposent. D’un côté l’ancien, celui des normes patriarcales et des conventions sociales pesantes et étriquées, et le nouveau, celui de la magie, de la tolérance et de la célébration de la vie, jugé subversif par ses adversaires. L’héroïne elle-même, bien que très mal disposée envers les fées qu’elle accuse d’avoir kidnappé sa mère, va se trouver confrontée au machisme de ses nouveaux collègues en intégrant son poste de journaliste. De même, le flashback en guise d’introduction annonce la couleur assez vite, une couleur chaude comme il se doit, avec ce baiser enflammé de deux hommes sous l’ère victorienne… Si l’univers des « Disparitions d’Imbolc » fait bien comprendre que le tant conspué « wokisme » de notre époque ne date pas d’hier, l’ouvrage recèle maints motifs d’être séduit, ne serait-ce que par le talent de Macaione. Certes, si son dessin donne une impression de déjà-vu, il n’en révèle pas moins chez son auteur une assurance et une finesse incontestable dans la description de cet univers au charme… féérique. Fabs Norcera quant à lui restitue bien l’ambiance colorée qui va de pair avec ces « insouciantes » années pop. Sur le plan du scénario, on pourra regretter ces petites imprécisions et autres ellipses qui peuvent parfois perdre un peu le lecteur. Globalement, ce récit imprégné d’Héroic Fantasy moderne, sans dragons cracheurs de feu ni orques effrayants, dispose de nombreux atouts pour conquérir son public. On reste curieux de voir ce que donneront les prochains volumes, tous réalisés par des auteurs différents, un parti pris qui constitue assurément un des intérêts de cette nouvelle série axée sur l’inclusion et la visibilisation des minorités, conceptualisée par Gihef et Christian Lachenal.
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