Frontier
Angoulême 2024 - Prix Éco-Fauve Prix Landerneau de la BD 2023 Quand la Terre suffoque de par l’exploitation de ses dernières ressources, l’humanité se tourne vers un nouveau territoire, l’espace, au-delà de la planète du système solaire : « La Frontière ».
Angoulême 2024 : les gagnants ! Angoulême : récapitulatif des séries primées Anticipation Conquête de l'espace Label 619 Les prix lecteurs BDTheque 2023 One-shots, le best-of Prix Landerneau Science-Fiction, le best-of
Dans cette nouvelle ruée vers l’or, trois destinées s’entremêlent : Ji-soo, scientifique passionnée par l’inconnu ; Camina, mercenaire fougueuse et enjouée ; et Alex, un mineur qui n’a jamais connu la Terre. Ce récit d’aventure narre le parcours tumultueux de ce trio, mais aussi de leur quotidien, celui de vivre dans un nouveau monde. Il pose la question d’une nouvelle humanité complètement déconnectée de son berceau, la Terre, pour se tourner uniquement vers les étoiles.
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Date de parution | 12 Avril 2023 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
3.5 Un bon one-shot quoique je ne le trouve pas parfait. J'ai eu de la difficulté avec le dessin. Je ne suis pas du tout fan des personnages adultes qui ont tous des corps d'enfants, mais j'ai fini par m'y faire. Quant au scénario, c'est globalement bien fait tout en étant peut-être un peu trop dense et avec des longueurs. En fait, j'ai commencé à vraiment accroché lorsque le singe débarque dans le récit. Il faut dire qu'avant on est surtout dans de l'exposition où l'auteur prend bien soin d'introduire son univers et les personnages. En tout cas, dès que l'action débarque enfin le scénario devient captivant et on suit des personnages attachants dans une aventure peut-être un peu trop longue, mais bien faite.
J'avais envie de le lire parce que Guillaume Singelin est un gros créateur du Label 619, avec Meyef, Maudoux, Run ou Bablet. Et que je leur reconnais un renouveau de la BD de genre, marquée par un imaginaire américain mixé aux mangas et saupoudré de références pop. Un univers foisonnant, riche et inventif qui a largement été plébiscité ces dernières années. De Singelin, je n'ai lu que P.T.S.D. mais ce fut avec grand plaisir. L'auteur manie les personnage chibi (mignon) avec des proportions étranges mais qui évoluent dans un environnement détaillé (les graphismes des vaisseaux sont très précis) et des thématiques lourdes et graves. Mais sans jamais verser non plus dans le roman noir, ça reste du divertissement plus branché action, avec l'intelligence d'un bon scénario. Une recette qui fait très label 619 pour moi, et que j'apprécie clairement ! La BD est dense, vraiment riche en diverses choses mais en même temps très lisible. Ça s'enchaine facilement, avec une première partie d'exposition des personnages et des environnements, qui place les enjeux qui vont suivre et ensuite. L'histoire embraye ensuite sur un road-trip des personnages jusqu'à ce qu'ils se retrouvent tous ensemble et finalement poursuivent leur arcs narratifs vers un final assez peu conventionnel. J'ai été surpris par cette longue séquence de scénario. Très vite des idées simples mais efficace viennent parsemer l'histoire, donnant à croire qu'on prendra une direction ou une autre, mais Singelin reste dans un équilibre maitrisé entre l'action pure, la critique bien sentie et la SF contemplative. Il y a de quoi relire, largement même, avec la densité de l'histoire. Et je ne parle pas des sujets évoqués (écologie, pollution terrestre et spatiale, extraction des ressources, recyclage, multinationales, droits des travailleurs ...) qui sont autant de petites réflexions qui collent au récit. Le dessin, comme mentionné plus haut, à une précision dans les détails des vaisseaux. Je n'ai aucun doute sur la quantité de travail qu'il a fourni pour rendre l'ensemble crédible ! D'ailleurs son style de dessin (et l'histoire avec) m'évoque du cyber-punk dans l'espace. Les personnages chibi sont étranges au début, mais on se fait vite à leurs caractéristiques. D'autant que l'auteur a toujours un moyen simple pour qu'on s'y retrouve entre les différents protagonistes. Si je dois garder un défaut de l'histoire, je dirais qu'il y a une certaine linéarité dans le récit. Les personnages vont d'un point à un autre dans une course qui ne revient jamais vraiment en arrière. Alors je trouve que ça reste dans le propos (la question de créer un nouvel avenir différent) mais il aurait pu être intéressant d'avoir un retour vers ce qu'il se passe là où ils ont été. Il n'y a qu'un seul moment dans la BD où l'impact de leur passage est révélé, et il est d'ailleurs très intéressant. C'est du pinaillage et je n'en tiens pas rigueur à la BD, qui reste franchement très agréable. Je pense que ça va être le genre que je relirais pour retrouver la richesse de ce qui est développé, et aussi me laisser porter par une histoire qui fait un peu rêver. C'est chouette, parfois, de voyager dans les étoiles !
C'est un peu vrai ce que beaucoup de gens disent : ces personnages tout rondouillards aux allures de manga pour jeune public constituent quand même un sacré obstacle, ce qui, soit dit en passant, ne m'a pas empêché de faire l'acquisition de l'ouvrage. Parce que ça a malgré tout l'air bien cette grosse BD de SF bien cossue, avec cette foule de détails, son univers riche... Hé bé oui ! Ca fonctionne à fond. Je n'ai eu à souffrir d'aucun problème pour identifier les personnages (les uniformes et autres sigles de compagnies minières ou de mercenaires sont utilisés avec pertinence), si ce n'est Camina lorsqu'elle réapparait un peu plus loin dans l'histoire avec son bras mutilée (bah elle portait un casque dans la première scène aussi !) : il m'a fallu, et ce fut l'unique fois, revenir en arrière pour savoir à qui j'avais à faire. A part ça, c'est fluide, intelligemment mené, soutenu par des dialogues de qualité. Le dessin est top. On sent qu'il y a des heures de boulot derrière. Chaque case est une composition en soi. Tout est chiadé et rendu dans les moindres détails. Si j'aime le dépouillement, le minimalisme d'un Aurel ou Duchazeau par exemple, j'aime aussi ce genre de BD grouillante de vie et complètement immersive. Côté scénar, là encore c'est une réussite. Malgré le nombre non négligeable de lieux différents, Singelin parvient à garder l'unité narrative intacte. Au contraire, l'ensemble donne le sentiment de suivre une véritable épopée (impression donnée d'emblée par l'épaisseur de la BD), et de colonisation de l'Univers. On traverse bien des mondes et des ambiances différentes. On y est ! Le contexte est en outre parfaitement rendu, incluant comme il se doit d'un bon récit de SF des problématiques très actuelles auxquelles se greffent des réflexions sur l'avenir. A titre d'exemple, on pourra retenir celle qui concerne les premiers humains nés dans l'espace, donc complètement coupés du giron terrestre, ou bien celle reprise du manga Planètes qui s'intéresse à la future profession d'éboueur de l'espace. Tout cela donne le sentiment d'un truc dense, pensé et bien installé qui sait tenir le lecteur en haleine. Malgré les réticences liées à la représentation des personnages, devant lequel il serait vraiment dommage de tourner les talons, Frontier vient garnir le haut du panier de la BD de science-fiction. Amateurs et trices de SF, foncez ! Vous allez tomber sous le charme de cet univers dense, de cette intrigue bien menée et de ces personnages plus complexes que leur physique bidibulesque ne le laisse penser. On pourra d'ailleurs mettre sa tête à couper sans l'ombre d'une hésitation.
J'ai été très séduit par cette œuvre de SF (c'est rare). En effet j'ai trouvé la série de Guillaume Singelin originale, avec des thématiques fortes traitées avec justesse et un graphisme plaisant et dynamique. Le scénario réussit à nous faire vivre dans des stations orbitales et sur des planètes colonisées avec le même bonheur. Cela produit deux ambiances qui s'équilibrent parfaitement : le confinement des stations et les grands espaces d'une vie planétaire. J'ai été très impressionné par les détails très crédibles qui affectent le personnage d'Alex (perte de la masse osseuse et musculaire, troubles importants dans une atmosphère gravitationnelle.) On a l'impression de suivre le check up de Thomas Pesquet après son retour sur terre. Le scénario commence de façon classique et un peu manichéenne avec des vilaines sociétés capitaliste avides de profit et quasi esclavagistes. Mais Singelin ne reste pas dans cette superficialité facile en montrant les responsabilités individuelles de ses héroïnes Park et Camina. Cela conduit à des dialogues intelligents et un certain pragmatisme malgré une attirance pour l'utopie presque "peace and love". C'est finement construit avec des scènes de rappel à la réalité quand l'ambiance se bisounours un peu trop. Il n'y a aucun temp mort, les situations même prévisibles se renouvellent pour donne beaucoup de rythme au récit. La narration scénaristique est très bien soutenue par le graphisme. J'ai admiré la précision et la multiplicité des détails dans les stations, les planètes. L'idée des serres apporte un excellent contrepoint à l'univers métallique, confiné et surpeuplé des stations orbitales. La silhouette des personnages avec leurs petits pieds leur donne un look de danseuses/eurs de balais ce qui crée un fort dynamisme dans leurs gestuelles. Ce parti pris d'individu très semblables avec une forte connotation asiatique rend crédible un fort métissage et brassage d'une future humanité. C'est un point que je souligne souvent dans les SF qui savent sortir du schéma occidental pour les personnages principaux. Un excellent moment de lecture qui m'invite à découvrir les autres œuvres de l'auteur.
Je rejoins les très bons avis précédents sur cette BD, la première de Singelin que je lis, et qui constitue pour moi un mini coup de cœur. Je l'ai achetée suite à l'avalanche de critiques dithyrambiques que j'ai lues à son sujet et je ne le regrette aucunement ! Il est difficile de décrire la poésie qui se dégage de cette œuvre dont les thèmes sont assez variés (écologie, consumérisme, sens de la vie, amitié, etc.) mais je l'ai refermée en sentant que quelque chose s'était passé. C'est ce qui pour moi différencie une très bonne BD d'une BD sympa qui nous fait simplement passer un bon moment. Je ne reviendrai pas sur l'histoire qui a déjà été largement décrite précédemment mais sur les plus gros points forts de cette BD : - Un très bel ouvrage dans son ensemble avec ce côté métallique et fluo collant bien à l'univers de la SF ; - Un dessin magnifique qui fourmille de détails et aux très belles couleurs pastels. La rondeur et le côté enfantin des personnages tranchent d'ailleurs beaucoup avec certaines séquences assez dures de l'histoire (passage à tabac d'Alex par exemple) ; - Une histoire très poétique, sans que l'on sache forcément où elle va nous mener, même si comme le souligne Ro, on pourra critiquer par moment la bien-pensance et le côté un peu "fleur-bleue" des réactions de nos 3 héros, pourtant issus de milieux et de conditions sociales très différentes. Une BD ressourçante et inspirante devant faire partie de toute bonne bdthèque selon moi. Originalité - Histoire : 8/10 Dessin - Mise en couleurs : 9/10 NOTE GLOBALE : 17/20
Voici une BD qui intrigue et à laquelle on repense en journée entre deux lectures nocturnes. Elle imprègne la mémoire, aussi parce qu'elle déçoit un peu. "Frontier", c'est d'abord un style graphique très particulier, indiscutablement orienté manga voire kawaï, avec ces rondeurs généralisées et têtes surdimensionnées. Des illustrations par ailleurs surchargées de détails, avec en effet un côté "Où est Charlie ?", invitant à laisser son regard papillonner dans l'image, à s'égarer pour mieux rêver ce futur interstellaire. Je goûte modérément ce style graphique, qui vient en plus contredire la noirceur du propos. La contradiction déstabilise, n'apporte clairement rien au récit, mais est sans doute à l'origine de cette imprégnation de la mémoire. Côté scénario, on emprunte une voie SF façon space opera, qui cherche peut-être trop à conclure un récit fort volumineux. La bonne idée est de nous faire découvrir cette histoire via le prisme d'une poignée de personnages, de ne pas recourir à un narrateur ; les enjeux et passions en ressortent joliment exacerbés, en plus de gagner en clarté, en lisibilité. Une histoire de conquête spatiale, de recherche scientifique se heurtant à une mercantile surexploitation commerciale des ressources, de fuite puis d'exil vers une micro-société marginale plutôt libertaire. Un joli propos, dénué de naïveté, volontiers noir aux entournures, où l'on évoque les conditions de travail, le sens de celui-ci, l'éthique de la société, la résignation des hommes face au quotidien éventuellement décevant, les dérives fascistes, etc. Une BD importante, réussie à bien des égards, avec un style graphique étonnant pouvant fasciner ou déplaire.
Haaaa ! J’ai adoré !! Franchement ! Ne lisez pas mon avis, mes prédécesseurs ont fait beaucoup mieux que moi, et à part leur voler des idées, je ne ferai pas aussi bien ! Alors je vais faire bref, c’est beau, mais vraiment beau, et original, on retrouve rarement ça en franco-belge. L’expression Kawaï utilisé par Tomdelapampa est à mes yeux parfaitement adaptée. Je suis tombé par hasard en librairie dessus (la tranche jaune vive m’y a aidé), le label 619 m’a donné confiance, et les avis lus en diagonale sur ce site m’ont convaincu de ressortir avec et de la lire dans la foulée. Et bien merci BDtheque et aux 4 posteurs précédents, et je vous rejoindrai sur la note de quatre étoiles. Le scénario est prenant, claire, riche, dense. On peut y faire de nombreuses comparaisons à notre monde. Il est à la fois dur et très poétique, émouvant. Le dessin est très détaillé, offre des vaisseaux très riches et pleins de subtilités dans les dessins, je me suis surpris à observer des planches, des cases avec la même attention que lorsque enfant, je cherchais le petit bonhomme en rouge et blanc dans les "Où est Charlie", à espérer trouver des objets ou autre « surprises », placés là pour amuser le lecteur. Et nous avons droit aussi à de magnifiques paysages et des personnages très expressifs. Un très très bon album de SF comme il en sort que très rarement. Je conseille vivement !!!
Plus qu’un simple « space opera », ce consistant one-shot s’apparente à une expérience immersive pour le moins singulière. Une sorte de nouvelle « frontière » dans la SF. Nous avons là une œuvre au long cours, comme expliqué dans l’annexe en fin d’ouvrage où l’on découvre que les premiers croquis d’études sur l’univers et les personnages remontent à 2013 ! Guillaume Singelin n’est pas un nouveau venu dans la bande dessinée : il est l’auteur notamment de P.T.S.D., co-auteur avec Aurélien Ducoudray de The Grocery, et « membre permanent » du novateur Label 619 au sein de Rue de Sèvres, lequel a publié l’album en question. « Frontier » est un miroir à plusieurs faces. D’abord un miroir physique de notre système solaire, où hormis la Terre, les planètes portent un autre nom : Junon pour Mars, Vesta pour Jupiter, Minerve pour Vénus… mais aussi un miroir temporel, une projection futuriste de notre monde actuel avec son système économique mortifère où la conscience écologique semble avoir reculé au profit de la cupidité, celle des grandes compagnies énergétiques que l’on ne connaît que trop bien sur notre plancher des vaches (à lait) en ce début de millénaire. Ce que Singelin nous montre de la colonisation de l’Espace n’est guère reluisant. Et même si elles conservent des endroits encore inviolés par la main de l’Homme, les planètes sont souillées à cause de l’exploitation minière et leurs orbites grouillent de débris et d’épaves, qui constituent en outre un danger pour les engins spatiaux de toutes sortes. Rien à voir donc avec un univers à la Star Trek un peu lisse, plus éloigné dans le temps et axé sur des problématiques plus métaphysiques. Ici on est dans un concret directement corrélé aux enjeux de notre monde actuel : l’écologie bien sûr mais aussi des thèmes sociaux telles que les conditions de travail et salariales, négligées par les multinationales spatiales aux bénéfices colossaux, bref, rien de bien nouveau sous la galaxie. On ne rentre pas si facilement dans « Frontier », et c’était le cas en ce qui me concerne. L’univers graphique est parfaitement maîtrisé, impressionnant voire admirable, extrêmement riche en détails. Mais Singelin ne cherche pas non plus à en mettre plein la vue, dans le sens où le visuel, dépourvu de couleurs flashy, ne domine pas le propos. D’ailleurs, les premières pages nous évitent les représentations classiques et un peu clichées où flotteraient des vaisseaux spatiaux sur fond de galaxies grandioses. A l’inverse, l’histoire débute sur Terre, dans un centre de recherche islandais (quand bien même on est ici dans un monde parallèle) puis aux abords d’une mine de lithium, ce qui ne constitue guère une invitation au rêve. Dans le hangar jouxtant le centre de recherche, une foule de techniciens s’activent autour d’une sonde spatiale dernière génération. Et c’est peut-être aussi ce qui pourrait rebuter certains, cette abondance de petits personnages « hobbitiens » au visage sommaire qui remplissent les cases, faisant que l’on peut avoir du mal à identifier les protagonistes principaux. C’est le cas avec Ji-Soo comme avec Camina. De même, la transition entre certaines scènes est parfois suggérée, ce qui peut être source de confusion. Et pourtant… Une fois passé l’obstacle d’une lisibilité peu probante au début, on finit par s’habituer au parti pris graphique un rien « claustrophobique » (et néanmoins très plaisant), vraisemblablement dû à la fascination exercée par l’objet duquel émane une certaine puissance narrative. La participation active du lecteur est donc requise, feignasses s’abstenir ! Si l’on a conscience de tout cela et qu’on laisse se faire la décantation, on constatera avec bonheur que le récit trouve peu à peu sa vitesse de croisière pour au final achever de nous conquérir. « Frontier », c’est aussi, en dehors du propos politico-social bien senti, une véritable aventure ainsi qu’une belle histoire d’amitié entre trois êtres attachants que tout sépare a priori (Ji-Soon la scientifique intello, Camina la mercenaire « badass », et Alex, l’ouvrier un peu falot) mais des êtres qui arrivent à un moment de leur vie où ils décident de « renverser la table » et remettre en question leurs choix de vie, hors d’un système aliénant auquel ils avaient fini par (trop bien) s’habituer. Ensemble, ils vont reprendre leur liberté, en tentant d’échapper aux armées privées mandatées par les compagnies minières. Si l’on peut regretter un peu la quasi-absence de contextualisation géopolitique, notamment sur Terre — l’auteur se contentant de décrire les acteurs économiques de l’exploitation spatiale que sont les organismes et les compagnies privées —, cet album s’impose comme une lecture essentielle et inspirante, renouvelant avec pertinence le genre SF dans le neuvième art. Une des BD qui incontestablement marquera l’année 2023 de son empreinte.
Frontier se présente à mes yeux exactement comme un Cyberpunk transposé dans le cadre de la conquête spatiale. Cela se caractérise par tout ce contexte d'humains ouvriers ballotés par des méga-corporations déshumanisées, rendus esclaves par des dettes sans fin et vivant dans des lieux oppressants totalement dominés par la société qui les possède. Je note d'ailleurs un probable clin d'œil à Cyberpunk avec le nom de la corpo Militech qui traine dans un décor. A cela s'ajoute donc ce cadre spatial avec une plutôt judicieuse vision de l'évolution de la conquête du système solaire et surtout de son exploitation. Ce qui fait la force de cette BD, c'est justement son décor et en particulier la manière dont il est dessiné. Le graphisme de Singelin est formidable. J'adore le soin qu'il apporte à la foule de détails de chacun de ses plans, ce mélange de futurisme et d'humanité, ces stations spatiales surencombrées, ces planètes en cours de terraformation, et l'espace en général. Malgré la simplicité de leurs visages, les personnages ne sont pas en reste, pleins de personnalité, de vie et de dynamisme. Idem pour les couleurs, elles sont aussi excellentes et contribuent à l'âme visuelle de cet album. L'histoire pour sa part m'a légèrement moins convaincu. J'adore son cadre et je trouve les protagonistes plutôt bons, mais je trouve que l'intrigue se traine un peu en longueurs et ne sait pas vraiment où elle va. Il y a plusieurs beaux moments, à nouveaux de formidables paysages et découvertes, mais il me manque une accroche, un sentiment d'une histoire qui prend vraiment corps. Le récit présente en outre quelques éléments naïfs et bienpensants quand il s'agit de présenter la communauté des gentils hommes libres face aux méga-corpos, comme s'il suffisait d'être un tas de chouettes copains motivés et de planter des arbres pour maintenir en vie une station spatiale et des centaines d'occupants sans aucune autre source de revenus ou d'aide extérieure. Cela contraste avec le réalisme cru des premiers chapitres et ça a brisé ma suspension d'incrédulité. Et c'est peut-être à cause de ça que je n'ai pas ressenti de grande émotion en lisant les dernières pages alors que c'est visiblement le but recherché. Toutefois, je trouve quand même que c'est une très belle BD, graphiquement et dans l'idée, et j'aimerais en voir davantage des comme ça.
Bon on va pas tourner autour du pot, le label 619 a encore frappé !! J’adore cette collection, elle nous propose toujours des albums soignés et c’est mené par une chouette génération d’auteurs fidèles. Il y en a du talent et ils ne cessent de s’améliorer au fil du temps. Leur catalogue est rempli de pépites, Frontier ne déroge pas à la règle. A mes yeux, une aussi belle surprise que Hoka Hey ! de Neyef, j’adore ces albums que l’on n’attend pas et qui te font Waouh. Comme son comparse avant lui, Guillaume Singelin franchit un cap en tant qu’auteur complet. J’aime ses précédentes œuvres mais là c’est la belle claque, ce sentiment est renforcé par la taille et la beauté de l’écrin. J’ai adoré son style graphique et le parti pris du côté kawaii des personnages ne m’a absolument pas dérangé, chaque case est un délice de détails, et que dire des couleurs et des décors magnifiques, un plaisir pour les yeux. Le tout est dans une narration impeccable pour une histoire fluide et prenante, c’est rempli de persos charismatiques et attachants (notre trio et leur petit compagnon en tête). Les thématiques développées sont passionnantes, divertissantes et intelligentes pour un récit dur mais plein d’optimisme, il y a un côté feel good bien agréable. Un voyage spatial au top, je ne peux que conseiller sa découverte, un album fort attachant.
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