Majnoun et Leïli - Chants d'outre-tombe
Sous forme d'un somptueux poème graphique en alexandrins, le drame amoureux du poète Majnoun et de son amante Leïli, inspiré de la tradition orientale.
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Qaïs et Leïli sont deux amants éperdument amoureux. Si amoureux que le jeune homme, incapable de contenir sa passion, la chante à tous les vents avec tant de ferveur qu’il reçoit le surnom de « Majnoun » (le fou). Très vite, sa réputation le précède, si bien que le père de Leïli refuse de donner la main de sa fille à ce personnage si extravagant. Brisé, le poète se laisse dépérir, chantant sans cesse son amour perdu. Tel Orphée, ses paroles apaisent le cœur des désœuvrés et celui des animaux les plus féroces qui, bientôt, le suivent en cortège. Leïli, quant à elle, se lamente sur sa condition de femme assujettie, qui ne peut même pas, à la différence de son amant, laisser éclater publiquement son désarroi ! Peiné, le père de Leïli décide de la marier à un jeune homme « respectable » qui saura, lui, la rendre heureuse. Assistant au mariage, Majnoun périt de tristesse. Le charme de ses chants rompu, la fureur des animaux sauvages qui formaient son cortège reprend de plus belle et ces derniers dévorent son corps. Repus de ses chairs, tous entonnent l’ultime chant du poète, conjurant sa belle à le rejoindre dans la mort… Yann Damezin revisite en alexandrins cette histoire d’amour impossible qui a inspiré les plus grands poètes orientaux.
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Date de parution | 09 Novembre 2022 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
J'ai adoré cet album, mais il ne fera pas l'unanimité. Certains risquent de rester hermétique à cette histoire singulière. "Majnoun et Leïli" est tiré d'une histoire d'amour populaire d'origine arabe, elle trouve ses racines chez les bédouins d'Irak au VII° siècle. C'est l'adaptation perse de Nizami au XII° siècle qui a contribué à sa vaste diffusion. J'ai eu cet album dans les mains lors de sa sortie, la partie graphique m'avait subjugué mais j'ai du le reposer pour une question de budget à ne pas dépasser. C'est l'avis enthousiaste de Blue boy qui a réveillé mes velléités d'achat. Yann Damezin nous propose une adaptation personnelle de cet amour impossible et tragique entre Leïli et Qaïs. Qaïs prendra le surnom de Majnoun, qui signifie "le fou". Tout d'abord, le choix narratif est osé puisqu'il se fera exclusivement en alexandrins à travers les voix off des différents personnages. J'avoue avoir eu une certaine appréhension en début de lecture, mais celle-ci s'est vite estompée, j'ai été littéralement absorbé par la puissance des vers et des tournures employées. Du travail d'orfèvre ! Un conte envoûtant que je n'ai pu lâcher avant la dernière page. J'ai particulièrement aimé les deux derniers chapitres : la supplique de Majnoun suivie de la réponse de Leïli et quelle réponse. Cette BD est un hymne à l'amour, à la liberté et aux femmes. La partie graphique est phénoménale. La mise en page est uniforme, toute en horizontalité ou verticalité avec une pleine page de temps en temps. On a droit à de superbes fresques orientales. Je me suis attardé sur chaque planche pour en apprécier les nombreux détails, les couleurs chatoyantes et son inventivité graphique. Que c'est beau ! Une lecture marquante où texte et dessin ne font qu'un. "Pour entendre l'écho, il faut savoir se taire".
Même si par un bref feuilletage, on est subjugué par la beauté du dessin, il faut bien avouer qu’on reste quelque peu circonspect en entamant la lecture de ce poème oriental immémorial, dont certains prétendent qu’il serait tiré d’une histoire vraie vécue par le poète lui-même, Qaïs ibn al-Moullawwah. Rares aujourd’hui sont les œuvres poétiques qui suscitent une folle adhésion, hormis peut-être dans les cercles restreints de fans adoptant la posture baudelairienne de l’artiste maudit un peu snob. A fortiori quand elles sont rédigées dans une tournure désuète, ampoulée – ou absconse, mais on doit constater que cela va souvent de pair. Alors que là, les préjugés sont très vite mis en pièces. Contre toute attente, on se laisse rapidement entraîner dans cette histoire d’amour contrariée (et impossible). Yann Damezin sait parfaitement prendre son lecteur par la main grâce à un graphisme de toute beauté, presque incroyable par sa diversité. Chaque dessin est une histoire à lui tout seul, chaque page est une surprise à déguster, un véritable feu d’artifice de couleurs chatoyantes qui explose dans nos pupilles. L’auteur modernise totalement la miniature persane, en en conservant les préceptes, avec cette façon de concilier les motifs abstraits de l’ornementation et l’onirisme du propos. Résultat, on finit par apprécier pleinement l’élégante poésie tout en alexandrins qui s’accorde parfaitement avec le dessin luxuriant, et là encore, Damezin a eu l’intelligence d’adjoindre en fin d’ouvrage un lexique pour les termes les plus savants. Qui plus est, le talent de l’auteur ne s’est pas limité à la partition graphique. Dans le conte original, l’éperdument amoureux « majnoun » (le fou) s’impose comme le personnage central, tandis que Leïli, qui reste une sorte de faire valoir, objet du désir du poète Qaïs, n’a guère voix au chapitre. Ainsi, Yann Damezin va revisiter à sa façon le dénouement du récit, par un twist final tout à fait inattendu – et très moderne - que je ne saurais trop révéler ici. La supplique de Majnoun depuis l’au-delà sera pour la jeune femme, littéralement séquestrée par son entourage familial et mariée de force à un autre homme, l’occasion d’exprimer son goût irrépressible pour la liberté… et de la trouver… C’est ainsi que l’histoire se conclura par un très beau mystère… « Majnoun et Leïli » fait partie de ces œuvres rares, où l’on sait instinctivement après lecture que l’on tient là quelque chose d’extrêmement précieux, un joyau purement métaphysique au fort pouvoir sensoriel, étincelant de mille beautés. Ce chef d’œuvre n’est rien de moins qu’une ode à la liberté et à la vie, faisant presque passer au second plan l’amour entre Qaïs et Leïli, qui était le noyau du conte original.
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