Frank
Angoulême 2012 : Prix spécial du jury (tome 3) Les aventures burlesques, noires et oniriques de Frank le chat contre l'homme-porc.
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Frank est un chat plutôt tranquille qui vit dans sa petite maison quelque part dans un pays imaginaire qui sent bon l'Utopie avec ses arbres en fleurs, et ses bosquets qui sentent bon. Mais l'homme-porc est un vilain individu qui en veut toujours à Frank : il entre chez lui la nuit pour lui dérober ses affaires, il profite de son absence pour dévaliser son réfrigérateur, et il lui joue des tours pendables. Frank ne va pas rester de marbre face à ces attaques et commence à changer de caractère.
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Date de parution | Juillet 1998 |
Statut histoire | Une histoire par tome 7 tomes parus |
Les avis
Pour un peu, je mettrais bien 5 étoiles... A défaut, je mets un gros coup de cœur... comme Noirdésir précédemment... Frank est un sacré drôle d’animal, qui vit dans une drôle de maison dans un drôle de pays. Il côtoie de drôles de créatures, il lui arrive plein de drôles de trucs, et ça donne de drôles de gags. Pourtant, c’est drôle, car on ne trouve pas ça forcément drôle, mais on peut occasionnellement avoir de drôles de fou-rires. Et si vous trouvez ça drôle, le mieux c’est encore de le lire… Vous n’avez rien compris ? C’est normal, moi non plus. Avant « Frank », je ne me souviens pas avoir eu autant de difficultés pour évaluer une œuvre, quelle qu’elle soit. C’est réellement un drôle d’OVNI qui m’est tombé dans les mains (merci au frérot - Grogro - au passage), et des OVNIS j’en ai lu quelques uns, mais celui-ci surpasse tous les autres ! Le problème, c’est que la plupart du temps, c’est qu’on ne comprend pas grand-chose (ou alors c’est juste moi qui suis hermétique), on ne sait pas au juste si ces histoires courtes sont destinées à faire rire ni à quoi s’attendre tant cela va loin dans le « what the fuck », à un tel point que cela en devient fascinant… Le dessin de Jim Woodring y est sans doute pour beaucoup. Le personnage principal, Frank donc, est une sorte d’animal familier anthropomorphe, assez indéfinissable (un chien, un chat ou une souris, on ne sait pas trop), dans un style cartoonesque oscillant entre Mickey Mouse et Tex Avery au premier abord, donc plutôt avenant, mais avec une touche underground quand on y regarde de plus près. Frank vit en pleine cambrousse, dans une petite maison très étrange, avec des ouvertures mais sans porte ni fenêtres, et un toit en forme de dôme orientalisant. Il n’a pas donc pas de voisins, mais un bestiaire bizarre vit dans les parages. A commencer par cet « homme-porc », qui se déplace à quatre pattes et évoque la caricature d’un banquier de Wall Street, bouffant tout ce qui lui tombe sous le groin. Puis, par ordre d’apparition, une poule conique, une créature pseudo-féline en forme de niche, un clone de Frank à quatre pattes et avec une tête deux fois plus grosse, un démon cornu à face de croissant de lune, filiforme et toujours hilare. Il ne s’agit ici que des créatures récurrentes, mais on verra également apparaître au fil des pages une foultitude d’êtres improbables, hybrides et protéiformes. Quant à la narration… on s’attend à une flopée de gags, mais ce ne sont pas vraiment des gags, ni même des gags absurdes, c’est quelque chose qui se situe bien au-delà de l’absurde… on se surprend à être saisi de fou-rires qu’on ne pourrait même pas expliquer, parce qu’en plus on n’est pas toujours très sûr de ce qu’on a vu… N’espérez donc pas y trouver du sens, j’ai moi-même essayé et j’ai bien vite renoncé… car Woodring est un pur extraterrestre qui prend un malin plaisir à aller là où on ne l’attend pas, son Frank étant à envisager comme une sorte de Mickey nonchalant qui se serait égaré dans le pays des merveilles d’une Alice sous acide… Jim Woodring est une sorte de démiurge qui, à partir de son cerveau génialement malade, invente un nouvel univers aux paramètres très différents du nôtre et nous embarque dans sa folie bonhomme et faussement fun. Woodring déconcerte, Woodring déstabilise, Woodring fracasse les codes avec jubilation, en mixant l’apparente bienveillance de son chien-chat un peu bébête et la goguenardise de son démon au rictus figé. A l’image de son homme-porc déboulant dans un jeu de quilles, il bouscule nos repères les plus rassurants, traverse les miroirs, dérange le monde ordonné tel que nous le connaissons. A cette vieille question : « qui sommes-nous, où allons-nous », lui se contente de répondre : « Nulle part ». Traduction : notre monde physique n’a aucun sens, il n’est construit que sur une illusion qui nous rassure et sert de cache-misère à notre insignifiance. Au final, on n’en revient pas d’avoir dévoré avec un tel ravissement cet objet sans objet, à l’étrange pouvoir captivant, faisant ressurgir des flashs visuels de l’enfance, telles ces images qui nous intriguaient quand on était môme d’autant qu’on ne les comprenait pas très bien. « Frank » mérite véritablement d’être redécouvert avant d’être englouti à jamais sous les sables. C’est un monument de pataphysique poétique, une expérience unique, totalement lysergique. Tome 2 : Rien de plus à ajouter sur ce tome par rapport au précédent. La seule différence porte sur l’introduction de la couleur sur une bonne partie des histoires, qui laisse dubitatif au début parce qu’on pouvait estimer que le noir et blanc se suffisait à lui-même. Mais une fois encore, Woodring joue avec les codes des « kids comics » pour mieux les saper. Ces couleurs gaies et pétillantes, qui correspondent à un univers enfantin très sucré, accentuent encore le décalage. Elles ne sont là que pour berner leur monde, le nôtre, qui étouffe parfois sous l’amoncellement de conventions et de conformisme. Laissez-vous porter par Frank, lâchez prise avec ce drôle d’énergumène, et surtout ne soyez pas trop surpris si vos gosses se l’accaparent…
A l’évidence, Jim Woodring est un auteur à part, singulier, intrigant. A ma connaissance, « Frank » est son unique création personnelle, la seule œuvre dans laquelle son imagination débridée a pu s’épanouir sans souffrir un quelconque frein. Car Woodring déborde d’imagination ! Avant la BD, il a quelque peu tâté de l’animation. Et cela se sent un peu, car son personnage, sorte de chat maigrichon, possède un look très cartoonesque, que l’on pourrait croire tout droit sorti d’un vieux Disney. Son aspect le rapproche de certaines créatures frénétiques et déjantées de Mattioli dans Awop Bop Aloobop Alop Bam Boom ou Squeak the mouse. Mais là s’arrête la comparaison, car Woodring ne donne pas dans la caricature, le trash, fut-il plus ou moins soft comme certaines œuvres de Winshluss. Non, Woodring développe dans ces albums un univers très poétique, qui fait la part belle au rêve (et l’absence de dialogues, de texte, laisse d’autant plus l’imagination au pouvoir !), aux images surprenantes, dans une approche qui doit beaucoup au surréalisme (a-t-il eu connaissance des revues surréalistes américaines autour de Franklin Rosemont – qui faisaient souvent la part belle aux cartoons ?). En effet, les histoires – sans queue ni tête, mais pas sans force ! –, se déroulent dans un lieu non identifié, sans ancrage chronologique (quelques objets contemporains apparaissant parfois brusquement [voiture, pistolet] au milieu d’autres, moyenâgeux ou « achroniques »). Objets et personnages ont d’ailleurs souvent des airs de créatures ou de créations échappées d’un esprit fiévreux, lâchant la bride à son imagination, tentant l’écriture automatique « pour voir » (comme cette sorte de « boîte aux lettres domestique » – ou meuble étrange ? – accompagnant Frank dans ses pérégrinations par exemple). Au milieu de cet univers foutraque, loufoque, quelques personnages récurrents donnent quelques racines à la série. En effet, Frank côtoie régulièrement une sorte de diablotin filiforme, et surtout un « homme-porc », qui se révèle au fil des tomes, moins noir, méchant et loser que l’on pouvait l’imaginer après ses premières apparitions. Six albums ont permis à Woodring de développer son univers, ses histoires hasardeuses, deux histoires regroupées dans un petit album de la collection Côtelette faisant des infidélités à la collection Ciboulette accueillant les 5 autres albums, parfait écrin pour ce petit bijou d’inventivité. Mon seul bémol concerne l’arrivée aux côtés de Frank d’une dulcinée (moins joufflue que lui, mais avec de grandes oreilles) à partir de la fin de l’avant dernier album (« Frank et le congrès des bêtes ») et durant tout le dernier (« Fran »). Je ne sais pas si c’est l’arrivée de cette « Frankette » (concomitante à la disparition de l’homme-porc) qui en est responsable, mais j’ai trouvé que ce dernier album, qui voit Frank presque « rangé », était en deçà des précédents, moins lyrique et débridé (même si la poésie y avait tout de même posé ses valises). Bref, ne boudons pas notre plaisir, cette série est vraiment à découvrir (je m’étonne qu’elle ait si peu de lecteur – tout du moins d’avis). Elle plaira à tous les lecteurs curieux, les amateurs de récits poétiques, à ceux qui acceptent de se laisser porter par une narration cumulant les « images », sans s’accrocher à une raison souvent castratrice. C’est en tout cas un gros coup de cœur en ce qui me concerne, et je vous encourage à jeter plus qu’un coup d’œil à cet univers très personnel et original.
Avis ne portant que sur l'album "Frank's Real Pa. Encore un OVNI présenté par l'Association. "Frank's Real Pa" surprend d'emblée par son graphisme si personnel et envoutant. Tout en noir & blanc, sans nuances, à partir de traits et d'aplats, il nous expédie sur les traces de personnages pour le moins surprenants. On se laisse happer rapidement par ces 2 courtes histoires sans texte mais pourvues d'une imagination débridée et débordante ! Ne cherchez pas spécialement de logique à tout cela, seul le voyage compte. Un petit précis de voyage cosmique sans avoir à taper dans votre réserve de LSD... Avis aux curieux et aux amateurs de BD déroutantes mais aux grandes qualités graphiques.
Avis ne portant que sur l'album Frank's Real Pa. Cette petite BD regroupe 2 histoires distinctes mais avec les mêmes personnages. Elle se lit vite car il s'agit d'une BD muette. L'univers créé par l'auteur interpelle par sa créativité et son atmosphère. Le dessin N&B est personnel et possède un charme important. On se croirait dans un rêve psychédélique. Les scénarii sont relativement basiques, ce qui retient l'attention c'est l'ambiance et la poésie de l'oeuvre. Une bonne surprise et un moment de lecture apaisant.
Peut-être que le Frank de Woodring révolutionne le cartoon en BD, mais il n'a pas cartonné en BD. J'avoue que j'ai été très vite lassé de le lire. Situations grotesques qui ne se justifient pas, histoires sans début ni fin, personnages incompréhensibles, le lecteur béotien, comme votre serviteur, a vraiment du mal à s'accrocher. Mais pourquoi 2/5, alors, si je n'ai rien compris, parce que, malgré tout, Woodring a un très bon coup de pinceau, et que son bestiaire vaut quand même le coup d'oeil.
C'est une BD originale que voilà, traduite en français bien que quasiment muette de A à Z. Se présentant sous la forme de strips de longueur variable, en noir et blanc, avec deux personnages centraux : Frank et l'homme-porc, ce recueil est à lire au calme. En effet les situations et les effets de gags sont souvent très fins et demandent à être lentement découverts, alors que le premier réflexe est d'aller assez vite (pas de phylactères, pas de narration, et un dessin qui n'a pas grand chose à voir avec la chapelle Sixtine). Mais ce serait une grave erreur ! Car ce dessin typiquement orienté cartoon est vraiment dynamique et le découpage de Woodring est dans l'ensemble très très bien fichu. Et surtout, il y a une réelle histoire qui va bien au delà des simples enchaînements de gags ou de comique de situation. Attention, il ne s'agit pas vraiment d'une BD d'humour, mais plutôt d'une satire comique et noire des déviances humaines transposées à l'animal. Eh oui, Woodring pourrait très bien être un descendant d'Esope et "Frank" serait ses fables à lui. La relation Frank (le chat) / l'homme-porc est vraiment le gros point fort du récit (les strips se suivant, et la structure étant telle qu'on peut considérer qu'il s'agit d'une histoire). En effet au début c'est facile : il y a Frank, le gentil héros, blanc comme neige. De l'autre côté il y a l'homme-porc, qui comme son patronyme l'indique n'est pas vraiment quelqu'un de sympathique. Mais leur animosité réciproque va évoluer et le comportement de Frank va s'avérer bien plus complexe qu'il n'était apparu de prime abord. Quant à celui de l'homme-porc, il est également bien loin du tout méchant auquel on pensait avoir affaire au début du récit et on va découvrir une personnalité bien plus riche qu'on avait pu le penser. A côté de cela, le monde de Frank est vraiment hors norme, très spécifique, avec des créatures toutes plus curieuses les unes que les autres, et le monde réel n'est jamais bien éloigné de celui des rêves du héros. Voilà un album riche, qui mérite vraiment qu'on s'y attarde, car même si Woodring nous propose un monde bâti sur des paradoxes et une ambiance faussement bucolique, et même s'il n'apporte pas vraiment de réponse, il révolutionne le monde du cartoon BD.
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